Notes de l'auteur :

Je remercie chaleureusement tous ceux qui ont reviewé l'épilogue de Antje. Les réponses aux reviews seront publiées ce week-end, ou en début de semaine prochaine. J'étais d'autant plus contente que les author alerts ne fonctionnaient pas. Merci beaucoup à tous.

Bref. Voici donc la suite de ma fic. J'espère qu'elle vous plaira. Je signale cependant que c'est un texte qu'on peut qualifier de dur. Les personnages ayant avalé pas mal de couleuvres, ils sont relativement aigris, aussi certains aspects et propos un peu cyniques pourront déstabiliser les âmes sensibles. J'en suis désolée, mais c'est pour moi un mal nécessaire.

C'est plus par conscience professionnelle et pour la forme que je signale que l'univers de Harry Potter n'est en aucun cas ma propriété, tout cela appartient à J.K. Rowlings. Seule l'histoire et le personnage d'Antje sont à moi, et je ne compte pas tirer le moindre sou de mes écrits.

J'ajouterai que le titre de cette fic, Black Blues, m'a été inspiré par celui du roman de James Ellroy, White Jazz.

Je dédie cette fic à mes amies. Mes anges.

Bonne lecture à tous.


Black Blues : nouvelle fic de Caliméra, le 9 mars 2005

Prologue :

Sirius Black et Antje Rosalie Ziegler se sont aimés à quinze ans, cet âge que certains considèrent comme le printemps de la vie. Pourtant, tout les séparait. Lui, le beau gosse brun, populaire, chéri de ces demoiselles et issu d'une famille au sang pur. Elle, rouquine dodue et ordinaire, méprisée de tous car trop fragile, et née de parents moldus. Ils se sont aimés malgré leurs différences, les obstacles et autres poncifs dont ils ont été victimes. Ils auraient pu être très heureux tous les deux, comme dans les contes de fées "ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants.

Mais voilà. L'Histoire et J.K. Rowlings en ont décidé autrement. La nuit du 31 octobre au 1er novembre 1981, Sirius Black fut condamné à perpétuité au pénitencier d'Azkaban, pour meurtre et trahison. Il en sortira au bout de douze ans, après une évasion qui laissera le Ministère de la Magie bien ennuyé.

Entre temps, Antje Rosalie Ziegler s'était évanouie dans la nature.

C'est une photographie trouvée par hasard dans un journal qui rappellera à Sirius son amour perdu.

Ceci est l'histoire d'une reconquête. Ceci est l'histoire de retrouvailles. Avec l'issue tragique que l'on sait. À moins que…

Sirius et Antje. 1975, 1995. Ceci est leur histoire, vingt ans après. J'espère de tout cœur que vous l'apprécierez.


Chapitre 1 : la fille dans le journal

La femme reste toujours jeune, et c'est aux photographies qu'elle le doit. (James Ellroy, White Jazz)

La première fois que je l'ai revue, c'était en photo. Ça faisait une semaine environs que je vivais caché chez Remus, après le retour de Voldemort, et j'épluchais de vieux numéros de La Gazette du Sorcier pour tuer le temps. Remus avait tout gardé, tout archivé depuis presque quinze ans. Ça représentait une sacrée collection. Et c'est dans une édition de la fin 1982, dans la rubrique nommée Le Hibou de Nuit, que j'ai trouvé la photo. Tout d'abord, je ne l'ai pas reconnue. Elle était maigre à faire peur. La jeune femme toute en rondeurs que j'avais connue et aimée ressemblait à une rescapée d'un de ces épouvantables camps de travail moldus des années 40. Une de ses mains était placée devant son visage, le soustrayant ainsi à l'objectif du photographe. À travers les doigts écartés cependant, je reconnus les yeux marron, traqués. L'image illustrait un article ainsi nommé : Un an après la chute de Vous-Savez-Qui, les compagnes des criminels refusent de parler. Cet article imbécile était voyeuriste et inutile à souhait. Ecrit par Rita Skeeter, comme de juste. En gros, ça disait qu'une série d'interviews avait été tentée auprès des épouses et des fiancées de Mangemorts décédés ou incarcérés à la suite de la guerre. Aucune d'entre elles n'avait accepté de jouer le jeu. S'en suivait une analyse débile genre psychologie de fond de tiroir sur la douleur de ces femmes, leur complexe de culpabilité quant à la voie choisie par leurs hommes, etc. Quelques phrases de refus avaient été reprises dans l'article. L'une d'entre elles me sauta aux yeux :

Mlle. Antje Rosalie Ziegler (photo), internée à Sainte-Mangouste depuis l'incarcération de son fiancé, le criminel Sirius Black, s'est abstenue elle aussi de tout commentaire : "Je n'ai absolument rien à dire. Mon péché n'appartient qu'à moi".

Je reposai l'article, le cœur serré. Mon péché n'appartient qu'à moi. Le péché de m'avoir aimé ? De m'avoir fait confiance ? Me croyait-elle donc coupable, comme tout le monde ? Je ne devais pas me faire d'illusion. Elle aussi devait penser, comme tous les autres, que j'étais un monstre.

Antje. Je ne l'avais jamais vraiment oubliée. Lorsque je croupissais dans ma cellule à Azkaban, des images d'elle, associées à de mauvais souvenirs, venaient régulièrement me hanter. La gifle qu'elle m'avait assénée lorsque je lui avais avoué avoir lu son journal intime. Le chantage auquel elle m'avait soumis lorsque j'étais en septième année à Poudlard, et que je me destinais à une carrière d'Auror. Elle avait voulu que je choisisse : la chasse aux mages noirs ou elle. Des images de ses larmes, de ses chagrins qui tant de fois m'avaient serré le cœur. Je ne me rappelais d'elle que comme telle. Anna souriante, Anna amoureuse, Anna offerte dans mes bras, tous ces souvenirs vivaient cachés dans les tréfonds de mon âme, et je n'avais jamais cherché à les en déloger. À quoi bon…

Je regardai à nouveau la photo. Je ne voyais pas grand-chose d'elle, juste son visage amaigri à travers ses doigts écartés, et un corps décharné noyé dans une ample chemise de l'hôpital. Les salauds, ne pus-je m'empêcher de penser. Ils étaient allés la traquer jusque là. Et d'abord, qu'est-ce qu'elle y faisait, à Sainte-Mangouste ? Pourquoi avait-elle été hospitalisée, pour y rester plus d'un an ? Quand je l'avais vue pour la dernière fois, quelques heures seulement avant d'être jeté en prison, elle était… elle était telle que je l'avais connue, douce et toute en rondeurs. Je l'avais quittée, pris d'un mauvais pressentiment, pour m'enquérir de la sécurité de James et Lily. Je ne savais pas encore que j'allais les trouver morts tous les deux, avec Harry qui pleurait. Antje m'avait regardé d'un air inquiet avant de dire : "fais attention, Sirius". Je lui avais souri. Je l'avais embrassée avant de répondre : "Ne t'en fais pas, ma douce, je serai vite rentré". Dieu que je m'étais trompé…

Et tout ça, c'était il y a quatorze ans… Je passai mes doigts sur la photo, sur le visage maigre de celle que j'avais aimée aussi fort que ma propre vie, et je lui demandai pardon. Puis je rangeai l'article. C'était inutile de revenir là-dessus. Je ne la retrouverais jamais. Elle devait avoir refait sa vie, maintenant. Et je n'avais plus rien à lui offrir, du moins tant que mon innocence n'aurait pas été prouvée. Alors à quoi bon…

Je feuilletai d'autres journaux, je lus d'autres articles, mais je ne pouvais m'empêcher de penser à elle. Tous les souvenirs que je croyais cadenassés au fond de moi remontèrent, progressivement, à la surface. Anna. Anna et ses cheveux roux. Ses yeux brun chocolat. Sa peau pâle, si douce, que j'avais aimé caresser des heures durant. Ses seins ronds et fermes contre lesquels j'avais tant de fois enfoui mon visage. Ses expressions tendres quand elle me regardait. La passion dans ses yeux, quand je lui faisais l'amour… Tous ces souvenirs agréables me firent paradoxalement un mal de chien. Une peine sans nom. Ma vue se brouilla. Je n'allais pas pleurer, non ?

Si…

Oh Anna… Pardonne-moi.

xoO§Ø§Oox

Remus me trouva prostré dans mon coin quelques heures plus tard. J'avais séché mes larmes depuis longtemps, mais je devais encore avoir les yeux rouges. Aussi ça ne m'étonna pas que mon ami me regarde d'un air inquiet en demandant :

— Sirius, tout va bien ?

— Ça va, répliquai-je avec mauvaise humeur. Je ne me sentais pas capable de répondre à ses questions, et encore moins de lui parler de tous les souvenirs qu'avait réveillés une malheureuse photo. Remus m'aurait ri au nez. Ou alors, il m'aurait fait la morale en me disant que j'avais d'autres priorités. Rester caché. L'Ordre du phénix. Harry.

Harry… Un autre souvenir remonta à la surface de mon esprit. La naissance de ce gamin. Antje, apprentie guérisseuse, avait été présente auprès de Lily quand cette dernière avait accouché. J'attendais dans le couloir avec James, qui était trop terrorisé pour assister à la naissance de son enfant. Et c'était elle, ma jolie sauvageonne, qui nous avait amené le nouveau-né, enveloppé dans une couverture. Je me rappelai sa voix, douce et rauque à la fois, quand elle avait dit :

— C'est un garçon.

James avait dégouliné de tendresse, et je m'étais senti tout bizarre. Je n'avais pas compris pourquoi sur le coup, mais maintenant, quinze ans après, je savais. J'avais été un peu jaloux. J'aurais voulu avoir un bébé, moi aussi. Avec Anna.

Remus ramassa les journaux que j'avais laissés traîner. Il râla un peu :

— Sirius, tu es toujours aussi bordélique… oh !

Il se redressa, brandissant la fameuse édition de la Gazette qui contenait la photo. Ouvert à la bonne page, comme de juste. Je rougis, et me maudis moi-même. Remus me regarda bien en face, et dit d'une voix douce :

­— Je comprends pourquoi tu fais cette tête-là… Je suis désolé que tu aies trouvé cette photo. Mais si tu ne veux pas en parler, on va considérer qu'il ne s'est rien passé, d'accord ?

— Okay.

Sacré Remus. Toujours aussi discret et diplomate. Je savais qu'il ne me dirait rien. Mais qu'il me laisserait seul avec mes pensées, jusqu'à ce que je craque. Et que je lui parle d'Antje. Savait-il ce qu'elle était devenue ? Ils avaient été amis, tous les deux. Elle avait été très proche de lui, même avant qu'elle ne sorte avec moi. Mais je ne voulais pas poser la question. Je voulais simplement ne plus penser à elle. Revenir à mes priorités. Dont elle ne faisait plus partie. Hélas.

xoO§Ø§Oox

De toute la soirée, Remus ne cessa de me jeter des regards en biais. Mais je l'ignorai. Je fis comme si ne rien n'était, et je m'efforçai de ne penser à rien. Et surtout pas à elle. Mais elle était coriace.

Elle vint me trouver la nuit à l'orée de mes rêves. Pas maigre comme je l'avais vue sur la photo, mais telle que je l'imaginais, toute ronde, dans la plénitude des trente-cinq ans qu'elle avait atteints aujourd'hui. Elle vint me trouver vêtue de sa seule beauté, pour se blottir dans mon lit et me murmurer des tendresses. Je levai les mains pour la caresser. Elle était douce, si douce… Mais au moment où j'allais la renverser sous moi pour la prendre, elle disparut. Et le froid prit sa place.

Depuis mon incarcération, je haïssais le froid. Ça m'évoquait des choses trop dures, trop horribles. Alors je m'éveillai. Me retrouvai étendu en chien de fusil, nu comme un ver, la couverture rejetée à mes pieds… et totalement excité. Ça ne m'était pas arrivé depuis plus de quatorze ans. Alors je jouai de mes désirs, de son image, de mon rêve. Et je me rendormis un peu plus tard, soulagé. Son nom au bord de mon cœur.

Anna.

Je savais que je n'avais aucune chance de la revoir. Que tout était fini. Que je me leurrais. Mais si je le pouvais… Si je le pouvais, je la retrouverais. Et il y aurait de nouveau elle et moi, comme avant.

Si seulement…

À suivre…