Contrairement à ce qui était sous-entendu dans l'émission de son créateur, le Geek ne se faisait pas martyriser et troller par tout le monde. Tous avaient le droit à des taquineries et tous s'en faisaient les uns aux autres. Les vannes faussement réductrices et insultantes ne manquaient pas, il pleuvait des « bouffeur de bambou », « obsédé sexuel », « camé herbivore », « gamin »… Ce dernier venant surtout de la part du Patron et qui avait le don d'énerver le destinataire de ce sobriquet, et ce de plus en plus. Pourtant, ce n'était pas plus dégradant que pour les autres, c'était de l'humour. L'expression « qui aime bien châtie bien » a parfois un peu trop bon dos, certes, mais en ce qui les concernait, tout était clair depuis le début, tous savaient que c'était du second degré. Même le gamer. Sauf qu'il appréciait de moins en moins cette façon de blaguer. Car si ces surnoms taquins correspondaient plus ou moins à la réalité en ce qui concernait le Panda, le Patron – bien qu'il soit seulement du genre très porté sur la chose et non pas totalement pervers – et le Hippie, pour lui, c'était différent. Il n'était pas un gosse, bon sang !

Cela faisait donc plusieurs jours qu'il en avait sincèrement ras-le-bol. Notamment quand ça venait du Patron. Déjà parce que ça venait de lui la plupart du temps, mais aussi et surtout parce qu'il avait l'air de le penser vraiment immature. Il était difficile de distinguer où était le premier degré et où était l'humour lorsqu'il parlait ainsi de lui. Et rien que ça était dérangeant. Enfin, pour le Geek, parce que lui n'avait pas l'air d'y accorder d'importance. Et c'était ça le pire. De toute façon, plus il le taquinait ainsi, plus il apparaissait plausible qu'il le croit vraiment naïf. Certes, il avait ce petit côté candide et innocent, c'était indéniable. Mais quand on comparait au Hippie qui ne savait argumenter qu'à coups de « peace and love, gros », qui était choqué quand Mathieu, à cause d'une vidéo à traiter, en venait à parler de quelque chose ayant un rapport avec le dessous de la ceinture et qui était projeté par la drogue dans un monde avec des créatures loufoques de toutes les couleurs, on pouvait aisément comprendre que, non, il n'était pas le pire. Enfin, il ne jugeait pas son camarade, parfois il aurait même adoré le rejoindre dans son monde de paix, d'amour et de folie évasive.

Le soir était tombé, le brainstorming suite à la trouvaille de trois nouvelles perles du net était clos et chacun repartait dans son petit coin, sauf le Panda qui resta discuter écologie avec le Hippie qu'on ne pouvait que rarement débloquer du canapé. Le Geek se dirigeait vers sa chambre pour s'offrir une bonne dose de World of Warcraft, mais avant qu'il n'ouvre sa porte, il entendit une voix grave et amusée l'interpeller.

- Eh, gamin ! Si tu veux je te file des photos de nanas qui n'ont pas été photoshoppées !

Agacé, ledit gamin poussa un long soupir et adressa un regard blasé au Patron. Il comprenait très bien ce qu'il sous-entendait et ça l'énervait. Il savait pertinemment que les images sur lesquelles il se faisait plaisir étaient au moins un peu traficotées, que c'étaient, comme le disait si sagement leur créateur, des chimères par lesquelles il ne fallait pas se laisser avoir. Bien sûr qu'il était au courant, bon sang ! Pourquoi cet emmerdeur était-il obligé de le lui rappeler comme s'il était né de la dernière pluie ?

- Merci, c'est pas la peine, je suis pas encore assez con pour croire que c'est du vrai, maugréa-t-il.

- Rho, c'est bon, je te taquine, gamin !

- Ouais bah pense à renouveler ton stock de vannes.

- C'est bon, c'est bon. Allez, bonne nuit, enfin pour quand tu dormiras. En attendant, fais gaffe à pas en mettre partout, la maîtrise de soi c'est pas simple à apprendre !

Le garçon au T-shirt rouge resta muet de stupeur après cette réplique de son collègue, qui sans un mot de plus entra dans sa chambre, le laissant seul dans le couloir. Il osait dire ça ? Ce n'était pas tant le propos en lui-même qui le choquait, tout le monde avait l'habitude d'entendre ce mec faire des allusions salaces, même s'il n'était pas le criminel dévergondé qu'il jouait devant la caméra pour SLG. Mais le fait qu'il lui en parle comme s'il ne savait pas se gérer l'énervait au plus haut point. Tellement qu'il serra les poings jusqu'à ce que les jointures en deviennent blanches et il dut se retenir pour ne pas frapper dans le mur en face de lui, ou pire, aller coller un pain au Patron. Il en était quasiment certain, maintenant, il le prenait vraiment pour un gosse ! S'il avait vraiment plaisanté au départ, il ne lui aurait pas sorti un truc pareil au final, c'était insensé ! Et bon sang que c'était agaçant !

Le gamer en avait vraiment assez. Il devait mettre les points sur les « i » avec lui. Lui faire comprendre qu'il n'était pas un môme, qu'il savait très bien ce qu'il faisait, qu'il n'avait pas besoin de ses réflexions pour lui rappeler avec exagération son côté un peu candide. Et s'il fallait des méthodes plus tordues que le fait de lui dire d'arrêter, eh bien soit. De toute façon, il n'avait plus rien à perdre. Peut-être un peu de crédibilité, mais de toute façon il n'en avait visiblement même pas aux yeux de son acolyte. Et il avait déjà une idée, justement tordue mais qui au moins le ferait réagir, qui lui trottait dans la tête. Il appréhendait un peu, il s'impressionnait même de tant d'audace de sa propre part, mais il en avait tellement assez que c'était bien peu cher payer.

Fermement décidé, il desserra les poings, inspira un grand coup et fonça à la chambre du Patron. Ce dernier eut à peine le temps de le voir entrer et refermer la porte qu'il se retrouva assis à l'arrache sur son lit avec à cheval sur ses genoux un Geek visiblement déterminé. Il ne savait pas à quoi. Il ne comprenait pas. Il n'avait aucune idée de ce qui se passait, il n'eut même pas le temps d'y réfléchir puisque son cadet attrapa les pans de sa veste, approcha son visage très près du sien, faisant se toucher leurs fronts, le fixa d'un regard aguicheur et insistant et lui adressa quelques mots qui, à leur tour, choquèrent littéralement l'homme en noir.

- Baise-moi.

Totalement ahuri par ces mots si crus venant d'une bouche si innocente, il resta muet de stupeur pendant quelques secondes. Mais il dût réagir, sinon il allait bientôt se retrouver dénué de sa veste que le gamer avait déjà empoignée dans le but très clair de la lui ôter.

- Qu'est-ce que tu fous, gamin ? T'as pété un câble ! Tu me prends pour qui ? s'exclama-t-il d'un ton outré sur fond d'inquiétude.

- C'est pas moi qui te prends pour qui que ce soit, c'est toi !

- Mais qu'est-ce que tu racontes ?

- Je suis pas un gamin, je me tue à te le dire mais visiblement tu comprends pas...

- Mais... commença le Patron, prêt à riposter avant que des lèvres presque agressives se plaquent contre les siennes.

- Faut croire qu'il te faut des preuves plus élaborées, grogna-t-il après s'être reculé de quelques centimètres. Je suis pas moins adulte que toi, alors vas-y, baise-moi.

Malgré tout, l'homme aux lunettes opaques avait plus de force que lui et il ne pouvait décemment pas le laisser faire, surtout qu'il ne comprenait strictement rien à ce qui lui prenait. Pourquoi lui demandait-il une chose pareille ? Et si vulgairement ? Il avait piqué un joint au Hippie ou quoi ?

- Arrête ça ! lança-t-il en le repoussant vivement. C'est quoi ton problème, bon sang ? Qu'est-ce que tu me racontes ?

- Parce qu'en plus t'as le culot de faire l'innocent, s'indigna le cadet. Tu me prends pour un gosse, sans arrêt, tu m'emmerdes de plus en plus à ce sujet et c'est limite si tu me prends pas pour une vierge effarouchée. J'en ai marre de tes soit-disant blagues à la con, je suis pas plus immature que toi et si t'as besoin de ça pour que je te le prouve bah vas-y, c'est cadeau !

Le Patron n'en croyait pas ses yeux, ni ses oreilles. Le voir s'énerver et se rebeller à ce point était extrêmement rare, l'entendre lui reprocher ce qui était censé être du second degré était carrément impressionnant. Souvent, il râlait un peu quand il lui faisait ce genre de réflexion, mais bon sang c'était pour déconner, il taquinait tout le monde, pourquoi se mettre soudainement dans un tel état ?

- Alors déjà je vois pas le rapport entre ça et tes pulsions bizarres, ensuite...

- C'est pas une pulsion !

Avant que le Geek continue de protester, il posa son index sur sa bouche pour lui intimer de se taire et soutint son regard, reprenant un ton plus ferme et assuré même s'il était encore ébahi par ce comportement.

- Ensuite, je disais, je te prends pas pour un gamin. Je sais très bien que t'es pas plus con que nous. Faut pas t'énerver comme ça, tu sais pertinemment que c'est pour déconner quand je te taquine comme ça, c'est pas la peine de péter une coche et de vouloir me prouver d'une façon aussi tordue que t'es pas immature. Je le sais déjà.

Le garçon à la casquette ne formula dès lors plus aucune remontrance. Néanmoins, il ne bougea pas d'un centimètre et ne relâcha même pas la veste de son camarade qu'il tenait toujours dans ses poings fermés. Il savait que sa réaction était brusque et surréaliste, mais il en avait tellement marre, il voulait le faire réagir. Mais finalement, ce fut le contraire.

- Si tu penses que tu dois prendre ce que je te dis au premier degré, si tu crois que je suis sérieux, alors là, du coup, je pourrais douter du fait que tu as autant de jugeote que nous. Mais même pas, tu vois, parce que finalement, c'est ton petit côté « naïf mais sans plus ».

- Mais... répliqua le concerné, même si les justifications commençaient étrangement à lui manquer. Tu le fais de plus en plus... Et de façon de plus en plus dérangeante... Merde, j'en ai marre à force !

Sa colère cachait cette fois une réelle lacune d'arguments, ce qui n'échappa pas à son vis-à-vis qui prit ses mains pour le faire lâcher son vêtement, sans le quitter des yeux, sans ciller. Au fond, il ne voulait pas le déstabiliser, surtout que sa méthode pour lui faire comprendre son agacement devait déjà s'en charger, même si c'était lui et lui seul qui avait pris cette curieuse décision. Mais il fallait qu'il comprenne que, même s'il était parfois peut-être un peu extrême, ce n'était jamais dans le but pur et simple de le vexer et de le traiter de gosse.

- Et c'est une raison pour agir comme ça ? Tu pouvais juste m'engueuler, ça m'aurait déjà assez surpris.

- On sait jamais, avec toi, pesta le gamer, même s'il avait bien conscience qu'il s'y était pris un peu n'importe comment.

En guise de réponse, le Patron soupira et poussa l'ado pour l'asseoir à côté de lui, puis il remit à peu près correctement sa veste et observa le petit, qui semblait un peu perdu. Voire honteux. En même temps, il l'avait un peu cherché, sur ce coup-là...

- Eh, fais pas cette tête, l'interpella-t-il, posant une main sur son épaule.

Le Geek releva la tête et ils se regardèrent un moment, sans se parler, sans chercher à dire quoi que ce soit. L'aîné avait tout juste rattrapé un « gamin » qui allait lui sortir de la bouche lorsqu'il lui avait parlé, il ne voulait pas s'attirer à nouveau les foudres du garçon, surtout si s'était pour qu'il lui saute dessus comme s'il était en manque. Tiens, d'ailleurs...

- Je me moque pas de toi, et tu le sais. Mais pourquoi t'as fait ça ? C'est un message subliminal ? C'est pour te soulager ?

- Putain mais tu parles de ça comme si j'étais un chien qui saute sur le premier tibia qu'il croise pour se...

- Arrête d'être parano ! Je t'ai dit que je me moquais pas. Je te juge pas, je veux juste comprendre.

- Eh ben non, y a pas de message subliminal. Désolé, en vrai je suis pas venu assouvir tes pulsions.

- Ah ouais ? Alors pourquoi t'es venu en me demandant de le faire ?

- Espèce d'idiot ! Parce que je pense pouvoir au moins être sûr que t'es pas un profiteur et que tu l'aurais pas fait !

- Peut-être que si...

D'abord, il ne réalisa même pas ces mots. Mais lorsque l'amateur de jeux vidéo le fixa avec des yeux ronds, bouche bée, il comprit. Non seulement il comprit qu'il venait de dire ça, mais il comprit aussi pourquoi. Cette phrase ne sortait pas du front de Zeus, et la raison était aussi évidente que bizarre. Oui, il aurait été capable de le laisser faire. Soudain, le jeune homme à la casquette redevint rouge de colère, mais avant qu'il ne sorte à nouveau de ses gonds, l'homme en noir posa ses mains sur les siennes pour lui intimer de ne pas bouger et de ne pas se remettre à le réprimander.

- Et ça ne fait pas de moi un profiteur, parce que si tu avais continué, ça aurait voulu dire que tu y consentais. Donc en aucun cas j'aurais abusé de toi en te suivant. Et crois-moi, si tu le veux pas, tu l'aurais certainement pas fait. Et je t'aurais certainement pas forcé.

Leur dialogue capillotracté se répétait et s'embrouillait dans l'esprit du petit, qui ne bougeait plus d'un iota. Il l'aurait peut-être laissé lui sauter dessus ? Carrément ? Enfin, en tout cas, ça prouvait qu'il ne le prenait effectivement pas pour un môme... Un peu atypique et déroutant comme preuve, mais c'en était une. Et une bonne. Il finit donc par se calmer, essayant de relativiser, et baissa de nouveau les yeux, ne sachant plus quoi faire. Non seulement il avait agi bêtement, mais en plus pour rien. Enfin merde, ce n'était pas évident de comprendre que tout était toujours pour plaisanter ! Il n'était pas dans sa tête, bon sang !

Toutefois, il n'eut pas le temps de s'énerver mentalement une fois de plus, car une drôle de sensation le rappela à l'ordre. Intrigué, il regarda ses mains qui avaient commencé à trembloter presque imperceptiblement et, à son grand dam, ses yeux ripèrent vers son jeans où il distingua une infime déformation à un endroit bien particulier. Aussitôt, son visage devint cramoisi de gêne et il se mit à tripoter nerveusement ses mains moites, sentant une désagréable bouffée de chaleur lui monter à la tête. Et pas qu'à la tête, d'ailleurs... Par la Sainte Nintendo, mais qu'est-ce que c'était que ça ? Pourquoi il commençait à être excité alors qu'il savait lui-même, au fond, que sa méthode pour faire réagir son ami quant aux vannes parfois un peu trop virulentes qu'il lui adressait n'était pas la meilleure idée de l'année ? Ça n'avait absolument aucun sens !

- Eh, ça va ? hésita le Patron devant son inertie.

- Euh... Oui, oui, bégaya le gamer, déstabilisé.

- C'est bon, sois pas mal à l'aise comme ça, c'est oublié. Et puis, on est adultes, hein ?

Il accompagna cette réplique d'un clin d'œil que le petit put distinguer parfaitement malgré les lunettes noires. Cela lui arracha d'ailleurs un petit sourire. Il le considérait bel et bien comme un adulte, autant que lui, d'après ses dires. Et c'était tant mieux. Maintenant, le problème était ailleurs. Et là, il n'avait absolument aucune idée de comment le résoudre. Si tant est qu'une situation comme ça se résout. Au fond, s'il était dans cet état, ce n'était probablement pas pour rien. Certes, c'était très mécanique, mais ça ne pouvait pas ne rien vouloir dire non plus, surtout que son homologue l'avait très fermement repoussé, à plusieurs reprises. De quoi couper toute envie ou en tout cas ne pas en donner quand on n'en avait pas vraiment au départ. Or, l'effet avait été totalement inverse. Comme si le fait d'avoir goûté à cette proximité, même en l'espace de quelques secondes, avait éveillé quelque chose en lui. Un sentiment étrange d'embarras, de légère culpabilité et de désir. Oui, c'était ça. C'est fou comme un mot, un seul, pouvait tout clarifier.

- Patron, je... commença-t-il d'une voix tremblante, perdant petit à petit tous ses moyens.

- C'est ce que je pensais, ça va pas vraiment. Qu'est-ce qui t'arrive ?

- Je... Je suis désolé, mais je...

- Arrête de t'excuser, c'est bon, on n'en parle même plus jamais, si tu veux.

- Non, c'est pas le problème ! Le truc c'est que...

- Alors t'as pas à être désolé.

Le Geek poussa un long soupir et planta à nouveau son regard dans celui de l'homme aux habits de nuit, sans ciller. Celui-ci commença à se demander ce qui lui prenait et quel était son problème, mais il fut interrompu dans son début de réflexion par un léger souffle qui vint caresser son visage, un souffle chaud, un peu hâtif et de plus en plus proche. Il fut incapable de lui demander ce qu'il faisait – encore – car son nez qui finit à quelques millimètres du sien le déboussola complètement. C'était comme si ce sentiment était passé de l'un à l'autre en quelques secondes, le cadet ayant regagné presque toute son assurance. Presque.

- Je crois que je...j'en ai envie quand même... avoua-t-il à mi-voix, perplexe malgré tout.

Pendant une demi-seconde, le Patron ne fut pas certain d'avoir compris. Mais en fait, c'était évident. Ce n'était pas pour rien que son acolyte s'était à ce point rapproché de lui. Ce n'était pas pour rien qu'il lui disait ça ainsi. Tout ce qui se passait avait un sens, même si c'était un peu bizarre. Néanmoins, il ne fut pas choqué – surtout qu'il en fallait bien plus pour l'offenser – et il ne put d'ailleurs retenir un sourire en entendant ces mots. C'était plutôt flatteur, finalement.

- T'es sûr de toi ? se hasarda-t-il en haussant un sourcil, un brin sceptique.

- Si tu veux une preuve, regarde vers le bas, ironisa l'autre dans un rire nerveux.

- Mmh... Je te crois.

Ils restèrent un moment silencieux, puis le gamer s'approcha encore pour poser ses mains à plat sur les cuisses de son vis-à-vis, puis il pencha la tête pour venir déposer ses lèvres au coin des siennes, brièvement, très légèrement, comme une abeille qui se posait à peine sur une fleur avant de s'envoler à nouveau pour une autre plus intéressante. Sauf que là, rien d'autre n'intéressait l'ado, c'était seulement qu'il ne voulait pas trop précipiter les événements, déjà qu'au fond il restait assez peu sûr de lui. Le Patron fut assez étonné de cette initiative mais ne comptait très sincèrement pas la lui reprocher, vu qu'il avait fortement apprécié. Décidant finalement de ne plus se poser de question, il passa ses bras autour des épaules de son camarade et l'embrassa à son tour, plus franchement cette fois, effleurant même la commissure de sa bouche du bout de sa langue. Lorsqu'il se recula, il retint un rire gentiment moqueur devant la moue un peu perdue de son ami, dont les joues rosissaient de nouveau.

- Mais...ça te gêne pas... ?

- Non. Pourquoi ?

- Bah... Déjà que c'est tordu, à la base...

- Tu trouves ? C'est peut-être simplement la continuité de ce que tu essayais de faire tout à l'heure, le taquina son aîné, amusé.

- Ouais, peut-être. Mais... Disons que je veux pas non plus que tu te sentes obligé.

A ces mots, l'homme en noir émit à nouveau un sourire et se pencha un peu pour que leurs fronts se touchent, fixant encore et toujours le regard bleuté si semblable au sien qui lui faisait face.

- Penses-tu...

Sans rien dire de plus, il l'embrassa encore et laissa ses mains descendre le long de son corps avant d'empoigner son T-shirt carmin en tirant dessus pour le ramener contre lui. Toujours un peu surpris mais néanmoins confiant, le Geek le laissa faire et répondit au baiser qui devint dès lors de plus en plus fougueux. Au final, il n'avait rien contre, il en avait envie, ce n'était pas plus mal de l'assumer et d'agir en conséquence, même si c'était bizarre. Ils étaient sur la même longueur d'ondes, ce qui s'était passé autour de leur engueulade était considéré comme oublié, ils ne voulaient pas se prendre la tête. Ils avaient la même envie tous les deux, eh bien tant mieux, que demander de plus ?

Afin qu'ils puissent se mettre à leur aise, l'aîné se recula pour s'installer sur le lit, entraînant son homologue pour qu'ils restent l'un contre l'autre. Ce dernier en profita pour le pousser afin de l'allonger, s'installa sur lui et fit dévier sa bouche le long de sa mâchoire, descendant sur son cou. Le Patron se mordit la lèvre et pencha la tête pour lui offrir plus d'espace. Il lui rendit ses attentions en faufilant ses mains sous son T-shirt rouge et parcourut lentement son dos, s'attardant sur chaque parcelle, à commencer par le creux de ses reins pour aller s'échouer entre ses omoplates. Il en profita pour relever le tissu jusqu'en haut pour le lui ôter, ce que le petit accepta de suite, se redressant pour le retirer lui-même. Il enchaîna avec son jeans qu'il déboutonna et dézippa aussitôt après pour le lui enlever également. Le cadet se laissa faire mais ne put retenir un rire amusé en le voyant si hâtif.

- Si ça te fait rire de te faire déshabiller, je sais pas ce qu'on va faire de toi, plaisanta l'homme aux lunettes noires alors qu'il laissa tomber le pantalon au sol.

- C'est pas ça, c'est juste que... Bah c'était pas du tout mon but d'en arriver là et maintenant je te vois pressé, c'est marrant, quoi !

- En gros tu te fous de ma gueule, rétorqua-t-il, faussement vexé.

Avant que le gamer n'ait le temps de répondre, il l'attrapa par les épaules et plongea son visage dans son cou pour en mordiller la peau, lui soutirant ainsi un soupir d'aise qui lui coupa toute envie de parler. Il profita de ce moment de faiblesse de sa part pour le faire basculer sur le côté et l'enjamber pour être sur lui. Le garçon à la casquette était toujours en train de rire d'amusement, en plus des chatouilles que lui provoquaient les légères morsures dans son cou.

- Mais naaan, couina-t-il en attrapant sa veste pour la lui enlever au passage. Je serais mal placé pour me moquer, en plus.

Son acolyte préféra ne rien répondre, il continua ses petites attentions sur sa peau frêle, déviant petit à petit le long de sa carotide, passant par son épaule, puis sur son buste. Il frémit lorsque les mains curieuses qui avaient retiré sa veste se faufilèrent sous sa chemise pour se balader sur son dos, puis son torse, avant de commencer à déboutonner le vêtement. Tous deux étaient soudainement fébriles et pressés, comme s'ils avaient quelque chose à rattraper alors que cette envie était plutôt nouvelle pour eux. Petit à petit, leurs habits tombèrent, les libérant ainsi de toute barrière entre leurs corps déjà moites et réchauffés. Ils ne ressentaient aucune pudeur, aucun complexe, probablement en partie parce qu'ils étaient assez semblables, mais ce rapprochement si soudain qui pourtant aurait pu – et aurait dû ? – les déstabiliser bien plus ne leur posait pas de problème, ils suivaient leurs instincts et leurs désirs, ils étaient en phase et c'était tout ce qui comptait.