Me voilà à me lancer dans une fic chapitrée! Je peux paraître enthousiaste, mais je patauge un peu. Les deux premiers chapitres sont écris depuis un petit moment maintenant mais l'intro est terminée seulement depuis septembre. Le temps de fignoler, et nous voilà en Décembre. A ce rythme là, je me dis que cette fic ne sera pas finie tout de suite! Mais je ne perds pas espoir ...
Alors pour Noël, je vous souhaite et me souhaite: de rencontrer (enfin!) le prince charmant, de vous sentir bien avec vous-même et avec les autres, d'oublier de vous lever grognon, de manger des carottes et trouver ça bon, de libèrer votre esprit créatif, de trouver le temps de lire, de vous rouler dans la neige et de boire du chocolat chaud pour redonner vie à vos pouces, de réussir à tenir tête à vos parents lorsqu'ils vous répètent de ranger votre chambre quand vous rentrez le week end parce que, "j'te signale" que, maintenant, ça fait un an que je suis majeure (etkej'faisckehveuxd'abordna!) "et ne touche pas à ce tas de papiers froissés informe et bloquant le passage au milieu de la pièce, c'est une oeuvre d'Art!" , de vous offrir l'appareil photo de vos rêves, de ne pas tomber malade, d'obtenir ce que vous voulez, de fêter le nouvel an avec les gens que vous aimez, de dormir avec votre peluche disney en vous moquant des gens qui se foutent de vous en vous traitant de bébé, mangez du nutella "parce que vous le valez bien", et j'arrête là parce que ça peut encore continuer.
Les personnages appartiennent à Hiromu Arakawa, l'une des rares auteurs à ne pas m'avoir déçue. Je vous souhaite donc une bonne lecture, un Joyeux Noel et une Bonne Année 2011,
ManorI
Incandescence
Parfois je revois ta silhouette, noire, qui s'avance vers moi à contre jour.
Parfois le silence de cette scène me fait hurler, tant elle est longue, et tant les secondes se traînent avant que tu ne me rejoignes tout à fait.
Et l'attente est si interminable, que je me mets à courir pour raccourcir encore ton chemin.
Je te vois qui me tend les bras.
Et moi qui accélère la cadence de mes pas.
Parfois la lumière surnaturelle viens glisser sur une moitié de ton visage, et révèle la blancheur fatiguée de tes traits.
Toujours, j'ai toujours ressenti ce besoin, à ce moment, de venir recolorer ce visage d'un baiser.
Sur tes lèvres.
Et enflammer ce regard autrefois brûlant de désir d'envol.
Parfois j'ai le sentiment que la rencontre est imminente.
Et je me suis toujours cogné.
Contre ce mur de verre.
Prélude : Une mélopée pour l'Enfant.
Dans un vacarme assourdissant, une gigantesque explosion enflamme la neige et colore le blanc uniforme alentour en un rouge sanglant. Les monumentales montagnes amplifient la détonation qui résonne pendant longtemps encore après la naissance de l'incendie. La forteresse de Briggs était visée, mais reste debout malgré les assauts répétés de Drachma et de son armée. Ils ne la feront pas tomber si facilement, c'est un fait : la muraille n'est pas réputée imprenable pour rien.
Je peine à marcher dans toute l'épaisseur de cette neige. Mes jambes s'enfoncent bien trop facilement, bien trop profondément, à chaque pas. La morsure du froid me rigidifie le corps, parties organiques et mécaniques confondues, et rend douloureuses les jointures de mon épaule droite et du genou gauche malgré les améliorations apportées quelques heures plus tôt par les mécaniciens de l'armée. Mais ce n'est pas la douleur qui me paralyse, mais bel et bien l'effroi, une peur toujours plus grandissante devant le spectacle qui se déroule sous mes yeux grands écarquillés. L'évidence me saute à la figure de la même manière que l'aurait fait cette explosion si j'en avais été la cible.
Ils m'ont envoyés ici pour que j'y meure.
Sinon, comment expliquer ma présence ? Je ne suis plus alchimiste d'Etat, et pourtant ils m'ont ordonné de me battre pour l'armée de ce Pays, cette supercherie qu'est Amestris et son gouvernement, et que chaque infime partie de mon corps hais depuis des années maintenant. Ils m'ont tout volé, absolument tout ce que j'avais de plus précieux. Mes rêves, mon bonheur, ma famille, mon Amour, le leur, ma liberté, ma vie … et à présent ma mort. Je savais que j'avais perdu, mais je prends à présent conscience de l'ampleur de cette perte.
Et c'est horrible, Roy, horrible.
J'aurais au moins voulu pouvoir choisir moi-même la manière dont je voulais mourir. Mais ils ne m'ont même pas laissé ce privilège. Cette vérité, aussi glaciale que la température de cette région trop blanche, s'abat sur moi telle une pierre que l'on aurait fait tomber sur un château de cartes, et refuse toujours de laisser mes membres bouger. L'idée d'avancer me fait terriblement peur. Devant moi, le monde est en ébullition. D'ici, ce ne sont que des fourmis, deux gigantesques armées de fourmis qui s'affrontent pour une seule fourmilière. Devant moi se déroule un spectacle sanglant. Les hurlements se mêlent aux coups de feu et aux explosions que le vent gelé me porte depuis la gigantesque muraille, à peine quelques kilomètres plus loin, et le son s'engouffre jusque dans mes entrailles, me frigorifie les tripes, et le cœur.
Il faut pourtant que j'y aille et que je prenne part au conflit, c'est un ordre direct du généralissime Bradley lui-même, donné quelques vingt-quatre heures plus tôt au QG de Central, dans le bureau du grand dictateur de ce pays. Wrat m'avait fixé de son œil unique en m'expliquant mon trajet pour le Nord, pendant que l'envie souriait de son air sournois, assis sur le bureau au centre de la pièce. En sachant ce qu'il allait m'arriver, l'homonculus devait se réjouir d'avance du sort qui m'était réservé.
Depuis le temps qu'il veut ma mort…
Rassemblant le peu de courage qu'il me reste, je commence ma progression, difficile, vers le poste avancé de la division 16. Je m'enfonce jusqu'aux genoux. Il faut pourtant que je me dépêche, rester à découvert le moins longtemps possible : c'est la règle si l'on veut survivre un peu plus longtemps. Un peu plus longtemps … jusqu'à quand ? Je suis à peine arrivé ici mais je suis déjà mort, je le sais.
Je l'ai vu sur le sourire d'Envy.
L'armée avait réquisitionné une petite maison proche du front Est, qui avait été transformée en base militaire pour les divisons avancées. A l'intérieur règne une agitation semblable à celle du dehors : le brouhaha des nombreuses communications téléphoniques et des traversées précipitées des pièces fait bourdonner mes oreilles. Il faut à présent que je trouve le Général de Division H. Osgeir. Je demande à la première personne que je croise. Elle m'indique le premier étage et se dirige d'un pas hâtif dans une salle de l'autre côté du couloir.
- Drachma perd du terrain. Déclara le Général de division Hingolf Osgeir. Nous avons l'avantage sur eux, mes troupes connaissent ces montagnes. Bien qu'habitués à la neige et à l'altitude, l'armée ennemie est sur une zone qui ne lui est pas familière. Nous n'avons besoin que d'un soutien afin qu'il n'y ait pas de faille dans nos avancées tactiques, et également minimiser les pertes humaines, évidemment.
Avec un nom pareil, ce grand moustachu ne pouvait être originaire que du Nord. Mais cette bataille m'aurait beaucoup moins inquiété si seulement c'était le général de brigade Olivia Armstrong, et non Osgeir, qui dirigeait la forteresse. Mais la jeune femme, aussi résistante et glacée que son « invulnérable mur du Nord », avait été mutée à Central. Je n'ose pas imaginer quels sentiments doivent, en ce moment même, la traverser alors que sa muraille est attaquée de toutes parts par les armées du pays voisin.
- Vous ne portez pas d'uniforme ?
La question me fait tiquer, mais je devais m'y attendre. Dans un conflit, il est primordial de pouvoir distinguer ses amis de ses ennemis. Cependant, durant toute ma carrière de militaire, je n'ai jamais porté ce tissu bleu sur mes épaules. Je ne voulais pas devenir un chien.
Et pourtant …
- Je ne suis plus alchimiste d'Etat. J'ai simplement été rappelé par le Généralissime pour une dernière mission avant de pouvoir me retirer définitivement des affaires de l'armée. Ce qui explique que sur le papier, je sois appelé alchimiste Edward Elric et non Fullmetal.
- Oh … c'était donc ça … marmonna le militaire, une expression d'intense réflexion figée sur son visage.
Apparemment, il ne devait pas être courant de rappeler un ancien militaire pour qu'il prenne part dans un conflit.
Mon intervention en tant qu'alchimiste et soutien à l'armée se déroule un peu plus haut à la gauche de la muraille, sur le flanc sud d'une montagne. L'objectif est d'atteindre une immense plaque de neige, invisible aux yeux ennemis et pourtant tellement dangereuse, si une avalanche venait à se déclencher. Plus bas, le relief en forme d'entonnoir redirigerait la coulée de neige sur l'avancée de l'armée de Drachma, réduisant à néant ce détachement qui devenait de plus en plus menaçant pour Amestris. Une veine pour cette dernière que la géologie tourne à son avantage.
Il ne suffisait que d'une explosion déclenchée à distance par un alchimiste pour que la montagne se déverse sur eux telle une monstrueuse vague de neige.
- Mon alchimie n'est pas capable de créer d'explosions. Vous vous êtes adressés à la mauvaise personne. Une autre alchimie, celle du feu par exemple, aurait été beaucoup plus utile dans ce projet que la mienne. Fais-je remarquer au militaire, regrettant aussitôt d'avoir mentionné l'alchimie de mon ancien supérieur. Vu les nombreuses cicatrices psychologiques qu'il a gardé d'Ishbal, mieux vaut qu'il ne soit pas envoyé sur un nouveau front. J'ajoute : ou un alchimiste de Xing, leur élixirologie est capable de transmuter à plus grande distance.
- Votre mission n'est pas de créer cette explosion, mais de la déclencher. Me réplique-t-il sèchement, contrarié que je l'accuse d'avoir commis une erreur et décidé à me prouver le contraire. Nous avons en notre possession tout le matériel nécessaire. Vous n'avez qu'à provoquer la mise à feu qui ne peut pas être allumée classiquement à cause de la température trop basse ainsi que du vent et de l'humidité ambiante trop élevés.
J'acquiesce. Je n'ai pas atterri ici par erreur, inutile de tenter de lutter contre les courants. C'est trop tard, je suis trop loin de la grève à présent.
Une journée plus tôt, j'étais loin de me douter que j'atterrirais ici, en plein milieu d'une guerre, à devoir créer une avalanche assassine. J'aurais pourtant préféré qu'on me prévienne, histoire de pouvoir prendre quelques dernières mesures avant de monter dans le train de l'armée qui me conduirait dans cet enfer blanc. Quelques dernières paroles, avant le grand saut.
- Je peux passer un appel téléphonique ?
Le général de division interrompt son long monologue sur les possibilités tactiques de sortir victorieux de cette guerre et reste silencieux quelques secondes, dubitatif, ses yeux de cheval grand écarquillés, avant de répondre qu'il était effectivement possible de négocier une ligne pour quelques minutes.
Quelques minutes.
Il fallait que quelqu'un décroche. Absolument.
Les échos répétés des sonneries se perdant dans le néant me terrifient. Je voudrais tellement entendre une voix familière répondre, et apaiser ma terreur. Je compte. Déjà la cinquième sonnerie. Ils ont dû sortir. Peut-être au marché. Sixième. Peut-être chez des amis ou dans le jardin. Peut-être en train de dormir, de rêver, faire une sieste reposante de début d'après-midi, lovés dans les bras de l'Aimé à écouter sa respiration régulière (on ne bouge pas dans pareille situation, de peur de déranger son sommeil. Si c'est urgent, ça rappellera plus tard). Mais que peuvent-ils bien faire en ce moment même ? Où sont-ils, si ce n'est pas à côté du téléphone, à attendre un appel inopiné, mon appel ? Entendent-ils mes supplications désespérées, de là où ils sont ? Ce n'est pas faute d'essayer, en plus du téléphone, de tenter dans un dernier recours de les appeler par télépathie. Certains fous disent que ça marche.
La septième, puis la huitième sonnerie se perdent dans le vide ténébreux de l'objet creux collé à mes oreilles. La neuvième se prolonge en un frisson glacial qui me fait imaginer mille et un scénarios possibles expliquant leur absence. A la dixième, mon esprit en plein délire me chuchote une possibilité que je m'étais forcé de rejeter jusqu'à présent.
Peut-être leur est-il arrivé quelque chose …
- Automails Rockbell, prothèses en tout genre, j'écoute ?
- WINRY ?
J'aurais vu un revenant sortir de sa tombe que j'aurais hurlé son nom de la même manière. Terrifié et à la fois soulagé de la retrouver pour qu'elle vienne me défendre avec sa clef à molette ou autre engin de torture qu'elle lustre et range amoureusement dans sa boite à outils de mécano. Je l'ai appris avec le temps : les femmes sont bien plus dangereuses que les hommes. Winry est de celles, avec Riza, Ranfan, Izumi ou encore Olivia Armstrong, qui dégainent leurs armes et vous battent comme de vulgaires insectes en quelques secondes, le regard fier et le bras musclé tendu vers votre tempe. Et il ne s'agit plus de plaisanter en de pareilles circonstances : vous aurez beau être un homme, c'est vous qui vous retrouverez parterre, des gouttes de transpirations perlant sur votre front, priant celui qui vous sert de Dieu pour qu'il vous préserve de ces (magnifiques) tornades dévastatrices.
- Edward ! Mais qu'est-ce que tu fous ? Ça fait trois jours que t'es censé être rentré ! Me répond-elle, hystérique.
- Oui, je suis désolé, j'ai raté mon train. Il est parti à l'heure, pour une fois… je râle, en appuyant un peu plus le téléphone contre mon oreille. Puis je m'empresse d'ajouter : Mais ne vous inquiétez pas, je rentre aussi vite que possible.
- Tu es toujours à Central ?
- Oui. Il y fait vraiment froid en ce moment. J'ai hâte de rentrer, il fait meilleur par chez nous. Je m'exclame, enthousiaste à l'idée de me jeter dans l'herbe verte devant la maison et y dormir pendant des heures, caressé par la chaleur du soleil et les bourrasques de vent.
Maman avait eu raison de s'installer à Risembool. Même si ça n'a pas toujours été facile, l'endroit a toujours été un refuge pour les écorchés. On aura eu beau essayer de lui tourner le dos, de brûler la maison en fuyant le passé, j'ai aujourd'hui le sentiment que retourner vivre là-bas avait toujours été un souhait que j'avais fait, en silence, lors des longues heures insomniaques passées à fixer ma main droite reflétant la lune au-dessus. Risembool symbolisait la victoire, notre victoire prochaine sur la physique, le rêve où l'on retournerait vivre lorsqu'on aurait récupéré nos corps, mon frère et moi.
Alphonse y est retourné après avoir quitté l'acier de son armure.
Pas moi.
Je suis resté le même, amputé par la honte de mes monumentales erreurs. Je pensais que l'alchimie transformait ce que l'on sacrifiait. Moi elle m'en a pris beaucoup et m'en a rendu bien peu. Mais je suis tout de même parvenu à réparer pas mal de choses, et aujourd'hui, même si je ne peux pas encore soutenir longtemps son regard, je peux enfin contempler le sourire d'Alphonse. Et celui de Winry, par la même occasion…
C'est ma victoire sur les livres, l'Histoire et les limites. C'est aussi l'une de mes victoires sur les interdits, ces interdits que l'on viole pour notre propre bien, et notre propre mal car on franchit cette ligne tout en ayant parfaitement conscience des conséquences.
Je me jetterai de tout mon corps dans les bras de Lucifer, pourvu qu'il ait ton visage, ta voix et ton odeur. Pourvu qu'il ait tes espérances et tes desseins. Pourvu qu'il ait ton Amour.
- Eh ben dépêche de revenir, j'ai quelque chose pour toi ! Me crie-t-elle, tout excitée, m'arrachant à l'observation du gant blanc couvrant ma main droite. Puis, n'y tenant plus, m'avoue : J'ai reçu de nouvelles pièces hier, ton auto mail va être à la pointe de la technologie grâce à moi, réjouis toi !
Les deux derniers mots me font sourire. De nous deux, c'est elle qui est la plus contente : trop heureuse de pouvoir disséquer, une énième fois, le bras et la jambe (cette fille est folle !), me répéter que je suis une douillette lorsque je me plains de douleurs, et me faire payer plein pot les réparations malgré le fait que je sois son beau-frère et (accessoirement) son ami d'enfance.
Une explosion au dehors me force à mettre ma main sur le micro du téléphone. C'est la maison toute entière qui se met à vibrer mais le danger est loin, le combat se déroule un peu plus loin vers l'ouest. Cependant le bruit m'empêche d'entendre ce que me dit Winry.
- Je suis désolé, Winry, mais je n'ai plus de monnaie, et mes minutes de communication s'épuisent. Tu peux me passer Al s'il te plaît ?
- Houu, je vois que tu es enchanté par la nouvelle, ça me fait rudement plaisir … rechigne la blonde au bout du fil, faussement contrariée. Donne-moi trois secondes, je vais te chercher Al.
- J'ai hâte de voir tes nouvelles améliorations ! Je m'exclame, en espérant qu'elle ait entendu avant de poser le combiné.
A quelques mètres un adjudant me fait signe d'écourter la conversation. Je n'ai pratiquement pas le temps de lui quémander encore une minute qu'une voix familière résonne dans le téléphone.
- Grand frère ?
o
o
o
L'infinité blanche tout autour de moi me rend encore plus dingue que le froid et la mort un peu plus loin ne m'ont déjà atteints. Je ne perçois plus la différence entre le sol et le vide, tout est immaculé. La fatigue, aussi, combinée à l'altitude, me brûle les poumons et la gorge. Déjà une heure que nous somme partis et notre destination paraît encore plus loin, à mesure que la pente à gravir se fait de plus en plus raide. Je suis le dernier de cette file indienne composée de huit hommes, moi y compris, entièrement vêtus de blanc les confondant parfaitement avec cet enfer de neige à perte de vue. Ma jambe et mon bras se font de plus en plus lourds et m'inquiètent : malgré toute l'efficacité que l'huile et l'alliage spécial peuvent apporter en résistance supplémentaire au gel, j'ai bien peur qu'ils ne tiennent pas plus de deux à trois heures.
Perché au-dessus du ravin qui s'étale devant moi, je repense à ma conversation téléphonique avec mon frère.
Il m'a dit de me dépêcher de rentrer, qu'il m'attendait depuis longtemps, qu'il fallait revenir. Central n'est pas mon foyer, ni ma vie. Central n'est qu'une ville noire et douloureuse. Ça ne servait à rien de remuer des cendres. Redescendre à l'Est, dans des régions plus ensoleillées, c'était ça la solution pour briser mes fantômes. Alors je lui ai dit que je rentrais, définitivement. Que je serais à nouveau à ses côtés. Parce qu'il était mon frère, qu'il avait perdu son enfance avec moi, parce que je la lui avais arrachée avec mes bêtises, parce que j'aimais son sourire, parce que je les aimais, lui, Winry, Pinako et le reste de mes jeunes années n'ayant pas fini en poussières.
Je ne lui ai pas dit ce qui me retenait à Central.
Peut-être le ferai-je en arrivant sur le perron de la maison Rockbell, ou lorsque nous serons tous rassemblés autour de la table, une délicieuse soupe de Mamie Pinako dans les assiettes. Peut-être en renverseront-ils à côté lorsque je leur annoncerai la nouvelle. Ou alors j'éloignerai la casserole avant de le dire, d'une voix fébrile et incertaine, après avoir respiré une grande bouffée d'air pour me redonner du courage. Peut-être que je me dégonflerai et laisserai le repas se passer comme prévu.
Peut-être attendre encore un peu.
Mes membres artificiels n'ont pas perdu que leur chair, mais également le sens du toucher, et je peine à m'accrocher aux prises rendues glissantes par la glace, et par le métal poli de mon bras. Je dérape plus d'une fois, et commence à avoir de plus en plus peur du vide en dessous. On m'a assuré que la mission, se situant bien plus loin que les combats, ne serait pas dangereuse. Il ne fallait que monter, déclencher la coulée de neige, et redescendre pour ensuite rejoindre Central, puis Risembool. Ma vie de militaire s'achèverait là-dessus. Je devrais tuer des gens pour gagner ma liberté. Avais-je le choix ? Pourrais-je vivre avec ?
Roy, autrefois je ne pouvais qu'imaginer. Aujourd'hui je commence à comprendre pourquoi Ishbal t'a rendu fou.
Comment se sent-on lorsque l'on se retrouve face à l'ennemi, croisant son regard un instant avant de claquer des doigts ? Moi je n'aurai pas à plonger mes yeux dans les leurs. Mais à mesure que je prends de la hauteur et me rapproche du point de déclenchement, un poids se rajoute sur mes épaules, qui alourdit ma marche et m'enserre la poitrine. Lorsque je me plains de douleurs, on me dit que c'est le manque d'oxygène lié à l'altitude.
Le poids des nombreuses couches de vêtements me fatigue. Emmitouflé dans mon grand manteau doublé de fourrure, la capuche rabattue et l'écharpe enroulée me cachent à moitié le visage, baissant considérablement mon champ de vision. L'amplitude de mes mouvements aussi est réduite, et ce handicap de plus me met mal à l'aise. Durant toute mon adolescence dans l'armée il m'a toujours fallu être constamment sur mes gardes, prêt à se défendre et à riposter à la moindre menace. C'est notamment Al qui, devant le danger constant, a développé ses réflexes de manière impressionnante. Car cet idiot s'était mis en tête que son armure était plus résistante que mon corps, et l'a utilisé à de nombreuse reprise à mon insu comme bouclier afin que je ne sois pas blessé. Je reconnais que je lui dois une fière chandelle, mais je n'ai jamais pu m'empêcher de trembler pour le sceau, imprégnant de sang séché l'acier froid, à l'intérieur.
Le sang qui liait l'âme de mon frère à ce monde. Celui versé pour mes erreurs. Mon sang.
Perdu dans mes pensées, je n'ai eu que le temps de m'apercevoir que mon regard, soudainement, bascule. Les images se disloquent et je mets du temps à comprendre. C'est la sensation de vide qui m'informe brusquement que je suis en train de chuter. Je n'ai pas le temps de réagir. Je n'ai pas assez d'air dans mes poumons pour crier, aucun son ne remonte de ma gorge. Je n'ai pas senti le sol s'éroder sous mon pied, mon pied gauche. Et c'est à peine si j'entends le bruit de la neige qui s'effrite, de mes bras qui s'agitent en cherchant une prise à laquelle se raccrocher, et des vêtements frotter contre mon sac à dos. La moitié d'un visage entre furtivement dans mon champ de vision. Sa bouche est grande ouverte et crie quelque chose. Mais la neige emprisonne même les sons, et me voilà qui tombe, dans une chute lente et silencieuse, dans cette mer de blanc.
Je m'évade.
Si je ferme les yeux je peux imaginer beaucoup de choses. Cette aptitude à inventer instantanément des lieux, des objets, et des personnages me vient de ma pratique de l'alchimie. Dans un combat, il s'agit de créer quelque chose rapidement. Des mains gigantesques, des plates-formes pour s'élever dans les airs, des lances aux gravures compliquées, que sais-je encore... Je me souviens qu'enfant, j'avais offert un cadeau à ma mère : un petit cheval à bascule, pas plus grand que le creux de mes deux mains minuscules rapprochées l'une de l'autre, tendues vers elle afin qu'elle puisse prendre le présent. Elle vit tout de suite que je l'avais crée par alchimie. Et son sourire et ses remerciements ont eu le malheur de m'encourager à continuer à me prendre pour un surhomme.
Le fait que je sois un enfant à cette époque est il excusable ?
Un cheval, tu m'avais avoué il y a à peine un an que tu en achèterais un, une fois que tout ceci serait terminé, et que l'ordre serait rétablis dans Amestris. Probablement un de ces petits chevaux gris, dont la robe se transforme en un ballet de reflets bleu sous le soleil des régions profondes de l'Est de ce Pays. J'aurais aimé avoir le temps de t'offrir un chapeau de cow-boy pour tes grandes évasions à cheval. Je t'imagine parfaitement, toi et ton regard de braise croisant celui de ta monture, parvenir à amadouer la puissance de l'animal pour t'en faire un complice. Tous les deux, je vous vois aisément décoller du sol. Je vous vois voler.
Et vous ne chuterez pas comme je le fais aujourd'hui, n'est-ce pas, Roy ?
Pourtant, à ma grande surprise, ma chute se fige. Avec appréhension, j'ouvre un œil, puis deux. Mes pieds pendent toujours dans le vide. Lorsque je lève la tête je croise le regard du soldat qui me précédait dans la file. La rapidité déconcertante avec laquelle il a réagit m'a sauvé la vie. Sa poigne est fermement refermée sur mon bras gauche, dont je sens à présent une douleur qui me remonte jusqu'à l'épaule. D'autres militaires se joignent à lui pour me remonter jusqu'au sol ferme. Je mets du temps à reprendre mes esprits. On se rassemble autour de moi pour se renseigner sur mon état de santé. Je n'ai rien de grave. Je viens simplement d'avoir eu l'une des plus grosses peurs de ma vie, mes membres en tremblent encore. Je croise le regard de mon sauveur, jusqu'à présent resté muet alors que les autres m'assaillent de questions. Je le remercie pour son geste.
Il me répond d'un sourire. Un sourire qui lui fend le visage en deux.
Ce n'est qu'après avoir marché plus de quarante minutes encore que nous arrivons enfin à notre point d'arrivée. Un terrain en pente raide sur un flanc de la montagne, dont la forte exposition aux vents violents me donne l'impression de perdre encore quelques degrés de plus. Le guide pointe du doigt l'armée de Drachma, cachée derrière le pic en face de nous, en contrebas. Visuel à l'appui, il nous explique comment la coulée de neige jouera en notre faveur. Il dit que la montagne est dangereuse. « Monsieur l'Alchimiste a pu en faire l'amère expérience tout à l'heure. Alors autant en faire une alliée plutôt qu'une ennemie » aboie-t-il, essayant de couvrir la clameur du vent. Il dit aussi qu'il a passé toute sa vie dans cette région, qu'il connaît cette montagne et qu'il y a pratiquement peu de chance que le plan ne puisse pas fonctionner.
Comment peut-on supporter de vivre dans ce froid ?
Je pars avec trois hommes installer le dispositif pendant que les quatre restants se postent à différents points de vue afin de guetter la moindre menace ennemie. Car la réussite de notre opération, d'après H. Osgeir, est un pilier indispensable à la victoire. Je ne sais pas si, pour moi, cette bataille a vraiment de l'importance. Même si je le déteste, il s'agit tout de même de mon pays. Mais je ne suis pas engagé dans l'armée par pur patriotisme. Ma seule motivation est de rentrer chez moi. Seulement rentrer …
Mon champ d'action étant particulièrement réduit, je ne peux pas me mettre trop loin du dispositif pour le déclencher. Il aurait fallu que May Chang me montre comment elle faisait pour les transmutations à distances. Je trouve un renfoncement, quelques mètres plus haut, suffisant pour me protéger de la détonation, à ce qu'on me dit. Il est midi moins dix, et la tension monte dans le petit groupe. Un homme m'accompagne tandis que les autres partent se terrer derrière un rocher à plusieurs dizaines de mètres de là. Leur attitude me fait peur. Je n'ai jamais vu d'avalanche de ma vie et en connais encore moins la mécanique.
Le soldat à côté de moi ne semble pourtant pas inquiet, et me murmure que tout sera fini très vite. Je relève la tête et croise le sourire de l'homme qui m'a sauvé la vie il y a une heure de ça. Ses cheveux noirs entourant son jeune visage me fait penser à toi, Roy, mais cette bouche fendue demeure fixée dans une crispation que je décrirais maintenant comme une grimace. Et lorsque je plonge mes yeux dans les siens, je ne parviens pas à en déterminer la couleur…
Je tâche de me concentrer sur les formules d'alchimie, la modification des molécules d'eau et d'air, du sol, du Tout que nous formons dans notre unité et de l'unité que le Tout forme. Provoquer une réaction qui ferait exploser cette bombe, et qui me permettrait de rentrer dans un endroit plus familier, loin de cet enfer de glace et de neige.
Te retrouver …
Trois minutes avant le déclenchement. A la radio, un homme s'informe de l'avancée de l'opération. Le dispositif est prêt. Moi aussi. Je me demande ce que peut bien faire un garçon de mon âge à cet instant. A dix-neuf ans, on s'amuse entre amis, on étudie, on sort avec les filles… Moi je m'apprête à tuer une centaine de personnes en une fraction de secondes. Quel âge avait-tu, Roy, lorsque tu es parti faire la guerre ? Trop jeune, toi aussi, évidemment. Trop jeune pour l'Alchimie et l'armée. Trop jeune pour essuyer les coups et les brûlures. De brûlures, ton corps en est recouvert, tout comme le miens demeure rongé par le métal.
Ton alchimie t'a dévoré, la mienne m'a englouti.
Il est midi, et le soleil s'est fait une place au-dessus de nous, entre les nuages vaporeux, illuminant un peu de son doré réconfortant le ciel, immaculé lui aussi, blanc comme le reste du paysage. L'air épais autour de moi aurait dû absorber le bruit du claquement de mes mains à présent jointes pour former le cercle de transmutation, pourtant je l'entends résonner dans ma tête. Je n'ai pas hésité, ce geste est devenu naturel avec le temps, et l'habitude avec laquelle je l'exécute me fait peur aujourd'hui.
Je suis la formule, je suis le Un qui forme le Tout.
L'énergie se répand dans mon corps tout entier. Une puissance venue du fond de la Terre, qui augmente en pouvoir à mesure qu'elle remonte à la surface. Le temps se disloque, « le Un c'est moi, le Tout c'est le monde ». Le cercle est rond à l'image de la terre, du cycle perpétuel de l'univers. Le rond à l'image de la vie, de l'infini. L'alchimie est la science qui transforme la matière, qui la module selon les désirs, mais ne fait rien apparaître. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Si je suit cette logique, maman s'est alors simplement transformée en autre chose, et doit se tenir là, quelque part dans le Tout (la Terre n'est-elle pas une gigantesque alchimiste ?). Peut-être pourrais-je la sentir, lorsque mon alchimie remue la substance, et se fond à l'intérieur des choses et me faisant pénétrer au sein de la Vérité.
C'est une décharge que je sens pénétrer dans mes doigts, mêmes ceux en acier, qui remonte dans mes mains, mes bras et mes jambes, telle un animal déchaîné qui parcourrait avec hâte le long de ma colonne vertébrale jusque dans ma tête, pour y exploser avec frénésie. Les gens voient les éclairs de la transmutation. Moi, je les sens jusque dans le métal. Ils emplissent mon corps tout entier et électrisent mes sens. Je me sens puissant, d'un pouvoir sans limite. Pas étonnant que tant d'alchimistes oublient leur condition humaine et se prennent pour Dieu : car c'est l'énergie de la planète elle-même qui leur remonte dans les entrailles. Mais ce n'est qu'un leurre, je le sais. Je ne me ferais pas avoir une seconde fois. Je ne suis pas Dieu, mon pouvoir est limité.
Ma main droite est là pour me le rappeler.
Alors que je m'attendais à une détonation fracassante, c'est un bruit sourd que j'entends, étouffé par la neige dans laquelle elle explose. Une fumée épaisse se dégage du trou maintenant formé à travers les couches blanches. Je reste encore quelques secondes accroupi puis me lève pour mieux voir. Rien n'a bougé, tout est redevenu calme. Un tir négatif ? Je me tourne vers mon coéquipier. Il fixe intensivement la cavité qui vient à l'instant de se former, imperturbable. Il attend mais rien ne se passe.
Ma respiration se fait haletante, ce calme m'angoisse. Ce n'est pas ce qui était prévu. Rien ne bouge, personne ne parle. Tout est inerte et figé. Il faut partir. Chaque minute de plus que je passe dans ce paysage m'est de plus en plus insupportable, il faut que je m'en aille, je n'aurais jamais dû me trouver ici. Pourquoi n'es-tu pas là pour te faufiler au creux de ma nuque et me chuchoter à l'oreille que tout va pour le mieux ? Il n'y aura personne de tué par ma faute en fin de compte, cette idée me soulage. Je lève la tête vers le soleil. Il est définitivement sorti des nuages et parsème les reliefs de milliers de reflets dorés. Je prends une grande inspiration puis pousse un long soupir.
C'est à ce moment précis, seulement une dizaine de seconde après l'explosion, que se fait entendre le gigantesque bruit de craquement.
C'est la montagne toute entière qui se déchire dans un crissement sonore. Je n'ai pas le temps de réaliser, elle gronde, elle se dérobe sous mes pieds, me plaque au sol avec colère. Elle me pousse à hurler, à perdre tous mes repères. Elle me plonge dans une mer de blanc et cherche à me noyer, m'emporte dans des vagues monstrueuses en me privant de tout contrôle sur mon corps et mon esprit. La descente est interminable. Je ne sens plus mes membres, comme si on me les avait arrachés. Je ne sais plus où est le ciel et le sol. Je heurte quelque chose, un rocher peut-être, et me sens dériver sans pouvoir tenter quoi que ce soit, la douleur ne faisant que me paralyser plus encore. Je n'arrive plus à me battre contre la force phénoménale qui s'acharne sur moi.
Je me suis transformé en une poupée de chiffon.
Alors c'est comme ça que ça va se terminer ? C'est comme ça, mourir, maman ? C'est se laisser faire sans pouvoir vraiment agir? En aurais-je envie si je le pouvais ? Je ne sens plus la douleur, je ne fais qu'être ballotté par la neige, dans un état second. Je sens que je vais m'endormir. Je ferme les yeux et écoute le murmure de l'avalanche. C'est devenu beaucoup plus calme. Je crois que je n'entends plus très bien.
Je crois aussi que tu vas devoir continuer sans moi, Roy.
Je retrouve la vue. Quelque chose me tient, j'entrouvre les yeux malgré le poids des paupières. Je croise un sourire. Le même que le soldat qui m'a sauvé la vie, celui à mes côtés lors de l'explosion. Lorsque je vois son regard, je peux enfin en déterminer la couleur.
Violets. Un violet moqueur et cruel. Le même violet, le même sourire que celui d'Envy.
Habile manigance : il était sous mon nez depuis tout ce temps, à me montrer ses dents de charognard, et je n'y ait vu que du feu. Il y est arrivé. Depuis le temps qu'il veut ma mort…
Je voudrais
Que vous viviez …
A travers la grande fenêtre, le soleil se faufilait et éclairait le bureau en bois et les piles de papiers désordonnés qu'on avait amassées dessus. Il était déjà quatorze heures, et il fallait encore trier et ranger les dossiers dans les armoires, en lire et en signer d'autres, faire suivre des dossier aux plus hauts gradés, renvoyer des réponses, rédiger des rapports de cas, des rapports de dossiers, des rapports de rapports … Toute cette paperasse plus ou moins utile ne plaisait pas au militaire qui rangeait présentement le dossier statistique sur l'évolution de l'armement du pays limitrophe Aerugo, qu'il faudrait de toute urgence remettre aux instances supérieures. Les dossiers d'espionnage comme celui-ci ne devaient pas rester longtemps entre les mains d'un petit colonel, dans un bureau non sécurisé comme le sien. Il le glissa dans une grande enveloppe et le posa dans le compartiment « à traiter rapidement » en bas à gauche. Une fois finis il attrapa le suivant de la pile : un rapport d'audition d'un soldat ayant effectué une bavure sur un camp militaire de l'Est du pays. Vraiment, on lui refourguait tout et n'importe quoi : de la simple agression d'un supérieur anonyme au dossier classé confidentiel. Vraiment, sa réputation d'homme bordélique était injustifiée, c'était plutôt l'armée qui était mal organisée.
Il attrapa le dossier suivant mais son contenu se déversa sur le plancher. On n'avait pas pris soin de refermer la chemise. C'est à ce moment-là que le lieutenant Hawkeye fit son entrée. Elle trouva son supérieur agenouillé sur le sol, tentant de rassembler les feuilles volantes éparpillées en râlant contre « les demeurés qui ne savent même pas fermer correctement un dossier alors qu'ils n'ont que ça à foutre de leurs journées ». Elle allait l'aider à ranger quand le téléphone se mit à vibrer sur le bureau. Mustang détestait ce téléphone qui, décidément, choisissait les meilleurs moments –ceux où l'on était le moins disponible- pour faire résonner sa sonnerie stridente dans la pièce. Riza, elle, détestait le colonel lorsqu'il s'énervait : elle se précipita sur le combiné.
- Bureau du colonel Mustang ?
Elle marqua une pose pour écouter son interlocuteur puis repris un « je vous le passe tout de suite » avant de poser une main sur le micro et de chuchoter à son supérieur.
- C'est le QG Nord. Ils veulent vous parler en personne.
Mustang ne réagit pas tout de suite. Que pouvaient-ils bien lui vouloir ? Lorsqu'il posa la question au lieutenant, elle lui répondit par un haussement d'épaule interrogé. Dans un soupir, il se leva et traversa la pièce pour attraper le téléphone que sa subordonnée lui tendait. Il avala une grande goulée d'air, repris son calme et commença à parler d'une voix neutre et assurée.
- Colonel Roy Mustang à l'appareil
- Colonel Mustang, je suis Dalius Jase, chargé des affaires intérieures du QG nord. Etait-ce bien vous le supérieur de l'Alchimiste Fullmetal Edward Elric ?
La question piqua sa curiosité. Que pouvait bien vouloir ce Dalius à Edward, alors que celui-ci avait depuis longtemps quitté son poste d'Alchimiste d'Etat ?
- Oui, mais il ne fait plus partie de l'armée depuis plus d'un an maintenant.
- C'est exact monsieur, cependant on m'a communiqué qu'il a participé à une mission tactique ce matin dans le périmètre de Briggs. Affirma la voix grésillante.
Le ton désolé avec lequel s'adressait l'homme au bout du fil inquiéta sérieusement Roy. Ce n'était pas possible, il n'avait été prévenu par personne de l'armée. Pas d'avis de mission, pas de communiqué d'un quelconque supérieur, rien n'avait atterri sur son bureau. Pire encore, Edward ne lui en avait jamais parlé. Ce n'était pas possible qu'il se trouve au Nord, il devait être à Risembool depuis trois jours, c'est ce que l'adolescent lui avait dit.
- Il doit y avoir une erreur, je ne lui ai donné aucun ordre de mission. Assura le colonel, incrédule.
- Je suis désolé, monsieur, mais il faisait effectivement partie de la mission « Ouréa » ce matin, une totale réussite, qui consistait à déclencher une avalanche qui détruirait un poste avancé de l'armée de Drachma.
- Comment se fait-il que l'un de mes subordonnés ait été réquisitionné sans que j'en aie été informé ? Un subordonné ayant pris sa retraite, qui plus est ! S'emporta Mustang, ayant perdu tout contrôle de lui-même. Lorsqu'il s'agissait d'Edward, il ne pouvait pas garder son calme.
- Je l'ignore monsieur, répondit la voix embarrassée au bout du fil. Cependant je suis au regret de vous informer le décès de l'Alchimiste Elric aujourd'hui, dans l'exercice de ses fonctions. L'avalanche l'a emporté, monsieur. Etant son supérieur hiérarchique, vous êtes priés par le code de l'armée de le communiquer à la famille. Il sera promu au grade de colonel à titre posthume, et sera enterré à …
La voix du chargé des affaires intérieures Dalius Jase s'éloigna lentement pour s'éteindre au milieu de sa phrase. Roy Mustang avait éloigné le combiné de son oreille, le laissant soudainement pendre dans le vide. Il s'assit lentement, hébété, les yeux perdus dans le vide, sur le large fauteuil de son bureau. Sa poitrine lui faisait mal. Le soleil au-dehors éclairant la montre d'alchimiste posée devant lui. Un nom, à peine audible fut murmuré par ses lèvres. Edward. Dans un coin de son champ de vision, il perçut vaguement le lieutenant récupérer précipitamment le combiné, murmurer quelques mots, en écouter d'autres, figer son beau visage dans une crispation horrifiée, puis raccrocher l'appareil. Edward. Edward était mort. Mort. Ce n'était pas possible. Ce n'est pas possible ! Edward ne peut pas mourir, il n'a que dix-neuf ans !
- Riza. Dites leur que c'est une erreur.
La subalterne n'eut que le temps de répliquer un « Colonel » désolé que ce dernier la coupa, fébrile.
- Ce n'est pas possible ! Pas lui ! Pas Edward ! Il est à Risembool, Riza, à Risembool ! Il ne peut pas être mort !
Le ton était monté en crescendo, d'abord murmuré, allant vers les cris suppliants, pour ensuite finir dans un hurlement douloureusement long et incompréhensible. Roy tomba de sa chaise, renversant les objets sur le bureau dans un vacarme assourdissant. Ses plaintes déchirantes attirèrent des subalternes qui se précipitèrent dans la pièce, et qui furent immédiatement renvoyés par le lieutenant. Lorsqu'elle tenta de le relever, il était en pleurs et totalement incapable de contrôler ses muscles devenus trop faibles pour supporter son poids. L'homme à l'habitude droite et fière, ne laissant transparaître aucun sentiment était aujourd'hui totalement démuni, en perte totale de lui-même, transpercé à cœur.
Comme une mère, elle s'agenouilla au sol et l'amena au creux de ses bras, lui tenant la tête et commençant à bercer doucement l'homme endoloris. Il cria sa souffrance dans le creux de son cou tandis qu'elle le serrait plus fort, déterminée à rester ainsi, lui pleurant et elle le tenant dans ses bras comme elle aurait tenu un enfant saignant du genoux après une chute, aussi longtemps qu'il faudrait à Roy pour calmer la douleur qui lui lacérait la poitrine et l'empêchait de respirer.
Beaucoup de choses avaient changées. Ça avait été plus ou moins douloureux, ça avait transformé bien des personnes et des visions. Mais ce changement là était beaucoup trop radical, bien trop brutal, Riza le savait : l'homme qu'elle tenait dans ses bras tremblants venait de perdre l'une de ses dernières espérances, et le vide qu'elle laissait derrière elle ne serait probablement jamais comblé.
J'aurais voulu
Que tu vives …
