« ...sur le sujet de la mort du célèbre détective Benjamin Ledrert Sénior, les autorités ont conclu à un suicide. Beaucoup d'experts s'interrogent sur la raison qui a poussé ce détective reconnu dans le monde à commettre un tel acte. Est-ce à cause du dernier procès, où il fut pointé du doigt par la communauté pour création de fausse preuve pour l'avocat Henry Kesak, dans l'affaire de meurtre de la jeune Ema Adala ? Certains pensent qu'il s'agit d'un aveu de culpabilité sur ce délit. Après tout, cet acte a fait perdre son badge au célèbre avocat de la défense. Nous avons pu interroger un autre homme connu comme l'adversaire de ces deux hommes, le procureur Raphaël Landry... »

D'un geste mou, le jeune homme éteint la télévision, plongeant la pièce dans le noir complet. Le jeune homme aux cheveux blonds fixait le boîtier qui servait de téléviseur avec un regard dépourvu d'émotions. Un suicide. Son père s'était suicidé. Voici la vérité. Il voulait la nier, mais il ne pouvait objecter sur les preuves. Il ne savait plus réfléchir. Même les policiers et les enquêteurs n'ont rien obtenu de lui. Après tout, qui était-il ? Le fils du plus grand détective de tout les temps. Une ombre élevée pour devenir le successeur de cet homme illustre. Un garçon éduquée par son père, et uniquement par son père. Il n'avait aucune ambition. Il n'avait qu'un devoir. Suivre son père. Devenir son remplaçant quand ce dernier se serait retiré. Poursuivre le rêve de cet homme. Mais au final, il n'était personne. Il ne vivait que grâce à son père. Il était son pilier. Le seul pilier. Et un soir, tout est détruit.

Il le savait. Cause de la mort ? Un coup de feu au niveau de la tempe, les traces de brûlures le prouvent. Aucune empreinte sauf ceux de Benjamin Ledrert Sénior. Et il s'agissait de son arme personnelle. L'homme avait vu et avait décidé de se suicider. Voilà l'explication. Et puis, qui voudrait tuer un homme dont la réputation avait été jetée dans les flammes de l'oubli ? Il n'y avait aucun mobile. Si crime il y avait, les seules personnes ayant pu le faire étaient son fils ainsi que Guillaume Silvares, un ami de la victime. Ce dernier possédait un casier, mais cela faisait des années qu'il s'était rangé. Il n'avait aucune raison de le tuer.

Non, c'était faux. Quelqu'un voulait l'empêcher de trouver qui avait créé réellement cette fausse preuve ! Son père ne pouvait s'être suicidé ! Il l'avait répété, encore et encore. Mais c'était inutile. Il n'y avait aucune preuve qui pouvait démontrer le contraire.

Une preuve... Quelque chose clochait, oui. Mais il ne pouvait rien en déduire. C'était probablement un message de son père. Seul son élève pouvait le savoir, le reconnaître. Mais était-ce vrai ? Il avait encore beaucoup à apprendre. Il lui manquait quelque chose. Cet indice ne servait alors à rien. Même Henry Kesak n'avait pu l'aider.

Et voilà. Le secret homme est parti. L'homme au calme glacial. Le manipulateur aux astuces douteuses, mais toujours dans les limites de la loi. L'allié de la justice. Celui qui n'aidait que quand il était certain que le client était innocent. Le plus grand allié de Henry Kesak. Un homme de toute façon trop complexe mais en même temps trop simple. Mais qu'importe. Il était mort.

Que faire ? Il ne pouvait rien faire. Qu'il y avait-il à faire ? Il n'avait plus de raison de vivre. Il avait toujours suivi son père, mais désormais, il n'y avait plus personne devant lui. Il avait prit un autre chemin.

« Mais oui... »

Qu'il était idiot. Il l'avait toujours suivi. Il n'avait plus qu'à revenir sur ses pas et prendre l'autre chemin. Il se leva doucement. Il n'y avait plus de pistolets, mais il pouvait prendre autre chose. Il savait qu'une corde traînait dans le coin. Son père reconstituait toujours les scènes du crime, il avait tout une panoplie d'objets utiles. Il le prit d'une des armoires, puis pris une chaise et prépara la corde. Quelques secondes... Dans quelques secondes, il serait avec son père. Comme toujours.

...Puis le bruit d'une porte. La lumière du couloir l'ébloui. Qui était la personne qui était là ? Il ne la connaissait pas. Mais quelque chose l'émerveillait. Il avait l'impression que cette personne... brillait...


*bip* ... *bip* … *bip*

Quel était ce son ? Alors que je sentais que je me réveillais, ce bruit inédit me remplissait la tête. Je ne pouvais penser à rien mis à part à ce son. Un rêve, peut-être ? Avais-je un corps ? Je ne le sentais presque pas. Je me sentais léger et lourd à la fois. Si j'étais éveillé, j'aurais crié « OBJECTION ! » en pointant mon ombre du doigt. Je ne pouvais être léger et lourd à la fois. Essayons d'analyser. ...Non, inutile, mon cerveau ne fonctionne pas. J'ai même plutôt l'impression qu'il est en feu, sans pour autant me brûler. Une impression, alors...

Ouvrir les yeux... Oui, ouvrons-les. Je dois comprendre ce qu'il m'arrive. Mais mes paupières sont lourdes. Cela demandait un grand effort. Mais je m'obligeais à le faire.

Un plafond blanc... Ma chambre n'a pas cette couleur-là. Où suis-je donc ? Plus j'ouvrais les yeux, plus je voyais de choses. Est-ce un câble ? Non... Qu'était-ce ? Je ne suis pas sûr.

« ...Will ? »

Will... Oui, c'est mon prénom. Je me nomme... Ah oui, Will Stach. Drôle de nom, je sais. Un de mes ancêtres a dû foirer au niveau de l'orthographe. Mais qui m'appelait ? Je coulissais mes yeux vers le côté. Une silhouette était là... Je clignais doucement des yeux. La silhouette prit forme. Je reconnais cette veste.

« ...Incroyable... Je n'arrive pas à y croire... »

L'homme était heureux. Je pouvais même voir qu'il en pleurait presque. C'était touchant. Mais hors de personnage. Oui, je me rappelais de son visage bronzé, de sa coupe de cheveux noir qui me faisait penser à la crinière d'un lion, dépendant de la façon dont je le regardais. Et ses boucles d'oreilles sur son oreille gauche. Henry Kesak... Je me rappelais de son nom. Heureusement, car il était mon modèle.

« ...Où suis-je ? » demandais-je avec difficulté. Monsieur Kesak se posait alors sur un siège, près de moi.

« A l'hôpital. »

Ah... Cela commençait à prendre sens. Ces sons qui me prennaient la tête et ces étranges câbles... Et cette impression d'être lourd et léger à la fois. Je ne pouvais pas regarder mon corps, caché sous le drap blanc. Mais la seule impression de lourdeur venait de ma tête. La légèreté devait venir des médicaments.

« ...Qu'est-ce qu'il m'est arrivé ? » questionnais-je lentement. Monsieur Kesak prit quelques secondes à me regarder avant de retourner la question :

« De quoi te rappelles-tu ? »

Est-ce que je me souvenais de ce qui m'était arrivé ? J'essayais de réfléchir... Mais j'ai un trou. Un véritable brouillard. Je commençais à m'inquiéter.

« ...Non... rien...

- ...Je vois... Reste calme, d'accord, Will ? C'est normal. Je m'attendais même à quelque chose de pire. Après tout, tu as pris un sacré coup sur la tête. Même ta survie est impressionnante. »

Donc voilà pourquoi ma tête était si lourde. Mais je me demandais... Que m'était-il arrivé ?

« Est-ce que vous savez... Ce qu'il m'est arrivé ?

- Un terrible accident... Apparemment tu... »

Je l'écoutais, jusqu'à ce que, sans que je comprenne pourquoi, je ressentais comme un blocage. Quelque chose se passa, mais je ne savais pas quoi. Tout ce que je me rappelais, c'est que ma tête était en feu et qu'ensuite, l'obscurité avait repris le dessus...


« ...p-pourquoi ?!

- C'est un choix à faire, je suis désolé...

- ...Non... »

A qui était cette voix ? A qui appartenait ces pleurs ? Je ressentais comme une détresse, un désespoir... Mais j'étais trop fatigué, trop épuisé, et je me rendormais tout aussi vite que je m'étais réveillé.


*bip* ... *bip* … *bip*

...Encore ce son... Au moins, je sais où je suis. Je rouvrais doucement les yeux. A ma gauche se trouvait encore Monsieur Kesak. Son visage me souria quand je croisai son regard.

« Comment vas-tu, Will ?

- ...Bien, je crois... Si on ne prends pas en compte le fait que ma tête pèse une tonne...

- Je vois... Content de voir que tu as la forme. »

Je le regardais sans rien dire. Il y avait quelque chose de bizarre. J'essayais de réfléchir malgré la lourdeur de mon cerveau. Disons que j'arrivais à penser aux choses simples sans problèmes. Mes raisonnements... Voyons... Oui, je me souvenais de mes cours, cela devrait aller. Tant mieux, je pouvais continuer mon rêve de devenir avocat. Il restait...

« ...Que m'est-il arrivé... ? Vous m'aviez parlé d'un accident, mais ensuite, c'est... brumeux... Je suis tombé inconscient... ?

- Oui. Trois jours. »

Mon cœur se serra. Pourquoi j'étais tombé dans le coma pendant trois jours sans raisons ? Je commençais vraiment à m'inquiéter à cause de mon état.

« ...Que m'arrive-t-il ?

- ...Commotion cérébrale. Un peu plus grave que prévu. Tu réagis mal à un souvenir, c'est tout.

- ...Mal ? Je crois que le mot est faible...

- Par rapport à ce que tu risquais, je dirais que c'est un bon choix de mots. »

Je ne répondais rien à nouveau. Cela me semblait logique, de son point de vue. Je ne me souvenais plus de rien, un vrai brouillard sur ces derniers évènements. Je me risquais à demander à nouveau.

« Quel genre d'accident ?

- Désolé Will, mais pour le moment, je ne peux en parler.

- Logique... »

Je soufflais longuement en signe de déception, même si je comprenais que ma santé est plus importante que le reste. Mais quand je lui demandais combien de temps cela faisait depuis l'accident, il m'avait indiqué une dizaine de jours. Donc j'avais été dans le coma pendant au moins une semaine après mon accident. C'est pour dire la gravité de ma blessure. Je respirais doucement. Je me devais de rester calme.

« Au fait, monsieur Kesak... Pourquoi êtes-vous à mes côtés ?

- ...J'ai mes raisons.

- Lesquelles ? »

Je voyais ses sourcils se froncer. Il semblait réfléchir sérieusement. Il ne manquait plus que sa tasse de café. Mais à peine je pensais à cela qu'il prenait un thermos qui se trouvait à ses pieds et buvait quelques gorgées. Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire. C'était bien le grand avocat Kesak, le grand amateur de café noir.

« Je pense que je peux t'en parler, puisque tu te souviens de moi sans trop de problèmes. Mais dis-moi si tu te sens mal, j'arrêterai aussitôt. » disait-il après avoir refermé son thermos. J'acquiesçais, comprenant qu'il voulait voir s'il y avait une limite à ce qu'il pouvait me dire.

« Tu... es venu à une de mes conférences, récemment. Tu ne t'en souviens pas, je suppose. » Je secouais la tête, confirmant ses dires. Je me rappelais juste qu'il en faisait parfois pour les étudiants en droit. « Juste après, nous avons fait... une sorte de stage, dirons-nous. Puis j'ai discuté avec toi après, et c'est là que j'ai décidé que tu pourrais devenir mon élève une fois tes études terminés. »

Je ne pouvais m'empêcher que d'être surpris mais aussi excité. Avais-je bien entendu ? Mon modèle, l'avocat que j'admirais, deviendrait mon mentor ? Je ne pouvais croire mes oreilles.

« V-Vraiment ? Quels étaient vos raisons de me choisir ?

- Hmm... Le potentiel que je décèle en toi, et les raisons qui t'ont poussés à devenir avocat. Et puis... tu sais avec qui je travaille, n'est-ce pas ?

- Oui. Benjamin Ledrert. Et ce policier... Loïc Werren, c'est ça ? Vous sembliez bien vous entendre. »

En entendant cela, l'avocat ne put s'empêcher de sourire.

« Hé... Voilà une observation que peu de personne ferait, compte tenu du caractère de Loïc. Une de tes qualités qui a joué en ta faveur. Mais il y a une autre raison, plus importante. Comme tu le disais, je travaille beaucoup avec Benjamin. Tu sais qu'il a un fils ? »

Ignorant encore cette lourdeur, je tentais de m'en souvenir.

« C'est vague... Mais je crois en avoir entendu parler...

- Mais tu as le tableau. Il préparait son fils pour qu'il devienne détective, comme lui. Et même s'il n'était pas d'accord sur l'idée, je pensais associer son fils à un élève que j'aurais choisi, du fait que nous étions très souvent associés. »

J'écoutais calmement, surpris de cette idée d'être associé à l'enfant du plus grand détective du pays, mais autre chose clochait.

« Excusez-moi mais... pourquoi vous parlez de votre ami au passé ?

- ...Je ne pensais pas avoir parlé de lui au passé... Qu'est-ce qui t'a fait penser cela ?

- Eh bien, connaissant Benjamin Ledrert de réputation... Vous aviez dit qu'il « préparait » son fils, mais pourquoi arrêterait-il de le préparer ? Il est connu comme perfectionniste, et vous aviez même dit que vous vouliez l'associer à votre élève... Non, attendez, c'est même le fait que vous passiez outre le refus de votre ami à ce sujet... Je ne sais pas, mais cela ne colle pas... »

Mon raisonnement terminé, je regardais mon futur mentor, qui m'observait en silence. Il était toujours aussi difficile de deviner ce qu'il pensait. Il faisait la même tête quand il réfléchissait longuement, peu importe le sujet. Même si son acolyte était pire. Cependant, j'ai toujours pensé que c'était dû à un entraînement ardu, à moins que ce soit un don inné. Je ne connaissais pas Henry Kesak à ses débuts, donc je ne pouvais savoir si l'une de mes suppositions était bonne.

« Qu'y a-t-il ? ...J'ai dit une bêtise ? »

Je savais que j'étais du genre à foncer quand j'avais mes présomptions, et cela m'arrivait alors d'avoir des moqueries lors de nos faux procès, mais je n'en avais jamais fait attention, préférant cela à de longues minutes de réflexions inutiles.

« Non... Au contraire, j'ai trouvé ce que tu viens de dire plutôt excellent. Comme un parfait contre-interrogatoire.

- Oh... Euh... Merci ? » J'étais flatté de ces paroles, avant que les conséquences de mes pensées reviennent m'assaillir. « Attendez... Ne me dîtes pas que...

- Benjamin Ledrert Sénior est mort. Il s'est suicidé. Je ne connais pas les raisons...

- Qu...

- Je devrais d'ailleurs te parler de cela aussi. Je ne suis plus avocat. J'ai perdu mon badge.

- ...Quoi ? »