AU CŒUR DE L'OURAGAN

Chapitre 1 :

Don mettait la touche finale à son rapport clôturant sa dernière enquête. Après huit semaines éprouvantes, pendant lesquelles il ne différenciait plus le jour de la nuit, il n'aspirait qu'à une seule chose : son lit. La dernière affaire avait été rude pour toute l'équipe. Ils avaient travaillés sans relâche sur les assassinats de pères de famille. Le tueur était violent, méthodique et ne commettait aucune erreur, laissant le FBI dans une impasse. Don et son équipe n'avaient aucune piste, aucuns indices pouvant le localiser ou prévoir quelle serait sa prochaine victime. Il choisissait ses victimes au hasard. Le fait qu'elles soient riches ou pauvres était sans importance pour le tueur, pourvu que ce soit des pères de famille. Même les maths de Charlie n'avaient rien donné. Les nerfs étaient au bord de la rupture et la pression des médias et de l'opinion publique ne faisait qu'accentuer le sentiment d'impuissance de l'équipe. Pour couronner le tout, le sous-directeur exigeait des résultats rapides sans quoi le FBI deviendrait la risée des agences gouvernementales. Dormant et mangeant peu, travaillant jour et nuit y compris les week-ends, Don avait dû aller chercher au plus profond de lui les ressources nécessaires pour motiver son équipe et lui redonner confiance. Finalement, après plusieurs semaines de galères, à force de persévérance et de ruses, l'enquête avançait enfin à grands pas, aider par les premières erreurs du tueur qui se sentait intouchable. Et aujourd'hui, ils étaient récompensés de leurs efforts en l'arrêtant avant qu'il ne tue sa neuvième « victime », avec Don dans le rôle de cette victime et Megan dans le rôle de son épouse. En définitive, les gentils avaient encore gagnés et le méchant était en prison avec 99,99 pour cent de chance que la peine de mort soit prononcée à son procès.

Don vérifia une dernière fois qu'il n'avait rien oublié dans son rapport, le tamponna et y apposa sa signature avant de le fermer. Il ferma ses yeux et se massa la nuque en faisant tourner son cou pour soulager ses raideurs articulaires. Sentant une personne s'approchait de lui, il rouvrit ses yeux et laissa échapper un petit grognement. David lui remettait son rapport. Rapport qu'il allait devoir lire, vérifier et signer avant de le joindre au sien, après avoir fait la même chose avec ceux de Liz et Megan. Il ne manquait plus que celui de Colby. Don jeta un coup d'œil sur ce dernier, assis à son bureau, s'aidant de sa main pour maintenir sa tête droite tandis qu'il finissait son rapport. Puis Don regarda autour de lui. Il n'y avait presque plus personne à cette heure tardive. Hormis le personnel d'entretien, il était seul avec David et Colby. Megan et Liz avaient déjà finis leurs rapports et profitaient en ce moment même d'un repos bien mérité chez elles. Don n'avait jamais compris et ne comprendra jamais comment elles faisaient pour toujours finir leurs rapports avant eux.

«Rentres chez toi, David et reposes-toi.»

Les yeux à peine ouverts, l'agent Sinclair répondit par une sorte de grognement inintelligible en enfilant sa veste. Après une petite tape sur l'épaule de Colby en signe de soutien, il se dirigea comme un zombie vers l'ascenseur.

« Tu es sûr que tu es en état de conduire, David ? » Demanda Don, pas très rassuré par l'état de fatigue de son agent.

Pour toute réponse, Don obtint un autre grognement encore plus incompréhensible que le précédent.

« Attends David, je te ramène. J'ai fini.» Héla Colby en fermant son dossier.

Pas beaucoup plus éveillé que son partenaire, l'agent Granger éteignit son ordinateur et remit son rapport à Don.

« Tu en as encore pour longtemps, Don ? » Demanda-t-il, compatissant en s'apercevant que son patron sera tout seul après leur départ. « Nous pouvons t'attendre si tu veux. »

« Non, ça ira Colby. Merci. Ramènes David et passe un bon week-end.»

« D'accord. Comme tu veux. Bon week-end. »

Colby et David disparurent derrière les portes de l'ascenseur sous le regard envieux de Don. Celui-ci souffla à la vue des dossiers empilés sur son bureau et une deuxième fois en regardant la salle de conférence en pagaille. Les photos des victimes étaient encore accrochées ainsi que les plans des différents secteurs de Los-Angeles sur lesquels son frère avait établis les zones de forte probabilité des prochains crimes, les tableaux étaient encore recouverts des équations de Charlie et divers papiers et bloc notes jonchés les tables. Il allait devoir tout ranger, joindre les photos aux rapports et nettoyer. Son lit était encore loin.

NUMB3RS

Il était un peu plus de minuit lorsque Don arriva chez son frère en se demandant comment il avait fait pour ne pas s'être endormi au volant. Avec ses dernières forces, il ouvrit la lourde porte en bois et fut étonné de trouver son père encore debout à cette heure-ci. Et habillé élégamment.

« Donnie ? Je ne m'attendais pas à te voir si tard. Tout va bien ? » Interrogea Alan en desserrant sa cravate.

« Bonsoir papa, » répondit Don en accrochant sa veste sur le porte manteau. Il enleva son arme et sa chemise comme s'il enlevait un pull et fit flac sur le divan. « Tout va bien. C'est juste que je suis trop fatigué pour conduire jusqu'à mon appartement, alors je me suis dit que le divan fera très bien l'affaire pour cette nuit. »

« Tu sais que tu as toujours ta chambre ici. Tu serais mieux dans ton lit.»

« Je n'ai pas le courage de monter les escaliers. » Don ouvrit un œil en enlevant ses chaussures sans prendre la peine de défaire les lacets. « Tu es bien élégant ce soir. Tu étais de sortie ? »

Oui. J'ai invité Millie au restaurant. Nous avons mangé un délicieux filet de bœuf Wellington au foie gras accompagné d'une succulente sauce madère. C'était une merveille. »

« Tu aurais pu m'inviter, » protesta Don dont l'estomac gargouillait bruyamment.

« Tu n'as pas mangé ? »

« Si. Mais j'ai encore faim. »

« Toi et ton estomac, » murmura Alan en dépliant la couverture qui était posé sur un des fauteuils. Couverture qu'il lança sur le corps de son fils. «Puisque tu veux dormir ici, autant que tu te rendes confortable. Tu veux manger quelque chose ? Il doit y avoir quelques restes dans le réfrigérateur. Je crois qu'il y a de la rillette.»

« Oh non, elle est là depuis une semaine, » grimaça Don de dégoût en s'emmitouflant confortablement dans la couverture et en attrapant un coussin qui lui fera office d'oreiller.

« Un peu de rôtis froid alors ? »

« C'est Charlie qui l'a cuisiné. Tu veux m'empoisonner ou quoi ?! »

« J'ai entendu ! »

Don et Alan regardèrent en direction de la porte et virent Charlie entrait d'un pas fatigué. Il déposa son ordinateur portable ainsi que ses clés sur la petite table ronde et marcha vers le divan.

« Bouges. »

« Non » répondit Don, grognon. Il s'était bien installé et n'avait pas l'intention de bouger d'un pouce. « Prends le fauteuil. »

« Je suis chez moi, alors si je veux prendre le divan, je prends le divan. »

« Tu es peut-être chez toi mais le divan appartient à papa. Et donc, en tant que digne héritier, il m'appartient pour moitié. »

« Et donc l'autre moitié m'appartient, » riposta Charlie en sautant sur les jambes de son frère.

« Owf ! C'est comme ça que tu traites tes invités ? »

« Je ne t'ai pas invité. »

« Les garçons ! Il y a vraiment des moments où je me demande quel âge vous avez !» Gronda Alan, exaspéré par l'immaturité de ses fils, dont l'un était censé être un agent endurci du FBI et l'autre un grand mathématicien. « Ce divan m'appartient dans sa totalité aussi longtemps que je vivrais, alors c'est moi qui décide qui peut s'y asseoir. Donnie, fait de la place pour ton frère. Le divan est assez grand pour vous deux.»

« Mais je suis bien installé ! »

« Don ! »

- « J'aurais dû aller chez moi, » maugréa Don en laissant son frère s'installait à l'autre extrémité du divan.

« Tu es bien habillé ce soir, papa, » remarqua Charlie en se couvrant avec le bout de la couverture que Don voulait bien lui laisser.

« Il a emmené Millie au restaurant. »

« Tu aurais pu m'inviter. »

Alan roula des yeux. « Vous trouverez peut-être ça incroyable mais un homme de mon âge peut encore plaire à une belle femme et vouloir passer du bon temps seul avec elle. »

« Ce n'est pas toi qui disait l'autre jour, je cite : « Elle est très bien cette maison. Elle est vieille mais tout marche. Enfin presque tout. Un peu comme moi. » »

Don éclata de rire à la réplique de son frère. « Bien joué, Charlie. Je n'aurais pas fait mieux. Il faudra que je la retienne celle-là. »

« C'est ça, rigolez tous les deux. Vous rirez moins lorsque vous aurez mon âge. »

- « A ton âge, ça doit déjà être une victoire de pouvoir te lever le matin. »

Cette fois-ci, c'est Charlie qui éclata de rire à la réplique de son frère. Alan préféra ignorer les moqueries de ses fils et se concentra sur leur aspect. Il était peut-être vieux mais en ce moment il était le seul dans cette pièce à être au meilleur de sa forme.

« Depuis quand vous n'avez pas pris une bonne nuit de sommeil tous les deux ? »

- « Depuis une éternité, » répondit Don en soupirant.

« Moi aussi. Je n'aurais jamais pensé qu'assurer la promotion de mon livre pouvait être aussi éreintant. »

« C'est vrai qu'entre tes cours, tes interviews, tes passages à la télé, ton travail de consultant, tu n'as pas une minute à toi, » convint Alan, compatissant. « Tu vas devoir t'habituer à ta nouvelle notoriété parce que à la vitesse où vont les enchères sur eBay, tu peux me croire, elle n'est pas prête de s'arrêter. »

« C'est dur la vie de star, » marmonna Don sur un ton sarcastique. Sa mine soudainement sombre n'échappa pas à Alan et Charlie.

« Colby m'a dit que vous avez arrêtés le tueur cette après-midi. Félicitations. Je suis désolé de ne pas avoir été très utile dans cette affaire. »

« Ça va Charlie, tu as fait ce que tu as pu. Les maths n'ont pas toujours la solution. »

Alan s'assit dans le fauteuil à côté de Don et lui tapota l'avant-bras en signe de réconfort.

« Je sais que ta dernière affaire était difficile, Donnie. C'était à la une de tous les journaux et Charlie m'en a un peu parlé. Je me suis inquiété pour toi. Je sais comment tu es lorsque tu es obnubilé par une affaire. Tu t'investis corps et âmes, tu oublies de manger et tu ne dors pas beaucoup. »

« Papa… »

« Ne me dit pas le contraire, je ne te croirais pas. Tu ne peux pas tenir ce rythme plus longtemps si tu ne te reposes pas. Tu dois prendre des vacances. »

- « J'ai douze dossiers qui attendent sur mon bureau. Je n'ai pas le temps de prendre des vacances.»

« Eh bien tu devrais le prendre. Toi aussi tu as besoin de vacances, Charlie. Nous pourrions aller chez votre oncle Tommy. Qu'est-ce que vous en pensez ?»

« Oncle Tommy est un rustre. »

« Mais non, Charlie. Mon grand frère n'est pas rustre. Il est juste un peu…rustique. »

« C'est pareil. »

« J'aime bien oncle Tommy, moi. »

« Forcément, toute personne capable de dire « hello » en rotant est ton idole, » grogna Charlie.

« Betty est toujours ravie de nous recevoir. Et c'est l'été indien à cette époque de l'année dans le Maine. Vous pourriez faire découvrir la région à Amita et Robin. » Insista Alan, désireux de passer quelques vacances avec ses garçons.

« Je doute que Robin puisse prendre des vacances. Elle est chargée de l'accusation dans l'affaire Sanchez, le baron de la drogue. Le procès doit durer plusieurs mois.»

« Et Amita siège à la commission des programmes. Je doute aussi qu'elle puisse prendre des vacances.»

« Nous partirons que tous les trois, alors. Nous sommes toujours à droite et à gauche ces derniers temps. C'est à peine si nous nous voyons. Ce sera l'occasion de nous retrouver. »

Don et Charlie restèrent silencieux un petit moment, chacun pensant à la possibilité ou non de prendre des vacances au vu de leur charge de travail actuelle. Charlie fut le premier à donner sa réponse :

« C'est plutôt calme en ce moment à Calsci étant donné que nous sommes entre deux semestres. Je dois pouvoir réussir à me libérer.»

« Alors ça veut dire oui ? » Questionna Alan pour être certain qu'il avait réussi à convaincre au moins un de ses fils. Il ne restait plus que Don.

« Oui papa, je pars en vacances avec toi. Heureux ? »

« Rien ne pourrait me faire plus plaisir, » répondit Alan avec un énorme sourire. « Et toi Don ? »

Don regarda son père et n'eut pas le cœur de le décevoir. C'est vrai qu'il avait besoin de vacances. Son équipe aussi. Dès demain il appellera David, Megan, Colby et Liz pour leur donner l'ordre de prendre des congés. Le sous-directeur n'aura qu'à répartir les enquêtes entre les autres équipes du bureau. Après tout, Don avait par le passé accepté plus d'une fois de prendre en charge les affaires de ses collègues. Ils pouvaient bien lui renvoyer la faveur. Et puis cela faisait très longtemps qu'il n'était pas parti en vacances avec sa famille.

- « D'accord. Tu as gagné, papa. Nous allons tous chez oncle Tommy et tante Betty. »

A suivre