HIER

Il rentre dans l'appartement vide et s'assoit sur le canapé. Il reste immobile un long moment, le regard vide. Il fixe la télé éteinte, mais sans la voir. Il n'a envie de rien. Il n'a rien mangé de toute la journée mais il n'a pas faim. Le désespoir nourrit les cœurs vides.
Quelque chose martèle ses genoux. Il baisse le regard. Ce sont ses propres mains qui tremblent. Depuis combien de temps, au juste ? Il est bien incapable de le dire. Il n'en a pas eu vraiment conscience jusqu'à maintenant. Il serre les poings, refusant de se laisser aller. Ses propres sentiments lui font honte.
Il laisse errer son regard sur les murs, pour ne plus voir sa faiblesse. Mais les parois se referment sur lui, comme un étau.
Il se lève d'un bond. Il n'y a qu'une façon d'échapper à sa solitude.
Il se dirige vers la chambre mais s'attarde sur le seuil de la porte. La pièce lui renvoie les échos du bonheur qui, une fois, a habité les lieux. Aujourd'hui, il est parti, mais son souvenir reste.
Il ferme les yeux pour échapper aux images qui défilent encore et encore devant ses yeux. Il parait qu'avec le temps la douleur diminue.
Mais le cœur n'oublie pas.
Il s'avance en silence, traverse la pièce et ouvre l'armoire. Ce ne sont pas des chemises qui sont accrochées aux cintres, ce sont des regrets. L'armoire est pleine mais le vide est immense.
Ses mains caressent les vêtements. Leur contact est rêche et ravive sa mémoire. Les mots, les pleurs, les cris, les rires. Il ne touche plus le tissu, il s'y agrippe carrément. Il s'y accroche de toute sa force pour ne pas défaillir.
Lentement, la détresse commence à s'infiltrer en lui. Son cœur pèse lourd dans sa poitrine. Les larmes coulent sur ses joues, silencieuses.
Il sait que la douleur restera toujours là.
Il s'assoit sur le lit, témoin privilégié de sa vie antérieure, si parfaite.
Puis soudain, quelque chose craque à l'intérieur de lui. Il se lève en hurlant, la tête entre les mains.
Il balaye d'un geste les quelques objets posés sur une commode. Il entend un bruit de verre brisé. Peu importe, que sont les biens matériels quand l'âme n'est plus?
Il s'écroule par terre, impuissant. Les cris se sont mués en longs sanglots qui secouent sa poitrine. Ses mains se tendent vers un visage imaginaire, qu'il croit voir à travers ses yeux embués de larmes.
Il laisse retomber ses bras et ramène ses jambes près de son corps. Les mains sur ses genoux, il demeure sur le sol. Il se balance d'avant en arrière, jusqu'à ce que ses larmes cessent. Alors il pose son front sur ses mains et sent le contact de sa montre contre sa peau. Il relève la tête et regarde l'heure. Il est minuit cinq.
C'est fini, Danny est parti. Hier, c'était le troisième anniversaire de sa mort.

FIN