Death is not the end
Castiel avait du mal à comprendre pourquoi les humains avaient peur du trépas.
Ce n'était pas comme si leur âme allait disparaître, après tout. Dès que le corps ne pouvait plus assumer ses fonctions vitales, l'âme partait vers une autre dimension.
Si elle allait au Paradis, il n'y avait pas de raison d'être en deuil. L'âme recevait sa récompense, le bonheur éternel, c'était plus logique de se réjouir que de se lamenter sur le cadavre de l'être aimé. Pourquoi donc les humains n'étaient-ils pas heureux que le défunt ait rejoint le Paradis ?
Si l'âme allait en Enfer, là encore, il n'y avait pas de raison d'être en deuil. C'étaient les pécheurs qui allaient se consumer dans la fosse, en châtiment des crimes commis pendant leur existence. Pourquoi donc s'apitoyer sur leur sort ?
« Tu sais, les humains sont une espèce très compliquée. »
Le soleil se dispersait en étincelles scintillantes sur la surface de l'océan, créant un miroir lumineux aveuglant pour un œil humain. Pour le nouveau-né, ce n'était pas grand-chose, à côté de la lumière dégagée par la grâce de son gardien.
« Mais ils pleurent les gens quand ils meurent » protesta l'angelot, sa petite menotte dans celle de son grand frère. « Alors que la mort, c'est pas triste. »
Une brise salée se leva, ébouriffant les plumes et le duvet, faisant décoller les longues boucles rouges de Gabriel.
« Cassie, je crois que tu as mal compris. La mort est quelque chose de triste. Tu es content quand je dois partir pendant toute une semaine, parce que j'ai du travail ? »
L'angelot fit une moue boudeuse.
« Non. »
« Et bien, la mort, c'est pareil. Sauf qu'au lieu d'une semaine, c'est plusieurs années où les humains ne peuvent pas voir la personne qu'ils aiment. »
« Ils ne peuvent pas monter chez nous ? Pour rendre visite à leurs morts ? »
Le rire de Gabriel bondit au-dessus des vagues, semblable à une volée de cloches de cuivre par une soirée claire d'été.
« Ça ne fonctionne pas comme ça, minouche. Le Paradis est une dimension faite pour les purs esprits, et la Terre pour les créatures de chair. »
« Et les morts, ils ne peuvent pas descendre, alors ? »
« Non, ils ne peuvent pas. Et surtout, ils ne doivent pas. C'est parce qu'ils ne font plus partie du monde matériel, tu comprends. Quand ils retournent sur Terre, ils ne sont plus à leur place, et ça peut les rendre tellement malheureux qu'ils en deviennent méchants. »
« Ah » souffla Castiel.
Il sentait les embruns éclabousser le bas de sa tunique, répandant des gouttelettes fraîches sur ses jambes.
« Mais quand les humains meurent, ils retrouvent leurs morts, non ? »
« Si, chéri. C'est comme de déménager dans une nouvelle maison, où se trouvent déjà les gens que tu aime. »
L'océan se reflétait dans les yeux du nouveau-né.
« Alors c'est pas grave la mort. C'est triste mais c'est pas grave. »
Le sourire de Gabriel était étrangement doux.
« C'est exactement ça, bébé. C'est triste mais pas grave. Pas grave du tout. »
Des siècles plus tard, Castiel se rappellerait ces paroles tandis qu'il apprenait la mort de Gabriel.
C'est pas grave la mort. C'est triste mais c'est pas grave.
« Non » murmura l'ange déchu en fermant ses yeux céruléens pleins de larmes. « Pas grave du tout. »
Inspiré par une phrase du livre "Deux petits pas sur le sable mouillé". Si vous voulez le lire, attendez-vous à pleurer.
