Un rayon de soleil traversa la fenêtre, éclairant faiblement la pièce, et faisant briller par la même occasion la masse informe de longs cheveux rouges étendus sur l'oreiller. Une chasse d'eau dans l'appartement fut tirée, et un jeune homme de taille moyenne, fermant rapidement son pantalon d'une main agile apparut sur le seuil de la porte de la chambre.
Il regarda avec gêne l'individu endormi, frottant ses poignets rouges et meurtris, se rappelant de la soirée passée. Il n'avait pas l'habitude d'accepter les invitations des inconnus, mais celui-là s'était fait plus convainquant que les autres, et l'avait malmené toute la nuit, l'attachant au lit avec son ceinturon. Son regard se posa sur le réveil, il était déjà plus de dix heures, Daisuke devait surement avoir des répétitions dans la journée, étant donné que le soir même, il jouait dans la salle locale. Il décida donc de le réveiller, et lui tapota doucement sur l'épaule. Le jeune homme ne fut tout d'abord pas certain qu'une vie habitait encore ce corps, tant il était immobile. Un grognement fut tout de même poussé, et il se recula, par prudence.
Daisuke lui jeta un regard ahuri, puis se mis rapidement debout, nu, face à son hôte.
- ...
Il
continuait de le regarder de la tête aux pieds, ne se souvenant
apparemment pas de son existence. Ce fut alors l'inconnu qui prit la
parole :
- Humm... On s'est rencontrés hier, à la
soirée organisée...
Les yeux
de Die s'illuminèrent et il s'exclama alors d'une voix
d'enfant, contrastant avec ses gémissement rauques de la
veille :
- Ah ouiii, j'me souviens !!! Tu veux que je te
prépare un café, euh...
- Ruki, je m'appelle Ruki,
coupa le blond avec timidité, puis il reprit :
- Oui,
pourquoi pas mais avant...
Il baissa les yeux, et fit parcourir
son regard sur le corps nu du guitariste, puis termina sa phrase avec
un regard étincelant :
- Je te rejoins...
L'air hébété, Die le fixa quelques secondes. Puis il dit alors :
-Non
désolé, ne prend pas cette histoire au sérieux.
J'ai des obligations moi, tu sais, coucher plusieurs fois avec la
même personne, ce n'est pas extrêmement jouissif, sauf
peut-être avec... enfin non, oublies, et rentre chez toi, tes
parents doivent se faire du souci...
Sur ce, il entra dans la
salle de bain, sachant pertinemment qu'il était extrêmement
en retard, enfila rapidement un baggy et un tee-shirt au hasard. Il
sortit, et fut exaspéré de voir le dénommé
Ruki toujours planté là...
- Allez,
suis-moi.
Il l'attrapa vigoureusement par le poignet, qu'il dû
d'ailleurs lâcher car Ruki venait de pousser un cri de douleur,
et le conduit sur le palier.
- Je sors, je dois aller au boulot.
Tu dois aller au lycée toi, non ?
Une moue vexée
apparut sur le visage du blond. LYCEE ?? Il se foutait de lui, ou
alors il n'avait pas encore dessoulé depuis la veille. Soit,
il avait compris, il se barrerait gentiment sans rien demander de
plus.
Daisuke,
après avoir claqué sa porte et mis ses clés dans
sa poche, sortit son porte monnaie, et cherchant quelque chose, dit
:
- Allez, prends un taxi, attends...
Il lui tendit 200 yens,
et dit, comme si de rien n'était :
- Quand tu n'auras plus
d'argent pour payer le trajet, tu pourras marcher !
Ruki, voulant
garder sa dignité, repoussa sa main, tout en pensant :
200 yens. Allez, avec ça j'peux faire 3 mètres.
Baka !
Il se retourna et emprunta le chemin de la sortie,
qui était resté très clair dans son esprit,
puisqu'il était bien le seul des deux à ne pas être
totalement bourré le soir dernier...
Die lança
alors d'une voix innocente, mais teintée d'une stupidité
qui lui était fidèle :
-Ce serait bien que tu ne
parles pas de cette petite aventure que nous avons eu, je serais
accusé de détournement de mineur, tu sais bien que
c'est interdit hein...
L'air de rien, il alluma une cigarette, et
partit d'un pas pressé au loin...
Cela faisait une bonne heure que la répétition avait
commencé, et Die n'arrivait toujours pas. Kaoru, excédé,
était d'humeur exécrable. Il était en train
d'hurler sur Shinya, qui selon lui n'était pas totalement en
rythme sur leur dernier morceau, lorsque la porte s'ouvrit avec
fracas, laissant apparaître un guitariste débraillé
et fumant encore une clope.
- Interdit de fumer dans la salle ! Tu
sais pas lire ou quoi ?? Allez va écraser ça et
fous-toi au boulot !
Il ne prenait pas la peine de lui demander ce
qui l'avait mis en retard. Il l'avait vu partir avec un blond, vers
5h00 du matin, à la fête où lui aussi était
invité. Die haussa les épaules, trop fatigué
pour rétorquer quoi que ce soit, et attrapa la guitare qu'un
assistant lui tendait, apparemment déjà accordée.
- Alors,
on joue quoi ?
Kaoru crut halluciner, cela faisait près de
six mois qu'ils faisaient le même programme, et cet idiot qui
ne pensait qu'à s'envoyer en l'air osait lui poser cette
question stupide. De plus, il avait parfaitement entendu la chanson
qu'ils jouaient précédemment, rien ne pouvait
l'excuser. Il posa brusquement sa guitare au sol, et hurla
:
- Pauvre imbécile, d'après toi qu'est-ce qu'on
joue après Garden ? MYAKU, MYAKU, MYAKU alors tu poses cette
guitare électrique que cet incompétent t'as filé,
tu t'assois, tu fermes ta gueule et tu joues. DE PLUS TU N'AS
TOUJOURS PAS ETEIND TA CLOPE DE MERDE QU'EST-CE QUE J'AI DIT HEIN ?
C'est qui le leader ici ? MOI ! Alors tu fais ce que je dis, et
t'essayes pas de te rebeller en contrant mes ordres pauvre merde.
ALLEZ DEPECHES TOI COMMENT TU VEUX QU'ON SOIT PRÊTS A CE
RYTHME, ON JOUE DANS DIX HEURES COMPRIS ?! Et dix heures avec un tel
imbécile ça passe vite !
Die bailla et alla s'asseoir sur l'ampli, ne quittant pas des yeux le bassiste qui observait la scène avec un air satisfait sur le regard. Die avait toujours remarqué certaines tensions entre eux, surtout lorsqu'il s'agissait de Kaoru. Dans d'autres situations, il le considérait comme l'un de ses meilleurs amis, mais en ce moment même, il avait envie de l'étriper. Un grognement de rage du leader le rappela à l'ordre, et il se dirigea vers une autre de ses guitares, en coulisse, afin d'entamer Myaku, comme l'avait si bien hurlé Kaoru.
Le leader, quand à lui, tentait de jouer calmement, mais les cordes crissaient sous les coups rageux de son médiator. Il ne supportait pas ce genre de situation, se faire tromper si ouvertement était une insulte, un scandale. Il hurla alors :
-STOP ! TU JOUES COMME DE LA MERDE ! TU FOUS QUOI LA ? C'EST UNE BLAGUE, TU TE FOUS DE MA GUEULE ? ON RECOMMENCE ET CETTE FOIS AVEC UN PEU PLUS DE SERIEUX SI POSSIBLE ! ET KYÔ TU N'ES PAS OBLIGE DE CHIALER PENDANT LES REPETITIONS C'EST TOTALEMENT INUTIL ! ET LE MEILLEUR POUR LA FIN... Toshiya c'est parfait, continues comme cela.
Il l'avait fait, son plan machiavélique de secours. Son partenaire commettait un adultère, et il le rendait jaloux en laissant sous entendre que sa relation avec le bassiste n'était peut-être pas tout à fait terminée...
Die jeta un regard furibond à Kaoru. Il connaissait très bien son point faible, mais de là à le rendre jaloux en plein milieu d'une répétition. C'en était trop. Le guitariste se leva, posa sa guitare sans aucune délicatesse sur son tabouret, et marcha d'un pas rapide vers la sortie, attrapant sa veste dans la poche de laquelle se logeait son paquet de clopes au passage. Il claqua la porte et alla respirer l'air frais de la ville. La sortie de la salle donnait sur une ruelle assez déserte, et le jeune guitariste s'alluma une cigarette, adossé à un mur, à quelques pas de la sortie. Il avait horreur qu'on le traite de la sorte, même s'il savait que son amant était très à cheval sur le travail et qu'il se donnait à fond pour la réussite du groupe, quitte à être souvent dur.
Kaoru jeta
son médiator sur Shinya, et sortit, à la suite de Die.
Quel abruti, il ne savait vraiment pas contrôler ses
sentiments, c'était ridicule. Il le tira par l'épaule,
et le retourna vers lui, puis dit d'une voix qu'il tentait de rendre
calme :
- Avec qui as-tu couché cette fois hein ? Encore
une allemande de passage ? Que tu baises avec qui tu veux ce n'est
plus mon problème, mais que tu foutes en l'air nos
répétitions, risquant de compromettre l'avenir de notre
groupe, je ne peux l'accepter !
Die se déroba de son étreinte et s'éloigna. Le vent soufflait et, n'étant vêtu que d'un tee-shirt et d'une mince veste, il commençait à avoir froid, malgré la fumée qui l'entourait. Il avait très bien conscience de blesser Kaoru, mais puisqu'il le demandait, et vu ce qu'il venait de faire, il répondit à sa question, le plus naturellement du monde.
- Qu'est-ce que ça t'importerai de savoir son nom ? Soit, si tu le souhaites, il s'appelle Riku, je crois. Nan, Ruki. Oui c'est ça, Ruki. Et si tu appelles l'activité qui nous occupait il y a un moment 'répétition', c'est que tu ne te rends pas compte de ton humeur. C'est l'enfer de jouer avec toi dans ces moments, et rien n'avance vu que tu nous fais tous chier pour des conneries, alors autant se barrer.
Il
s'arrêta de parler pour tirer sur sa clope, et se tourna dans
une autre direction pour souffler la fumée. Enfin, il ajouta,
plus calmement :
- Et en quoi ce ne serait 'plus' ton problème
?
Le leader
ne s'attendait pas à ce que Die réponde à sa
question, et le fait qu'il le fasse le blessait profondément.
Il ajouta ;
- Die, tu sais que je ne peux supporter ce genre de
comportement. Je ne t'ai jamais trompé depuis la fin de ma
relation avec Toshiya. Ca c'est une chose...mais que... TU CRITIQUES
MA FACON D'ORGANISER LES REPETITIONS CA M'EST INSUPPORTABLE ! C'EST
GRACE A MOI SI NOUS EN SOMMES LA, ESTIMES TOI HEUREUX !
Die soupira, puis regarda plus attentivement son interlocuteur. Il était incroyablement beau, et même démaquillé et rapidement peigné, il restait fascinant. Il lui arrivait de temps à autre de faire quelques crises d'égocentrisme dans le genre, et le guitariste ignora donc la stupidité que venait de sortir son amant. Il caressa doucement sa joue et déposa un baiser sur ses lèvres, très rapidement. Lorsqu'il se recula, il garda le silence et afficha un sourire content.
Cette
action eu dont d'apaiser Kaoru, qui reprit aussitôt son calme.
Il ne savait plus que dire, et ne s'attendait absolument pas à
cela. La surprise lui fit perdre la raison, il le prit alors dans ses
bras, et dit :
- Ne me fais plus jamais ça, je t'aime.
Il
se recula, attendant la suite des événements. Il
n'aimait pas faire le premier pas, il voulait que Die l'embrasse
comme il ne l'avait jamais fait, même si le temps avant le
concert s'écourtait, il pourrait surement le rattraper après.
Le sourire
de Die ne se fanait pas, et, tentant de se refouler un peu, mettant
de côté toutes les occupations auxquelles ils auraient
pu vaquer dans cette ruelle, il lui attrapa la main et écrasa
sa cigarette du talon.
- Allez, on y retourne.
Le traînant
toujours, il ouvrit la porte et entra dans la salle, où il
aperçut immédiatement Shinya, qui ne faisait rien et se
taisait dans un coin éloigné des autres. Kyô,
quant à lui, n'avait pas l'air enchanté de cet arrêt
subit, et les ignora superbement. Die lâcha Kaoru et, passant
près du batteur, lui mit une claque dans le dos, disant
bruyamment :
- Magne-toi, on y r'tourne !
