Chapitre 1: Le départ
« Je ne peux plus vous garder à mon service Monsieur, vous commencez à vous faire un peu vieux pour ce travail.
Le vieil homme parlait d'une voix ferme et monotone, livrant au blond figé devant lui son message sans se soucier de ce que cela impliquait pour lui.
-VIEUX? Moi je suis vieux? Je n'ai que 37 ans! Vous ne pouvez pas me faire ça, non seulement j'ai besoin de ce travail, mais en plus personne ne connais cet endroit mieux que moi! J'ai une famille à nourrir je vous signale!
Les protestations tombèrent sur une sourde oreille.
-Je suis désolé Monsieur Kirkland, la compagnie a décidé de renouveler le personnel et vous faites partie de ceux qui partent. Au revoir, passez une bonne journée. »
VLAM. L'ancien patron d'Arthur claqua la porte de son bureau au nez de l'employé qu'il venait de renvoyer sans sourciller.
L'Anglais en resta bouche bée. Non seulement il venait de perdre le seul emploi qui faisait rentrer des revenus dans sa famille, mais en plus, on approchait de l'hiver et ce n'est pas avec leurs maigres économies que lui et les siens arriveraient à survivre longtemps à Londres.
Une vague de colère et de tristesse s'empara d'Arthur. Il se sentait comme s'il venait de trahir sa famille et qu'il manquait à son devoir, mais en même temps se faire traiter de vieux et d'inutile avait fait atteinte à sa fierté. Il. Détestait. ça.
Après quelques secondes passées planter devant la porte, il décida finalement de partir puisque de toute façon il n'avait plus rien à faire ici. Arthur déambula dans les rues grises de la capitale anglaise avant de s'échouer dans une taverne pas très fréquentable des bas-fonds de la ville pour noyer son chagrin dans un verre de Rhum de mauvaise qualité. Il aurait dû rentrer chez lui pour annoncer la mauvaise nouvelle à son… compagnon, il aurait dû rentrer pour qu'ils discutent (ou du moins essayer de discuter, car leur relation n'était pas des plus harmonieuses) des solutions possibles, mais il ne s'en sentait pas capable, pas tout de suite.
Il en était à son cinquième verre (du moins le croyait-il) quand un homme s'écroula sur la table à côté de lui et se mit à balbutier des paroles presque incompréhensibles.
« D'vinez quoi l'gars! Y'a l'roi qui r'crute! S'pour le n'veau monde qui dit, y a un n'vire qui part dans une coupe de jours! Vers l' samérique! En plus ça coute pas un' livre! Suffit d's'embarquer! »
L'individu laissa tomber sa tête sur la table avec un ronflement sonore et le parchemin qu'il tenait dans sa main roula jusqu'à Arthur qui le regarda d'un air désintéresser. Le peu de lucidité qui lui restait le fit empocher le papier avant de se lever, chancelant, les yeux rouges et l'haleine puant l'alcool, pour se diriger vers la porte. Il se faisait tard et il devait rentrer chez lui.
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Francis hésitait entre rester chez lui avec les enfants au cas où l'un d'entre eux se réveille où partir fouiller Londres de fond en comble pour s'assurer qu'Arthur n'avait pas fini mort dans une ruelle. Même si le Français détestait l'admettre, il avait besoin de sa Némésis (autant émotionnellement que matériellement) pour survivre et il serait fâcheux pour lui de découvrir que celui-ci n'était plus de ce monde pour subvenir à leurs besoins. Car depuis qu'il habitait à Londres (c'est-à-dire 17 ans environ) il était impossible pour lui de trouver un travail parce qu'il « puait le français ». Il avait beau passer ses journées dehors à chercher quelques chose, n'importe quoi qui pourrait contribuer à faire vivre les siens, quand on ne lui reprochait pas son accent, c'était son odeur ou alors il se faisait traiter d'espion. Il n'était pas le bienvenu du tout dans cette ville remplie d'anglais à la limite du fanatisme et on lui avait fait comprendre dès le premier jour.
Le Français était sur le point de se décider à prendre une lanterne pour s'élancer dans le voile noir de la nuit quand la vieille porte de bois de la petite demeure s'ouvrit avec un grincement. Entra Arthur avec une mine tout à fait horrible.
« Arthur! Au nom du ciel où étais-tu passer?
-Taverne… me suis fait renvoyer » grogna l'interrogé en se laissant choir sur une chaise. Francis sentit un vent froid le traverser.
« Ren… renvoyé? » Il servit un verre d'eau à Arthur pour qu'il puisse mettre de l'ordre dans sa tête et s'assit en face de lui.
« Pourquoi? Qu'est ce qui s'est passé? » Son ton était passé du choc à un étrange mélange de colère et d'incompréhension alors qu'il essayait de comprendre ce qui c'était passé et pourquoi il ne l'avait pas su plus tôt. Arthur prit une gorgée de son verre, le reposa sur la table et se massa les temples. D'accord, il n'aurait peut-être pas dû aller boire, cette conversation aurait été plus facile.
« On m'a dit qu'ils « rafraichissaient le personnel ». C'est tout ce que je sais.
-Et à la place d'essayer de te trouver un nouvel emploi tu vas te saouler dans une taverne! » Francis s'était relevé et avait haussé le ton bien que celui-ci restait près du chuchotement car il ne voulait pas réveiller les enfants.
-Ce n'est pas de ma faute si j'ai perdu mon travail!
- Mais je le sais bien que ce n'est pas de ta faute! Ce qui me fâche c'est que tu ne m'as pas prévenu tout de suite ou que tu n'as pas essayé de trouver une solution! J'ai tout quitté pour venir vivre dans cette ville maudite avec toi, j'avais confiance en toi! Le moins que tu puisses faire est de me tenir au courant! Je me faisais du sang d'encre pour toi! »
Arthur regarda Francis avec un air légèrement coupable, mais sa fierté refusa de lui faire admettre que son amant avait raison et qu'il était désolé. Le blond aux yeux bleus soupira devant le silence du Britannique et se retourna vers la fenêtre pour regarder dehors.
« Je pourrais accepter l'offre de Madame Hatavary, murmura-t-il
-Hors de question! S'exclama Arthur choqué par le simple fait que Francis ait fait la supposition.
-Mais…
-Ceci n'est pas discutable!
-Si c'est la seule solution…
-Ce n'est pas la seule solution alors oublie ça! Il est hors de question que tu donnes ton corps à des malades qui ne savent pas donner du plaisir à leur propre femme pour qu'une grosse partie des revenus reviennent à une vieille folle qui profite que tu sois Français sans travail et beau! »
Cette fois, c'est Arthur qui avait haussé le ton et son regard était tellement sérieux que Francis n'osa pas faire la remarque qu'il venait de le complimenter et de montrer son caractère possessif.
« Qu'est-ce que tu proposes alors? »
L'anglais fronça ses énormes sourcils. Il ne pouvait pas demander de l'aide à sa famille qui le détestait, encore moins à celle de Francis, trouver du travail serait long et difficile à cause de l'hiver et de son statut, par contre…
« Tu as envie de voyager?
-Arthur ce n'est pas vraiment le moment de parler de ça.
-Au contraire c'est le moment parfait! Il y a un bateau qui part dans deux jours pour le nouveau monde, nous n'avons qu'à réunir nos affaires, les enfants et nos quelques économies et le tour est joué! Ils ont besoin de bras dans la nouvelle colonie et comme nous sommes tous des hommes, il suffit de ne pas trop se comporter comme une famille et nous pourrons recommencer à zéro! Plus Arthur parlait plus l'idée l'emballait. Francis sentit lui aussi l'appel du large, mais une petite inquiétude résidait.
-Je ne sais pas trop… C'est une bonne option pour les enfants?
-Plus facile que si on reste ici en tout cas! Et puis, c'est ce qu'on a toujours voulu faire non? Voyager, partir à l'aventure et découvrir de nouveaux endroits! »
Cette remarque fit sourire Francis, car si une chose les avait rapproché malgré leurs différents à Arthur et lui, c'était bien leur goût pour l'aventure. Voyager était un rêve d'enfance et cela faisait longtemps qu'ils essayaient d'économiser pour partir. Ils ne pouvaient pas rater ça, en plus, rien ne les retenait ici alors pourquoi pas?
« C'est d'accord, allons-y! »
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« Alors où est-ce qu'on va déjà?
-Dans le nouveau monde Alfred, bon sang combien de fois vais-je te le répéter! »
Arthur et Alfred étaient en train de barricader les fenêtres arrière de la petite maison, pendant que Mathieu et Francis faisaient celles de l'avant et que Peter gardaient leurs baluchons. Les 3 jeunes avaient été un peu réticents, mais entre partir et vivre dans la pauvreté, le choix avait été vite fait. Alfred, Mathieu et Peter étaient tous les trois des orphelins que Francis et Arthur avaient recueillis de la rue et avaient élevé comme leurs propres fils. Francis avait été celui qui avait trouvé Alfred et Mathieu. Il cherchait du travail cette journée là et venait de se faire mettre dehors quand il avait trouvé 2 petits bébés qui venaient de naitre, dans les bras de leur mère, morte d'une hémorragie. Il n'avait pas hésité et était même près à supplier Arthur pour les garder. Heureusement il n'a pas eu besoin d'aller jusque-là et les garçons avaient grandi avec eux pour devenir deux beaux jeunes hommes de 16 ans qui, d'ailleurs, leurs ressemblaient beaucoup. Peter était arrivé un soir d'hiver dans un panier. Arthur rentrait chez lui quand il trébucha sur un panier. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir un petit bébé gémissant à l'intérieur! Le petit avait été accepté dans la famille aussi rapidement que ses frères et avait aujourd'hui 8 ans.
Alfred, Mathieu et Peter avaient grandi dans cette petite maison de bois et aujourd'hui, ils devaient la quitter.
«C'est loin le nouveau monde? Demanda Peter quand les quatre grands eurent finis de fermer les fenêtres
-3 mois en bateau, chéri, répondit Francis.
-C'est long…
-Oui, mais c'est pour le mieux! dit Arthur, bon il faut y aller sinon on va rater le départ! »
Avec un dernier regard derrière eux, la petite troupe se mit en marche vers le port.
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Arthur déposa son baluchon sur ce qui allait être sa couchette pour les trois prochains mois, avant de remonter sur le pont juste à temps pour voir arriver Mathieu. Son fils suivi à merveille ses instructions et fit comme s'ils ne se connaissaient pas quand il entra. Alfred fit de même quelques minutes plus tard (même s'il jeta un regard pas très discret à son tuteur), puis Francis arriva avec Peter qui se tenait bien droit à côté de lui. Le français dut user de belles paroles pour convaincre le garde que Peter pouvait être utile et que, non, il ne causerait pas de souci, tout en prenant soin de masquer son accent. L'anglais ne remarqua qu'il retenait sa respiration seulement quand son amant put enfin embarquer et qu'il lâcha un soupir de soulagement.
S'ils avaient choisi d'embarquer de façon individuelle c'est parce qu'ils ne voulaient pas attirer l'attention pour la traversée (d'ailleurs Peter avait fini avec Francis car il était décidément plus calme avec le Français qu'avec lui!) et jusqu'à maintenant tout allait à merveille!
Bien vite, le navire fut rempli de futurs colons et le pont grouillait d'activité. Les cinq membres de la famille firent semblant de faire connaissance tout en se mettant au travail. Le soleil était à son Zénith quand le « Queen's Glory » quitta le port de Londres.
Direction : le nouveau monde
