I

« Rentrons chez nous »

Le plaisirpeut s'appuyer sur

L'illusion,

Mais le bonheurrepose sur

La réalité.

[Chamfort]

D'aussi loin que remonte mes souvenirs, j'ai toujours détesté la pluie. Son cri, lorsqu'elle se brise sur les carreaux d'une fenêtre, semblable aux détonations de 1000 fusils, mordant le silence de la nuit, le faisant suffoquer d'un cri plaintif qui semble ne jamais vouloir prendre fin, m'a souvent privé des bras de Morphée. Comme un tic-tac infini, ce son m'aliène. Et aujourd'hui éveillée à une nature que je tente tant bien que mal de maitriser, soumise à une amplification extrême de chacun de mes sens, je me cramponne à ma tête pour ne pas qu'elle explose. Mes ongles s'enfoncent peu à peu dans ma chair, la lacérant sans retenue sous la pression qu'exercent les éléments contre le verre de ma baie vitrée. L'humidité a rendu l'air suffocant. La température de la chambre est instable, à la fois glaciale et surchauffée. Au travers des lourds rideaux de velours carmin qui d'habitude protègent mon repos, le ciel du midi, alors teinté de noir et de gris, est semblable à la tombée de la nuit. Aucune lueur ne filtre dans la pièce. La fatigue et l'agacement endolorissent mes membres.

Lassée de cette vertigineuse association, je me lève. Mes jambes flageolantes me traînent jusqu'à la coiffeuse où je remets cette chevelure bien trop longue en place.

Je voudrai les couper. Ils me gênent. Mais « ils sont la marque de ton entrée dans un autre monde. Ton monde Yûki. » M'a-t-il dit le jour où je l'ai supplié de me laisser un tant soit peu de liberté.

Non, ce n'est pas cette cascade de cheveux qui fait une réelle différence entre celle que j'étais, et celle que je suis. C'est ce reflet de mon visage dans la glace, abandonné de toute joie de vivre. Et puis, il y'a aussi…

Cette odeur familière.

Je bondis sur mes pieds qui déjà ont retrouvé leur résistance. Sa silhouette…Comment peut-il être ici ? C'est tout bonnement impossible. Pourtant j'entends le sang coaguler dans ses veines, j'entends chaque battement de son cœur, en mesure l'irrégularité, m'enivre de cette odeur familière. Comme un parfum qui rassure, une effluence qui vous envoûte, vous apaise, car c'est un effluve ressentit dans des lieux de bien-être et de paix. Là où des personnes aimées vous disent « Je suis là, toujours ».

Dans la pénombre de la chambre, sa chevelure teintée de la même couleur que l'arme qu'il cache sous cet épais manteau noir, se reflète dans ma glace. Ses yeux me toisent, sa main se tend, m'appelle pour que je le rejoigne.

Cette illusion est un peu plus réelle à chaque fois…

Je sais comment va s'achever l'entrevue. D'un pas lent, tandis qu'au plus profond de mon être, une petite voix s'éteint pour fondre en larmes, je m'approche. Impassible. Ma main glisse dans la sienne. Je sens sa chaleur, la texture de sa peau. Nos yeux se croisent, et je me permets une réflexion sur cette beauté que je ne lui avais jamais prêté auparavant, bien trop absorbée par celle de mon aîné.

Viens Yûki. Rentrons. »

Cruelles paroles, mais une si douce aberration. Rentrer ? Mais je suis déjà chez moi. Et déjà, la petite voix qui encore pleurais, cris dans ses sanglots « Je veux rentrer chez moi ! Je veux rentrez chez nous ! ». Je l'étouffe. Il n'y a, en vérité, pas que la pluie qui me rende folle. Cette agonie peu à peu s'altère pour progressivement, avec une lenteur de bourreau, devenir schizophrénie. La sang-pur, et l'humaine. Deux personnalités distinctes, réunies dans un même corps. Et quand Yuki Cross prend le dessus sur Yuki Kuran, de l'eau vient poindre en mes yeux.

Je m'écarte de la silhouette qui désormais me regarde, déchirée. Sa main et son visage se baissent. « S'il te plait, rentrons…Yuki ». Sa voix est encore plus belle que dans mon souvenir. Grave, distincte. Une voix qui même dans son ton le moins assuré, trahit les expériences malheureuses du passé qui ont forgées cet homme. « S'il te plait ».

Qui de l'humaine ou de la sang-pur, à chaque fois rompt le charme ? Laquelle est responsable du tourment ? Peut-être les deux. Toujours est-il que sans plus pouvoir y tenir, mon corps s'élance vers le siens, l'enlace de toute sa force.

Pendant une seconde, le contact gagne le sommet de l'intensité. Mon cœur s'emballe, il cri face à l'acte, dérouté par la joie et la détresse. Car on ne ment pas à sa propre conscience. On sait certaines choses. On peut nier, mais l'on n'oublie pas. Et je savais, avant même que d'avoir agis, qu'au moment où se refermerait notre étreinte, il me quitterait.

Et en effet, à peine ses doigts se sont-ils glissés contre ma nuque, juste le temps d'avoir pu le sentir, encore davantage que la dernière fois, et déjà il n'est plus.

Une illusion. La plus déroutante de toute.

Mon poids abandonné aux lois de la gravité après avoir enserré un fantôme, je me retrouve penaude, gisant sur le sol. Et cette satanée chevelure éparpillée autour de moi ! Mon poing frappe le parquet violement, traverse le bois, fais trembler le parterre. Provoque la venue d'un autre homme, bien réel cette fois-ci.

_«Encore un de ces mauvais rêves ?

_ Oui…Kaname Onii-sama. » J'ai la nausée. La bile m'est remontée dans la gorge. Déjà il s'avance. Ses ongles tranchant lacèrent la jugulaire, faisant apparaître son liquide vital à mes sens. Je sens mes crocs qui s'allongent dans ma bouche, la faim me tiraille, mais c'est au-dessus de mes forces. Penché sur moi, Kaname fait couler sa sève entre mes lèvres. J'avale sans protester, puis retombe, dans ses bras cette fois-ci.

J'ai sentis sa peur et son inquiétude jusque dans son goût. Sa curiosité maladive aussi, celle-là même qui m'enchaîne à cette demeure et lui fais me poser chaque jour des amas de questions auxquelles je n'ai moi-même pas de réponse.

_«Tes silences m'intriguent. Que caches-tu de si douloureux, qui ne puisse m'être révélé ? »

Une fois de plus, je ne réponds pas. Ces apparitions me laissent toujours pantelante, à l'état de serpillère. Je ravale cet amer mélange de sang et de bile remonté de mon pharynx, essoufflée.

Cet état me rappelait à chaque fois un souvenir de l'ancienne Yuki. Une peur si grande face au sang qui teintait la bouche d'un « Level E », que la nuit venue ma nausée n'avait pas disparue. Des maux de ventre me tordant les tripes s'étaient installés, ainsi que de la fièvre me provoquant des frissons et cette impression de paralysie total jusqu'à l'abdication des symptômes par un renvoi abdominal puissant. C'était « ça » que je ressentais.

Sans que je m'en fusse rendu compte, je pleurais. Bercée par les bras de l'être aimé, je parvenais à restreindre mes plaintes. Lui, ne comprenais pas, et s'enquérait chaque minute de mon état.

Aidou passa le pas de la porte, me portant pour me soulager, un linge humide qui trouva sa place sur mon front. Aussi silencieux que mon frère, les deux me dévisagèrent longtemps sans échanger le moindre mot. Je fis mine de dormir, n'aspirant plus qu'au repos que je devinais proche. Hanabusa partit le premier, bientôt suivi de Kaname. Ce dernier me gratifia d'un baiser que j'aurai préféré lui réservé pour un meilleur moment que celui-ci, puis quitta la pièce en me prescrivant un immobilisme total jusqu'à ce que tout se remette en place.

Mais déjà dans mon esprit, je tombais nez-à-nez avec cet « ancien moi », le cou et la poitrine colorés de rouge, qui me murmurait dans un soupir que rien ne pourrait plus se remettre en place, « car déjà, l'engrenage avait entamé sa course vers un avenir incertain. »

Et puis, le jour avait pris fin. Toujours au repos, je jouissais pourtant cette fois d'un doux sommeil réparateur, dénué de rêves et d'illusions. Mais ce que je n'aurai pu soupçonner, c'est le tourment qui hantait « mon illusion » à des kilomètres de là.

Une porte claqua dans la nuit, bientôt suivie d'un bruit de chute. Essoufflé, en sueurs, l'homme qui venait de pénétrer dans la pièce se laissa choir sur le sol plusieurs minutes. L'endroit était dénué de toute autre présence que la sienne. C'était étrange, car depuis maintenant dix jours, elle était là. Toujours là. Parlant sans cesse, le touchant sans craintes de ses menaces, car elle lisait en lui, et savait bien que lorsqu'il pointait son arme sur elle, cela finissait à chaque fois dans l'étreinte.

Or ce soir-là, elle ne l'attendait pas au pas de la porte. Un profond sentiment l'étreignit, innommable, mélange paradoxal de soulagement et de déception. Se relevant tant bien que mal, il tituba jusqu'au lit, flancha avant d'avoir pu s'y allonger. Les genoux contre le sol, accoudé au bord du meuble, il tenta de freiner sa respiration, sans grand succès, avant de plonger sa main sous l'oreiller. Dans un premier temps, ses doigts frôlèrent le métal froid d'un révolver, puis le cuir de sa housse, hésitèrent, puis reprirent leur fouille pour finalement tirer une petite boite métallique. Il en fit glisser le compartiment qui conservait une multitude de cachets, et les vida dans sa gorge. Des « Blood Tablets ».

Son estomac gronda tandis que les muscles de son larynx se crispèrent, menaçant de lui faire recracher son unique substitut alimentaire.

Ses yeux se teintèrent d'un rouge inquiétant : Il n'était plus seul.

Comme pour confirmer sa pensée, deux bras blancs, fins et graciles vinrent l'enlacer par le cou, le pressant contre la douceur d'une poitrine de femme. Dans cette position, il ne distingua que les mains aux longs doigts menus, et aux ongles parfaitement dessinés qui allaient et venaient doucement, caressant successivement sa clavicule et son cou.

Il aurait voulu s'enfuir loin d'elle, presser sa nuque au sol d'une main, et l'achever du bout de son arme de l'autre. Il aurait voulu se défaire de ses bras pour l'embrasser à perdre son souffle, étreindre sa silhouette, et se lier à elle jusqu'au lever du jour.

Il avait déjà fait tout cela, excepté une chose : appuyer sur la détente une fois le Bloody Rose positionné sur le front de l'intrigante. Il s'enivra de son odeur féminine, si particulière : un parfum suave et noble, tandis que la jeune femme le pressa un peu plus fort, écartant quelques mèches argentées pour venir passer sa langue sur le tatouage du hunter. Il frissonna, tirant un sourire à la convoiteuse qui en profita pour faire sauter d'un geste habile les premiers boutons de la chemise qui barrait l'accès au corps de l'homme. Continuant son manège sur le cou, ses ongles vinrent griffer la peau d'albâtre qui lui était offerte.

Ce contact, plus rugueux que les précèdent, sembla ramener le garçon à lui :

_« Arrête ça, murmura-t-il, menaçant.

_ Zero, ne sois pas si dur…Pourquoi me repousser ainsi quand j'ai attendu tous le jour pour te retrouver ?

_ Ne me touches pas ! Tu n'es pas réelle »

Elle sembla s'offusquer de ses mots. Changeant alors de position, elle vint s'agenouiller devant lui, lui prit la main et le força à caresser son visage.

_« Je ne suis pas réelle, vraiment ? Dans ce cas, comment se fait-il que tu puisses me toucher ? Et que… » Elle caressa sa joue à son tour. « Je puisse en faire de même ? J'entends ce que tu penses Zero… Tu as soif de moi…Toujours. Pourquoi penses-tu que les Blood Tablets ne te soient d'aucune utilité ? Tu survis Zero, mais au fond tu ne vis vraiment que grâce à moi. »

Elle se leva. Tandis que Zero s'était à son tour relevé puis assis sur le matelas qu'il n'avait su gagner auparavant, la toisant d'un regard furieux, sous un masque de contrôle de soi indémontable, l'apparition continua de parler.

_« La vie est tellement plus intense une fois que l'on s'est abreuvé de l'être désiré ! Et tu refuses… Constamment… En réalité c'est ce qu'il y'a de plus monstrueux chez toi, ce refus de vivre. Tu ferais mieux de mourir !

_ Pas tant qu'il restera un sang-pur sur cette Terre.

_ Cela inclus de me tuer n'es-ce pas ?

_ Pas toi… Tu n'existes pas. Je chasse des vampires, pas des fantômes.

_ Quoi ? » Elle avait crié aussi fort que le lui permettait ses cordes vocales, tout en jetant violemment un verre posé à proximité qui éclata en un millier d'éclats sur le parquet froid de la chambre.

Zero soupira, las. Par chance, le petit appartement que Kaien Kurosu lui avait permis d'occuper après les cours se tenait dans un immeuble délabré et abandonné depuis bien longtemps. Si ça n'avait pas été le cas, certainement que les plaintes pour tapages nocturnes se seraient succédées à sa porte tant cette femme, dont il était clair qu'elle n'était qu'une illusion, faisait de vacarme et le faisait sortir de ses gonds. D'ailleurs, il ne doutait pas, en vue de l'état de nerfs dans lequel cette femme savait le mettre, qu'il n'était plus qu'une question de minutes avant qu'il ne s'emporte vraiment.

C'était devenu comme une sorte de rituel. Chaque soir, quand il rentrait, il la trouvait là. Il la rejetait, l'insultait même parfois, et quand ses paroles étaient trop dures, ou elle éclatait en sanglots, ou elle criait à en perdre haleine. Parfois, les deux pouvaient arrivés. Ils finissaient par en venir aux mains, avant de finir l'un dans l'autre jusqu'à ce que dans un petit cri surpris, elle finisse par s'évaporer et disparaître.

Il remerciait d'ailleurs le ciel que cette illusion prenne fin quotidiennement, car dans le cas contraire, il serait déjà devenu fou.

Il se souviendrait à jamais de sa première rencontre avec le « fantôme ». Pendant trois jours entiers il n'avait pas fermé l'œil. Bien conscient de l'état catastrophique de ses résultats scolaires, le jeune homme pour la première fois depuis des années avait consentit à rester attentif à chaque cours de la journée, avant de patrouiller en ville jusqu'au lever du jour et avait recommencé ainsi le jour suivant, puis encore un autre. Autour de lui, on s'inquiétait de son état. Vampire, hunter, et même humain, le sommeil réparateur à tous est nécessaire. Et Zero Kyriu s'y refusait. Car la dernière fois qu'il avait fermé les yeux, il l'avait sentie. Elle. Comme si son âme avait été aspirée hors de son corps pour se projeter ailleurs, au-delà de zones connues, juste devant… Elle. Et Dieu, qu'elle était belle ! Et son odeur ! Mais ce n'était pas la faim, ni même du désir physique… Pire, c'était un sentiment de déchirement à sa vue qui avait naquit : la frustration. Il était là devant elle, mais elle ne le regardait pas. Pourtant elle le sentait, son souffle au-dessus de ses yeux qu'elle s'obstinait à garder clos.

Zero…Pourquoi troubler ainsi mon sommeil ? Va-t'en » Lui avait-elle dit sèchement. Il l'avait regardé encore longtemps, impassible qu'elle était, et puis il s'était réveillé.

Seulement quelque chose semblait clocher. Cette « rencontre » ne lui avait pas laissé ce sentiment amer d'avoir rêvé, mais plutôt celui, bien plus troublant, d'avoir vraiment vécue l'expérience. Et ça avait recommencé lorsqu'en cours il s'était assoupi. Et puis encore quand en rentrant de patrouille il s'était laissé choir sur son lit. Chaque fois la même sensation intrigante d'aller ailleurs,d'être aspiré hors de lui pour rejoindre son ancienne alliée. Alors plutôt que d'affronter il avait préféré fuir en ne dormant plus. Et puis il avait bien fallu renoncer. Mais là encore, il se contentait de dormir par petites brides tout le jour plutôt que de s'offrir à Morphée la nuit.

Il ne l'aurait pas pu de toute façon car, les trois jours passés, ses peurs s'étaient confirmées. Il y'avait bien un cheveu sur la soupe, mais rien ne permettait ne serait-ce qu'émettre la moindre hypothèse sur comment ce « cheveu » avait atterri là. C'était un fait indéniable, Yuki Kuran, plus réaliste que jamais ne le quittait plus de la nuit. Plus encore, elle pouvait le toucher, planter ses crocs dans sa gorge, et caresser sa peau. Et il y avait vraiment cru. Parce qu'elle était trop « vraie », parce qu'elle savait tout d'eux et de lui, parce que fantôme, illusion, ou pur produit de son esprit dérangé, elle se tenait chaque soirs devant lui comme un être fait de chair et d'os. A la seule différence que quand venait le jour, elle disparaissait dans un halo de fumée blanchâtre.

Dans les premiers temps, ces apparitions lui étaient devenues nécessaires, il les cherchait. Parfois, pour être sûr de ne pas la louper, il dormait un peu plus le jour pour mieux la sentir la nuit. Mais s'en était assez. Il allait dans les jours à venir devenir le maître de la guilde, que dirait-on de lui si la moindre personne venait à soupçonner ses fantasmes nocturnes ? Il y perdrait assurément sa place, et son honneur.

Tout en se remémorant les faits, le silence s'était instauré dans la pièce. Yuki semblait s'être calmée, mais sa voix toujours teintée de peine brisa la paix.

_« Zero…S'il te plait…rentrons.

_ Et où devrions-nous rentrer d'après toi ? Lui répondit-il de son ton le plus froid.

_ Chez nous.

_ Nous n'avons jamais eu de chez « nous ». Il y'a chez moi, il y'a chez toi, mais chez nous ça n'existe pas !

_ Créons le alors !

_ Tu n'es qu'une image ! » Ça y'es, il avait fini par céder à ses nerfs. Elle avait brisé sa coquille, et déjà il n'y tenait plus. Sans même lui laisser le temps de dire ou faire le moindre geste, le hunter se rua sur la jeune femme, et plaqua ses lèvres sur les siennes avec une avidité féroce. Elle lui emboita le pas, et quand leurs lèvres eurent fini de danser, se furent leurs corps qui se mirent en mouvement. C'était ainsi, et bien trop fort. Ce n'était pas qu'une simple conséquence de l'âge : c'était un amour passionné et destructeur qu'il ne savait avouer que par l'acte même. Les mots il se les gardait pour lui seul, s'imaginant parfois les dires, mais ne le faisant jamais.

Il déversa son flux en elle après des minutes devenues des heures, puis éreintés ils s'enlacèrent toujours plus fort sur le parquet devenus tiède sous leurs ébats. Longtemps il caressa sa longue chevelure, son odeur, sa peau, allant jusqu'à goûter à la saveur salée des perles de sueur qui pointaient à l'orée de son front.

Il avait cédé, encore, et ne cesserait certainement jamais. Quand elle lui glissa ses mots d'adoration au creux de l'oreille, il la regarda plus attentivement que jamais.

C'était Yuki.

Soudain, un petit cri, une lueur pâle, et elle disparût. Fatigué, épuisé, à bout de force. « C'était Yuki ». Non, c'était une illusion. Il n'en pouvait plus, sa raison vacillait, son contrôle de lui-même l'abandonnait. Il s'endormit presque aussitôt s'être glissé sous les draps fraîchement repassés de son lit. Cet après-midi, il n'irait pas en cours.

J'ouvris les yeux avec lenteur. Ma tête me tournait un peu mais je me sentais bien, reposée. Je posais un pied par terre, puis l'autre, pour enfin me lever. Il faisait jours.

Je soupirais. Mon rythme de sommeil s'était inversé, et je risquais d'en payer de lourdes conséquences si je ne me forçais pas à dormir le jour.

Mais pas aujourd'hui. Je n'en avais pas plus de courage que d'envie.

Je passais par la salle de bain, m'y préparait soigneusement pendant presque une heure. Aidou dormait à cette heure de la matinée, Kaname Onii-sama avait à faire au sénat, quant à moi, il ne me restait plus qu'à me trouver une occupation. Mais tandis que j'y réfléchissais, autours de ma taille deux bras puissants d'homme vinrent m'enlacer, et dans le miroir je voyais se refléter l'image qui avait conduit mes nuits à l'agonie. Sa peau était chaude, ses yeux embués par un sentiment profond de bien-être. A l'image même des miens. Et tandis que je passais ma main dans cette chevelure couleur d'argent, mes lèvres ne purent contenir son nom : Zero. Oui, là devant moi, bien réel puisque capable de me toucher, c'était lui.

C'était Zero.

A suivre…