Blabla inutile: une relecture de The Half-Blood Prince et j'ai eu envie de m'attarder sur Tonks, ses émotions, et surtout sa relation avec Remus. J'ai une profonde affection pour Lupin de façon générale (non, c'est vrai?), et je trouvais intéressant d'aborder l'évolution de sa relation avec Tonks via le prisme de la mort de Sirius. J'espère avoir réussi à retranscrire cette ambiance-là.
Le titre vient d'un poème de Paul Eluard, Premièrement (XXVI).
Bonne lecture.
La lumière forme d'étranges ombres sur le visage impassible de Remus, aussi blanc qu'un linge, aussi creux que les nuits vides passées dans les profondeurs. L'angoisse est un poison qui le tue progressivement ; les remords sont des épines de givre qui percent sa carapace fragile, et la lueur des bougies, si fine, si élusive, n'est qu'un prétexte pour se terrer encore davantage dans la pénombre relative de la pièce.
Le silence se prolonge, les minutes sont infinies ; les souffles sont des prétextes hasardeux qui remplacent des mots mourants avant même d'avoir vu le jour, et Tonks sent le cadre en bois de la porte lui ronger la chair avec insistance. De l'autre côté des murs, la pluie s'écrase sur l'asphalte déchiré par le temps, mais ses yeux ternes refusent l'appel du ciel délabré qui peint de longues larmes amères sur le verre épais des vitres.
L'empreinte de cette douleur sourde, dorénavant familière, la menace continuellement ; comme une vieille amie, comme un vieux compagnon de voyage traînant inlassablement le pied à travers des clairières de sang fané, la souffrance est semblable aux vertiges, à l'ivresse de ne plus ressentir la moindre émotion, et vidée, Tonks suffoque, la cendre remplaçant l'étincelle brillant auparavant avec ardeur pour rester en vie.
Le vide se fond généralement dans l'oubli du jour, dans le soleil de plomb qui embrasse la chute de ses mèches brunes, délavées, aux tonalités maussades, et ne se rappelle à elle que lorsque le maigre brasier de ses pensées n'est plus occupé par une activité ou une autre ; lorsqu'elle est seule face à elle-même, les ombres reviennent avec une clarté détestable, et se joue alors un jeu sans noblesse où le combat n'est plus une question de bien ou de mal, mais bien l'histoire de rester en vie par simple désir de ne pas abandonner face à un ennemi inconnu, sans visage.
Remus se blottit un peu plus dans l'ombre, comme englouti par un feu qui s'éteint, semblable à une lumière qui se diffuse et brûle dans l'immensité du soir. Captive d'une fascination qu'elle ne saurait décrire, Tonks continue de scruter ce corps immobile qui se refuse à elle ; les rares fois où il ne se dérobe pas, ses doigts s'autorisent à tracer les longues cicatrices courant sur son visage pâle, creusé et tenaillé par le va-et-vient d'un temps infini, et Remus se permet d'apprécier la caresse de cette main tremblante mais assurée ; il se laisse aller, l'espace d'un instant, l'espace d'une minute étendue dans une éternité qui lui est propre.
Elle sait parfaitement qu'il ne l'aimera jamais de la même manière que Sirius, qu'elle ne s'ancrera jamais en lui comme son cousin, mais elle sent Remus capable de lui offrir des promesses d'aubes nouvelles, même si elles sont discrètes, même si leur chant peut se trouver brisé par l'emprise de la mort si soudainement arrivée ; alors Tonks lui laisse l'espace nécessaire pour avancer dans l'ombre familière de son cousin et espère silencieusement que des regards clairs en naitront, que les vagues ternes qui peuplent les yeux de Remus, comme tous ces fantômes aux âmes transparentes, s'apaiseront un jour pour que le gouffre effrayant qui meurt en lui finisse par trouver une résonance plus douce, plus lumineuse à travers les astres et autres constellations qui parsèment sa chair et s'entremêlent à son sang.
