Hello le monde ! Comment va ?

Alors, comme je l'avais promis, pour que l'attente du chapitre 10 se fasse moins longue, je vous publie ceci.

Comme je vous l'ai expliqué, dans cette fic Annexes, je vais reprendre certains événement de ma fic Un Puzzle Aux Milles Et Une Pièces, et changer le point de vue. Voilà.

Ah, j'oubliais, une lectrice m'a fait part de son impression et m'a dit que ce n'était pas exactement un POV. En effet, je n'utilise à aucun moment le "je", mais j'estime que du moment où, tout le long de la fic, je raconte tout ce que voit Aline, alors, quand je décris ce que voit un autre personnage, je pense qu'on peut parler de changement de POV. Voilà.

Autre chose, à vous de découvrir toutes seules à quel passage de mon histoire ce chapitre fait référence. Les reviews sont toujours là comme la seule rémunération de l'auteur, et c'est la seule communication qu'on peut avoir avec vous.

Enjoy !

"La plume est la langue de l'âme." Miguel de Cervantès

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Retour.

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Haldir n'avait que peu dormi cette nuit-là. En réalité, il dormait peu depuis plusieurs années, contrairement à son frère, qui lui, passait beaucoup plus de temps les paupières closes. Mais cette nuit-là, Orophin n'avait pas autant dormi que les autres nuits. Il était parti la veille de la frontière, et retournait à Caras Galadhon, accompagné d'autres Galadhrims. Ils étaient partis, les yeux brillants, avec l'idée qu'ils reverraient leurs familles après plusieurs jours d'absence. Haldir aussi avait eu ce pétillement au fond de son regard cobalt, mais voilà longtemps que ses frères ne l'avaient plus observé chez lui.

Depuis ce qui lui semblait être des siècles, il passait davantage de temps aux frontières. Il était Gardien de la Marche. Et en tant que tel, il se devait d'y être le plus souvent possible. Et chacun pouvait affirmer qu'il menait son rôle à la perfection. Mais ce que tout le monde ignorait, c'est que s'il se trouvait souvent aux limites de la Lothlórien, c'est parce qu'un infime espoir lui murmurait d'y rester.

Il ne restait qu'une petite paire d'heure avant que le soleil ne se lève, et les elfes, sur leurs hauts flets, n'étaient que silence et observation. Ils écoutaient, respiraient au rythme des pulsations de l'arbre sur lequel ils étaient installés, scrutaient l'ombre comme si quelque chose y était caché, et qu'il fallait à tout prix découvrir. Haldir passait de flets en flets, échangeait quelques mots brefs avec ses gardes, ou bien, il s'asseyait quelques instants, et écoutait le faible murmure du silence. Souvent, il prêtait l'oreille. Il entendait le murmure du vent. C'était très plaisant. Qui se doutait que le vent avait plus de conversation qu'un nain moyen ?

Enormément de monde. Lui en premier.

Pourtant, même en ayant souhaité du plus profond de son être entendre enfin les nouvelles qu'il attendait, jamais le vent ne les lui avait dévoilées. Mais comme à ce moment là, les yeux vides mais toujours à l'affût du moindre mouvement, il écoutait encore. Il espérait vainement que le vent viendrait un jour lui chanter de bonnes nouvelles.

Malheureusement, ce n'était pas une bonne nouvelle qui s'annonçait sur l'horizon. Le ciel commençait lentement à s'éclaircir, et il se teintait de nuages rosés, presque rouges. Il se releva. Du coin de l'œil, il vit que les gardes faisaient de même, et qu'ils échangeaient des coups d'œil interrogatifs. Une brise souffla doucement entre les arbres. Elle était fraîche, mais elle semblait hurler aux oreilles des elfes, comme pour les prévenir.

Du sang avait coulé ces dernières heures. Dans le Bois Doré. Haldir le sentait. Tous le sentaient.

L'anxiété s'infiltra dans les veines du Gardien de la Marche. La relève était en retard. Elle aurait du se présenter le veille, alors que le soleil se préparait à disparaître à l'horizon. Il avait fini par s'éclipser, et les Elfes n'étaient pas arrivés.

Alors, de nouveau, il observa. Le vent faisait tournoyer les feuilles en de rapides spirales, et sifflait entre les branches des mallornes. Haldir prêta l'oreille à son murmure. Le vent était inquiet. Quelque chose d'étrange s'était produit, quelque chose d'inattendu. Haldir fronça légèrement les sourcils. Le vent ne se trompait jamais.

Il se retourna vers le centre de la forêt. Un bruit de course résonna aux oreilles des elfes. Un bruit de course précipitée. Effrénée. D'un geste sûr de la main, il ordonna à quelques gardes de tirer une flèche de leur carquois et de l'encocher. Il doutait fort que ce bruit sourd et presque imperceptible fut celui émit par un orque, mais il se devait de prendre toutes les précautions.

Le vent siffla de nouveau. Une nouvelle. Bonne, mauvaise... Impossible à savoir. Le vent se taisait là-dessus.

Les pas se rapprochaient. Une centaine de mètres, tout au plus. Doucement, Haldir descendit de son flet et banda son arc. Le vent sifflait toujours entre les arbres.

Haldir inspira lentement, la flèche en direction des mallornes. Soudainement, une silhouette émergea de derrière les arbres, le visage creusé de milles sentiments.

Haldir et ses gardes baissèrent immédiatement leurs armes alors que le Gardien s'avançait vers son frère. Rúmil avait les yeux brillants, les cheveux ébouriffés par sa course folle, un sourire qui semblait ne pas vouloir s'enlever collé au visage, et une précipitation sans fin emplissait chacun de ses traits.

Haldir emmena son frère à quelques pas du groupe, plus par mécanisme que par utilité.

« Rúmil, mon frère, que se passe-t-il ? »

Les yeux de Rúmil s'éclairèrent encore plus, brûlants de dévoiler ce secret qu'il allait enfin pouvoir lâcher comme une bombe.

« Elle est revenue ! »

Haldir fronça les sourcils.

« Qui est revenu ? Où sont les autres ? Est-il arrivé quelque chose à Orophin ? »

Rúmil secoua la tête, son expression s'emplissant de joie. « Non, Haldir, tu n'y es pas. Elle est là. Ils sont revenus ! »

Haldir fronça derechef les sourcils, son cœur battant soudain plus vite, poussé par un espoir sourd.

Rúmil, voyant Haldir presque choqué, le prit par l'épaule, se calmant presque totalement. « Haldir… c'est pour cela que la relève n'est pas arrivée. On les a rencontrés sur le chemin… »

Les yeux d'Haldir se firent flous. Elle était de retour. Elle était revenue. Elle lui était revenue. Haldir inspira lentement, plus profondément qu'il ne l'avait jamais fait. L'air emplit ses poumons, semblant le brûler de l'intérieur.

« Elle… elle va bien ? »

Les yeux de Rúmil devinrent durs, autant que ses traits, et sa voix s'emplit d'une haine et d'une tristesse qu'Haldir n'avait entendu que très peu de fois. La dernière remontait à onze ans. « Pour une raison que nous n'avons pas trouvé, des gobelins ont foulé nos terres et la troupe a fini par les trouver. »

Haldir retrouva son assurance, retrouva son rôle de Gardien. « Combien étaient-ils ? »

« Une quinzaine tout au plus. Ils les ont pris en chasse et nous les avons suivis. Quand nous sommes arrivés, elle en avait déjà éliminé la moitié. »

Haldir ressentit une certaine fierté à l'entente de ses paroles, en même temps qu'une haine sans fin à l'encontre des gobelins. Si elle avait réussi à se battre, c'est parce qu'il le lui avait appris. Si elle avait réussi à sauver leurs peaux, c'était parce qu'Haldir lui avait expliqué que qu'elle n'aurait d'autres solutions que de tuer, ou d'être tué.

« Où est-elle ? »

Rúmil eut envie de prendre son frère dans ses bras. La voix d'Haldir était sourde, comme s'il cherchait à étouffer un sanglot.

« A mi-chemin de la cité. Ne t'inquiète pas, Taúl est avec eux. »

Haldir tourna la tête vers ses gardes. Tous l'observaient, le regard plus ou moins incrédule, presque impressionné. Certains lui adressèrent un maigre sourire, et Haldir prit sa décision. Il avait attendu onze ans. Il n'attendrait pas une minute de plus.

.oO°Oo.

Ils courraient. Très vite. Pourtant, aucun signe ne laissait entendre que deux elfes courraient comme s'ils avaient la mort aux trousses. Leurs capes vertes foncées les noyaient dans celui des arbres, et leurs pas si souples ne laissaient aucun bruit sur les branches cassées qui se trouvaient sur leur passage.

Jamais il n'avait semblé à Haldir et Rúmil qu'ils avaient déjà couru aussi rapidement. Ils filaient entre les arbres, enjambant de temps à autres des amas de pierres, esquivaient quelques arbres chétifs qui ne tremblaient même pas après leur passage.

Tout était silencieux. Pourtant Rúmil percevait l'impatience dans le souffle de son frère. Et il était persuadé qu'Haldir percevait la sienne. Alors, brutalement, il s'arrêta, obligeant Haldir à faire de même.

« Qu'est-ce que tu fais ? Nous y sommes presque… »

Rúmil soupira. « Justement. »

Haldir regarda son frère comme s'il était fou.

« Réfléchis, Haldir. Je t'ai annoncé ça, et je suis sur que tu ne réalises même pas ce qu'il nous arrive. Laisse-toi le temps de comprendre ce qu'il se passe et ce que ça impliquera. Nous ne savons pas comment nous allons la retrouver. Il… Il faudrait se préparer à toutes les éventualités… »

Haldir sembla comprendre. Il s'avança, parlant d'une voix pressante. « Rúmil, mon frère. Si tu l'es vraiment, peux-tu alors comprendre, que maintenant, je n'ai qu'une envie ? Te planter sur place et partir le plus vite retrouver mon autre frère, moins traître que toi ? »

Rúmil soupira. Il savait qu'il venait de gagner. « Pardonne-moi Haldir. J'ai eu tort de t'y emmener aussi rapidement. »

Haldir ôta son carquois et le posa à terre. « Bien. Que faisons-nous ? »

Rúmil sourit. Je suppose qu'il est inutile de te proposer de dormir ? »

« En effet. »

.oO°Oo.

Pendant la moitié de la nuit, les deux frères avaient envisagé des dizaines de possibilités quant à son retour. Dans quelles conditions les retrouveraient-ils ? Physiquement ? Psychologiquement ? Ils n'avaient émis que des hypothèses qui n'avaient fait que renforcer cette attente insupportable qui les tiraillait depuis plusieurs heures.

Ils marchaient doucement. Dans quelques minutes, ils arriveraient à l'affluent de l'Anduin, puis au campement qui se trouvait un peu plus loin. Les battements de leurs cœurs étaient irréguliers, les yeux à l'affût du moindre mouvement.

Ils passèrent les derniers arbres quand ils se retrouvèrent devant l'affluent. Devant ce qui les fit chanceler.

Devant eux, une silhouette. Haldir la fixa, les yeux exorbités, comme si la réalisation dépassait tout ce qu'il avait pu imaginer. Rúmil posa sa main sur son avant-bras, lui-aussi bouleversé par cette vision.

« Lúthien… »

Rúmil fut ému par ce son étouffé qu'émit Haldir. Une supplication. Une douleur et une joie mêlée.

Les longs cheveux noirs d'ébène de la jeune fille renforçaient le contraste avec la pâleur maladive de sa peau. D'une main que les elfes voyaient tremblante, elle releva son tee-shirt, et Haldir sentit l'air lui manquer quand il remarqua le bandage d'un rouge vermeil et la grimace qui déforma les traits tirés d'Aline. Il la vit sortir de sa poche un élastique qu'elle plaça doucement dans ses cheveux, tout en avançant doucement dans l'eau.

Elle dégrafa la bande et la plongea dans l'eau. Un filet de sang se mélangea à l'eau claire de l'affluent, et Aline chancela. Haldir voulut se précipiter mais la main de Rúmil, toujours sur son bras, l'en empêcha.

Lúthien se recula et s'assit sur un rocher. Elle prit la tête entre ses mains. Cette position de vulnérabilité souffla un air d'inquiétude aux oreilles des elfes. Où était passé la femme forte qu'il connaissait ? Ce n'était sûrement pas ce bout de femme amaigrie, recroquevillé sur lui-même, semblant porter le poids du monde sur ses frêles épaules.

Subitement, Lúthien releva la tête, observa les alentours, avant de fixer son regard sur eux. De là où ils étaient, ils virent son froncement de sourcils, puis ce regard noir qu'elle leur lança. Haldir sentit une pointe dans sa poitrine, comme si ce regard l'avait transpercé autant que la blessure qu'elle avait à son flanc.

Aussi subitement, elle baissa les yeux et releva son tee-shirt. Le sang coulait paresseusement le long de sa taille quand elle attrapa la bande qu'elle venait de plonger sous l'eau pour la placer sur sa plaie. Une nouvelle grimace déforma ses traits.

D'autres personnes apparurent derrière les arbres, derrière elle. Haldir reconnut immédiatement son frère, le guérisseur et une autre personne qu'il connaissait bien. Aerandir s'avança vers sa sœur, un air concentré sur son visage. Il posa sa main sur sa taille quand Haldir et Rúmil écarquillèrent les yeux. Lúthien venait de se retourner, et avait placé sa main autour du cou de son frère.

Les elfes observèrent le regard dur de Yoann, et les excuses maladroites de Lúthien. Aerandir fit comme si rien ne s'était passé. Haldir et Rúmil en furent abasourdis. Comment faire comme si rien ne venait de se produire ? Ils avaient vu la lueur de peur dans ses yeux noirs, ce geste défensif. Et ce n'était pas rien.

Haldir sentit un regard sur lui. Il dévia quelque peu son regard quand il rencontra celui d'Orophin. Doucement, il posa sa propre main sur celle de Rúmil, lui indiquant leur frère d'un geste du menton. Rúmil acquiesça, et doucement, ils se retirèrent dans les ombres des hauts mallornes.

.oO°Oo.

Le regard d'Orophin était dur. Il ne plaisantait pas.

« Haldir… Aerandir est resté clair là-dessus. Elle n'est plus la même… »

Le sang disparut du visage d'Haldir. Il savait parfaitement où Orophin voulait en venir. Et c'était justement ce qu'il n'avait pas voulu envisager plus tôt avec Rúmil. Elle n'était plus la même. Elle n'avait plus cette identité qu'il lui connaissait. Elle n'avait plus tous ces souvenirs qui la caractérisaient. Elle avait oublié. Elle l'avait oublié.

Haldir eut du mal à respirer. Onze ans. Il l'avait attendu pendant onze ans. Il avait, pendant les onze plus longues années de sa vie, attendu son retour, espérant reprendre le plus vite possible sa vie qu'il avait mis en suspens. Et voilà qu'Orophin venait de lui annoncer qu'il ne pourrait pas.

Parce qu'elle ne se souvenait plus de lui.

Rúmil posa une main pressante sur son épaule, l'obligeant à tourner la tête dans sa direction. « Haldir, mon frère. Aerandir a également dit qu'elle avait gardé, non pas des souvenirs, mais des émotions, des sensations. Elle s'est même fait… dessiner les feuilles de la Lothlórien sur son poignet ! Haldir, en perds pas espoir. Pas alors qu'elle nous est revenue ! »

La voix d'Haldir était froide, mais désespérée. « Aerandir a aussi dit qu'elle nous avait oubliés, Rúmil ! Elle n'est plus la même ! »

Rúmil eut une furieuse envie de crier après son frère. Comment pouvait-il oser dire quelque chose de tel ? Elle était toujours la même. Elle avait simplement perdu ses souvenirs avec eux. Et Aerandir savait qu'elle les retrouverait.

Aussi, il parla d'une voix calme. « Non, tu te trompes. Elle restera elle-même. Elle reste elle-même. L'aurais-tu également mis sur le côté si elle avait perdu un bras, ou encore si elle s'était fait crever un œil ? »

Haldir lui lança un regard noir. « Ne sois pas idiot ! Jamais je ne l'aurais laissée partir pour la simple raison qu'il lui manque une partie de son corps ! »

Rúmil et Orophin savaient que ce n'était que la stricte vérité. Son attachement pour elle dépassait bien le fait qu'elle avait bien tous ses membres. Le dernier parla d'une voix douce. « Alors pourquoi réagis-tu de la sorte alors qu'elle n'a perdu qu'une partie de sa mémoire ? »

Haldir baissa les yeux. « Parce que dans cette partie de sa mémoire qu'elle a perdu, je m'y trouvais. Elle m'a oublié. »

Orophin soupira. « Non, pas entièrement. Aerandir nous a parlé de quelques choses qui montrent parfaitement que son subconscient se souvient parfaitement bien de toi. »

Haldir secoua la tête. Les deux frères soupirèrent. Ils n'arriveraient pas à lui faire entendre raison. A la place, Rúmil se tourna vers Orophin. « Et sa blessure ? »

Haldir releva la tête, alors qu'Orophin lançait un regard à la clairière. « Eh bien… Taúl a eu très peur qu'elle ne passe pas la nuit. La lame du gobelin était parfaite pour la faire succomber. De plus, elle a tenu la suite du combat debout. Elle était épuisée et elle a perdu beaucoup de sang. »

Haldir sentit une bouffée de colère l'envahir en même temps que l'envie de retourner voir les gobelins et leur marcher dessus jusqu'à ce que les corps ne soient plus que des amas d'os broyés.

Voyant ses traits durcir et son corps se crisper, Orophin rassura son frère. « Mais elle a passé la nuit. Elle est forte. Son destin n'était pas de mourir, Haldir. Du moins, pas hier. Et elle est revenue. Je crois qu'il serait bête de ne pas lui laisser une deuxième chance. »

Haldir releva les yeux de colère. « Il n'y a aucune seconde chance, Orophin ! » Il respira et reprit d'une voix étouffée. « Elle n'a commis aucune faute, il n'y a aucune raison de lui accorder une deuxième chance. J'attendrais simplement qu'elle soit prête. »

Les yeux d'Orophin se remplirent de compassion. Il savait que son frère souffrait. Il se souvenait à quel point il avait souffert du départ d'Aline, et savoir qu'elle était là, mais véritablement intouchable, l'accablait complètement.

Rúmil choisit ce moment pour dévier la conversation, sachant que les autres membres de la troupe n'allaient pas tarder à revenir, et que l'occasion de parler ne se présenterait pas avant plusieurs heures. « Orophin… quand nous sommes arrivés… Elle a eu un geste… très étonnant envers Aerandir. Pourquoi ? »

Les traits d'Orophin se durcirent. « Très étonnant est bien faible comme mot. Mais elle a déjà eu un geste similaire ce matin. Envers Taúl. »

Les yeux d'Haldir se remplièrent d'inquiétude. Jamais, elle n'aurait agi comme ça. Jamais. Quelque chose n'allait pas. Quelque chose avait dû se passer là-bas, quelque chose qui l'aurait totalement bouleversée. Aussi, il adressa un regard plein de questions à Orophin.

Ce dernier soupira. « Je ne sais pas. Aerandir n'en a que très brièvement parlé. Il a juste mentionné qu'un événement l'avait… changée… pour reprendre ses mots. Je n'en sais pas plus. Tout ce qu'on peut supposer, c'est que si elle agi de cette manière même envers Aerandir, c'est que cet événement était tout sauf anodin. D'ailleurs, Aerandir a été clair. Ils sont Yoann et Aline. »

Les traits des elfes se durcirent. Une multitude de scénarios passaient dans leurs têtes. Ils l'avaient toujours connue comme quelqu'un de fort, et ce changement radical n'aurait pu être provoqué que par quelque chose de foncièrement sérieux. Ou même assez grave.

De ce qu'ils se souvenaient, Lúthien avait toujours été quelqu'un de tactile. Elle aimait sentir, toucher, frôler. Et si elle refusait, si elle avait peur de se faire ne serait-ce qu'effleurer, c'est qu'elle avait dû… Ils en étaient là de leurs réflexions, des yeux légèrement agrandis d'horreur, quand un bruit de pas vint à leurs oreilles. Ils partaient. Et se dirigeaient vers eux. Haldir respira un grand coup, essayant de garder une totale impassibilité. Il espérait simplement, et ce, même si la simple pensée lui faisait mal, qu'Aline ne parviendrait pas à lire dans ses yeux.

Rúmil serra le poing. Il la sentait arriver comme il sentait sa cité se rapprocher quand il quittait la frontière. Puissante, belle. Doucement, il vit la troupe émerger de derrière les arbres. Un air concentré pour Nëris et Lëwaldir, un regard dur pour Taúl, un air assez amusé pour Yoann.

Lentement, ils s'approchèrent d'eux, et alors que Lúthien détournait les yeux, ils adressèrent un léger hochement de tête à Yoann, qui eut du mal à ne pas leur sourire en retour. Quand ils furent à leur niveau, Orophin parla d'une voix douce, et tous surent que cette phrase n'était destinée qu'à elle. « Aline, Yoann, » Haldir tiqua. « Voici mes frères. Rúmil et Haldir. »

Lúthien fronça les sourcils. Haldir nota avec amusement que ses yeux voyageaient entre son visage et celui de Rúmil, en pleine réflexion. Elle n'avait pas tant changée que ça, finalement. Du moins, physiquement. Oui, elle avait horriblement maigri, et elle semblait être d'une fragilité extrême, mais elle avait toujours ces yeux noirs tellement expressifs, ses longs cheveux de jais, un peu ternes tout de même, mais ce froncement de sourcils était toujours là quand elle réfléchissait. Elle avait toujours la même posture, droite, fière.

Ils la virent fermer les yeux et froncer derechef les sourcils. Quand elle les rouvrit, ses yeux se troublèrent légèrement, elle chancela quelque peu, et Haldir voulut venir l'aider. Orophin réagit immédiatement et attrapa le bras de son frère. Haldir ne bougea plus.

Lúthien n'avait rien remarqué.

Et pour cause, elle avait refermé les yeux. Elle semblait surprise. Et tous se doutaient de ce qu'il venait de se produire en elle. Une explosion. Un surplus d'émotion.

Rúmil, trop impatient d'entendre sa voix, posa une question qu'il trouva bête, mais qui était la seule chose appropriée à dire dans ces conditions. « Quelque chose ne va pas ? »

Malgré tout, Haldir perçut la curiosité dans sa phrase. En réalité, connaissant déjà la réponse à la question, ils étaient curieux d'entendre la réponse de Lúthien. D'entendre le son de sa voix, tout simplement.

« Non, ça ne va pas. » Elle rouvrit les paupières. Sa voix était acerbe, et une petite grimace d'irritation déformait sa bouche. Haldir remarqua avec une pointe de tristesse qu'elle évitait soigneusement ses yeux alors qu'elle reprenait. « J'ai du sang partout, j'ai les cheveux qui collent et Taúl ne veut pas que je me lave. Alors, non, ça ne va pas du tout ! Et en plus, je pus ! »

Les elfes se permirent un sourire alors qu'Aerandir éclatait d'un rire frais. « Ne t'en fais pas ma chère Aly. On ne voit pas la différence. »

Haldir se sentit revivre. Même si elle avait changé en surface, la Lúthien qu'il connaissait et aimait de toute son âme était devant ses yeux. Belle, droite, fière, têtue, franche. Il retrouva sa Lúthien, celle qui avait mauvais caractère, celle qui avait réponse à tout, celle qu'il aimait, tout simplement.

Lentement, il la vit se retourner, vexée, et emprunter le chemin vers la cité. Il sourit. Elle aurait pu prendre n'importe qu'elle direction. Pourtant, elle se dirigeait vers Caras Galadhon. Elle se dirigeait vers Galadriel. Elle se dirigeait vers son passé, ses souvenirs.

L'elfe sourit.

Il espérait simplement, que quand elle serait prête, elle se dirigerait vers lui aussi.

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Voilà !

J'espère que vous avez apprécié, et pour me dire, clik clik, juste là, en bas.

Bye, NaoO.

Le 8 Mars 2008.

Corrigé le 1 Septembre 2009.