Bonjour à tous !

Je déclame avant toutes choses que l'univers appartient à JKR.

Tout d'abord bienvenue sur Le Temps de l'Hiver. J'espère tout d'abord que vous apprécierez cette histoire. J'aime beaucoup l'univers d'Harry Potter, et notamment les personnages féminins forts dont le livre fourmille. J'ai pas mal d'idées qui me sont venues à sa (re)lecture, et j'ai donc décidé d'écrire plusieurs nouvelles à ce propos. Je débute, donc n'hésitez pas à me faire part de vos impressions, de vos critiques ou de vos avis ! Cela me ferait extrêmement plaisir.

Bonne lecture à tous et toutes !


La jeune femme courait à en perdre haleine. Un flash de lumière rouge scintilla dans sa direction, et dans un bruit assourdissant, sembla percuter un mur invisible avant de se dissoudre dans l'air dans un crépitement qui fit hérisser ses cheveux poisseux de sueur. Mais pas une seconde elle ne pensa à s'arrêter pour reprendre son souffle, même si ses poumons brûlaient comme des braises, et que sa gorge sèche était proche de se rompre comme du vieux parchemin. Elle n'avait même plus la force d'écarter les branches sur son passage qui la cinglaient cruellement, figeant dans la chair de son visage des écorchures, accrochant son blouson et subtilisant quelques morceaux de tissu.

Un dénivela la fit trébucher, et elle roula dans un bruissement de feuilles mortes. En d'autres temps, en d'autres lieux, en d'autres époques, elle aurait arrêté son attention sur la beauté de l'automne qui débutait : les troncs perdaient peu à peu leur feuillage, qui se colorait de rouge et de jaune comme si ils flambaient de l'intérieur, tandis que le vent frais des journées humides annonçaient la fin de l'été comme un baiser doux. « La voilà ! » entendit-elle, et elle tourna sur elle-même pour se camoufler dans les herbes hautes, près d'un buisson d'épineux. Elle s'y glissa avec rapidité, ignorant ses doigts qui se piquaient aux épines comme sur des aiguilles. Elle rampa longtemps dans la boue et la verdure flétrie. Les cris derrière elle s'étaient évanouis, mais elle restait méfiante. Cela faisait des jours qu'ils la suivaient. Ils n'abandonneraient pas.

Pas avant qu'elle ne soit morte.

« Par Merlin » chuchota t-elle, murmure coulant entre ses lèvres, écho des larmes qui voulaient se répandre de ses yeux brillant. Mais elle ne pouvait pas se recroqueviller sur elle-même, au milieu des taillis de mûres sauvages, et pleurer pour se décharger de tout le chagrin et de la peur qu'elle avait accumulé. Et ce même si elle le désirait si fort qu'elle avait le coeur au bord des lèvres. Elle chassa les souvenirs, refusa les deuils multiples qu'elle portait sur ses frêles épaules. Elle nia les années qui avaient passé, dédaigna l'âge qu'elle avait à présent, et qui signifiait tant : dix huit ans. Une année si longue, et si éprouvante. Non, je n'ai pas le droit d'y penser, ou je ne trouverai plus le courage, se morigéna t-elle, et dans un souffle, elle poussa sur ses bras pour se redresser. Cette partie de la forêt sentait les sous-bois brumeux et humides, et la terre était devenu foncée, un humus riche et puissant. Elle n'entendait toujours pas les voix revenir. Alors elle s'autorisa à s'asseoir sur un rocher, à repousser ses cheveux en arrière d'un geste agacé, et à réfléchir. Par réflexe, elle se mit à se parler à elle-même, et si elle s'en rendit compte, elle n'en eu pas peur. Plus peur. Elle avait appris à accepter cette démence née de ses afflictions. Elle les avait tous perdus, après tout - ses meilleurs amis, ses proches, ses protecteurs comme ses protégés. Combien étaient encore en vie ? « Réfléchis. Ils auraient cru en toi, en tes capacités à te sortir de cette situation. » Entendre une voix, même la sienne, même de simples chuchotements, la réconfortait. Elle s'imaginait parfois que le timbre de l'élocution qu'elle percevait était masculine, calquant tel ou tel souvenir, tel ou tel visage, sur des folies imaginaires. « Les Rafleurs ont sûrement cerné la partie haute de la forêt. Ils m'y ont vu. Mais ils ne la connaissent pas aussi bien que moi. » Elle n'avait plus le pouvoir de transplaner - les disciples du Lord Noir avaient mis la main sur un sort capable d'englober un périmètre et d'y empêcher la téléportation magique. Heureusement, si certains autres sorts ne pouvaient être lancés à cause de l'artefact, elle avait réussi à le tromper et à former un Bouclier autour d'elle. Sans cela, elle serait morte - rien qu'à songer aux flashs rouges et verts qui avaient ricoché sur son enchantement, elle eut un frisson de terreur pure. Mais les Rafleurs ignoraient une chose : elle était souvent venue ici. Avec ses parents. Ses chers moldus de parents. Penser à eux aussi était douloureux - ils avaient été les premiers à mourir, dans la lutte de Voldemort contre ses adversaires. Elle secoua la tête, et se leva pour admirer le paysage. Son regard acéré scruta les détails du bois qu'elle avait connu. « Trois chemins. L'un menant au village de mes parents. Hors de question. Ils doivent m'y attendre. Un autre montant dans les collines, mais cela m'exposera trop à leurs regards. Dernière proposition : descendre la rivière jusqu'aux vieux talus et grottes. Possibilité d'animaux sauvages, et de laisser des empreintes visibles. » Les autres sentes étaient connues des visiteurs, trop visibles, trop évidentes pour les Rafleurs. Elle se dirigea donc vers la petite rivière de son enfance ; le cours d'eau s'était agrandi sûrement à cause de crues hivernales, mais elle savait où un gué permettrait de traverser. L'eau était glacée, et elle regretta de ne pouvoir imperméabiliser son jean et son blouson grâce à sa magie. Mais le moindre signe magique les alerterait. Même son bouclier avait été désactivé - ou plutôt, elle ne l'avait pas renouvelé, en se dirigeant vers la rivière. Peut-être passerait-elle ainsi inaperçu.

La berge était pleine de petits cailloux qui crissèrent sous ses baskets usées. La bise automnale n'était d'aucune pitié : sur ses vêtements humides, elle semblait prendre un malin plaisir à la geler sur place. Le terrain était accidenté, et elle mit longtemps à retrouver la piste des talus. Elle avait également peur de tomber sur un Mage Noir ou un Rafleur, au détour d'une coudée. Son ventre ne la laissait pas tranquille - l'angoisse le tordait dans tous les sens, et elle avait la nausée. Quand elle aperçut le flanc de falaise, indiquant qu'elle n'était plus très loin de l'endroit qu'elle cherchait, sa douleur et sa peur s'allégèrent un peu. La jeune femme fit un détour pour ne pas se faire voir aux abords des grottes truffant l'escarpement de granit, et ce qui l'intéressait n'était pas dans ces abris de roche, mais derrière. Elle fut soulagée, à un point infini, de retrouver la vieille cabane de pêcheur où son père l'emmenait étant petite. C'était un endroit profond de la forêt, bordé de clairière où la visibilité était parfaite. Le petit lac était infesté de poissons sauvages et de grenouilles, qui coassèrent en la voyant passer. Elle se précipita dans la cabane de planches vermoulues, après avoir vérifié qu'il n'y avait personne. Elle craignit d'être surprise - dans sa course, en ouvrant la porte, en la refermant, en s'allongeant sur le vieux lit au rembourrage moisi. Mais il n'y avait personne. Personne sauf elle.

Alors, elle lança son sort d'Invisibilité. Il hurlerait aux Rafleurs des environs qu'il y avait un sorcier, mais elle s'en fichait : elle avait trafiqué le sort pour qu'il puisse la rendre invisible aux yeux et aux autres sortilèges. Elle le gardait en réserve pour cet endroit - un abri sûr, avec de l'eau proche et des réserves de nourriture. La forêt n'avait pas été un endroit certain. Une fois les sortilèges d'abri mis en place, elle s'assit au bord du lit qui grinça, et ne ressentit pas la sensation qu'elle attendait. Elle avait cru qu'elle ressentirait un soulagement plus grand, comme si un objectif pouvait débloquer sa respiration sifflante ou son crâne douloureux de chercher des solutions qui ne venaient pas. « Comment puis-je seulement me battre contre eux, quand vous n'êtes plus là ? » soupira t-elle d'une voix suraigüe, en laissant enfin les larmes rouler. Reniflant, elle laissa enfin les pensées insidieuses refaire surface, comme des cadavres dans une eau peu profonde.

Harry, mort lors de sa confrontation avec Lord Voldemort.

Neville, torturé jusqu'à la fin, dans les geôles du manoir Malfoy, pour avoir choisi le camp de ses parents.

Ron, disparu lors d'une explosion visant à renverser un point stratégique des Mages Noirs. Lui, et les autres Weasley, et McGonagall, et Sirius. L'Ordre du phénix brisé.

Lupin. Tonks. Dumbledore. Disparus, dans la nature, pour ce qu'elle en savait.

Elle ne savait pas où étaient les autres. Elle en avait vu beaucoup se faire emporter, quand elle était prisonnière du manoir Malfoy. C'était grâce à Ron et à Fred Weasley qu'elle avait pu s'enfuir, elle et Fleur. Elles s'étaient enfui sur les pavés humides de pluie, et derrière elle, la fin du monde se déroulait. Elles avaient entendu Hagrid rugir, et avaient espérés chacune qu'il avait réussi à sortir de sa prison aux barreaux de plomb. Elles avaient été séparées quand Drago s'était mis à les poursuivre, accompagné d'autres anciens Serpentard. Elle avait vu Ron et Fred disparaître eux aussi, dans une rue. Elle avait appris sa mort deux jours plus tard dans un journal traînant au sol, alors qu'elle se cachait dans de vieux égouts effondrés de Londres. Elle n'avait plus personne à qui parler, nulle part où aller. Et alors étaient arrivés les Rafleurs - pour récupérer les chers esclaves du Lord Noir. Elle n'aurait su dire si Fleur avait été retrouvée avant elle - si elle avait été la première sur la liste, et qu'ils étaient après elle, ce devait être le cas.

Elle frissonna, puis dans des gestes presque trop normaux pour cette situation, elle mit une vieille bouilloire à chauffer, avec de l'eau qu'elle tira du lac : une partie de la cabane était sur pilotis, permettant à un seau de descendre dans ses profondeurs fraîches afin d'alimenter une tonnelle de bois. Le thé avait été réduit en une pulpe pleine de vers. Elle ne s'en offusqua pas, retira les insectes et récupéra un peu des feuilles émiettées, puis fit chauffer une conserve périmée. Elle n'avait pas mangé à sa faim depuis des semaines, grappillant dans les poubelles quand elle était en ville, se nourrissant de baies et de racines en forêt. Des raviolis, même périmés, semblaient le summum du luxe en cet instant, et les sentir chauffer dans le plat sur le réchaud lui mit tant l'eau à la bouche qu'elle les dévora avant qu'ils fussent totalement chauds. Elle but trois tasses d'eau fraîche, puis deux tasses de thé au goût amer. Elle se sentait lasse, particulièrement vieillie. Elle s'allongea sur le lit, en priant les dieux sorciers que tout cela ne soit qu'un cauchemar. Elle avait abandonné l'idée que ses prières soient exaucées, mais elle continuait à le faire, par réflexe, pour s'accrocher à un semblant d'organisation, pour ne pas sombrer dans le désespoir. Le sommeil la cueillit, enroulée dans une couverture rongée aux mites, le visage creusé de rides.

Un bruit la réveilla. Durant toutes ces nuits de vigilance, elle avait appris à ne dormir que sur une seule oreille. Malgré son épuisement, qui la poussait de façon malsaine à se rendormir, susurrant que si c'était bel et bien un ennemi, peut-être qu'elle pourrait s'endormir à jamais, elle se redressa, se glissa entre le lit et la table de chevet, aussi doucement que possible. Elle se roula en boule pour ne pas être vue, et sa baguette dans une main, elle se prépara à tuer.

Elle avait appris avec beaucoup de tristesse qu'il n'y avait parfois aucun autre moyen de sauver sa vie que d'en prendre une autre. Elle avait délaissé le remord, ou peut-être que les Mages Noirs avaient réduits son humanité aux strict minimum, aux besoins vitaux, faisant d'elle une bête traquée, vulgaire, une mascarade d'humanité. Avec un frisson glacé, elle entendit la porte de la cabane grincer - comment avait-on fait pour entrer ?! Elle réfléchissait à toute allure : ses sorts étaient-ils encore actifs ? La personne l'avait-elle vue ? Ou connaissait-elle cette cabane ? Est-ce que cela aurait permis de passer outre l'invisibilité et les défenses ? Elle n'en savait rien. Elle n'en avait plus rien à faire. Les pas se rapprochèrent, contournant la table et les chaises usées par le temps. Quand elle sentit l'intrus s'approcher encore, elle bondit comme un diable dans sa boîte, baguette tendue, et hurla : « Confringo ! »

Un flash aveuglant jaillit de sa baguette. A son grand désespoir, il ricocha sur un mur invisible, un sort de Bouclier de toute évidence ; elle se maudit de ne pas avoir imaginé que l'intrus était capable de se munir de protections lui aussi. Sa bêtise allait la faire tuer. Elle prépara pourtant un autre sortilège, et elle réussit à formuler : « Unpro- » dans l'idée de dissoudre l'abri invisible de la personne, mais la légère brume magique scintillante de son sort dissout se dissipa. Et une voix l'arrêta.

« Hermione ? »

Ses lèvres prirent la forme d'un rictus. Puis elle éclata d'un rire fou, prête à s'arracher les cheveux. Les Mages Noirs - ça ne pouvait qu'être un tour cruel. Elle secoua la tête, sans réaliser qu'elle s'était mise à pleurer. Son bras ballait près de son corps, et elle se mit à sangloter. « Tu es mort. Cela ne se peut - je t'ai vu mourir. » Elle était toujours prête à le tuer - certaine que ce n'était qu'une farce diabolique pour la faire baisser les bras. Mais c'était trop tard - il était sur elle, près d'elle, elle sentait son odeur sauvage, forte et familière. Deux bras maladroits la pressèrent contre un torse masculin, et elle s'y accrocha comme à une bouée. Son souffle était chaud. « Je te croyais morte, moi aussi. »

Et Sirius la serra un peu plus fort.