Diable de vampire

Prologue

Vous qui venez de franchir la porte de cette histoire, si vous ne croyez pas au surnaturel, aux esprits, au bien comme au mal, à la candeur de l'âme autant qu'à sa noirceur, inutile de vous attarder. Rester ne vous amènerait qu'à l'énième histoire très en vogue de nos jours où des créatures surnaturelles, des esprits et des vivants vont se côtoyer du mieux qu'ils peuvent. Par contre, à vous qui êtes habités par des doutes ou qui avez la certitude qu'un monde parallèle à l'univers humain existe, je ne promets pas de répondre à vos questionnements ni d'apporter quelques réponses scientifiques que ce soient. Je ne puis que vous livrez ce qu'est ma vie hors normes depuis plus de sept cents ans.

Je m'appelle Louis de Bertillac. Je vis dans une ville que je ne nommerai pas afin de ne pas apporter à mes proches plus d'ennuis qu'ils n'en ont déjà. Je suis 'urgentiste' de nuit et directeur de l'hôpital civil Edmond de Bertillac. Tous les jours, je suis confronté à la stupéfaction des patients face à mon teint et à mes traits fatigués : « Mon dieu, docteur, vous êtes certains de vous sentir bien ? Vous avez l'air plus mal en point que moi ! » Toujours, j'oppose l'unique réponse qui me semble crédible : « Vous savez, quand on ne travaille que de nuit, on ne peut afficher un teint doré. De toute façon, vous êtes certainement au courant des récentes études sur les mélanomes : le soleil est l'ennemi de la peau ! N'ayez crainte, vous êtes dans de bonnes mains, sans doute les meilleures que vous ne puissiez jamais rencontrer. »

Il y a cent ans, j'éprouvais plus de difficultés à justifier mon aspect mais les progrès de la médecine et l'affluence toujours plus accrue depuis plus d'un demi-siècle dans le service des soins intensifs ont simplifié mes arguments d'année en année. Avec un peu de patience, vous allez comprendre les vraies raisons qui font de moi cet être blafard aux yeux étrangement vitreux malgré leur couleur ébène, enfoncés dans des cernes noirâtres et profonds. Je n'ai que trente ans je suis fatigué et la routine commence réellement à me peser. Nous sommes samedi et demain, c'est mon jour de repos il est six heures d'un matin où dehors le mois de mai étale son triomphal soleil de printemps. J'ai entre-aperçu le jour au travers des persiennes légèrement inclinées du bureau de la secrétaire qui laisse indéfectiblement sa porte ouverte malgré mes nombreuses remarques. Pour moi, il est temps de céder ma place à l'équipe de jour et de rejoindre, via les couloirs souterrains, l'appartement jouxtant l'hôpital, hérités l'un et l'autre depuis, disons une éternité, de l'un de mes ancêtres, fondateur de ce centre de santé. En ce quinze du mois, j'ai de la peine à marcher, non que je sois éreinté par les cas que j'ai traités. Au contraire, mon corps se porte à merveille. Mon manque d'énergie est dû au poids d'une profonde mélancolie qui me mine chaque jour un peu plus. Seule la voix qui m'accompagne me tient debout. Elle me souffle des ondes positives et me promet que la fin des tourments est toute proche. C'est ce qui nous amène, vous et moi, aux lignes qui suivront.

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