Titre : Un regard glacial.
Auteur : Nandra-chan
Disclaimer : Rien n'est à moi, sauf les prises de tête.

Note : Une fin alternative à l'arc d'Infinity. Je n'en dis pas plus pour ne pas gâcher le suspense. 12 chapitres. Pour me taper dessus, on clique sur reviews !! Plus vite vous me tapez dessus, plus vite je poste la suite, na !


Chapitre 1 – Prison.

Kurogane longeait le couloir d'un pas un peu lourd. Il ne savait pas exactement ce qu'il venait faire dans cet endroit. Il n'avait pas eu l'intention de venir, il voulait juste marcher un peu, mais ses pieds avaient pris cette direction sans lui demander son avis. Alors il les avait suivis, sans être foncièrement convaincu que c'était une bonne idée.

Il s'arrêta devant la porte bardée de fer et fit signe à l'un des gardes d'ouvrir. L'homme regarda par le judas pour s'assurer qu'il n'y avait pas de risques, puis il glissa une grosse clef dans la serrure, tandis que son équipier défaisait les protections magiques. Une main sur la poignée de son arme, il poussa le battant et avant de s'effacer, laissant entrer le guerrier, qui dut baisser la tête pour franchir le seuil sans se cogner au chambranle. A peine était-il à l'intérieur qu'il entendit les deux soldats refermer derrière lui avec beaucoup de soin. Ils respectaient les consignes à lettre. Ils avaient peur de ce qui était enfermé ici. Il les comprenait. Il y avait de quoi.

La cellule était vaste. Le sol dallé était impeccable, et le mobilier presque inexistant. C'était préférable au vu des circonstances. C'était un endroit sec, éclairé par une unique fenêtre placée en hauteur, hors de portée.

Une lumière dure entrait dans la pièce par l'ouverture dont les barreaux couverts de givre laissaient entrevoir un ciel presque blanc et la neige qui tombait en abondance. C'était comme si des milliers et des milliers de plumes descendaient des nues pour recouvrir le sol. Sauf que leur chute n'avait rien de beau, de doux, de feutré. Elle ne dégageait pas cette impression de confort et de sécurité, cette légère nostalgie aussi, que l'on peut avoir quand, de l'intérieur de sa maison, bien au chaud près d'un poêle, une boisson fumante entre les mains, on regarde l'hiver se parer d'un manteau immaculé.

Au contraire. Un violent blizzard hurlait autour du palais, et les flocons durcis par le froid s'abattaient sans douceur sur le paysage, giflant la peau des rares personnes qui osaient s'aventurer dehors, s'introduisant partout dans les vêtements pour fondre ensuite et laisser une impression glacée dans le cou, sur les mains, gelant le col et les poignets des manteaux pour rendre le tissu irritant, brûlant. Il fallait plisser les yeux et détourner la tête pour avancer face à cette nuée blanche agressive qui sifflait dans les oreilles et brouillait le paysage. Ce temps, qui durait déjà depuis plusieurs jours, rongeait les âmes des humains, éteignait la joie. Ils se confinaient dans leurs maisons et regardaient dehors avec des yeux tristes, inquiets, en se demandant si ce caprice du ciel s'arrêterait un jour, si le soleil avait déserté le Japon à jamais.

Comme il avait déserté le cœur du ninja qui frissonna et resserra les pans de son vêtement autour de lui. Son haleine formait de la buée à chacune de ses respirations, et il jeta un coup d'œil rancunier aux glaçons qui pendaient dans l'embrasure de la fenêtre. Les épaisses murailles du bâtiment carcéral n'avaient pas réussi à arrêter le froid, et la température dans la pièce n'avait rien d'agréable. Un pli de contrariété étira un instant les coins de sa bouche. De telles conditions de détention étaient inhumaines, il en était conscient, mais il ne pouvait rien y faire. S'il s'était agi de n'importe quel autre prisonnier, il l'aurait fait emmener dans un endroit moins inconfortable, une salle chauffée, mais avec celui-là, c'était impossible. Les hommes avaient pour consigne d'éviter tout contact avec lui, de n'entrer dans sa cellule sous aucun prétexte, quoi qu'ils entendent à l'intérieur.

Il était trop dangereux. Il était imprévisible, totalement incontrôlable, et il n'y avait que peu d'endroits qui offrent des conditions suffisantes pour le retenir. Il s'en était déjà pris aux gardes à plusieurs reprises, à ses visiteurs également, ou encore à lui-même. Quand on venait le voir, on ne savait jamais dans quel état d'esprit on allait le trouver : totalement apathique, enclin à bavarder, ou en proie à une crise de violence. Il pouvait passer d'une condition à l'autre en un clin d'œil, restant calme, attendant avec fourberie une baisse de vigilance pour passer à l'attaque et devenir pire qu'un animal enragé.

C'était la raison de toutes les mesures de sécurité dont on l'entourait, mais quand même, tout cela ne plaisait pas beaucoup au guerrier brun. Il n'aimait pas avoir à traiter les gens comme des bêtes sauvages. Il aimait les choses propres, et ça, ce n'était pas propre. Mais comment faire autrement ?

Il jeta un regard circulaire autour de lui, ce qui lui tira un autre grognement insatisfait. Tout était dans un ordre parfait. La cruche d'eau était toujours intacte et toujours posée sur la tablette de pierre scellée dans le mur. Le tabouret n'avait pas bougé. C'était inhabituel, et il trouvait ça inquiétant. Le calme avant la tempête, on appelait ça.

Il préférait largement que le prisonnier se défoule sur tout ce qui lui tombait sous la main. Quand il le faisait, au moins, on savait ce qu'il avait en tête. Tout casser, c'est tout casser. Alors que quand il était trop sage, son geôlier se demandait toujours ce qu'il était en train de mijoter. C'était un homme intelligent, plein de ressources et il avait beaucoup d'imagination, il fallait s'en méfier comme de la peste. Alors il était soulagé quand il le voyait perdre son sang-froid, mais l'autre semblait l'avoir compris et s'ingéniait, comme toujours, à faire exactement l'inverse de ce qu'il attendait de lui. Rien n'avait été déplacé, projeté contre le mur, réduit en pièces, ou piétiné. C'était mauvais signe. Ça sentait le coup fourré à plein nez.

Il se tourna vers la couchette où il savait que l'homme se tenait, et il reçut de plein fouet une sensation de rejet intense. Allongé sur le flanc dans une attitude de bête blessée, la tête posée sur un bras, l'autre étendu devant lui, sa main pendant dans le vide, le captif le fixait, le visage totalement inexpressif. Seul son regard indiquait qu'il avait conscience de la présence de son visiteur, et les sentiments que cela lui inspirait. Un regard glacial, haineux, d'une violence inouïe, terrifiant.

Kurogane se sentit tout à coup très abattu. Il savait qu'il n'aurait pas dû venir. Il soupira et s'approcha de la banquette, tout en restant sur ses gardes car il s'était déjà fait attaquer plusieurs fois par le passé. Il constata que le captif grelottait. Il avait les lèvres bleues et il claquait des dents. C'était normal avec ce froid.

Il se pencha pour ramasser la couverture qui traînait sur le sol et la déposer sur le corps étendu, mais une claque sur la main le repoussa sèchement. Elle était partie si vite qu'il ne l'avait pas vue venir. Danger…

- Fiche-moi la paix.

Sa voix charriait des glaçons. Il était en furieux, non, pire, il émanait de lui sentiment plus profond, ce qu'il y a après la colère. Il faisait aussi froid en lui qu'à l'extérieur.

Le guerrier poussa un soupir exaspéré et refit une tentative pour le couvrir, qui se solda par un nouvel échec. La couverture retrouva son emplacement initial, par terre.

- Si tu n'étais pas si stupide, on te mettrait dans un endroit plus confortable et tu aurais droit à un peu de chaleur.
- Si ma condition te dérange à ce point, tu n'as qu'à me laisser partir. Je trouverai moi-même un endroit à mon goût.
- Je ne peux pas faire ça.
- Alors va-t-en.
- Fye…
- Va-t-en.

Le magicien se tourna vers le mur et le brun resta là, debout près de sa couchette, à le regarder. Il avait un peu maigri, ou peut-être était-ce son vêtement noir collant qui donnait cette impression. Il était livide, et ses cheveux trop longs retombaient en mèches rebelles sur son visage fermé.

Il avait envie de le toucher. Il voulait s'asseoir à côté de lui et poser une main sur son bras, lui communiquer… il ne savait pas quoi. De la chaleur, du réconfort, ou autre chose, un sentiment positif s'il lui en restait. Mais il savait qu'il serait immédiatement rejeté.

Le Fye d'autrefois n'existait plus. Le jeune homme secret mais gentil, tellement attentionné, espiègle et attachant, qu'il avait connu était mort à Infinity, et à sa place, il y avait cette créature hostile, dont l'esprit était comme un funambule ivre marchant sur un fil de soie, menaçant à tout instant de tomber dans un abîme de folie. Peut-être qu'il était déjà trop tard.

Kurogane soupira. Il savait qu'il ne pourrait pas en tirer un mot de plus. Il tourna les talons et quitta le cachot qui retomba dans le silence.