Héhéhé… Nouvel Haitsu et je vous prie de me croire : ça me fait bien plaisir ! J'ai eu l'idée hier, j'ai écri ça dans la nuit et pouf, voilà un premier chapitre court, comme souvent ! alors c'est pas spécialement gai mais normalement, la suite le sera davantage. J'ai mes idées, je sais où je vais, donc voilà si le premier chapitre vous plait, et bien je posterai la suite rapidement.
En tout cas ça me fait plaisir, de démarrer cela quelques jours après la fin de 'Entre l'ombre et la lumière' (et je vous remercie d'ailleurs de vos reviews sur le dernier chapitre… D'ailleurs Louange si tu passes dans le coin, merci aussi pour ta visite sur mon blog :) )
Jamais tranquille
Parfois, les actes les plus graves, les plus importants, ceux dont les conséquences peuvent être dramatiques, sont presque accomplis avec une facilité déconcertante. Tout comme nombreuses sont les actions en apparence aisées, que l'on mène pourtant à plusieurs reprises avant de les voir couronner de succès. Ce décor allait être le cadre du premier cas de figure. Car il avançait d'un pas tout à fait normal, presque aurait-on pu croire qu'il allait faire une course ou qu'il rentrait chez lui, tant sa démarche ne traduisait rien de ses sombres projets. C'en était même renversant. Aucun tremblement dans ses jambes, alors que chaque pas l'approchait de son irrémédiable but. Rien, pas la plus petite hésitation. Il ne réfléchissait pas, voilà pourquoi. Penser a toujours rendu les choses plus difficiles, cela il le sait déjà, malgré son jeune âge. Et lui, il veut que ce soit facile. Ca doit l'être. Ca le sera.
Seul son visage est en décalage avec sa démarche nonchalante. Un visage cerné, où le plus frappant reste cette totale absence de toute lueur dans ses yeux. Ils sont inexpressifs, vides… Ils sont déjà morts, eux. Ils ont un peu d'avance, mais tout cela n'a pas une grande importance, au final. Il pleut beaucoup, aujourd'hui. Et il fait si sombre, si gris que bien qu'il ne soit que 10h du matin, on croirait que le soir tombe et que la nuit va bientôt arriver. Le ciel pleure, puisque lui n'en a pas l'envie. Sa démarche n'est plus neutre maintenant, elle est automatique. Peut-être qu'il se réveille ? Qu'il comprend un peu ce qu'il va faire ? Peut-être qu'une partie de lui, si elle poussait la réflexion, saurait bien qu'il n'en a pas envie ? Mais il s'empêche de réfléchir. S'il commence, alors il reculera, parce qu'au fond, est-ce vraiment ce qu'il veut ? Chaque pas devient plus dur à terminer, le suivant plus compliqué à amorcer… Il prend conscience. Conscience que la décision est facile, et la mise en application, pas autant. Il avale difficilement sa salive, alors qu'il arrive à destination. Ici ? Là ? Peu importe l'endroit. Alors qu'il s'accroupit, les yeux rivés sur le sol, il déglutit une seconde fois, avec peine. Une vie s'allume dans son regard que l'on devinerait vif, en d'autres circonstances. Il n'en a pas envie. Comment pourrait-il avoir envie de ça ?
Pourtant, il ne bouge pas. Il passe le bout de ses doigts délicatement sur l'acier, presque fasciné par ce contact glacial. Ces rails si froids, savamment mis en place pour permettre au train qui dessert la grande ville de passer… Ces rails qui l'appelaient la dernière fois qu'il est venu dans ce coin perdu, aujourd'hui ils semblent l'effrayer, presque. De minutes en minutes, il commence à douter. Mais il est allé trop loin pour reculer. Il est sur place, il y est résolu. Alors il se redresse, presque énergique, et il enjambe le rail, se plaçant au milieu de la voie. Déjà, il ferme les yeux, alors qu'il lui reste à s'allonger dessus. Les paupières ainsi closes, il sent mieux la pluie déferler sur son visage, le vent s'agiter dans ses cheveux mouillés… Il grelotte à peine, et pourtant il doit faire froid. Les sensations semblent s'évanouir peu à peu… Cela doit faire… Dix minutes, peut-être, qu'il est là, debout, sans bouger… Il se sent presque bien. Peut-être parce qu'il est impatient que tout se termine. L'agitation et l'hésitation semblent un peu loin, même si la boule dans sa gorge est toujours là, même si son cœur bat un peu plus vite… Mais bientôt, tout cela sera loin.
C'est la grève, aujourd'hui…
Une voix ? Une voix grave, assez jolie, même s'il n'est pas en état de faire ce genre de constatation. Juste… Quand on est résolut à accomplir quelque chose… Qu'il ne s'agit de rien de moins que d'en finir, ce qui est quand même une décision pour le moins importante… Il s'agit la plupart du temps d'une mécanique. Tout n'est pas prévu, mais l'essentiel y est. Et le moindre élément perturbateur vient tout chambouler. Ici… Il n'avait pas prévu que quelqu'un serait là. C'était un champ, c'était à quelques kilomètres de la ville… On était en milieu de matinée et avec ce temps, il n'y avait pas un chat. Il n'aurait dû y avoir personne. Donc cette voix pas prévue au programme le réveilla brutalement. Il ouvrit les yeux, paniqué et quelque part honteux que quelqu'un qu'il ne connaissait pourtant pas, le voit en ce moment même. Il se sentit un peu en colère, même si l'incompréhension était grande. Et puis… Ce brusque rappel à la réalité le ramena les deux pieds bien ancrés dans le sol. Il vit les rails, il s'imagina debout entre eux, prêt à s'allonger… Il prit conscience de ce qu'il était venu faire. Jusque là il croyait l'avoir compris, comme il y avait pensé. Mais en réalité, il ne pouvait qu'imaginer ce qu'il ressentirait et c'était bien moins fort qu'être là, en ce moment même, à deux pas du passage à l'acte. Cette vision le paniqua un peu. Comme s'il s'observait dans une glace et se demandait ce qu'il fichait là.
Tu n'as aucune chance d'y arriver… C'est la grève. Aucun train ne va passer de toute la journée. Réessaye demain.
La voix bien que grave, était légère. Ce fut d'ailleurs cette légèreté, en parfaite adéquation avec le moment où il se rendit compte de ce qu'il faisait, qui le fit réagir. Comment pouvait-on dire 'réessaye demain' à un jeune homme qui tente d'en finir ? Quelle personne dénuée de scrupule et d'humanité ferait une telle chose ? Hyde en fut assommé, et il regarda l'autre, ébahi. L'autre qui lui adressa un gentil sourire, presque encourageant. Il était venu faire la même chose ? Non, le hasard était trop important, et puis ce garçon qui semblait avoir dans ses âges, n'avait rien de l'attitude d'un jeune homme déprimé ou qui est là pour s'ôter la vie. Vie qui pétillait dans son regard noisette, d'ailleurs. Des yeux rieurs, joyeux, un brin moqueurs… D'un certain point de vue, il avait une tête assez comique d'ailleurs, entre ses mimiques et son attitude parfois enfantine. Mais ceci bien sûr, Hyde ne le vit pas. Il n'était pas dans les bonnes dispositions. Il était en réalité en colère, encore. Ce perturbateur le gênait et l'empêchait d'arrêter de penser. Il ferma de nouveau les yeux, espérant qu'ainsi il comprendrait qu'il n'était pas le bienvenu.
Tu risques d'attendre longtemps… Il se peut que demain, il n'y en ait pas non plus.
Casse-toi, lâcha-t-il avant même d'y penser.
Il n'était pas du genre à agresser les gens si facilement, mais enfin on ne pouvait pas dire qu'il était dans une situation habituelle aussi. Tout ce qu'il voyait, c'était que le son de sa voix le reconnectait petit à petit avec la réalité. Qu'en l'écoutant, il s'humanisait, là où il avait fait le vide pendant de longues minutes pour parvenir à sauter le pas. Rien que le fait de l'entendre, cela ruinait ses efforts et le courage –où le désintérêt- qu'il avait réuni pour pouvoir le faire. Alors il se sentit l'envie d'haïr ce jeune homme qui venait tout gâcher par sa seule présence. Celui-ci ne sembla pas se formaliser de ce ton agressif. Au contraire, son sourire se prolongea alors qu'il continuait à avancer. Il sortit les mains de ses poches pour replacer son bonnet sur sa tête et remonter davantage la fermeture éclair de son manteau, la pluie redoublant d'intensité…
Tu ne vas pas attendre comme ça sous ce déluge. Je te dis qu'il n'y aura aucun train. Tout ce que tu vas gagner, c'est une pneumonie.
Toujours cette apparente indifférence, presque comme s'il énumérait une liste de courses. Inutile de se voiler la face : c'était fichu. Hyde sentit ses épaules s'abaisser en même temps que sa tête dodelina. Il était abattu : maintenant même si ce garçon partait, c'était fichu : il ne pourrait pas le faire. Et en repensant à ses paroles… Si même les trains se mettaient à ne plus vouloir passer, c'est que vraiment il aurait eu la poisse jusqu'au bout ! Il était revenu. Revenu dans ce monde qu'il avait désiré quitter. Et il s'aperçut de tout, tout ce qui lui avait échappé durant son trajet monotone : la pluie abondante et froide, le vent, le temps gris… L'herbe qui s'accrochait à ses chaussures… Ses lacets défaits, tiens. C'était une image assez laide, cela le frappa. Tout ce décor était assez moche. Il soupira. Quelle raison de rester ici, alors qu'il était bien certain que pas grand-chose de bon ne pouvait lui arriver ? Il foudroya l'importun du regard, le maudissant de sa venue non désirée. Cela, l'autre en eut bien conscience, mais cela ne l'empêcha pas de s'approcher encore et de s'accroupir à deux mètres de lui. Las, Hyde se laissa tomber sur le sol, toujours au milieu de la voie… sur laquelle il ne risquait rien, s'il en croyait ce type. Quelle pitié… Même cela, il ne pouvait pas l'accomplir en paix.
J'aimerai être seul… marmonna-t-il froidement.
Mais tu l'es.
Hein ?
Tu es seul. Sinon tu ne serais pas ici en ce moment, je suppose, lâcha-t-il nonchalamment, avant de s'asseoir dans les graviers autour de la voie.
Ouais… murmura Hyde, légèrement estomaqué par ces paroles. Bon, alors…
Je suis bien ici, le coupa-t-il.
Quoi, tu veux jouer les héros en faisant ta B.A. ?!
Mais bordel, c'était quoi ce mec ?! Il se ramenait alors que Hyde n'avait besoin de personne, il lui parlait comme s'ils étaient à la terrasse d'un café et là, il disait des choses tout de même lourdes de sens, sans paraitre affecté le moins du monde ! Il était dépourvu de toute humanité ou quoi ? Non pas que Hyde voulait qu'on le plaigne ou qu'on compatisse, mais la logique aurait voulu… Il ne savait pas, mais tout sauf ce comportement inapproprié. Nouveau sourire de la part de l'autre, qui entoura ses genoux de ses bras en regardant Hyde.
Bof… Que tu y passes aujourd'hui ou demain… ou jamais… Ca ne va pas changer ma vie, j'imagine.
Hyde ouvrit la bouche. Il la referma, hébété. Et bien ça au moins, c'était fait. Ils auraient discuté du prix des radis, que ça n'aurait pas été plus inutile et indifférent. Pour le coup, il en oublia ce qu'il était venu faire, tiens ! Son étonnement dû se lire sur son visage puisque l'autre eut un petit rire presque amusé, comme s'il était satisfait d'avoir causé cette réaction spontanée. Il attendit un instant et il ajouta avec un clin d'œil :
Mais… 'jamais'… Ce serait encore le mieux, tu ne crois pas ?
