« Journal d'un Roi »

Lordess Ananda Teenorag


Titre : « Journal d'un Roi »

Auteur : Lordess Ananda Teenorag

Série : Fire Emblem Fates

Genre : Family, Frienship, Romance, Humor.

Résumé : « Non, Charlotte. Vous ne pouvez pas revendre la Couronne, même pour acheter des ressources à vos parents. Laslow, inutile de t'enfuir en ville pour courir les jupons, tu es toujours consigné. Peri, cesse de pleurer, tes bonbons sont parfaits. Et… bon sang, sommes-nous vraiment en temps de paix ?! »

Personnage central : Xander

Personnages principaux : Charlotte, Laslow, Peri, Leo, Camilla, Elise. Les fratries de Nohr et d'Hoshido, plus leurs vassaux.

Duo : Xander x Charlotte S, Leo x Takumi A+, Camilla x Silas S, Elise x Kaze S, Laslow x Saizo A+, avec mention de Íñigo x Gerome.


Mot de l'auteur : Vous êtes-vous toujours demandé pourquoi Xander avait-il toujours l'air si sérieux et stressé ? Cette fic en explore les différentes raisons... petite note : les duos et couples varieront à chaque chapitre, s'il y en a plusieurs.


Dossier n°1 : Gestion de Sa Majesté


Royaume de Nohr.

Matinée fringante.


« Non, pour l'amour du Royaume, NON ! »

Xander l'Impressionnant, Prince Héritier et Futur Roi de Nohr, était sur le point d'abdiquer en faveur de vacances éternelles. Il n'en avait jamais eues (loué soit feu son Père, qui avait manifestement comme seule occupation de conquérir le monde) : mais il commençait à se dire que faire la guerre aux Royaumes adverses n'était pas si fatiguant, en comparaison à sa situation actuelle…

« Non, Charlotte. Vous ne pouvez pas revendre la Couronne, même pour acheter des ressources à vos parents. Laslow, inutile de t'enfuir en ville pour courir les jupons, tu es toujours consigné. Peri, cesse de pleurer, tes bonbons sont parfaits. Et… bon sang, sommes-nous vraiment en temps de paix ?! »

La ruche royale fourmillait de vie et d'activité, mais rien n'avançait comme prévu. Evidemment, il aurait peut-être dû choisir son personnel autrement…

« Je ne peux vraiment pas revendre la Couronne ?! Mais à quoi elle sert, alors ? »

« Messire, vous aviez abrogé ma punition ! Et boire du thé n'est pas interdit, que je sache ? »

« Le Comte, il a paaaaaaas voulu manger mon bonboooon ! Je vais… le TUER ! »

Et ça piaillait, piaillait, piaillait. Il avait mal au crâne, mais la journée n'était hélas pas finie. Pire encore, elle ne faisait que commencer.

« Un par un ! Bon sang. »

Les trois larrons s'immobilisèrent, l'air un peu penaud. Mais la première affichait une expression avide, le second souriait comme un charmeur invétéré, et la troisième pleurnichait de colère.

« Charlotte. Commençons par vous. »

« … »

« Voulez-vous bien me rendre cette Couronne ? »

« … »

« Maintenant. »

La jeune femme blonde serrait l'Artefact du Roi sur sa volumineuse poitrine, de façon possessive. Lui sentait son mal de crâne augmenter à chaque instant.

« Mais, Prince Xander… euh, je veux dire, futur Roi de Nohr trèèèèèès riche et siiiii prestigieux, dont les ressources ne demandent qu'à aider mes pauvres parents dans le besoin… »

« Nous en avons déjà parlé. Votre prime devait tomber en fin de mois, après la Cérémonie. »

« Mais vous êtes le Prince Héritier, non ? Vous ne pouvez pas faire accélérer le processus ? Maman aurait tellement aimé pouvoir s'acheter ce dernier vêtement… »

Et, non, il n'allait pas se laisser toucher par ce visage mouillé de larmes factices. Qu'importe sa beauté, flagrante dans la lumière du matin. (Et, accessoirement, qu'il fût celui de sa future femme…)

« Cela n'est pas conforme à la procédure, donc guère en mon pouvoir. Tant que je ne serai pas couronné, je ne serai pas officiellement en charge des Affaires du Royaume. Alors, patientez. »

« …pfff. »

De la diplomatie, voilà ce dont il avait besoin. De la diplomatie. Et… beaucoup de patience. Même si…

« NON ! Pas encore, nom de… ! »

Il avait failli jurer – de nouveau. C'était la cinquième fois depuis ce matin. Car, devant lui, Laslow essayait de se dépêtrer d'une de ses énièmes bêtises… mais pourquoi, pourquoi fallait-il que le sort s'acharne contre lui ?

« Pardon, Messire ! Mais je pensais qu'accrocher la guirlande de Peri ferait bien dans la Salle du Trône. Je ne pouvais pas prévoir… qu'elle tomberait sur la tête du Comte ! »

'Ou pas', disait son regard. 'Dommage qu'elle soit à base de couteaux cassés, n'est-ce pas ?' Le Prince Héritier sentait ses sourcils devenir une ligne de stress renouvelé.

« Laslow, toi et moi, après la Cérémonie, nous allons avoir une sérieuse discussion. »

« Oups. »

Les incidents diplomatiques se multipliaient, comme les étreintes de Camilla, les démons de Leo, ou les maladresses d'Elise. Pire qu'aux sessions du Conseil…

« Ha ! Bel entourage que voici, Votre Majesté. Une roturière manipulatrice, un coureur de jupons raté, une meurtrière déguisée en noble… et c'est avec ça que vous prétendez relever le Royaume de Nohr ? »

La Cour était le point de mire de luttes intestines, où chacun s'entredéchirait pour un monceau de pouvoir, que lui n'accorderait jamais à des êtres indignes de confiance. Il était toujours difficile – même pour le Prince Héritier – de s'y faire respecter. Mais pour être honnête, Xander avait bien plus de mal à gérer le comportement de ses amis. A commencer par ses propres Vassaux…

« Oh, il faut dire que ça a été bien utile, lors de la dernière guerre. Puisque nous l'avons remportée. Mais, vous aviez sans doute besoin qu'on vous le rappelle, puisque vous n'étiez pas là… n'est-ce pas, cher Comte ? »

Laslow le Charmeur avait le don d'ensorceler ses interlocuteurs de sa voix suave, avec moult clins d'œil et sourires tout aussi ambigus. Xander ne répondait pas de ses performances en matière de drague, mais son Premier Vassal savait indéniablement parler et méritait son sobriquet.

« Hi hi hi ! Je suis sûre qu'il a eu peeeeeeeeeeurr ! Remarque, si j'avais été un ennemi, j'aurais adoréééééééé l'embrocher. Poulet, poulet, poooooooooulet ! »

Peri la Fantasque avait un autre style : celui d'une gamine excentrique et psychopathe, qui pouvait proférer des menaces de mort en riant (menaces tout à fait avérées, fallait-il préciser). Lui y était habitué depuis longtemps : mais les nouveaux venus au palais, en l'écoutant, avait cet étrange frisson – qui oscillait entre terreur et réprobation.

« Laissez-moi vous dire que vous devriez changer vos fidèles, Prince Héritier. Et j'ai avec moi ce qu'il vous faut. Mes enfants sont… »

La voix du Comte menaçait de les endormir, et il fallait faire quelque chose contre cette menace. Heureusement (ou pas), il n'eut pas de décision à prendre.

« Oh, très cher. Je vous en prie, ne vous donnez point cette peine… »

Sa promise, Charlotte, avait pris la parole à sa place. Xander plaignait déjà l'infortuné, qui avait eu le malheur de s'en prendre à eux.

« J'aimerais beaucoup m'entretenir avec vous de ce problème, beau Comte… même notre Seigneur ici présent a bien des affaires à expédier avant la fin de la journée. Je suis sûre que nous pourrons régler la nôtre, après le Conseil… pacifiquement. N'est-ce pas ? »

Quiconque ne connaissait pas la jeune femme eût pensé qu'elle souhaitait s'attirer les faveurs de son interlocuteur : mais lui, rompu à ses stratagèmes, savait qu'elle se préparait à concocter un hachis parmentier de Noble.

« Eh bien, je suppose que cela fait sens. Mais, Madame, c'est bien par égard pour votre délicate beauté de faible femme, que je vous accorde cette faveur. N'imaginez point que je renonce à la place qui m'est due, et que… »

« Trèèès bien, mon beau Comte. C'est tout ce que je demande… pour l'instant. Car ensuite… »

Une lueur meurtrière se refléta dans les yeux langoureux, auquel seul l'infortuné eut droit.

Tu vas servir de nourriture aux putois, et je vais me faire un plaisir de leur faire un hachis de Noble. HA HA HA HA !

Un frisson traversa le pauvre hère… tandis qu'à l'arrière, Peri riait sans la moindre retenue, et que Laslow lui faisait un clin d'œil. Il pouvait sentir son mal de crâne empirer : même si, au fond de lui, l'idée du Comte cuisiné à la sauce Charlotte était étrangement tentante…

« Mais, Madame… »

« Chuuuut, mon beau. Lorsque mon Seigneur parle, il faut l'écouter. N'est-ce pas, Messire Xander ? »

Et le Conseil avait repris.

Sa promise avait tout simplement étripé le malheureux, une fois la réunion terminée. De l'avis de ses Vassaux, le Comte l'avait bien cherché : mais Laslow n'avait jamais aimé la Noblesse, qui regardait de haut ses frasques avec les filles. Quant à Peri, elle était tout simplement en manque de sang.

« Charlotte, donnez-moi cette Couronne. »

« … »

« Maintenant. »

« …pfff ! »

Enfin, la jeune blonde accepta, à contrecœur – avant de s'en aller d'un pas dépité. Soulagé, Xander rangea le précieux trésor à sa place originelle (et, par précaution, il chargea une servante de garder un œil sur l'Artefact du Roi. Inutile d'y accrocher la chaîne de protection, sa promise était capable de la briser à main nue…). On l'appelait l'Impressionnant – mais lui était toujours impressionné par la force de sa promise.

« … »

Un bruit discret résonna près de la porte. Des pas dansants et légers, tout à la fois gracieux et passionnés. Son Premier Vassal – alias le Charmeur – était très habile pour s'échapper du palais : mais malheureusement pour lui, Xander connaissait toutes ses ruses.

« Laslow. »

« … »

Le Charmeur raidit ses muscles – en la posture du flagrant délit.

« Non, Messire, ce n'est pas ce que vous croyez ! »

Le mal de crâne empira brusquement. Le Prince Hériter essaya de se masser les tempes – sans grand succès.

« Et que penses-tu que je croie, Laslow ? »

« Je ne me dirige pas vers la ville pour séduire les filles ! Enfin, si, c'est vers la ville, mais… »

Et, bien sûr, son Vassal n'avait pas ses beaux vêtements, avec son porte-monnaie rempli et sa liste des 'meilleurs thés de Nohr' à la main, de façon tout à fait non compromettante.

« Vraiment, mon ami. Crois-tu vraiment que le moment est bien choisi pour… aller commettre tes frasques ?! »

Xander ne voulait pas élever la voix (Camilla lui avait dit que c'était mauvais pour les cordes vocales d'un Roi), mais, la plupart du temps, c'était comme si Laslow le quémandait.

« Non mais, je ne… ne me voyez pas comme aussi superficiel ! Je ne vais pas en ville courtiser les filles ! Enfin, pas que, du moins… je devais aller chercher quelque chose de très, très, euh… important… pour la Cérémonie ! Oui, c'est ça, pour la Cérémonie… »

« … »

Son Premier Vassal s'enfonçait encore plus que la lance de Peri dans ses adversaires – et c'était dire. Il allait finir avec des rides prématurées, c'était une certitude.

« Laslow. Tu sais ce qui t'attend, si tu t'enfuis. »

Un jour, exaspéré par ses frasques, il l'avait enfermé dans le bureau… pour finir par le retrouver affairé à dessiner des Danseuses et des Chevaliers Dragons, sur les documents officiels du Royaume. Cet incident avait laissé un traumatisme éternel à sa royale mémoire.

« J'attends mieux de mon Premier Vassal, en ce jour. A défaut de m'aider, ne peux-tu pas te tenir tranquille ? »

« Messire, je vous assure, ce n'est absolument pas ce que vous pensez. Je vous en prie, faites-moi confiance. »

'Je préfère ne rien imaginer, te concernant. Cela m'évite de faire des cauchemars.'

Il choisit pourtant de lui faire confiance.

« Bon, très bien. Vas-y. Mais ne sois pas en retard pour la Cérémonie. Mes Vassaux doivent se tenir à côté de moi. »

« Youpi ! A moi la sortie en ville, avec les filles, et les meilleurs thés du monde. Mais pas que, hein, Messire ? Allez, à bientôt ! »

Et de décamper gracieusement dans la fringante matinée, accompagnant sa danse victorieuse d'une voix chantante, avec des 'Oh, yes ! Messire Xander est le meilleur ! Le Roi est mort, vive le Roi !' Ledit futur Roi eut un soupir immense… auquel se mêlait néanmoins un petit sourire.

'Qu'est-ce que cela sera, lorsqu'il tombera amoureux…'

« Je me demande bien ce que je vais faire de lui… »

« Oh, mon Prince, ne soyez pas aussi défaitiste ! C'est vrai que Laslow n'arrive pas à courtiser la moindre femme, donc pas de souci pour ce qui va arriver, mais il tape trop bien les ennemis et moi je l'adore ! »

Note de futur Roi : 'Ne pas se faire rassurer par Peri.' Ce à quoi il fallait ajouter : 'Et attention aux commentaires de Charlotte.'

« Laslow est un excellent combattant, mais il est tellement naïf ! N'importe quelle fille pourrait le mener en bateau et lui extorquer tous ses biens. C'est d'ailleurs ce qui lui arrive chaque soir. »

Sa promise avait de nouveau cet air calculateur un peu fou, qui était révélateur de sa vraie personnalité.

« C'est dommage. S'il arrêtait de se focaliser sur la gent féminine, il ferait tourner la tête à plus d'un homme… »

« Euh… »

Les rumeurs allaient bon train sur l'ambivalence de son Premier Vassal. On racontait que celui du Prince Héritier d'Hoshido, Saizo le Balafré, espionnait le sien à chaque fois qu'ils se rencontraient. Quelqu'un aurait même entendu Laslow le Charmeur murmurer, rouge comme une tomate : 'Pourquoi sont-ils tous aussi… beaux, forts, et masqués… de vrais aimants à filles… argh ! Mais je suis un homme, moi !'

« … »

Xander se refusait à y penser davantage. Les relations avec le Premier Vassal adverse, et, par extension, le Prince Héritier Ryoma, étaient encore une autre affaire à gérer. Un problème à la fois, c'était sa devise. Mais bien sûr, sa promise ne l'entendait pas de cette oreille.

« Prince Xander, est-ce que vous le trouvez séduisant ? »

La Couronne faillit lui glisser des mains.

« Je… je vous demande pardon ? »

« Je vous demande si vous trouvez Laslow séduisant. En tant que beau mâle, homme viril, et… »

'Je ne veux pas en entendre plus.'

Au temps pour la gestion progressive des problèmes du Royaume. C'était impossible, lorsqu'ils se reproduisaient à cette vitesse.

« Charlotte, je ne crois pas que ce genre de questions sied à ma future épouse et Reine de Nohr. Je n'encourage pas la polygamie, même si je reste en faveur du mariage homosexuel. »

« Bah, je voulais juste savoir s'il était à votre goût. Si vous le trouvez charmant, il a de bonnes chances avec tous les autres. Peut-être que je devrais lui donner un coup de main. Comme ça, il trouverait un homme fort et riche, pour prendre soin de lui. Tant que ce n'est pas vous, ça me va… »

Vivre avec des énergumènes était traumatisant, parfois.

« Je vais faire comme si je n'avais rien entendu. Peri, s'il te plaît, peux-tu me donner ce couteau ? Je te promets que le Comte n'a rien contre tes sucreries. Il est juste, comment dire… »

Complètement idiot.

« …complètement idiot ? »

Les pensées de sa Seconde Vassale entraient en résonnance avec les siennes, et c'était terrifiant.

« Oui, c'est ça… euh, je veux dire, non, mais ne tiens pas compte de son avis. Tout le monde aime tes sucreries faites maison, alors ne laisse pas une seule personne troubler ta confiance en toi. Tu es une excellente cuisinière. »

« Oh, Prince Xander, vous êtes tellement gentil ! Je vous adore, à tel point que je pourrais trucider tous les Nobles qui vous embêtent chaque fois au Conseil de la Cour ! »

'Une idée presque tentante, étant donné le degré d'incompétence des Conseillers, mais je crains que cette décision ne soit pas digne d'un Roi.'

« Non, cela ira. Contente-toi de m'assister comme tu le fais habituellement. Et, pourras-tu garder un œil sur Laslow ? Je n'ai pas envie qu'il se fasse appréhender par les gardes, comme la dernière fois à la taverne… »

« A vos ordres, mon Prince adoré ! Je vous retrouve tout à l'heure, comme prévu. A bientôt ! »

« Et ne tue personne, même s'ils ne goûtent pas à tes bonbons ! »

En espérant que Peri l'ait entendu.


Après avoir réglé les affaires royales et vassaliques, restait toute la partie 'famille' à gérer. Et elle n'était pas des moins ardues, loin s'en fallait. Car les problèmes s'enchaînaient, au sein de sa fratrie cette fois.

« Leo. Qu'est-ce que je t'ai déjà dit, à propos de ne pas passer tout ton temps à la bibliothèque ? »

« Que tu étais prêt à concéder l'achat de trois annexes supplémentaires, si cela permettait de triompher de la stupidité de nos Conseillers. Et que je pourrais y passer trois vies, si cela permettait à nos Vassaux de se mieux se tenir à la Cour. »

De temps en temps, l'incroyable mémoire de son jeune frère était frustrante.

« Mis à part ceci, qui, je le rappelle, était une boutade, après que ton Second Vassal a introduit ce livre infâme dans la salle à manger… »

« Le Kama Sutra pour les Nuls ? Niles a vraiment des blagues de mauvais goût. A moins que tu ne parles du roman d'Odin Asservir le Monde Astral à l'aide de l'Incantation Ultime des Ténèbres ?»

Xander ne voulait même pas savoir comment il connaissait ces ouvrages.

'Grand Dieu, ai-je manqué à mon devoir d'aîné en ne passant pas assez de temps avec ma famille ?'

« Mis à part tout ceci… que fais-tu enfermé ici, alors que la matinée est si belle dehors ? »

« J'ai besoin de me concentrer, au calme. Il y a beaucoup trop d'agitation ailleurs. »

La pâleur de Leo avait toujours été plus accentuée que celle d'Elise ou Camilla – du fait qu'il passait la majeure partie de son temps à la bibliothèque. Le climat sombre de Nohr y était certes pour quelque chose, mais il ne pouvait s'empêcher de s'en inquiéter.

« Ne penses-tu pas que tu devrais passer moins de temps ici ? »

Le livre se referma d'un claquement sec, et le jeune Mage étrécit les yeux.

« Es-tu en train de me dire que je néglige mes devoirs de Prince ? »

Comptez sur Leo, pour garder ses élans de fierté.

« Ce n'est pas ce que je veux dire. Tu as travaillé toute la journée, pour le Couronnement. Et, te connaissant, tu n'as pas dû dormir de la nuit. Je me trompe ? »

« Et alors ? »

'Mais quel enfant têtu !'

Heureusement pour lui, le grand frère qu'il était connaissait bien mieux sa famille que cette dernière elle-même ne le supposait. C'était bien utile, pour les prendre au dépourvu.

« Xander. Mes études sont très importantes, je n'ai pas le temps de me distraire avec des choses aussi futiles que des promenades en plein air. »

Aujourd'hui encore, il allait faire usage de sa connaissance familiale… il décida donc de jouer sa carte maîtresse.

« Je doute que le Second Prince d'Hoshido apprécie ton surmenage intensif, lors de sa visite pour le Couronnement. »

Le livre tomba des mains de son jeune frère. Il tenta de cacher sa surprise : mais c'était peine perdue avec le futur Roi de Nohr.

« Qu'est-ce que Takumi aurait à voir avec ça ?! »

Touché, pensa le Prince Héritier. Qui ne put s'empêcher de sourire, alors que son cadet enchaînait les dénégations.

« 'Takumi' ? Oh, je vois que vous êtes déjà proches, pour que tu laisses tomber son titre. »

Le rouge de la tomate adorée de Leo avait atteint ses joues.

« Ce… c-ce n'est pas ce que tu crois ! C'est… c-c'est juste pour favoriser les relations diplomatiques entre nos deux Royaumes ! »

Oui, et les instants passés en tête-à-tête sous les cerisiers d'Hoshido, c'est aussi pour favoriser les relations diplomatiques ?

« Tu sais, Leo, votre amitié ne me dérange pas du tout. Bien au contraire, elle est signe d'espoir entre nos deux nations, et… »

« Arrête ! On dirait… on dirait… ! »

Xander n'allait définitivement pas mentionner qu'il avait vu l'autre Second Prince l'attendre impatiemment, chaque fois, comme s'il s'agissait d'un rendez-vous spécial. Son petit frère risquait de ne jamais s'en remettre.

« Pas un mot de tout ceci à Camilla ou Elise ! Tu m'entends ?! »

« Pas un de mot de quoi à moi ? »

Le futur Roi sentit la sueur perler dangereusement sur ses tempes, alors que les mains se Leo se serraient convulsivement sur son livre.

« On m'a appelée ? Oh, Silas chéri. Oui, cette broche est magnifique, mais c'est moi qui irai la remettre à Corrin. Tu es peut-être son meilleur ami, mais moi je suis sa sœur adorée. Tu ne voudrais pas rompre notre mariage, n'est-ce pas, hum ? »

L'aîné de la fratrie Nohr entendit vaguement quelque chose qui ressemblait à des couinements de souris martyrisée. Peut-être étaient-ce les protestations du Chevalier de Corrin, mais il n'en était pas sûr.

« Bon, j'ai fini mes recherches. Je vous laisse. On se retrouve pour le… »

« Un instant, Leo chéri. Oh, qu'est-ce tu lis là ? »

Le jeune Mage tenta se faufiler discrètement hors de la bibliothèque – mais se retrouva coincé contre la volumineuse poitrine de sa sœur.

« Ne regarde pas ! Ce n'est rien du tout ! »

« 1000 Sorts et Enchantements pour connaître le cœur de l'âme sœur. Pénétrer les secrets de ses sentiments et de ceux de l'autre. »

Un ange passa. Ils étaient rares, à Nohr. Mais, ces derniers temps, Xander en voyait souvent, lorsqu'il s'occupait de sa famille, ou de ses amis.

« Ce ruban rouge que tu as à la main… ce n'est pas la couleur d'Elise, et tu ne portes que des bandanas. Laisse-moi deviner : il appartient à ton ami, le Prince d'Hoshido ? »

Leur jeune frère avait la tête d'un gamin pris en flagrant délit de sentiment. S'il n'avait pas craint de blesser la fierté de son cadet, Xander eût souri avec Camilla.

« Il l'avait oublié chez nous lors de sa dernière visite diplomatique ! Et je te défends d'établir la moindre corrélation entre ce fait et le livre que je tiens à la main ! »

Leo – l'Illustre Magicien de Nohr – était d'une intelligence rare pour toutes les sciences intellectuelles les plus ardues : mais, dans le domaine des émotions, il restait cet adolescent maladroit qui enchaînait les gaffes. Une chose que son grand frère aimait profondément chez lui – même s'il ne pouvait pas le dire aussi souvent qu'il aurait aimé. (Ainsi que le fait qu'il mettait souvent ses vêtements à l'envers, comme c'était le cas en ce moment…) Mais leur mère de sœur, elle, n'avait pas les mêmes scrupules.

« Leo… mon petit chéri… »

La tempête était imminente. Et elle s'appelait 'Fierté de Second Prince', Made in Nohr.

« … »

« Je suis sûûûûre que notre grand futur Roi approuve la relation entre le Second Prince d'Hoshido et toi. J'ai toujours trouvé que vous alliez si bien ensemble. N'est-ce pas, Xander ? »

Une triple rangée de gouttes de sueur avait perlé sur le front de ce dernier, alors que leur cadet avait atteint le stade de tomate bien mûre. Décidemment, être Roi, ce n'était pas facile… mais c'était parfois drôle, quand même.

« Silentium hominum aeternum… »

Ils furent deux à se jeter sur la bouche du Mage, afin de rompre le Sortilège.

« Non, Leo, pas de Sort d'Aphasie ! »

« …mmmhh ! »


Décidemment, être Roi, c'était difficile…

« Je suis prêt à encourir la peine capitale pour mon crime. Veuillez ne pas me ménager, Prince Xander. »

Pourquoi est-ce que les sujets de son Royaume étaient-il tous aussi extrêmes dans leur façon d'être ?

« J'ai peiné Dame Elise en manquant notre partie de cache-cache rituelle. Bien que ce fût pour préparer votre Couronnement, je suis coupable de son moment de tristesse. Veuillez ne pas me ménager. »

Bon, techniquement, le Ninja n'était pas un de ses sujets. Mais le lien établi avec lui pendant la guerre allait au-delà des origines, et, de toute façon, il considérait le Royaume du Soleil Levant comme son allié.

« Kaze, je ne vais pas vous faire exécuter pour avoir oublié de jouer à cache-cache avec ma sœur. Cela me semble un peu… excessif. »

'Et puis, si je devais faire exécuter tout mon entourage pour bêtise professionnelle, alors la plupart de mes amis auraient rejoint le Dragon Divin. Que dire de Laslow qui s'est démarqué au Concours des Plus Mauvais Dragueurs de Nohr, de Peri qui a terrifié la noblesse au Tournoi des Chevaliers, ou de Charlotte qui a emporté les bijoux du Comte dans ses affaires ?'

« Il est important de s'investir pour ceux que l'on aime. »

'Je ne saurais le contredire.'

Un sourire calme avait adouci les traits du Ninja d'Hoshido. C'était celui d'un homme en paix, qui lui offrit cette belle ode, comme une continuation à leur mutuel respect.

« Mais c'est une chose que vous savez mieux que moi, Prince Xander. Vous le dire serait irrespectueux à votre égard. »

Lui ne put s'empêcher de sourire légèrement, comme pour remercier son ami de ce secret parfois trop bien gardé.

« Toi qui es le pilier de ceux que tu aimes et qui portes le cœur de leur dévoué serviteur… prends garde à ce que ta dévotion ne leur soit inconnue. Ta propre famille doit savoir qu'elle peut compter sur toi. »

Le Sage de l'Iris avait lu son âme en même temps qu'il avait brandi l'Epée Sacrée. Ces paroles avaient résonné dans le firmament du temple : mais lui avait simplement posé son pied sur la dalle froide.

« Peu importe qu'elle le sache, tant qu'elle peut compter sur moi. Car elle est pour moi plus que nul ne le dira jamais. »

Siegfried la Dévouée était maintenant sienne – à lui dont le cœur était invisible aux yeux, mais transparent aux sages.

« Il ne faut pas faire de telles prédictions, Grand Roi du Crépuscule. Le jour vient sans faille où le cœur aimant est une lumière, où il est aimé en retour. »

Aujourd'hui, il comprenait ces paroles…

« Il faudra que nous croisions le fer de temps à autre, Kaze. J'apprécie que vous investissiez du temps pour ma sœur, mais je prends également plaisir à votre compagnie. »

Le Hoshidien s'inclina légèrement.

« Avec grand plaisir, Prince Xander. Cependant… »

Le vent dansait entre eux, et la brise hoshidienne semblait s'être mêlée d'amitié aux ténèbres nohriennes.

« …n'êtes-vous pas censé être à la Salle du Trône ? Le Couronnement n'est-il pas imminent ? »

Ce fut qu'il se souvint.

« Oh, NON ! Je vais être en retard pour la Cérémonie ! Et dire que j'avais réussi à tout superviser, pour échouer… sur l'essentiel ! »

Les Ninjas d'Hoshido ne riaient jamais. On racontait d'eux qu'ils avaient cessé de rire et de pleurer dès leur naissance au Clan. Mais le sourire du Ninja du Vent était le plus proche de l'amusement, selon ces critères.

« Tout se passera bien, ne vous inquiétez pas. Les amis fidèles que vous avez chéris s'occuperont de ce que vous n'avez pu mener à bien. »

C'est bien cela qui me fait peur, pensa-t-il. Mais il souriait également, en pensant cela, et c'était signe que la paix était bien revenue en Nohr.


Incroyable.

Contre toute attente, la prévision de Kaze avait été juste.

« Vous avez eu envie de passer plus de temps avec votre famille et vos proches, n'est-ce pas ? Sachez qu'ils en sont plus bien conscients aujourd'hui. La paix n'est pas seulement revenue entre les Deux Royaumes, mais dans les cœurs. »

Non que le Ninja hoshidien fût réputé pour ses conseils erronés, mais Xander avait toujours émis un doute sur le sérieux de ses fidèles.

« Chers amis et sujets, veuillez m'excuser pour ce contretemps fâcheux. C'est indigne de la part de votre futur Souverain. »

Bizarrement, personne n'eut l'air très étonné de ce retard – même si leur Prince Héritier était connu pour sa ponctualité extrême. Comme si, au fond, ils avaient deviné que s'occuper des Affaires du Royaume était une sinécure à côté de la gestion de ses amis.

« Messire Xander, vous voici enfin. Ne vous inquiétez pas, tout est prêt pour la Cérémonie. »

Tout était prêt. Les invités diplomatiques d'Hoshido allaient bientôt arriver, il les accueillerait en personne avec sa famille ainsi que ses fidèles. En parlant d'eux…

« Mais, bon sang. Où sont mes frères et sœurs ?! Et où sont Charlotte, Laslow, Peri ?! Ils devaient être là pour la Cérémonie, et… ! »

'Oh, je jure que si Charlotte a voulu revendre la Couronne, ou que Laslow est parti en ville pour séduire une jouvencelle… je vais les punir éternellement ! Et je ne veux PLUS régler des affaires de bastonnade de Peri au tribunal ! Mais ce n'est pas le genre de Camilla, Leo, Corrin ou Elise de…'

Un ballon éclata.

« Joyeux anniversaire ! »

Des banderoles multicolores étaient tombées sur lui, dans un nuage de cris joyeux : et il contempla la scène de confettis, interloqué.

'Mais… que se passe-t-il ici ?'

Ce n'était pas prévu dans le déroulement du Couronnement, pas à sa connaissance. Ni dans aucune mesure politique récente, il en était sûr.

« Pour notre Seigneur bien-aimé ! »

Laslow le Charmeur émergea d'une nuée de chrysanthèmes, comme dans une valse – tant ses pas étaient légers et gracieux.

« Ha, je suis allé en ville chercher les plus beaux bouquets du fleuriste le plus renommé. C'était pas gagné, avec toutes ces jolies damoiselles admiratives devant mon charme… mais vous passez avant tout, mon Seigneur ! »

Il fallait vraiment, un jour, qu'il le persuade de danser aux plus importantes Cérémonies du Royaume. C'était l'un des plus talentueux artistes qu'il connût et se priver ses talents était juste… inconcevable. (Il n'allait par contre pas commenter le bleu sur le visage – certainement donné par un coup de poing féminin vengeur. Même s'il était très visible…)

« Attention, voilà le gâteau ! »

Sa Seconde Vassale, Peri la Fantasque, portait le grand plateau d'argent que l'on réservait aux plus grandes fêtes !

« Ah-ha, et maintenant vous comprenez pourquoi j'ai fait goûter mes bonbons au Comte ? C'était pour savoir s'ils sont bons, car si cet imbécile les aime, tout le monde les adorera dans votre gâteau. Mais comme vous m'avez pris mon couteau, j'ai eu du mal à le découper. »

Un blanc passa dans le cerveau fatigué de Xander.

« Le… le gâteau… ou le Comte ? »

Un ange passa. (Il devait s'agir de sa patience profonde, qui de toute évidence, avait grand besoin de vacances éternelles…)

« Le gâteau. Oh, vous vouliez que je découpe le Comte ? Je peux vraiment ?! »

« Ce… c-ce ne sera pas nécessaire. »

Il feignit de ne pas l'entendre murmurer à son collègue ('Pour le Comte, je l'ai juste rossé à coups de guirlande à couteaux. Comme Messire Xander n'aime pas que je m'en prenne à la Noblesse, j'ai essayé de le laisser en vie. J'espère juste y être arrivée…'). Certaines choses ne valaient pas la peine d'être sues.

« Mon cher frère. Que cela te fait-il d'être l'heureux Héritier du Royaume, âgé de vingt-deux crépuscules à l'heure de son Couronnement ? »

Camilla désignait le plateau d'argent illuminé de bougies, toujours aussi élégante dans ses habits de fête. Couvert de confettis et de fleurs, les yeux fixés sur le magnifique gâteau posé devant lui, le Souverain de Nohr eut – pour la première fois – de la peine à s'exprimer en public.

« Je… ne sais pas quoi dire. »

« Ha. Je parie que tu n'avais pas prévu ce mouvement, Xander. N'est-ce pas ? »

L'air un peu trop fier de Leo lui donnait envie de sourire.

'Je crois qu'il y en a un qui se venge pour l'affaire du ruban. Attends un peu que le Prince Takumi arrive. Je persuaderai Ryoma de vous envoyer travailler ensemble sur les affaires des entremetteuses rebelles…'

« Joyeux anniversaire, grand frère adoré ! »

Et Elise qui dansait autour de lui : et dont les bras étaient trop petits, pour pouvoir l'étreindre comme elle adorait le faire avec sa famille bien-aimée…

« Ceux à qui vous vous dévouez vous aiment plus que tout au monde, Porteur de Siegfried. Ils veulent voir votre visage s'éclairer et toucher votre propre cœur avec le leur. Votre dévotion à leur égard est aussi grande que le ciel qui veille les Deux Royaumes, mais nul ne peut rivaliser avec l'amour dont autrui vous comble. »

C'était un sentiment profond, fait de chaleur et de force, qui l'étreignait. Un sentiment inextinguible, poignant de secret.

« Sage de l'Iris. J'ai pour seul ambition le bonheur des miens et de mon peuple, mais un Roi ne peut mettre en danger ses proches, quand la guerre ravage un pays et menace ceux qui constituent notre faiblesse. Comment pourrais-je étreindre mes aimés dans mes bras, en sachant que quiconque pourrait les tuer ? »

« Le Grand Roi sait où est sa force, mais ne craint pas sa faiblesse. Il vainc la menace, mais se soumet à l'amour. »

'Cela veut-il dire… que ma force vient aussi d'eux ?'

Bientôt, leurs Ambassadeurs hoshidiens arriveraient… des adversaires valeureux devenus des alliés puissants, ainsi que des amis sincères.

Lorsque poindrait le Zénith des Deux Royaumes, ils seraient vraiment tous réunis.

'Je… je sais à présent. Ce que le Sage voulait dire… c'est que ma force de Souverain est lié aux sentiments de ceux que je veille.'

« Mes très chers amis. En ce jour mémorable, qui ceint nos fronts d'une couronne nouvelle… puissent nos conflits s'effacer dans l'espoir d'une aube nouvelle. Que le ciel de Nohr jadis assombri regarde par-delà la guerre, et voit au-delà des ténèbres l'amitié qui le rend plus fort. Moi, Xander, Premier de la Fratrie du Crépuscule et Héritier de Siegfried la Dévouée, jure de consacrer mon règne à cette destinée harmonieuse. Votre bonheur sera mon bonheur, votre affection sera mon trésor. Puissiez-vous rester de longues années à mes côtés, nos cœurs toujours unis dans la paix prochaine. Car vous êtes pour moi plus que ce que je ne pourrais jamais dire. »

Finalement, ce n'était pas si mal, d'être Roi. Surtout quand l'on était entouré de sa famille et de ses amis. Même si ces derniers faisaient bien des bêtises…