Bonjour, bonsoir tout le monde.
Je suis affreusement en retard, ça fait des semaines que je me suis plongée dans un Marathon Kise dont je n'ai pas tenu les délais. Ca m'ennuie beaucoup parce que je tenais à offrir plein de fictions pour ce petit blondinet adorable (parce que je l'aime).
Depuis quelques mois je traverse un gros creux niveau écriture, je n'en ai plus l'envie ni la motivation et en même temps ça me manque.
Bref, vous vous en fichez de mes problèmes mais tout ça pour dire que j'essaie de reprendre doucement. Au départ ça ne devait être qu'un OS publié le jour de l'anniversaire de Kise, mais vu que c'est râpé… Je le séparerais en two-shot voir three mais pas plus. Voilà, je publie déjà la première partie mais sûr qu'elle aura une fin, comme mes autres fics en cours (je pense à l'AoKaga qui est tout écrit). Je ne vais pas dire de gros mots en ce jour merveilleux du AoKise.
Disclaimer : Inspiré du Doujin Vampire to Kuroko Neko de Pokela Ichigo.
Bonne lecture,
Enjoy comme on dit :)
Perigrin.
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Pet Boy Love
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Partie I
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Dans les rues sombres de la capitale tokyoïte, un individu déambulait seul à travers les dédales de petites ruelles pittoresques. Il se promenait chaque soir en quête de chair fraiche, recherchant dans l'ardeur d'une étreinte passagère la vie qui le comblerait. Parfois il se perdait exprès dans la foule, sur les grands boulevards, traversant ce flot en sens contraire, capuche sur la tête, mains dans les poches de son jean délavé. Néanmoins il préférait arpenter les petites artères des quartiers populaires, là où les gens étaient les plus « vrais ».
Aomine Daiki était un solitaire, vivant la nuit plutôt que le jour, se cachant derrière la lune blafarde plutôt que l'éclat du soleil. Il détestait la lumière.
Son sourire s'agrandit quand il vit, seule attablée au bar d'un restaurant, une jeune fille un brin éméché. Cela allait être un jeu d'enfant. En entrant dans l'établissement il retira sa capuche, ses canines visibles derrière ses lèvres pleines.
Le lendemain la même rengaine se joua de nouveau. Le jeune homme marchait de nuit, se fondant dans la masse, à la recherche de quelque chose. Et ainsi de suite. Encore et encore. Ce quotidien sans fin semblait durer depuis une éternité.
Aomine rentra finalement chez lui et se laissa tomber sur son lit, épuisé. Sa main barrait ses yeux, la fatigue du début de l'aube le gagnait peu à peu. Il devait dormir.
Ses journées, il les passait le plus clair de son temps dans son appartement. Il travaillait chez lui, pouvant ainsi arranger les horaires à sa convenance. Son métier de coach en séduction facilitait son planning. Quelques fois il rencontrait ses clients au centre ville ou bien directement à son domicile, ce qui ne l'accaparait pas trop longtemps non plus. Il ne rendait donc de compte à personne et était son propre patron. Rien de mieux que pour un indépendant comme lui.
Aomine avait cette facilité d'aborder les autres – surtout la gent féminine – et cette assurance que beaucoup lui enviait. Il se tourna naturellement vers cette activité pour pouvoir gagner sa vie sans trop se fouler. D'ailleurs son carnet d'adresse se remplissait petit à petit de nouvelles demandes. Sa notoriété commençait à grandir. Sa routine se déroulait pratiquement toujours de la même manière ; il se levait assez tard dans la matinée ou aux alentours de midi, travaillait en début d'après-midi. Ses rendez-vous, il les casait plutôt en fin de journée, parfois en début de soirée. Tout dépendait de la disponibilité de ses clients. Il s'accoutumait parfaitement de ce mode de vie, et pour tout l'or du monde il ne souhaiterait la changer. Enfin…Si on excluait sa particularité, Daiki ne voulait effectivement rien changer à part « ça ». Au fil du temps il ne trouvait plus goût à rien. L'Humanité le désespérait ou l'ennuyait, cela dépendait de son humeur. Ses journées ainsi que ses nuits se ressemblaient à présent, plus aucune nouveauté ne faisait tressaillir ses tripes. Absolument rien ni personne ne le faisait vibrer.
Ce fut donc avec cette nonchalance caractéristique que le jeune homme se leva une fois le soleil à son zénith. Les yeux mi-clos, il tâtonnait dans son appartement à la recherche de quelque chose à grignoter. Il commençait d'avoir faim. Daiki avança jusque dans sa cuisine, les volets étaient tous fermés. De petites zébrures de lumière transperçaient les fenêtres, laissant passer un peu de clarté. Il hurla un grand coup lorsqu'il se cogna le bout du pied contre un meuble. Sa vue perçante baissait probablement ? Ou n'était-il pas tout à fait réveillé… Daiki ouvrit machinalement la porte de son frigo, resta quelques secondes devant puis la referma assez fort. Il recommença son manège deux ou trois fois. Ce n'était certainement pas comme ça que son frigidaire allait se remplir. Pourtant à l'intérieur, tout un tas d'aliments s'empilaient sur les étagères. Mais non, il contemplait le vide de son garde-manger tout comme la faim le tenaillait au ventre.
Cette nuit il devait aller « chasser » afin de se sustenter. Il avait reculé l'échéance trop longtemps, son organisme lui criait son mal-être. La sonnette d'alarme retentissait déjà jusque dans toutes ses cellules. Il alla se doucher et se mettre ensuite au travail en attendant la nuit tombée, son moment favori.
Daiki avait dû supporter en début de soirée les jérémiades de son nouveau client. Si son étique lui permettait, il l'aurait sûrement dévoré. Cet homme n'avait eu de cesse de se plaindre sur sa condition et son sex-appeal inexistant. Pas étonnant que les femmes le fuyaient comme la peste, avec un gugusse comme lui, aucune chance de se divertir un tant soit peu. Une fois son travail effectué, le jeune homme à l'allure racée déambula dans les rues de la capitale, immuable rituel dont il connaissait les rouages par cœur… Dénicher, flairer, filer sa proie jusqu'à l'appâter avec le plus beaux des sourires. Daiki n'avait même pas besoin de se forcer, son charme naturel faisait le reste. Les femmes tombaient dans ses filets, en pamoison. Les hommes aussi ne résistaient pas à sa séduction dangereuse. Quelque chose de sombre abritait son être, mêlant méfiance et attrait du danger. Cependant au fil des ans, ce petit jeu ne l'amusait plus. C'était juste devenu une chasse banale pour le maintenir en vie. Il se nourrissait de leurs essences vitales puis rentrait chez lui pour quelques jours ou semaines, le temps de tenir. Et tout recommençait. Justement, le brun marchait d'un pas trainant en ayant encore en bouche, la saveur tiède de sa dernière proie. Celle-là ne l'avait pas contenté, possédant un goût amer. Il se résigna à ne pas traquer quelqu'un d'autre non pas peur de la police ou du voisinage, mais par manque d'intérêt. Cela le fatiguait. Daiki n'aimait pas faire des efforts inutiles, chasser lui prenait déjà suffisamment d'énergie sans en rajouter.
Il traversa la rue, les mains dans les poches, son éternelle capuche sur la tête quand il trébucha dans quelque chose. Au pied d'un feu rouge, un carton était posé sur le sol. Quand il butta dedans, Daiki entendit un couinement en sortir. Un rictus contrarié se dessina sur ses lèvres. Il repartait déjà, seulement un deuxième bruit se fit entendre. Il se retourna, se pencha au-dessus de la boîte pour découvrir un animal étrange. Une espèce de chien le fixait de ses yeux larmoyants. Daiki n'aimait pas vraiment ces bestioles, déjà que l'espèce humaine le rebutait, ne parlons pas de celle animale. Il leva le menton d'un mouvement dédaigneux et shoota dans le carton. Le chien gémit de peur. Puis le jeune homme s'éloigna, pourtant au loin il continuait d'entendre ses cris. En chemin quelque chose le dérangea, sans qu'il ne sache d'où lui venait ce sentiment, Daiki fit demi-tour et retourna auprès du chien. Il était encore là, à l'attendre, les oreilles baissées derrière sa tête, son souffle hachuré et ses gémissements faibles.
Daiki claqua sa langue contre son palais, se baissa en prenant la bête dans ses bras.
— Tu m'énerves. Ne va pas t'imaginer quoique ce soit. Je t'emmène avec moi mais tu ne resteras pas.
Le chien lui lécha la joue en couinant cette fois-ci de bonheur. Le jeune homme l'abrita sous son sweat-shirt du vent et du froid.
Arrivé à son appartement, il déposa la bestiole poilue à terre et l'observa plus attentivement. En fait il n'avait pas remarqué que sa queue se divisait en d'autres appendices, plus exactement en sept. Son pelage possédait la couleur du soleil, d'un doré chaud, lumineux. Cela faisait bien longtemps que Daiki ne l'observait plus se lever ou briller au plus fort de la journée, ni que ses rayons le réchauffaient, traversant ses os de glace. Il ne vivait que la nuit, en compagnie de la lune, plus froide et plus distante.
Le chien tournoyait autour de ses queues justement apparemment heureux de se trouver là. D'habitude les animaux se méfiaient de la nature du jeune homme. Ils se reculaient, ventre à terre ou grognaient. D'autres se sauvaient même mais pas ce chien. Ce chien stupide qui se mordillait ses bouts de queues.
— T'es vraiment débile mon pauvre… Pfff, il a fallu que je ramasse le chien le plus mongol du quartier, super.
Daiki alla à sa cuisine, le petit animal le suivant en haletant. Il s'assit derrière les jambes de « l'humain ». Ce dernier se gratta le crâne.
— Tu veux quoi putain !?
Un gémissement lui répondit.
— Tu sais pas japper ?
A bien le regarder, il n'avait pas l'apparence d'un chien normal. Son museau allongé pour preuve. Peut-être que cette bestiole appartenait à une toute autre espèce. Manquait plus que ça. Il ouvrit son frigidaire et en sortit un steak haché qu'il décongela au micro-onde, puis le déposa en le coupant grossièrement dans une assiette. Assiette qu'il déposa au sol, devant la chose non identifiée. Celle-ci se jeta dessus et le mangea. L'animal se lécha les babines, satisfait de son repas.
— Bah ça va, tu t'en fais pas. T'as des goûts de luxe. Crois pas que je vais te nourrir tous les jours, hein. Tu vas vite virer de chez moi.
Daiki ne savait pas pourquoi il parlait à cette bête, elle ne pouvait pas le comprendre et puis il devait avoir l'air bien con. Pourtant une partie de lui tentait de combler la solitude qui s'était installée dans sa vie. Il ne recevait jamais personne ici. Son foyer ne reflétait certes pas la chaleur et le bonheur. Au contraire. Alors parler à ce sac à puce, sentir quelqu'un « vivre » dans cet appartement le confortait dans une douce euphorie, même minime mais bien présente. Il avait l'impression de ne plus être seul.
Il alla s'installer sur son canapé, en zappant sur les chaînes du câble à la recherche d'une émission de divertissement ou d'un match de basket. Les humains se manifestaient peu intéressants mais ce sport lui plaisait comme jamais. Il aimait jouer, bondir, marquer des paniers, courir ballon en main, ressentir une adrénaline envahir son corps. Autant de sensations qui le rapprochaient d'une humanité perdue. Concentré sur une partie retransmise, il ne sentit pas qu'une boule de poil se pelotonnait juste à côté de lui, contre ses côtes. Ce ne fut que lorsqu'il entendit des glapissements qu'il se rendit compte de l'intrus. Il souffla plus pour la forme, toutefois sa main fourragea machinalement le pelage doré.
Evidemment, Daiki ne mit pas à la porte son nouvel animal de compagnie. Cela faisait quelques jours que ce chien logeait chez lui, le réveillait le matin tôt en marchant sur son ventre et en glapissant – ou en émettant de petits couinements énervant. Il s'habituait peu à peu à sa présence. Il ne lui avait pas donné de nom, le sentimentaliste ne faisant pas parti de son vocabulaire, se contentant de l'appeler « le chien » ou « le clebs ». Quand il s'installait tranquillement dans son canapé, le canidé venait se lover contre son flanc, lui tenant excessivement chaud pour un être aussi petit. Parfois il lui mordillait la main ou frottait sa tête contre son bras. Daiki n'aimait pas les effusions affectives. Vraiment pas. En temps normal il l'aurait frappé ou projeté contre le mur. Etonnamment il n'en fit rien. Caresser ce pelage tout doux l'apaisait, sans s'en rendre compte. Dès qu'il rentrait d'une de ses chasses, Daiki était heureux de retrouver son compagnon à quatre pattes, assis dans l'entrée, l'attendant impatient. Ses yeux trop profonds pour un animal, miroitant des paillettes d'espérance, l'agaçaient. Et le chamboulaient.
Ce soir, le jeune homme était écafouillé sur son divan à ne rien faire. Son chien – dorénavant il pouvait dire que c'était le sien – couché plus loin en boule, dormait. Ils furent surpris en entendant quelqu'un cogner contre la porte d'entrée. Daiki souffla mais ne daigna pas bouger, alors la sonnerie retentit à travers tout l'appartement. Obligé de se lever, il alla ouvrir à l'énergumène qui le dérangeait. Il n'eut pas le temps de râler qu'une tornade rose sentant les fleurs sauta sur lui en l'appelant d'une voix aigue. Ses tympans si délicats en prirent un coup. Il faut dire que le brun possédait une ouïe surdéveloppée, le moindre bruit était décuplé et amplifié. Là par exemple, s'il n'avait été qu'un simple mortel, il aurait perdu quelques dixièmes d'acuité auditive.
— Dai-chan ! Ca fait une semaine que tu ne m'as pas donné de nouvelles, j'étais morte d'inquiétude !
— Ouais, ouais, répondit le concerné en retournant au salon.
— C'est toujours moi qui me déplace, tu pourrais faire un effort aussi !
La demoiselle, bras croisés contre son imposante poitrine, boudait en le toisant de son mètre soixante et un.
— Bah j'suis là, pas la peine de criser.
La jeune femme soupira en le rejoignant, faisant comme chez elle.
— J'aimerais bien un jus de fraise, merci Dai-chan !
Ledit Dai-chan comprit le message, se leva de nouveau pour servir son amie. Celle-ci remarqua le drôle d'animal sur le canapé. Aux aguets, oreilles baissées, il humait l'odeur de la jeune fille, apparemment méfiant. Elle se leva, main tendue voulant le caresser mais le chien la grogna, babines retroussées. Elle eut un mouvement de recul.
— Satsuki, qu'est-ce que tu fais encore ? Ne l'embête pas, dit Daiki qui revenait de la cuisine avec son verre.
— Mais non enfin ! J'ai rien fait, je voulais juste le caresser. D'ailleurs… Où l'as-tu trouvé ?
— Dans la rue.
— Quand ?
— J'sais plus.
— Il n'a pas de maître ? Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
— Tu m'en poses de ces questions, j'en sais rien !
— Il est bizarre. C'est quoi comme race ?
— Ah mais j'en sais rien je te dis ! Tu me gonfles Satsu, même si je t'aime bien, tu me les brises.
La jeune fille aux longs cheveux roses déposa brutalement le verre sur la table basse.
— C'est pas une façon de me parler !
L'animal émit une sorte de feulement, entre le grincement et le glapissement.
— Voilà tu l'as énervé, t'es contente !?
— D'abord il est moche ton chien ! rétorqua cette dernière en tirant la langue à la bête.
— Non mais on dirait une gosse de maternelle, pire que moi.
— Ah, c'est toi qui le dis, pas moi ! rétorqua Satsuki fière de sa réplique.
Quant au chien, il se leva, la tête droite et sauta du divan en s'éloignant dignement, ses queues dressées. Momoi pouffa de rire.
— Je crois qu'il est vexé mais je te répète qu'il a une allure bizarre. On dirait plus un chien sauvage, comme un lycaon, tu vois ?
— Non je vois pas et je m'en fous pour tout te dire. Je l'ai ramassé point.
— Tu es pénible quand tu t'y mets. Tu pourrais au moins essayer de t'intéresser à quelque chose à part toi.
Daiki leva sa main et la baissa plusieurs fois devant lui en répliquant son éternel « ouais, ouais » voulant dire « cause toujours ». Heureusement que son amie savait le pratiquer et ne prenait pas la mouche. Elle reprit le fil de la discussion en sirotant son jus de fruit.
— Au fait, je t'ai amené tes provisions. Tu en as pour trois semaines, j'espère que ça ira…
Le jeune homme avisa au loin une énorme glacière qui était restée près de l'entrée.
— Merci Satsu c'est sympa.
— De rien. Dis… Ca te dirait de sortir un coup dans la semaine, un soir ?
— Ton mec n'est pas là ?
— Si, bien sûr que si ! Mais ça fait longtemps qu'on n'a pas passé une soirée rien que les deux. Allez, dis oui…
— J'aime pas sortir, tu le sais… geignit le brun.
— Dai-chan !
Sa voix perçante et son ton suppliant achevèrent la raison du jeune homme. Il ne pouvait rien lui refuser – et surtout cela pourrait durer encore des heures.
— Oui, si tu veux.
— Super ! Alors on dit demain, je viens te chercher à dix neuf heures, sois chez toi. Je passerais te prendre. J'ai tout prévu, fais-moi confiance.
Daiki fixait un point invisible sur son mur d'en face, il venait de se faire avoir en beauté, comme toujours. Momoi avait tout planifié depuis le début et il allait se retrouver à faire des trucs de gens normaux au milieu d'une foule d'humains bruyants et ennuyants. Autant dire le drame absolu. Et il ne pourra même pas en égorger une petite dizaine, la vie était injuste. Ils discutèrent encore un petit moment quand la demoiselle prit congé. Daiki porta la glacière jusqu'à son plan de travail, dans la cuisine. Son amie pensait à lui en toutes circonstances, une vraie mère-poule. Il ouvrit le récipient et vérifia le nombre de poches à l'intérieur. Des poches de sang. Pour son usage personnel. Il les compta puis les rangea méticuleusement dans son congélateur pour les jours de disette. Satsuki savait. Elle l'avait toujours su, et malgré la nature du jeune « homme », elle n'avait jamais eu peur de lui. Elle ne le voyait pas comme un monstre mais une créature damnée, livrée à elle-même dans un monde inadapté pour lui. Grâce à son petit-ami qui travaillait à l'hôpital, elle pouvait faire sortir des poches de sang et les donner à Daiki. Satsuki gardait cette crainte idiote qu'il se fasse prendre un jour par les autorités, ce qui le faisait doucement rire… Personne ne pouvait l'arrêter. En outre, elle détestait l'idée que son confident doive tuer pour se nourrir, n'admettant pas ces actes macabres. Malheureusement, cela aussi faisait parti de sa nature de prédateur. Et pour tout le sang du monde, Daiki ne souhaiterait qu'il en soit autrement. Il était vampire depuis les temps immémoriaux, traversant seul toutes les destinées du monde, l'ancien comme le nouveau. Il en avait vu du pays, fait plusieurs fois le tour de la planète, rencontrer des tonnes et des tonnes de gens. Il ne se rappelait même plus le jour de sa naissance, ni celui qui lui donnât ce don merveilleusement empoisonné. Les traits de son visage apparaissaient comme une aquarelle dégoulinante aux bords flous. Son créateur n'avait pas pris la peine de l'initier, le laissant à son sort complètement désœuvré avec ses émotions exacerbées, ses sens en ébullition et son cœur crevé. Ce jour là, il mourut pour la seconde fois, accablé par le poids d'une déferlante d'émotion, bouillonnant dans sa tête.
Daiki avait toujours été seul, normal que sa violence s'exprime de manière sanguinolente.
L'intention de son amie précieuse réchauffait sa poitrine vide. Elle s'inquiétait continuellement, l'inondait de messages et cela l'emplissait d'une douce quiétude. Parce que Daiki ne ressentait pas le bonheur, c'était ce qui s'en rapprochait le plus. Il n'aimait pas particulièrement le goût métallique du sang glacé, même s'il le réchauffait au micro-onde. Il ne possédait pas la même consistance que le sang frais, encore chaud de l'artère éclatée de sa victime. D'ailleurs sa saveur différait d'un humain à un autre. Tantôt épicé, tantôt âpre ou sucré, ses pupilles gustatives captaient chaque variété de goût. De surcroît, ce qu'appréciait le plus notre héros résidait dans le fait de sentir sa proie trembler entre ses bras. Aspirer le dernier souffle de vie jusqu'à la dernière goutte. Et surtout, voir dans ses yeux terrifiés son image se refléter. Pour cela Daiki avait une haute estime de lui-même, un peu mégalo sur les bords. Non, décidément rien ne se comparait au nourrissage sur un humain vivant. Enfin, pour contenter la belle, il faisait aussi des concessions – ce qui ne l'empêchait nullement de continuer sa traque interminable dans les rues désertes. Daiki vivait avec les ombres, personne ne lui enlèvera ce mode de vie.
Il en était là de ses réflexions quand l'appel du sang se fit ressentir dans son ventre. Tel une bête assoiffée, elle grondait dans son être. Il savait qu'il ne devrait pas tarder sinon la soif intenable allait le ravager et il ne tenait pas vraiment à subir ce phénomène. Daiki s'avérait tributaire de son état, prisonnier du besoin irrépressible de liquide purpurin.
• ~ O ~ •
L'appartement était vide. Aucun bruit n'emplissait les pièces désespérément silencieuses. Le noir submergeait l'intégralité de l'endroit. Le vent glacé de la solitude soufflait derrière ses oreilles. Il avait froid jusque dans ses os. Ses dents claquaient entre elles. Rien ne le réchauffait. Rien mais surtout personne. Seul le ruissèlement de la pluie frappant les carreaux apportait une note régulière. Le claquement de l'orage, sec et net, le fit sursauter.
Sous les draps, blotti dans le lit, il tremblait.
Froide la nuit aux doigts gelés. Caressant sa peau en ne laissant qu'un voile de ténèbres acéré.
Inquiétante terreur nocturne, livré à soi-même.
Où était Daiki ? Depuis combien de temps était-il parti ? Pourquoi suivre cette femme aux charmes aphrodisiens ? Pourquoi restait-il ici sans lui ? Où était Daiki et surtout, allait-il revenir ? Quand ? Comment ? Avec elle ?
Le craquement du ciel le surprit encore une fois. Les éclairs éblouirent la nuit d'encre, la lacérant en des striures blanches. Cette couleur ne le réconfortait pas pour autant. Le vent semblait lui souffler des promesses d'angoisse…
« Il ne reviendra pas »,
« Tu es de trop »,
« Il va te jeter à la rue »,
« Tu ne lui apportes rien ».
Les frissons continuèrent de plus belle tandis que les heures interminables s'écoulaient sans fin. Il ne sut pas combien de temps il resta là, sous les couvertures, à grelotter d'impatience et de peur. Le bruit d'une clef qu'on tourne l'indiqua que Daiki était revenu. Ses grands yeux d'amande s'agrandirent sous sa forteresse de coton. Cependant il ne parvenait pas à faire un geste, ni à se dégager. Plaqué contre le matelas, il retint son souffle.
En entrant dans son logement, Daiki sut immédiatement que quelque chose n'allait pas. Une odeur particulière flottait dans l'air, de plus il ne ressentait pas la présence de son animal. A la place, une autre, avec une aura différente se terrait dans la chambre. Il le sentait très nettement grâce à son odorat développé. Il décela aussi une plus grande source de chaleur émaner du fond du couloir. D'instinct il se mit sur le qui-vive, prêt à se battre. Quelqu'un avait pénétré chez lui pendant son absence, peut-être un voleur. En tous les cas cette homme était un inconscient de s'aventurer chez lui. Sûr qu'il ne ressortira pas vivant de là. Daiki souriait déjà comme un dément à l'idée d'égorger cet intrus, ça tombait bien, la soif se faisait gravement ressentir dans chaque cellule de son corps. Un petit encas sera le bienvenu.
Il venait de passer la soirée avec Satsuki et il n'avait pu se sustenter du sang chaud et coulant d'une victime potentielle. Il avait soif. Très soif. Il se mordit les lèvres et avala sa salive en s'imaginant déjà s'abreuver de liquide garance, cette chaleur et cette viscosité glisser le long de sa gorge. Daiki salivait rien qu'à cette idée. Au moment de tourner la poignée de sa porte il se stoppa net. Un éclair traversa son cerveau, comme une décharge le laissant groggy.
Une seconde. Une seconde puis il enclencha l'ouverture. Effectivement, quelque chose clochait puisqu'il découvrit avec stupeur une masse tremblotante et gémissante sous une épaisse couette. Daiki allait sauter littéralement sur sa victime lorsque celle-ci tourna la tête et qu'il vit de qui il s'agissait… Tout du moins « de qui il pouvait bien s'agir ». Il reconnut d'instinct ces grands yeux expressifs, cette couleur dorée comme un soleil d'été et ces oreilles pointues au dessus de cette tête.
Son chien – enfin ce qui s'apparentait à ça – le regardait, tremblant de peur avec sa couette autour de lui. Le seul problème c'est qu'il avait l'apparence d'un humain. Sa peau blanche ressortait en contraste avec la pénombre de sa chambre, éclairée par la lune. Elle avait l'aspect phosphorescent d'un fantôme. Ses yeux larmoyants, d'un ocre chatoyant, regorgeaient d'émotion, trop pour sa raison de vampire. Enfin ses cheveux fins, tel un champ de soleil lui rappelaient les trésors perdus, soit de pirates en quête de richesse ou d'une civilisation ancienne. Cet être était d'une beauté ainsi que d'une vulnérabilité sans pareille.
Daiki resta les bras ballants à l'entrée de sa chambre, complètement perdu. Il ne comprenait strictement rien à la situation.
Comment cet humain était-il rentré chez lui ? Qu'avait-il fait de son animal ? Pourquoi tremblait-il en le fixant de ses maudits yeux ?
Il n'eut pas le temps d'effectuer un geste que l'autre se jeta de tout son poids sur lui, les bras tendus en avant et l'encerclant, sa couverture atterrissant à terre.
— Daikicchi !
Sa voix sonnait bien à ses oreilles. Son timbre était clair, presque suppliant. Daiki sentit un corps chaud contre le sien, bouillir littéralement.
— Daikicchi ! répéta l'autre.
Le basané n'arrivait pas à rassembler ses pensées de manière cohérente, tout se bousculait dans son cerveau. Il ne comprenait rien et en même temps il avait déjà analysé la situation, aussi loufoque soit-elle. En attendant ses yeux dérivèrent sur le corps nu qui le tenait fermement.
Nu.
Cet humain ne portait aucun vêtement et sept grandes queues dorées sortaient du bas de ses reins, plus des oreilles pointues au dessus de sa tête. Daiki écarquilla ses yeux et porta sa main sur l'une d'entre elle en la caressant.
— Le chien ! Tu es mon chien ? Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Ca veut dire quoi ?
— Daikicchi, j'avais peur que tu ne reviennes pas ! s'écria donc son chien d'apparence humaine en frottant sa joue contre la sienne.
Il avait vraiment l'attitude d'un clébard : dégoulinant d'affection.
Le grand brun le repoussa de ses grandes mains et le détailla sous toutes les coutures.
— Putain t'es à poil, tu te rends compte ?
L'autre le fixait de ses prunelles ambrées dans le plus grand étonnement.
— Je ne suis pas un chien. Ca fait des jours que tu m'appelles comme ça mais c'est dégradant.
La situation s'avérait on ne peut plus rocambolesque. Daiki faisait la causette avec son animal de compagnie, entièrement nu entre ses bras comme si de rien n'était. Il devait être en manque de sang pour délirer de la sorte.
— Hein ?
— Je ne suis pas un chien Daikicchi…
— Je sais tu me l'as déjà dit ça ! Accouche alors, t'es quoi ?
— Je suis un kitsune ! répondit fièrement le yōkai en bombant le torse.
— Un kitsune… répéta de manière détachée Daiki. Ouais, normal quoi. J'ai ramassé un kistune dans un carton qui se frotte à moi, totalement à poil. Tout va bien.
— Oh mais je ne suis pas n'importe lequel, je fais parti de la classe des zenko, je sers le dieu Inari et j'ai de grands pouvoirs tu sais.
— Et ça veut dire quoi en concret ?
Vexé, la créature soupira et croisa ses bras autour de son torse.
— Daikicchi tu es méchant !
— Pff, tu me fatigues. Je préférais quand tu ne parlais pas.
— C'est pas gentil ça ! Je te signale que j'ai plus de cent ans, tu me dois le respect. Et j'ai toutes sortes de pouvoirs, je peux t'apporter prospérité et veiller sur ta maison par exemple. Ou encore je peux prendre l'apparence de tout ce que je veux, objet ou personne.
— Et comment ça se fait que c'est seulement maintenant que t'apparaît en homme et que tu ne m'as jamais dit que t'était un kitsune avant ?
— Je ne sais pas… avoua le renard en faisant une moue adorable et en se grattant l'arrière de sa nuque en signe de gêne. Je ne contrôle pas mon statut lorsque je me transforme. Je m'étais emmuré dans mon corps de kitsune pour protéger ma magie.
— J'y capte que dalle ! Bon, j'ai pas besoin de toi, moi aussi j'ai des pouvoirs alors tu peux te casser, merci, ciao, bonne nuit.
— Mais Daikicchi… Le destin m'a envoyé vers toi, je ne peux pas partir.
— Non mais j'en peux plus là. C'est quoi cette connerie encore !? Le destin de quoi, de mes couilles ?
— Tu es vulgaire.
— Ouais bah le plus vulgaire de nous deux c'est bien toi, parce que tu te trimballes le paquet à l'air et que tu t'es frotté dans mes draps ! C'est dégueux !
— Quand je me transforme je n'ai pas d'habits, désolé. Ce n'est qu'un détail en plus. Bref, je ne partirai pas. Inari m'envoie vers toi, j'ai entendu ta détresse tu sais. J'ai cette aptitude, je perçois les émotions des humains, tu as besoin de quelqu'un.
Agacé au plus haut point, le brun se renfrogna adoptant la même attitude, les bras croisés contre sa poitrine en soufflant d'ennui.
— J'ai besoin de personne, et au cas où tu ne l'aurais pas remarqué le clebs : je ne suis pas un homme mais un vampire. Alors va voir ailleurs si j'y suis !
Vexé encore une fois, le blondinet se leva de toute sa hauteur et de sa nudité, surplombant son vis-à-vis.
— J'ai un prénom, je m'appelle Ryōta et à l'avenir j'aimerais que tu n'emploies plus le « clebs » comme appellation. C'est comme si je te disais « le buveur de sang », ça ne te ferait pas plaisir. Et oui, je l'ai remarqué ne t'inquiète pas.
Obnubilé par la vue qu'il avait sous ses yeux, Daiki eut une absence. Peut-être que cette créature était mi-humaine, mi-renarde, en tous les cas il possédait un appendice comme tous les hommes et l'avoir juste sous son nez ne le ravissait que peu. Vraiment peu. Il se leva également en lui jetant sa couette dessus.
— Habille-toi putain, je suis pas obligé de la voir devant ma tronche !
— Ca veut dire que je peux rester chez toi ?
— Ca veut dire va t'habiller tout de suite ! répliqua le vampire en claquant la porte de sa chambre.
Tout heureux, Ryōta sourit béatement en laissant choir sa couette à ses pieds. C'était un bon début.
A l'autre bout de l'appartement, Daiki, assis dans son canapé, les jambes repliées vers son buste pensait. Ca lui arrivait quelque fois. Les évènements c'étaient précipités, jamais il ne se serait douté de la véritable nature de son clebs. Pourtant il pouvait aisément déceler les pouvoirs des autres créatures divines qui croisaient sa route. Durant sa longue existence il en connût quelques unes ; quelques lycanthropes, succubes, djinns et même une ou deux goules. Alors pourquoi n'avait-il pas vu la nature de ce chien abandonné ? Il pressentait des emmerdes à la chaîne… Le basané n'aimait pas vivre en société, se contentant de sa solitude. Les autres l'insupportaient. Même ses anciens amants ou maîtresses en firent les frais. Au bout d'un moment Daiki se sentait suffoquer, emprisonné à quelqu'un d'autre, sa soif de liberté refaisait surface et il avait besoin de s'enfuir. Parfois tout ceci finissait dans un bain de sang car le vampire ne faisait pas les choses à moitié. Quand il quittait un amour, en guise d'adieu il aimait offrir une orgie funeste à l'être abandonné. Son amour se manifestait barbare et sans concession, toute à son image. Alors de s'imaginer vivre en côtoyant ce renard exhibitionniste ne le ravissait pas. En soupirant il se fit une raison, après tout ce Ryōta s'apparentait plus à un animal de compagnie, point à la ligne. En attendant de savoir quoi faire, il lui permettait de rester. Du moment qu'il ne le saoule pas trop avec ses babillages tout irait bien.
(suite...)
