Ce two-shot est dédié à mon amie Dulanoire, en remerciement pour ses reviews et notamment pour sa trois centième review sur le recueil Pensées de Papier.

Chapitre 1 : de l'amour d'une mère

Quand elle l'avait vu, elle n'avait pas tout de suite compris. Non, Merope n'avait pas tout de suite compris que ce moldu changerait sa vie. Elle l'avait aperçu, une première fois, à travers la fenêtre crasseuse de leur cuisine, alors qu'elle préparait le repas. Elle l'avait trouvé beau. Vraiment très beau. A son goût en tout cas. Et il avait une prestance qui la faisait rêver.

Alors elle l'avait observé encore, pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, elle ne savait plus bien. Elle n'avait pas vu le temps passer. Elle était enfermée dans cette maison avec son père et son frère pour ce qui lui semblait l'éternité, quelle raison aurait-elle pu avoir de compter les jours ? Pourtant, dans la silhouette de cet homme, elle avait senti une opportunité de fuir cet endroit. Il était moldu, elle était cracmolle, ils n'avaient pas beaucoup de différences. Sa famille le lui rappelait assez souvent d'ailleurs. Qu'elle ne valait pas mieux que cette vermine. Si Tom Jedusor faisait partie de cette vermine, alors elle voulait bien y appartenir aussi. Elle était belle, cette vermine. Elle lui plaisait. Un peu trop.

Après de nombreuses tergiversations, elle décida de l'approcher. Elle n'avait rien à perdre. Il habitait juste à côté de chez elle, après tout. Elle trouverait bien un moyen d'engager la conversation. Et elle verrait bien ce qui se passerait. Elle n'avait rien à perdre, se persuada-t-elle pendant des jours. Elle se répétait cette phrase dans sa tête, inlassablement, et plus le jour où elle avait décidé de l'approcher arrivait, plus elle tremblait. Et si jamais lui, ne l'aimait pas ? Et si jamais il se fichait complètement d'elle, en réalité ? Et si jamais elle se trompait sur toute la ligne ? Et si jamais il la rejetait ? Et si jamais elle avait mal ?

Pourrait-elle avoir mal plus encore que dans la situation dans laquelle elle était ? Pouvait-elle être plus malheureuse qu'à présent ? Elle ne le pensait pas. C'est ce qui la convainquit de maintenir son idée. Elle le devait. Pour ne pas regretter. Elle pourrait toujours devenir son amie, si jamais ça ne marchait pas. D'ailleurs, c'était plutôt ce qu'elle comptait faire. Devenir son amie d'abord, pour le découvrir, avant de tomber amoureuse. Elle ne l'était pas encore, non, ça n'était qu'un homme qu'elle trouvait très beau. Et un formidable espoir, aussi.

Elle s'était décidée pour un jour où elle savait qu'il rentrait seul. Et un jour où ni son père ni son frère ne serait là surtout. Ou du moins, ils seraient bien trop occupés pour faire attention à elle. Elle avait revêtu sa plus jolie robe. On ne savait jamais, les coups de foudre existaient. Enfin, sa plus jolie robe se limitait surtout à la moins élimée, celles dont les couleurs étaient encore à peu près celles du départ, celle qu'elle préférait et tâchait de ne pas mettre trop souvent. Une robe verte qui mettait en valeur ses yeux. Son père ne voyait pas l'utilité de lui acheter des vêtements. Après tout, il n'avait pas tort. Si elle ne rêvait que de sortir, elle devait admettre qu'il ne lui laissait pas le choix. Elle était confinée dans leur propriété. Elle n'était qu'un elfe de maison. Et encore. Elle ne les valait même pas, elle ne faisait pas de magie. Parfois, elle se demandait pourquoi sa mère l'avait fait naître sans magie. Elle se demandait si elle payait pour des fautes qu'elle aurait commises dans le savoir ou si c'était juste le sort qui s'acharnait sur elle.

Et puis elle l'avait vu, avec une autre femme. Alors elle avait eu mal. Il la rejetait. Il ne le savait pas mais sans le vouloir, il la rejetait. Il lui renvoyait sa laideur. Il lui renvoyait sa pauvreté, matérielle comme intellectuelle. La femme avec qui il était, elle était belle, elle était tout ce que Merope n'était pas. Et ça faisait mal. Elvis et Morfin étaient partis. Ils avaient été emprisonnés. Elle était libre. En tout cas pour quelques temps. Elle était seule surtout. Elle décida alors de tenter sa chance. Elle n'avait vraiment plus rien à perdre cette fois-ci. Elle était plus seule que jamais.

Elle avait essayé. Il avait ri. Il l'avait repoussée. Elle n'était pas du tout un choix possible, pour lui. Il ne l'aimait pas. Alors elle l'avait forcé. Elle avait acheté un de ces filtres miracles. Et elle avait réussi à lui offrir un verre d'eau, un jour, alors qu'il rentrait d'une promenade à cheval. Et il l'avait aimée. Enfin. Enfin, elle avait droit au bonheur. Enfin on lui accordait son rêve. Enfin on la laissait vivre. Elle était heureuse. Elle était amoureuse. Ils s'étaient mariés. Ils vivaient ensemble. Il était avec elle. Juste avec elle. Il l'aimait.

Elle se fichait de savoir que ça n'était dû qu'à un filtre qu'il prenait tous les matins et tous les soirs. Elle se fichait de savoir que ça n'était pas un véritable amour. Elle le voulait juste lui. Elle était heureuse avec lui. Elle se sentait belle auprès de lui. Elle se sentait vivre enfin. Elle n'était plus cet esclave au service de sa famille. Elle vivait pour elle, plus pour les autres. Enfin on la serrait dans ses bras par amour. Enfin on lui chuchotait qu'on l'aimait à l'oreille. C'était une illusion. Mais elle était bien douce.

Et puis elle avait été enceinte. Elle ne l'avait pas prévu mais elle en était heureuse. Elle pensa arrêter d'administrer le filtre à l'homme qu'elle aimait. Depuis le temps, elle avait presque oublié qu'elle le lui donnait. Il avait dû finir par l'aimer, ça faisait si longtemps qu'il était avec elle. Si longtemps qu'il lui montrait son amour. Ça ne pouvait pas être encore une illusion. Ça n'était pas possible. Elle refusait de le croire.

Un matin, elle ne lui avait pas fait le même jus d'orange qu'habituellement. Elle n'avait pas mis le filtre dedans. Elle était persuadée que ça ne changerait rien. Elle se trompait. Lourdement. Alors qu'elle allait lui annoncer qu'elle était enceinte, qu'ils allaient avoir un enfant, elle vit une expression de dégoût et de surprise sur son visage. Il ne l'aimait pas. Comment pouvait-on aimer et avoir ces yeux ? Comment pouvait-on aimer et afficher une telle moue ? Elle tenta de lui expliquer, balbutia quelques mots.

Il ne l'écoutait pas. Plus elle parlait et plus son expression se transformait en effroi. Il entra dans une colère terrible. Il avait été floué. Il avait été manipulé. On lui avait volé sa vie. Il ne l'aimait pas et ne l'aimerait jamais, lui cria-t-il. Tout ça n'était qu'une machination, et elle n'était qu'une sorcière.

Le pire était qu'elle n'arrivait pas à lui en vouloir. Elle n'aurait jamais dû faire ça. Mais elle voulait juste être aimée. Elle voulait juste recevoir un peu, pour une fois. Elle voulait juste tomber amoureuse et que cela soit réciproque. Etait-ce trop demander que d'être heureuse enfin ? Était-ce trop demander que de rechercher le bonheur ? Elle était coupable de ce qu'elle avait fait, elle ne le niait pas. Elle n'aurait pas dû faire ça. Et malgré tout, elle ne regrettait rien. Elle ne regrettait aucun de ces moments qu'elle avait passés en sa compagnie. Elle ne regrettait aucun des mots d'amour qu'il lui avait dit. Même s'ils étaient faux. Parce que si la chute était rude, sa vie avait été merveilleuse pendant plusieurs années. Ce qu'elle avait fait était mal, mais elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle devait le faire. Pour sa propre survie. Par égoïsme. L'amour était égoïste.

Et à présent, elle le payait. Il partait. Il la quittait. Il savait qu'elle attendait un enfant de lui mais il la quittait. Et il ne voulait plus jamais la revoir. A peine eut-il claqué la porte qu'elle s'effondra au sol. Elle pleura. Elle était malheureuse. Elle ne regrettait rien mais elle était malheureuse. Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même. Ça n'était pas sa faute. Et étrangement, elle ne lui en voulait pas. Elle n'osait pas imaginer ce que ça pouvait faire d'être à sa place. Elle avait fait quelque chose d'horrible pour lui. Il était normal qu'il lui en veuille. Il avait raison. Elle n'était qu'un monstre. Une sorcière. Elle ne méritait pas ce bonheur, c'était tout.

Pendant plusieurs mois, elle survécut plus qu'elle ne vécut. Elle ne vivait plus. Il lui avait enlevé le goût de vivre en partant. Elle ne survivait que pour son enfant. Parfois, de désespoir, elle rêvait de se laisser sombrer. Mais jamais elle ne le fit. Elle n'en avait pas le droit. Pas tant qu'elle était responsable de cet enfant. Pas tant qu'elle le portait. Elle n'avait pas droit de vie et de mort sur lui. Ça n'était pas juste. Lui avait droit d'être heureux un jour.

Elle l'aimait. Il était la seule chose qui la maintenait en vie. Alors quand son frère revint chez eux, quand il la jeta à la rue, elle ne désespéra pas encore. On était le 31 décembre. Une nouvelle année commençait. Un nouvel être allait naître. Elle aurait fait au moins une bonne chose dans sa vie. Elle l'aurait donnée. Une vague d'espoir souleva son cœur alors qu'elle accouchait. Ce petit garçon allait vivre heureux.

Sans elle. Elle n'avait plus sa place ici. Elle n'y arriverait pas. Et puis, elle était déjà une mauvaise femme, elle ne serait jamais une bonne mère. Elle espérait simplement qu'il saurait se souvenir d'elle. Qu'elle aurait réussi à lui transmettre son amour. Qu'elle aurait réussi à lui transmettre quelque chose d'utile. Qu'il comprendrait qu'il était né de l'amour de deux personnes, même si celui-ci était faux. Tom Elvis Jedusor. Il ressemblerait à son père. Elle l'espérait en tout cas. Ça serait toujours mieux que de lui ressembler, pensa-elle avant de mourir.

Jamais elle n'aurait imaginé à cette époque que son fils ne serait pas une bonne personne comme elle l'espérait. Jamais elle n'aurait imaginé à cette époque qu'il la haïrait. Jamais elle n'aurait imaginé qu'il la mépriserait. Mais l'eut-elle su, qu'elle n'aurait sans doute rien changé à ça, après tout, il avait sans doute raison…