C'était un jour de pluie, un jour sombre où les gens se cachent derrière des parapluies. Un jour où les larmes peuvent se mêler à cette eau tombée du ciel. Elle rentrait de l'école, il était aux alentours de 17h et elle n'était alors qu'en sixième. Elle n'avait que 11 ans et pourtant elle avait le droit de rentrer chez elle à pieds. De toute façon il n'y avait personne qui l'attendait, pas même une famille d'accueil. Résidant dans un foyer pour jeunes, elle grandissait seule ou tout du moins sans adultes. Car dans cet endroit elle n'était jamais seule. Il y avait bien d'autres enfants dans le même cas. Alors à chaque fois qu'il pleuvait, elle allait se mettre sur la jetée et observait la mer déchaînée. C'était apaisant tout comme lorsque le vent fouettait son visage avec violence. Pour elle ce n'était que caresses et réconfort. Tout comme ce jour où sortant de nulle part, un cheval ailé se posa sur la plage. Il était blanc tacheté de noir. Écarquillant les yeux, elle pensait rêver toute éveillée. Ce serait normal, ce genre d'animal n'existait que dans les légendes qu'elle adorait lire et relire. Ne bougeant pas, de peur que tout cela disparaisse en un claquement de doigts, elle passa de longues minutes à l'admirer. Il était splendide. Ses muscles roulaient sous sa peau à chacun de ses pas, ses ailes faites de plumes semblaient puissantes et douces à la fois. Et lorsque leurs regards se croisèrent, elle sut sans l'ombre d'un doute qu'elle ne rêvait pas. En quelques secondes il s'envola et la laissa de nouveau seule mais pleine d'espoir et de joie. Ce monde n'était pas si horrible qu'elle le pensait. Sans doute pour cela qu'elle se redressa et commença à retourner au foyer. Elle aurait pu le faire si jamais elle n'avait pas croisé cet être étrange. Au départ il ne ressemblait qu'à un homme de haute stature. Plutôt massif, il avait malgré tout une tenue bizarre. Des tâches se trouvaient sur sa chemise et son pantalon était déchiré ici et là. De plus il n'avait pas de chaussures. Sauf qu'elle se concentra surtout sur son visage. Ce fut complexe comme si quelque chose l'en empêchait mais elle y parvint. Quelle surprise lorsqu'au lieu d'apercevoir deux yeux obscurs, elle n'en vit qu'un. Et ce qu'elle put lire à l'intérieur la terrorisa.
Prenant ses jambes à son cou, elle détala dans les ruelles. Lâchant son sac à dos, le perdant ou alors on le lui avait peut-être arraché, elle ne s'en souvenait plus. Courant à en perdre haleine, elle retourna jusqu'à la jetée en espérant le trouver mais il était parti depuis longtemps déjà. Seule face à ce monstre, elle comprit qu'il désirait la tuer, la manger peut-être. Le cœur battant la chamade, la respiration courte, son cerveau se mit en marche d'une façon inhabituelle. Plutôt hyperactive, cette fois-là ce fut bénéfique. Esquivant une première attaque, elle récupéra du sable et le lança dans le seul œil de cet être avant de filer entre ses jambes. Petite mais agile, elle parvenait enfin à s'en aller. Elle aurait pu le faire s'il ne l'avait pas rattrapé par sa chevelure de feu. Gémissant de douleur, elle se retrouva bloquée et ne sachant que faire. Terrorisée, son cerveau continuait malgré elle de fonctionner à toute allure. Il cherchait une porte de sortie. Tirant de toutes ses forces pour tenter de le faire lâcher, elle l'entendait grogner et psalmodier des insultes en grec et qu'elle comprenait à merveilles. Usant de tout ce qui lui restait en courage et en force, elle parvint à s'extraire de sa poigne en lui mordant le poignet. Et enfin elle put se remettre à courir de nouveau le long de la jetée, de la plage pour trouver un abri, une cachette, quoique ce soit pouvant lui permettre de se calmer. Ses jambes la portaient toujours plus loin, toujours plus vite jusqu'à ce qu'elle s'écroule la tête la première dans le sable. L'eau vint caresser le bout de ses doigts. Respirant fortement, elle se mit sur le dos et n'eut même pas la force de retirer le sable de son visage. La pluie tombait toujours, elle était trempée, essoufflée comme jamais. Se demandant encore qui était cet être bien qu'elle se souvenait de ce qu'elle avait pu lire dans un livre sur l'antiquité. Après le cheval ailé, un homme ne possédant qu'un œil, c'était fou, impossible mais elle croyait à tout ça. Ce n'était pas de simples coïncidences, c'était impossible.
