CONTES DU VIEUX CHIEN DE GARDE
Note d'auteur : Bon eh bien, puisque j'en suis à écrire des contes et à ouvrir de recueils, voici une série de petits textes que je pense écrire tout au long des ateliers d'écritures de cette année et de ma propre inspiration. On verra Javert à chaque chapitre, mais j'aimerai bien aborder assez souvent le personnage de Valjean, aussi. On verra bien comment je m'en sors !
Crédit couverture : mistyblueboxstuff sur tumblr.
Javert déraille
Qui suis-je ?
La question taraudait la conscience de Javert, sans vouloir lui laisser même un instant de repos. Le doute, qui se frayait un chemin jusqu'aux couches les plus enfouies, les plus dures et asséchées de son être, le rognait sans répit. Il avait été inspecteur et espion au service de la police. Il avait été l'admirable bras armé de la loi, et avait terriblement bien joué ce rôle. Il avait été officier dans une petite ville prospère du bord de mer, où il avait même trouvé le moyen de suivre son devoir et son instinct pour s'élever contre le maire douteux. Il avait été garde, au bagne de Toulon. Le fin limier qu'on envoyait pour traquer les évadés et mater les prisonniers.
Il avait été la force inaltérable de la loi.
Et maintenant, il se désagrégeait comme un être de poussière sous la force du doute.
Il avait reçu l'aide inespérée de Valjean alors que sa fin avait été inévitable, et la lumière avait rayonné pendant quelques instants perdus entre ces barricades. Mais la vérité, dévoilée à son regard l'espace d'un instant, n'avait servie qu'à plonger son monde dans un tourbillon de doute. À détruire Javert. Combien de ces forçats qu'il avait surveillé et corrigés sans même pouvoir connaître autre chose que leur matricule avaient été rendus davantage criminels par le bagne que par la nécessité de leur existence d'homme libre avant cela ? Combien de miséreux avaient souffert de l'absence du maire, Monsieur Madeleine, et bienfaiteur de Montreuil-sur-Mer ? Et Javert revoyait la mort de cette femme, Fantine, qu'il avait assassiné de ses propres mots, aussi certainement que s'il avait utilisé un maudit surin. Combien de ces miséreux croisait-il dans les rues de Paris, avec la peur dans leur regard, et qui pourtant ne trahissaient là aucune mauvaise conscience, mais la simple terreur évoquée par une loi injuste, et incarnée en lui ?
Par une loi paradoxe qui demandait la dénonciation d'un homme bon.
Par ce paradoxe qui n'avait rien de la justice.
Par cette iniquité qui réclamait la mort de Jean Valjean.
Fin.
Nombre de mots : 350
Ce texte est une participation aux défis de la Gazette des bonbons aux citrons :
- Thème [790] Qui suis-je ? pour le Challenge « Si tu l'oses ».
- Thème [13] L'espace d'un instant pour un petit jeu.
