An 1723.
Il y avait maintenant vingt-cinq ans que le comte Dracula, seigneur des ténèbres établit dans son château en Transylvanie, avait été terrassé par le chasseur de vampires Simon Belmont.
Ce dernier était venu à bout du monstre deux fois en l'espace de huit ans.
La première confrontation était nécessaire pour sauver le monde de sa menace.
Il était en partie responsable de la seconde : avant de mourir, le vampire lui laissait une malédiction que Simon ne pouvait briser qu'en ressuscitant lui-même le comte et en brûlant son corps.
Simon Belmont avait réussi cet exploit. Ainsi, les années passèrent dans la paix et la lumière…
Cependant, le seigneur du mal était loin d'avoir dit son dernier mot. Alors qu'il n'aurait dû renaître que cent ans plus tard, un élément extérieur vint accélérer le processus.
Malheureusement, cette fois-ci, l'ennemi venait de l'intérieur : une matriarche du clan Belmont avait décidé de rejoindre les forces du mal et de ressusciter son nouveau maître.
Elle se nommait Ataxia Belmont et avait passé l'âge de faire la distinction entre le bien et le mal depuis quatre-vingt ans.
Le clan Belmont, basé en Transylvanie, apprit rapidement sa disparition, sans savoir pour quelles raisons Ataxia avait fuit de la sorte.
Des éclaireurs furent envoyés par les chefs du clan et par l'Ordre d'Ecclesia, une organisation qui lutte elle aussi contre le seigneur vampire. Ils comprirent vite sa destination : le château abandonné du prince des ténèbres.
Il était déjà trop tard pour l'arrêter. De plus, Ataxia était une puissante magicienne : elle érigea une barrière magique autour du château.
Aucun ne comprenait cette trahison, mais l'heure n'était pas celle de la réflexion. Il fallait passer aux actes.
Les chefs du clan Belmont, Simon Belmont et son frère Alexander Belmont, prirent la décision d'envoyer l'héritier des chasseurs de vampires à l'assaut du château. En effet, seul un membre du clan pouvait franchir la barrière magique.
Il s'appelait Simon Belmont, comme son père. Il se vit confier le célèbre fouet, le Vampire Killer, relique suprême de la famille, afin de vaincre les forces du mal.
Une semaine seulement avait passé depuis que Simon Belmont Jr était parti en direction du château de Dracula.
Au beau milieu de la voute ébène de la nuit, un corbeau volait vers une destination bien précise.
Celui-ci avait un petit morceau de parchemin accroché à sa patte. Malgré le froid et le vent, l'animal vrillait majestueusement à travers l'obscurité.
Personne n'aurait pu l'apercevoir : son ramage noir d'encre s'incrustait parfaitement dans cette nuit sans étoiles.
Finalement, il se rapprocha d'un grand bâtiment, d'où quelques fenêtres ressortaient de la pénombre par la grâce des lanternes.
Il se dirigea vers le carreau de la plus haute tour, bien éclairé par la lumière d'une bougie. Lorsqu'il se pose sur le rebord de la fenêtre, son bec pointu heurta la vitre, ce qui fit grand bruit.
A l'intérieur, un homme s'agita et vint à sa rencontre. Il ouvrit, laissant entrer le volatile au chaud, puis referma rapidement pour que le vent n'entre pas dans la pièce.
L'homme, plutôt âgé et en robe de chambre, saisit la patte de l'animal pour en extraire le précieux document. Il remit aussitôt l'animal dans sa cage pour qu'il puisse enfin se reposer de son long voyage.
L'homme se dirigea vers son chevet pour y lire plus clairement le parchemin. Au passage, il vit son reflet dans le miroir. Alexander Belmont n'avait quasiment plus de cheveux, contrairement aux rides. Sa triste mine n'arrangeait rien à l'affaire. Agé de dix ans de plus que son frère, il subissait les affres du temps avant lui.
Il s'assit ensuite devant son bureau. Avant d'ouvrir le bout de parchemin, il leva les yeux au ciel, fit un signe de croix et embrassa le chapelet qu'il portait autour du cou.
Il déroula enfin le texte. Aussitôt, ses yeux s'écarquillèrent de stupeur. Il lu et relu le court message pendant deux bonnes minutes. Dans ses yeux, la surprise fit place à l'horreur.
Il mit sa tête dans ses mains et soupira « Seigneur, ayez pitié de nous, pauvres mortels ». Aussitôt, il se leva en prenant le message. Il attrapa une bougie, un manteau, puis sortit de sa chambre.
Alexander alerta le garde qui se tenait là et lui demanda de réunir toute la famille dans la cour principale.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Bientôt, tous les Belmont présents au quartier général cette nuit-là étaient réunis, torches en mains.
L'un d'entre eux s'avança pour parler à Alexander.Il était d'âge mûr, avait des cheveux auburn et une barbe drue.
« Eh bien, mon cher frère, pour quel motif sommes nous tous réunis au beau milieu de la nuit ? »
Alexander avala sa salive, ferma les yeux, puis se lança.
« J'ai de bien tristes nouvelles, Simon. Il s'agit de ton fils… »
Tout le monde pu voir le visage du chef du clan changer de couleur, même malgré l'obscurité.
« Simon ? Il s'est passé quelque chose dans le château ? »
Alexander s'approcha de lui et lui mit les mains sur les épaules.
« Simon est mort, mon frère. Le château l'a emporté. »
Aussitôt, le père s'effondra sur le sol, jurant et criant l'injustice de la mort de son fils.
« Comment as-tu pu me faire cela, ma tante ? Cria-t-il en direction du ciel, à l'attention d'Ataxia, la traitresse. Tu as tué notre plus bel espoir ! Ton propre sang que tu bafoue ! »
Toute la famille se réunit autour de Simon pour l'épauler et tenter de le calmer.
Alexander, ayant repris son sang-froid, convoqua une réunion de crise dans la salle du conseil. Seuls les hauts dignitaires de la famille, en somme les plus anciens, pouvaient entrer dans cette pièce.
« Il faut que l'on discute de la marche à suivre, déclara Alexander. Je sais que c'est difficile à encaisser, Simon, mais nous manquons cruellement de temps. »
« Je le sais bien, mon frère… Parle, je t'écoute. »
« Maintenant que l'héritier des Belmont n'est plus de ce monde, nous n'avons plus personne de la branche principale à envoyer dans le château. Malheureusement, si nous ne faisons rien, Ataxia – cette odieuse traitresse – va réussir à réveiller le comte. »
« Alors que suggères-tu ? » Demanda un des anciens.
« Nous n'avons plus le choix, mes bien aimés parents. Une seule personne peut être envoyée à la place de Simon Jr. Vous le savez comme moi, ce n'est pas un choix plaisant, mais il est nécessaire. »
« Tu veux envoyer ton fils, Auguste le corrompu, affronter Dracula ? S'indigna Simon. Autant lui offrir un allié sur un plateau ! Je n'ai pas confiance en lui, il est trop proche des ténèbres ! »
« Pourquoi ne pas envoyer quelqu'un d'Ecclesia ? » Proposa un autre.
« Personne n'est en mesure d'affronter le château pour le moment, expliqua Alexander. Ce ne sont que des enfants, et nous savons bien qu'il faut un Belmont pour manier le Vampire Killer. »
« C'est toi-même qui a banni ton fils pour ses usages de magie noire, dit Simon. Crois-tu vraiment qu'il puisse nous être fidèle après cela ? »
« C'est effectivement un problème, répondit le père du malfamé. Nous ne pouvons nier ses talents à manier les armes, ses compétences au combat et son mental à toute épreuve qui seraient des atouts majeurs pour triompher. De plus, même si je condamne ces usages, il sait se servir de magie et pourrait même avoir un avantage sur les démons du château. »
« Tu ne réponds pas à la question, Alexander ».
« Je sais comment je peux le convaincre. Mais il faut me laisser l'affaire en mains. Il faut que je le vois directement. »
L'assemblée pris le temps de débattre une fois de plus, puis Simon se leva.
« Très bien, mon frère, tu as gagné. Si c'est notre seule solution, nous allons tenter d'envoyer Auguste, ton fils, dans le château. Nous enverrons une délégation chez lui et nous nous y joindrons tous les deux. »
« Savez-vous-même où il habite ? Questionna un ancien. »
« Aux dernières nouvelles, mes éclaireurs m'ont annoncé qu'il avait un petit hameau en Autriche, déclara Alexander. »
« Dans ce cas, c'est là que nous irons, conclut Simon. Nous partons dès demain matin. Prions pour que cette quête soit victorieuse. Que Simon Jr ne soit pas mort en vain. A demain, que le seigneur nous protège des forces du mal. »
Le lendemain matin, une délégation composée de Simon, Alexander et de cinq soldats affiliés au clan partit en direction de l'Autriche.
Avec l'aide de la magie blanche de la famille, les chevaux pouvaient parcourir de plus grandes distances en moins longtemps. Il ne leur faudrait ainsi que deux jours pour atteindre la Bohème.
La nuit était là et la diligence fendait toujours les vents à une vitesse impressionnante. Le tonnerre rythmait le galop des chevaux et le vent était si fort que l'on aurait dit une symphonie effroyable.
Bientôt, les chevaux ralentissaient sans raison, puis s'arrêtaient totalement. Les soldats armés sortirent de la diligence pour aller questionner le cocher.
Ils découvrirent rapidement que le cocher avait perdu sa tête, qui roulait par terre. Quelqu'un ou quelque chose avait donc attaqué le convoi.
De l'intérieur, Simon et Alexander entendaient les soldats crier et sortir les armes. Ils se battaient contre quelque chose d'étrange.
Ne tenant plus, Simon sortit de la diligence et observa ce qu'il se passait. Il ne mit pas longtemps à voir le monstre : une immense gargouille volait au dessus de leurs têtes.
Simon connaissait ce monstre : il s'appelait Gaibon. Il savait qu'il pouvait cracher du feu et piquer du ciel pour attaquer les humains.
Voyant qu'un soldat avait déjà été tué, il récupéra une épée par terre dans le but d'affronter la bête.
« On n'est jamais mieux servi que par soi-même, n'est-ce pas… ? » Souffla-t-il en brandissant l'épée.
Le Gaibon fonça sur le vieil homme qui donna un coup au parfait moment, coupant la créature en deux. Un flot de sang s'effondra par terre et éclaboussa le visage de Simon, toujours concentré. Il semblait que la créature était seule.
On enterra les malheureux tombés au combat, puis tous remontèrent dans la diligence et reprirent la route.
Les frêles rayons du soleil éclairaient timidement la froide Bohème ce matin-là. Auguste se réveilla comme d'habitude en ayant mal dormi. Une nuit de plus à combattre des cauchemars liés à ses démons intérieurs.
Il se leva et se lava avec précaution, comme s'il présentait la venue d'invités ce jour-ci.
Il jeta un œil dans le miroir. Ses mèches de cheveux d'un blond terne tombaient sur son front et cachait son œil de verre. Son corps était bien entretenu, musclé et saillant, bien que cousu de cicatrices.
Il enfila sa tenue : une chemise, blanche, une veste noire, un pantalon brun, des bottes noires et un chapeau violet foncé.
Auguste s'assit devant une fenêtre, un livre ouvert sur ses genoux. C'est alors que son chat se réveilla.
« Tu dors vraiment trop, Nyx » lui dit-il.
« Et toi tu ne dors pas assez » lui répondit l'animal.
Nyx était une belle bête, un ordinaire chat noir lorsqu'il était vu d'un côté. De l'autre, on pouvait distinguer que son corps était en partie squelettique, donc sans peau. Ainsi, sa queue, sa cuisse, sa patte arrière droite et une partie de sa colonne vertébrale étaient un squelette à l'air libre. Il possédait également le don de parole.
« La nuit était agité, dit le chat en sautant sur la table. Les esprits étaient effrayés. Il semble que les ténèbres se réjouissent de quelque chose. »
« Pour ce que ça me fait », répondit Auguste, concentré sur son livre.
« Toujours autant impliqué, à ce que je vois. »
On frappa à la porte.
Auguste fut très surpris de cette surprise, car il n'attendait personne et parce que sa maison était bien loin du village le plus proche. Il se leva pour ouvrir la porte.
Dans l'embrasure, il reconnu deux visages familiers. C'étaient son père, Alexander, et son oncle, Simon Belmont.
« Bonjour Auguste, annonça son père. Nous avons à parler. »
A suivre...
