Unborn
Will se rappelait encore la sensation froide qui avait couru dans ses veines lorsque JJ lui avait enfin avoué la vérité.
Même durant ses enquêtes les plus dangereuses, même lorsque ces dingues de braqueurs de banque s'en étaient pris à sa famille, il n'avait pas ressenti cela.
J'étais enceinte. J'ai fait une fausse couche.
Elle lui avait dit cela très simplement, un ton presque détaché, alors qu'il voyait très bien qu'elle n'avait presque pas eu la force de prononcer les syllabes. Il ne lui en tenait pas rigueur, il savait bien que lorsqu'on vivait des horreurs, on éprouvait parfois le besoin de s'en souvenir mal, de les tenir à distance, non, ce n'est pas à moi que c'est arrivé, ça n'a pas pu arriver pour de vrai, pas dans la réalité.
Mais c'était arrivé. C'était arrivé à JJ – à eux. Ce n'était pas juste elle qui avait subi cette fausse couche, c'était lui aussi, c'était Henry, c'était ce bébé qui n'était jamais arrivé à destination.
Ils auraient dû devenir une famille de quatre personnes. Au lieu de quoi, ils étaient restés à trois.
Et maintenant qu'il savait, il était supposé ne pas se sentir mal ?
Bien sûr, c'était moins dur pour lui que pour JJ. C'était elle qui avait été enceinte, c'était elle qui avait subi la réalité physique de la fausse couche. Bien sûr que c'était elle qui le prenait le plus mal.
Elle avait insisté pour aller à l'église, allumer une bougie. En temps normal, Will ne croyait pas franchement en Dieu, aux anges et à tout le saint-frusquin – avec le boulot qu'il avait, il était supposé y croire ? Mais il voyait que JJ avait besoin de dire au revoir.
Pour être franc, lui aussi, il avait besoin de faire ses adieux.
C'était son enfant. Son enfant qu'il n'avait jamais connu, qu'il n'avait jamais tenu dans ses bras comme il avait tenu Henry à peine né. Son enfant qu'il ne verrait jamais grandir, car il était reparti avant même d'arriver.
Où vont-ils, les enfants qui meurent avant de naître ?
Il n'y avait jamais beaucoup réfléchi. Mais dans l'église, alors que JJ allumait le cierge avant de le placer sur la petite table, il espéra que le Paradis soit un peu plus qu'une belle histoire racontée pour rassurer les mourants. Que ce soit un endroit où les morts pouvaient entendre les vivants.
Bonhomme, je sais pas si mon mot peut te parvenir, mais si tu avais décidé de rester, moi et Jen, on t'aurait adoré. Chaque jour qu'on aurait passé avec toi, je te le jure. On aurait voulu que tu restes.
La vérité, c'était tout ce qu'il avait à dire. Pure, nette et tranchante comme un couteau.
Ils auraient voulu que cet enfant reste. Mais il était parti.
Tout ce qui leur restait, c'était le chagrin laissé derrière par une absence. L'absence de quelqu'un qui ne viendrait pas.
Qui ne viendrait jamais.
