De toutes mes forces

Pour dire la vérité, lorsqu'il était question d'amour parental, c'était le visage de Gabriel qui surgissait instantanément dans l'esprit de Castiel.

En toute logique, ça n'aurait pas dû être le cas. Après tout, Castiel n'attribuait le titre Père qu'à son Créateur. Et puis, pendant la majeure partie de sa très longue existence, c'était Jude qui l'avait élevé avec son protégé Balthazar.

Mais ça ne changeait rien à l'affaire. Quand il était question d'amour parental, l'ange rebelle ne pouvait pas s'empêcher de se remémorer une voix douce répondant à ses incessantes questions, de longues boucles rouges et des mains délicates mais si fortes pourtant.

Tu m'aimes comment, Gaby ?

Comme je t'embrasse, bébé. De toutes mes forces.

Castiel avait cru à cet amour. De toutes ses forces.

Cette certitude avait volé en éclats lorsqu'il avait découvert que Gabriel n'avait pas péri durant la Chute. Non, il avait survécu, il était allé se cacher sur Terre, et il avait mené sa vie comme il l'entendait.

Si vraiment, il avait aimé Castiel, il n'aurait pas fait cela. Il serait resté.

L'ange rebelle avait craché ces mots au visage de l'Embrouilleur, suite à la découverte de son identité par les frères Winchester. Il lui avait dit tout cela et bien plus encore.

Gabriel n'avait même pas essayé de se défendre. Il n'avait rien dit. Il n'avait pas fait le moindre geste. Il avait seulement laissé son ancien protégé déverser toute sa bile.

Au moment où Castiel avait déployé ses ailes pour s'envoler, il avait enfin parlé :

« Je t'aime, Cassie. De toutes mes forces. »

Le rebelle avait regardé l'Archange avec mépris.

« Je ne te crois pas. »

Le sourire que lui avait adressé Gabriel avait été chargé d'une insupportable tristesse.

« Je sais. »

Castiel n'avait plus revu son frère aîné après cela. Car il y avait eu la réunion des païens à l'hôtel des Champs Elysées.

Gabriel s'était dressé contre Lucifer, pour venir en aide aux Winchester. Et il leur avait confié un message leur indiquant de quelle manière arrêter l'Apocalypse.

A présent, il était mort. Et la dernière chose qu'avait fait Castiel lorsqu'il l'avait vu, c'avait été de lui crier dessus.

Ne te sépare jamais de quelqu'un que tu aimes avant de le lui avoir dit. Parce que c'est peut-être la dernière fois que tu le verras avant très, très longtemps.

Castiel n'avait jamais pleinement adhéré à ce principe suivi fidèlement par le Messager. Maintenant, il aurait souhaité l'avoir suivi plus rigoureusement.

Il avait été furieux contre Gabriel. Mais pour être honnête, il savait que cela n'aurait pas duré. Gabriel restait son frère, imparfait, meurtri et incertain de la route à suivre. Il n'avait pas menti lorsqu'il avait dit à l'ange plus jeune qu'il l'aimait, Castiel le savait – c'était lui qui avait menti en prétendant ne pas y croire, en essayant de blesser Gabriel.

Il avait cru qu'il lui ferait la tête pendant un moment. Juste quelques années – pour un ange, une décennie, ce n'était pas grand-chose. Mais pas éternellement. Il aurait fini par reprendre contact, il le savait. Et il savait aussi que Gabriel ne le repousserait pas.

Mais il ne pouvait plus. Gabriel était mort alors qu'il était en colère contre lui. Il ne pourrait jamais s'excuser. Il ne pourrait jamais lui dire qu'il ne pensait pas les horreurs qu'il lui avait jetées au visage.

Il ne pourrait jamais lui dire que lui aussi, il l'aimait comme il l'embrassait.

De toutes ses forces.