Les aléas de la loyauté

Pairings principaux : John (alias Naked Snake/Snake, alias Big Boss) x Revolver Ocelot Adamska ; Colonel Volgin x Revolver Ocelot Adamska

Tous deux étaient considérés comme des héros, avec chacun leurs défauts, leurs qualités, une cohorte de gens prêts à les suivre jusqu'en enfer, mais aucun d'eux n'était capable de remplir la place vacante de père. Quant à celle de guide...


Note : La fic débute sur le postulat que Adam a été élevé depuis ses dix ans par Volgin, qu'il lui a été confié par les Philosophes dès cet âge afin d'être formé. Elle se déroulera globalement sur les timelines de Metal Gear Solid 3, Peace Walker, Ground Zeroes et 5 Phantom Pain.

Bien des pairings non cités précédemment interviendront, plus ou moins mentionnés et exploités (Volgin et Raikov ; The Joy et The Sorrow etc)


Prologue :

Trois coups brutaux, comme si une bête se jetait littéralement contre la porte, retentirent et tirèrent l'enfant transpirant de son sommeil. Pour un peu, il en aurait été reconnaissant, si seulement la réalité n'avait pas été plus laide que ses cauchemars. Les gouttes qui dévalaient sa nuque et ses joues étaient glacées. Son corps tout entier tremblait, pas de froid, mais de peur. Il connaissait le monstre qui se tenait de l'autre côté du mur ; il savait que, d'une minute à l'autre, il entrerait. Rien ne l'arrêterait ; il était le maître ici, possédait tout, les bâtiments, les gens, leurs âmes, leurs chairs. Et l'enfant aussi, depuis la seconde où il avait été déposé dans l'enceinte de la forteresse de Groznyj Grad, lui appartenait. Le petit garçon essuya à la hâte ses joues humides et ses yeux embués ; il détestait qu'il pleure ; les coups n'en seraient que plus rudes et les rabrouements, plus insultants. Les premières lueurs de l'aube parvinrent à l'enfant qui, tout en sachant qu'il se condamnait, ne put réfréner cet instinct de se recroqueviller en position foetale sur son lit de fortune.

- Adam ? As-tu vu quelle heure il est ?

L'interpellé se resserra davantage sur lui-même, comme s'il cherchait à se faire le plus petit possible, à disparaître sous terre. Il n'avait pas entendu l'alarme du réveil. Pour cause, il avait tant d'heures à rattraper. Il fermait à peine l'oeil la nuit. Celles suivant son arrivée, il était si terrorisé que sa peur l'avait tenu éveillé plusieurs d'affilée durant, jusqu'à ce que son corps chétif ne puisse plus le soutenir. En plein exercice de tir, devant tout le monde, il s'était alors écroulé d'un bloc. Les soldats se seraient esclaffés si le colonel n'avait point été présent. Furieux, le colosse avait empoigné l'endormi et l'avait balancé dans la cave faisant office de chambre. Il s'en était pas tenu à si peu. Le soir venu, Adamska avait reçu sa première correction, dont il gardait encore des séquelles. Volgin ne donnait pas de fessée ou de claque ; il employait des moyens beaucoup plus cruels et douloureux. Son électricité... Le lendemain, Adam n'en osait plus toucher les interrupteurs. Il avait cru mourir entre ses mains qui lui envoyaient des décharges, mais Volgin maîtrisait son énergie. Il prenait un malin plaisir à lui faire endurer des souffrances dont il se remettrait et se souviendrait, mais dont il ne mourrait pas. Déjà, la clef tournait dans la serrure et le grincement de la dernière barrière entre lui et sa proie emplissait la petite chambre non chauffée, aussi sordide qu'un caveau, aussi étroite qu'un placard à balai. Le matelas avait même été taillé pour y être installé. Adam frissonna de tout son être. Le tremblement se répéta et gagna des proportions telles qu'il était parfaitement visible, même dans la pénombre.

- Pathétique, maladroit... crachait avec mépris la voix grave et angoissante du colonel qui se rapprochait dangereusement du lit. Et, maintenant, feignant. Une saloperie de petit branleur... Voilà ce que tu comptes devenir ?!

A ce moment critique, le gamin paniquait. Que faire pour éviter le mal le plus terrible ? Parce qu'il le battrait, de toute façon ; nul doute là-dessus. Devait-il bondir sur ses pieds et supplier ? Sans une larme naturellement, sous peine de réveiller des pulsions plus agressives encore. Ou rester là, prostré ? Son corps refusait de bouger. Il était comme pétrifié, vidé de toute énergie. L'écho de chaque pas que le monstre faisait, lourd, sinistre, résonnait dans sa tête et l'ombre qui l'enveloppait le dévorerait bientôt. Soudain, tout son se tut et Adam se retrouva dans le noir le plus total. Il anticipa l'approche de la main immense qui aurait pu écraser son crâne avec tant de facilité.

- Pardon ! Je n'a...

Elle tomba quand même sur son dos, l'empoignant et le soulevant sans aucun effort. Le courant qui partit du bras couturé et massif qui l'agrippait le traversa de part en part et, une fois de plus, il crut que son heure avait sonné. Le colonel dut estimer qu'un second l'achèverait, car il le laissa retomber sur le matelas. Adam haleta, tout en se repliant de nouveau sur lui-même.

- Le lever est à quatre heures, tous les matins, décréta le géant, sur un ton plus tranchant qu'une lame de rasoir, tout en se dirigeant vers la sortie. Tâche de ne plus l'oublier... Jamais ! Maintenant, habille-toi et rejoins-nous dans la cour.

Le garçon attendit qu'il referme la porte derrière lui. En réalité, il demeura immobile quelques minutes de plus, sa notion du temps confuse, son esprit encore trop secoué par le choc électrique et la crainte que lui inspirait son "parent adoptif". Puis, comme le soldat qu'il voulait qu'il devienne, il se dressa et commença à s'habiller presque mécaniquement. Pourquoi était-il là ? Souvent, il se demandait si ses vrais parents étaient encore en vie, s'ils l'avaient volontairement abandonné à l'organisation l'ayant ensuite remis à ce tortionnaire et, si oui, pourquoi ? Peut-être que le monstre avait raison ; peut-être n'était-il qu'un misérable déchet, pire qu'une fillette, un incapable pleurnichard. Combien de mois encore serait-il prisonnier dans ce fort perdu au coeur des montagnes, des monts aussi froids, aussi abrupts, que le propriétaire des lieux ? En ce temps, il ignorait que les mois seraient des années.


Il existait bien des manières de s'adapter au pire, de lui faire front. L'enfant seulement capable de ployer l'échine se mua en jeune homme. Un adolescent de quinze ans capable d'encaisser davantage et, par conséquent, de débuter sa rébellion, même si, le temps filant, certains traits de son bourreau s'imprimaient chez lui et ne lui causaient plus tant d'effroi. Avoir frôlé la mort si régulièrement dans son enfance l'amena à s'enhardir, tout en conservant une personnalité d'une fragilité extrême bien cachée derrière une apparence arrogante et glaciale. Il essaya de s'identifier à celui qui le terrifiait pour le faire tomber de piédestal, en vain ; il n'avait pas la carrure nécessaire ; à en croire son apparence actuelle, plutôt mince, la taille normale, il ne l'atteindrait jamais. Alors il s'efforça de copier ses goûts. A sa demande expresse, le colonel finit par le conduire dans la salle de torture, où il interrogeait les espions et surtout passait à tabac quiconque le défiait. Adam se contenta d'abord d'observer, tel un élève en plein apprentissage, jusqu'au jour où l'envie d'expérimenter, de salir ses propres mains, s'empara de lui. Cette fameuse journée, pendouillait aux crochets un type soupçonné de tentative d'évasion. Un pauvre gars sans grande envergure. Aussi Volgin consentit-il à le laisser à son "protégé". Il se retira, se plaçant dans un coin d'où il pouvait observer à loisir la suite des événements.

Lorsque l'adolescent s'avança dans la lumière, toute crainte s'évanouit du visage boursouflé du supplicié. Il fallait dire que cette frimousse blonde aux traits un brin efféminés de par leur finesse, aux yeux bleu clair, à la peau pâle impeccable, ne déclenchait souvent que des boutades et des sifflements plus ou moins corrects, dans cet endroit où il n'y avait pas l'ombre d'une femme depuis des lustres. Cette absence pesait évidemment grandement sur le moral des troupes. Cependant, Volgin avait au moins eu le mérite de ne jamais livrer Adam en pâture à ses hommes. Il n'avait point non plus abusé de lui, tout en l'ayant menacé à moult reprises de le faire, à mots couverts. Le dédain du colonel à son égard n'avait fait que s'accroître avec les ans. Il avait explosé quand Adam, avec son esprit très créatif, rêveur, s'était mis à fantasmer sur les étendues sauvages des Etats-Unis, ses cow-boys, après avoir visionné des cassettes importées clandestinement par des soldats. Le jeunot s'était alors mis en tête de jongler avec ses revolvers, de monter à cheval, de porter ces bottes immondes appelées santiags. Volgin détestait tout cela ; il exécrait de manière générale tout ce qui touchait de près ou de loin aux USA. Il savait qu'Adam était né en France et, qu'à ce titre, n'était pas "aussi" russe que lui, mais il aurait aimé qu'il se comporte en "russe pur et dur", en patriote. Malheureusement, plus Volgin le réprimait, plus Adamska s'obstinait. Il n'hésitait plus à se confronter à lui, à contester cette figure paternelle qui n'en avait jamais été une en réalité. Volgin châtiait toujours autant, mais le gosse était rodé à la violence et la douleur. Il semblait qu'ils ne s'accorderaient jamais sur rien.

- Ocelot, le petit chaton... ricana méchamment le torturé, regardant l'adolescent s'approcher.

Adam ne se laissa pas démonter par le sourire goguenard plaqué sur ses lèvres fendues, ni par ses moqueries, en dépit de leur cruauté. Ce surnom lui avait été attribué un jour où Volgin l'avait battu si fort que ses hurlements avaient été entendus jusqu'au dehors. Des soldats les avaient comparés à des miaulements. Plus tard, lorsque tous auraient tiré un trait sur cette histoire, Adam en recréerait une, plus fantastique, où il aurait choisi lui-même son nom. Ocelot. Un animal libre ; un félin agile pour échapper aux brutes. Adam jaugea l'homme face à lui, baladant sur lui un regard condescendant. Comme il ne possédait pas la force surhumaine de Volgin, il comprit qu'il devrait recourir à des méthodes beaucoup moins directes, plus suggestives. Il ne hurlait pas des injures ; il ne tapait pas comme Volgin. Le gars parut confus.

- Tu vas m'faire quoi ? le relança-t-il.

Mais Adam continua de le regarder bien en face, avec son sourire angélique qui frôlait la démence. Lentement, toujours sans un mot, il se détourna et marcha vers le présentoir sur lequel étaient exhibés tous les instruments de torture. Pinces et lames en tous genres, scalpels, tenailles, fil barbelé. Il n'avait que l'embarras du choix. Ses doigts glissèrent sur un manche, avec une infinie lenteur. Une lame en rencontra une autre, le son de leurs entrechoquements envahissant la salle. Adam poursuivit son manège pendant ce qui parut une infinité au supplicié, dont la peur grandissait de manière exponentielle au moindre nouveau bruit. La suggestion, ce que Adam lui faisait imaginer par de légers gestes, de vulgaires sons, sans même le toucher ou l'effleurer, était bien plus puissant que le plus formidable des coups. Au bout d'une demi-heure, son choix sembla enfin arrêté et le type pleurnichait comme un nouveau-né, geignant, vagissant. Adam souriait. Pour une fois, il n'était plus le faible en bas de l'échelle. Le colonel, bien que ne s'y retrouvant pas, appréciait son travail. Il le lui fit savoir d'un léger sourire, accompagné d'un ricanement sinistre qui n'inquiéta plus alors le jeune. Ce dernier se rapprocha à pas feutrés de l'homme en sang, une simple lame en main. Le type se secoua, l'aspergeant du fluide qui dégoulinait de sa bouche et ses plaies. Adam n'avait pas appliquée la lame sur sa peau qu'une large tache d'urine apparut à l'avant de son pantalon. Le sourire d'Adam s'accrut. C'était définitivement bon. Une jérémiade lui fit relever les yeux. Le gars s'agitait de plus belle.

- Tu veux quoi ?!

L'adolescent répondit d'une voix mutine :

- Rien du tout.

Sur ces mots, il quitta la pièce. Il feignit de ne pas remarquer le sourire pour le moins inhabituel et le regard du colonel qui le suivit. Ni lui, ni Volgin ne mentionnèrent ce qui s'était produit. Néanmoins, à l'heure du coucher, quand il vint comme d'ordinaire afin de vérifier qu'Adam avait bien regagné sa chambre, le colonel ricana :

- Bon travail, Adamska. Tu nous as proposé... un concept intéressant.

En cinq ans, jamais le jeune n'avait reçu un traître compliment de cet homme qui, d'ailleurs, reprit instantanément son expression dure ne dénotant pas la moindre émotion. Il ne s'enhardit pas à poser la question qui lui brûlait les lèvres et se retira vers la zone des douches. Il retira ses gants, ne pouvant retenir une grimace de dégoût à la vue des cicatrices blanchâtres sur ses doigts et paumes. Il ne lava que ses mains. Il s'immobilisa brutalement au son si caractéristique des bottes massives de Volgin contre le carrelage sale et détrempé. Il fit volte-face, se retrouvant nez-à-nez avec le géant.

- Colonel ?

L'homme arborait un étrange sourire en coin, qui ne disait rien qui vaille. Adam le scruta, sans pour autant reculer, la révérence se mêlant à la crainte, la haine à l'attachement qui s'était immanquablement développé au fil des années. Après tout, bien qu'au moyen de méthodes peu orthodoxes, le colonel ne lui avait-il pas tout enseigné, de comment parler anglais à conduire une voiture, une moto, en passant par tirer avec divers types d'armes ? Tout ce qu'il connaissait, Adam le tenait de lui. Ses yeux céruléens rencontrèrent ceux vert gris habituellement si emplis de fiel, mais qui cette fois-ci renvoyaient une impression tout à fait différente.

- Pourquoi es-tu sur la défensive, Adamska ?

Adam, malgré son désir croissant de reculer, demeura immobile, figé sur place, son regard affrontant celui de Volgin, le soutenant, alors qu'il le consumait. La tension existait toujours, mais elle s'était déplacée. Le claquement des gouttes qui explosaient au sol envahit l'espace et la tête d'Ocelot fourmillant d'interrogations et de doutes. Volgin fit un pas vers lui.

- Tu as bien grandi.

Il en esquissa un deuxième.

- Tu as vraiment bien grandi.

Puis un troisième, qui l'amena tout près de lui. Ocelot, qui avait fini par céder du terrain, sentit le bord de l'évier dans son dos.

- Je suis content que tu aies survécu à mes traitements... Peut-être que je pourrai tirer quelque chose de toi en fin de compte...

Sur ces mots, il l'attrapa par le menton et le força à relever la tête, tout en l'inspectant avec intérêt. Il sonda ces yeux bleus, minces et perçants comme ceux d'un félin, ourlés de longs cils. Adamska déglutit avec peine.

- Allez-vous me violer ?

Il l'en savait capable, aussi bien physiquement que mentalement. Volgin sourcilla à peine l'ombre d'une seconde. Ce toupet.

- Aurais-je besoin d'en arriver à cette extrémité ? ricana-t-il, un brin narquois, puis il s'enquit : Pourquoi toi ?

Il aurait pu avoir qui il voulait, quand il voulait, de gré ou de force. Le regard encore hésitant du jeune plana sur la main libre qui ne paraissait pas près de se lever pour frapper ; Volgin jouait le jeu et, apparemment, cela ne lui déplaisait pas. Regagnant un semblant de confiance, il répondit alors :

- Parce que je suis le plus beau, le plus jeune ici.

Et force était de constater qu'il avait entièrement raison. Volgin sourit finement devant ce freluquet qui ne manquait pas de culot. C'était un type de tempérament qu'il appréciait. Personne d'autre n'avait le courage de s'opposer à lui ici. Le gamin n'avait pas froid aux yeux. Assurément, en plus d'un caractère bien trempé, il était doté d'un physique très agréable à l'oeil. Adam n'avait jamais expérimenté, jamais eu d'aventure, mais il savait reconnaître le regard lubrique d'un homme et Volgin l'avait en ce moment-même. Il réfléchissait aussi. Sans doute serait-il à l'abri des assauts des autres soldats s'il était identifié comme le partenaire du colonel. Ce dernier assouplirait peut-être sa discipline de fer par la même occasion. Une part malsaine d'Adam désirait également savoir comment Volgin était dans l'intimité, s'il était aussi violent ou s'il pouvait se faire tendre. Pour une fois, en l'espace de cinq pénibles années, il avait l'impression d'avoir son mot à dire. Si Volgin n'avait pas entendu lui laisser le choix, il l'aurait déjà pris.

- Quinze ans... murmura Volgin en se penchant sur lui, son sourire obscène s'agrandissant.

Trente ans les séparait, mais aussi plusieurs dizaines de centimètres et de kilos. Ocelot tenta de fuir le regard qui se teintait de colère, mais les doigts ancrés dans son menton le maintenaient en place.

- Et tu essayes déjà de gagner les faveurs de ton supérieur ? poursuivit Volgin, d'une voix courroucée tout à coup. Qu'espères-tu obtenir avec ce comportement de catin ?

Adam sentit que la situation lui échappait. Ce retournement le déstabilisa totalement. Il balbutia précipitamment :

- Je... Je suis désolé, colonel ! J'ai mal interprété vos propos ! J'ai cru que vous faisiez allusion à...

- Alors, maintenant, tu rejettes la faute sur moi ? se récria le colosse, raffermissant sa prise.

Le blondinet s'affola. Il patina légèrement sur le sol mouillé, ses jambes cherchant à fuir par réflexe, alors que son dos s'arc-boutait. La poigne de Volgin le retenait aussi fermement qu'une amarre.

- Non, je... débuta-t-il avec mal, mais il se rendit compte qu'il piétinait plus que jamais le peu de dignité qu'il lui restait et ne le supporta pas.

Quitte à recevoir une correction, il décida de se rebeller une énième fois.

- En fait, si, lança-t-il alors, rassemblant toute sa bravoure. Vous étiez visiblement excité en me regardant torturer cet homme et vous m'avez suivi ici, probablement dans l'espoir que je serais nu. Pour finir, vous avez fait tous ces sous-entendus...

Pour sa plus grande surprise, Volgin ne paraissait pas désireux de l'interrompre. Aussi acheva-t-il, non sans fierté :

- Vous ne pouvez pas me reprocher de céder à vos avances, Colonel.

Il l'attaquait sur le terrain de son ego. L'orgueil de Volgin était certes conséquent, mais il ne se leurrait pas. Il allait sur ses quarante-six ans. Il était parcouru d'horribles balafres des pieds à la tête. Malgré sa carrure formidable et ses traits virils et réguliers, qui l'auraient fait passer pour le parfait modèle d'aryen, dans un contexte normal, il n'aurait pu prétendre à une quelconque relation sexuelle avec un jeune homme comme Adam. Celui-ci nourrissait forcément quelque projet. Volgin, cependant, devait admettre que sa petite rébellion l'avait mis en appétit. Il planta son regard dans le sien.

- ça ne te procurera aucun avantage.

Il poussait le vice jusqu'à vouloir extorquer le désir de coucher avec lui de sa bouche. C'était pervers et Adam, piqué au vif, observa le silence le plus absolu en réponse. Le sourire libidineux de Volgin s'estompa rapidement. Adam ressentit la piqûre vive d'une étincelle contre sa trachée. Ils se testaient mutuellement, Volgin mesurant jusqu'où il pouvait aller avant que l'adolescent ne cède et ce dernier s'entêtant afin de voir si le colonel le meurtrirait davantage que d'ordinaire et à quel point. Adam aurait aisément pu mettre un terme au duel ; il aurait suffi d'une parole, d'un hurlement de douleur ou de peur ; il n'en fit rien. Quelque part, il voulait emporter l'estime de cet homme, lui prouver qu'il n'était plus une larve fragile et apeurée. Le courant opprima ses cordes vocales, taisant tout cri qui aurait voulu percer. Leurs regards se fixèrent, braqués l'un sur l'autre. Ils ne dévièrent plus. Le colonel, en dépit du mutisme forcené du jeune, percevait nettement les souffrances qu'il endurait. Ses narines palpitaient ; il respirait si vite. S'il continuait, son système respiratoire se paralyserait. Il suffoquerait. Volgin diminua sa puissance et son emprise sur la nuque qu'il aurait pu briser d'une simple pression. Ses lèvres se fendirent en un sourire qui n'avait de tendre que le vague aspect. Ce n'était même pas de la haine dans les yeux bleus face à lui : c'était la volonté d'être reconnu, à n'importe quel prix, d'acquérir de l'importance aux yeux du "père". Volgin sourit davantage.

- Tu es assurément quelqu'un à part, Adamska.

La formulation laissait volontairement planer un doute, mais le jeune devina qu'il s'agissait en réalité d'une deuxième flatterie venant d'un homme si avare en la matière. Tout à coup, la prise du colonel s'évanouit et Ocelot s'écroula par terre. Il ravala le mélange vaseux de bile et de salive sanglante qui remonta dans sa bouche, prenant garde de ne pas cracher, ni tousser, par peur de révéler sa faiblesse. Volgin commençait à se détourner pour quitter, quand il s'interrompit de lui-même et déclara posément, comme si rien ne s'était passé d'étrange :

- Laisse ton écharpe devant ta porte ce soir, si tu t'es décidé.

L'adolescent lui adressa un regard interloqué, qu'il feignit d'ignorer en s'en allant.


J'ai marqué une certaine féminité des traits d'Ocelot, étant donné que, dans le 3, je trouve qu'il ressemble énormément à sa mère, The Boss. Je me demande d'ailleurs comment personne ne semble piger dans le jeu XD

Merci aux lecteurs,

Beast Out