J'ai peur, tellement peur… mal aussi, oui j'ai mal ! S'il te plait arrête, pitié arrête ! C'est ce que je voudrais dire mais je ne peux pas, je ne peux qu'hurler sous les assauts de la douleur toujours plus forte. Il continue d'abattre ses poings sur moi alors que je sens un fluide au goût métallique envahir ma bouche, je le reconnais trop bien pour y avoir goûté un nombre incalculable de fois, c'est du sang, mon sang. J'essaye tant bien que mal de me protéger, en me repliant sur moi-même mais ça ne sert à rien. Il est trop fort, trop violant, trop méchant, c'est un démon… un vrai. Alors que les coups s'arrêtent je quitte ma position de fœtus, très mauvaise idée ! Car il en profite pour m'agripper au col et me plaquer contre le mur, à sa hauteur. Il ressert un peu plus sa prise au tour de ma gorge, me privant ainsi d'air. Il avance son visage vers le mien avant de me chuchoter quelques mots « tu n'es qu'un putain de déchet… » Et autres insultes. Après avoir terminé son petit discours, il me jette à l'autre bout de la pièce, me permettant enfin de respirer. J'ai à peine le temps de reprendre quelques bouffées d'air qu'il revient déjà à la charge, abattant de nouveau ses poings sur mon corps meurtri. Puis c'est la délivrance, malgré mes pleurs et les hurlements de mon père, j'entends la porte d'entrée claquer et ma mère courir dans les escaliers. Elle entre dans la pièce en criant après lui, c'est la seule personne capable de l'arrêter, la seule capable de me protéger de ce monstre qu'est mon père. Enfin les coups cessent, il me lance un regard accusateur et empli de haine alors que maman le réprimande pour m'avoir de nouveau maltraité. Il finit par quitter la pièce en me lançant un dernier regard noir qui me fait frissonner, aucun doute il va recommencer et ça sera pire encore qu'aujourd'hui. Alors que la porte se referme je sens les bras de maman m'enserrer dans une douce et chaleureuse étreinte, elle me berce tentant de calmer mes sanglots en me murmurant :

— C'est fini, il ne te fera plus de mal, ne t'inquiète pas, je suis là.

—Pourquoi il me fait ça ? Demandais-je en callant ma tête sur sa poitrine.

—Parce que c'est quelqu'un de mauvais, il ne voit pas à quel point tu es un enfant formidable. Il est sous l'emprise de l'alcool, il l'est toujours. Mais tout ceci est bientôt fini. M'explique-t-elle en passant une main rassurante dans mes cheveux.

—Comment ça ?

—Je peux te le dire maintenant, j'ai économisé en cachette et bientôt j'aurais assez d'argent pour qu'on parte tous les deux ! Loin de lui, bientôt il ne sera qu'un mauvais souvenir.

—Alors on sera tous les deux ? Sans papa ?! Il ne me tapera plus ? m'exclamais-je plein d'espoir en séchant mes dernières larmes.

—Plus jamais ! Gray, je te promets qu'il ne te fera plus jamais de mal. Répondit-elle en resserrant son étreinte.

*menteuse*

Je me réveille en sursaut, encore ce rêve me dis-je… ou plutôt ce souvenir. Ça fait déjà dix ans maintenant, j'avais huit ans quand maman m'avait fait cette promesse, promesse qu'elle n'a jamais tenue ! Quelques jours plus tard elle est morte dans un accident de voiture, un chauffard l'a renversée avant de prendre la fuite… et elle est morte là, sur le bitume froid de la route alors que l'ambulance tardait à arriver, elle est morte seule sous la pluie car aucun passant ne lui accordait la moindre importance. Tous trop fixés sur leurs tracas quotidiens alors qu'elle, elle mourrait, elle mourrait en me laissant seul avec CE monstre.

Alors qu'elle m'avait fait espérer en des jours meilleurs, en la fin d'un cauchemar interminable, elle est partie. Et mon père, lui m'a fait comprendre que le véritable cauchemar venait seulement de commencer. Depuis je ne crois plus en rien, je n'espère plus pour ne pas être de nouveau déçu …

Finalement je me retourne dans mon lit pour faire face à mon réveil, ce dernier affiche six heures un quart. Habituellement je me lève à sept heures mais aujourd'hui je sais que je n'arriverais pas à me rendormir, alors naturellement je décide de me lever. Au moment de me redresser je sens mes côtes me serrer, mais je préfère ne pas y prêter une plus grande attention pour le moment. Enfin je quitte mon matelas et m'avance d'un pas chancelant vers le miroir de ma penderie, là je détaille mon corps avec lassitude : une cheville enflée, différents bleus imposants sur les jambes, plusieurs contusions au niveau des abdos, quelques écorchures sur les bras et deux ecchymoses au visage, l'une sur la pommette droite et l'autre au-dessus de l'œil gauche.

C'est deux dernières blessures me surprennent, généralement il évite le visage, se concentrant d'avantage sur mon torse pour faire le maximum de dégâts sans que ces derniers soient visibles. Finalement je commence à chercher dans ma mémoire pour trouver l'origine de ces simples marques, parce que oui, il me bat quotidiennement depuis des années alors ce genre de blessures est banal pour moi. Si je sais que c'est lui qui m'a fait ça, je n'arrive pas à me souvenir comment ou plutôt avec quoi. Alors même si ça fait mal, je cherche à me souvenir de la veille et ma mémoire ne tarde pas à récompenser mes efforts : la ceinture. Oui maintenant je m'en rappelle, hier il a utilisé sa ceinture.

C'est blasé que je délaisse mon reflet pour pénétrer dans la salle de bain et commencer ma toilette. Je ne m'attarde pas dans la pièce, ne supportant pas l'image de mon corps meurtri et retourne dans ma chambre m'habiller en vitesse. C'est en finissant de boutonner ma chemise que les ordres de mon père me reviennent en mémoire, je laisse échapper un soupir las.

Pour finir je me risque à jeter un nouveau coup d'œil à mon réveil qui affiche sept heures moins le quart, je pousse un second soupir avant de quitter ma chambre pour investir la cuisine. Arrivé dans la pièce, j'enfile un tablier et passe derrière les fourneaux. J'ouvre le frigo à la recherche d'une idée de petit déjeuner à servir ainsi que de mon déjeuner que j'emporte au lycée, je constate alors qu'il ne reste pas grand-chose donc ce soir je devrais faire les courses en plus du reste. En fouillant dans les placards je trouve du sucre et de la farine, en y ajoutant les œufs et le lait qui sont dans le frigo je peux préparer des crêpes. Content de mon idée je m'active à la préparation de la pâte, en commençant à mélanger la mixture mon esprit s'efforce de trouver une idée de plat pour le déjeuner et après mûre réflexion je me dis que le plus simple serait de préparer une salade avec les légumes qui restent. Pour gagner du temps, je prépare la salade pendant que la pâte repose un peu. Je commence donc par laver la laitue et retirer les feuilles abimées, ensuite je lave les tomates, les coupes en lamelles avant de les ajouter à la laitue enfin j'y ajoute un poivron jaune préalablement émincé et des dés de fromages pour accompagner le tout. Assez fier du résultat, je sépare la salade en deux portions que je mets dans des Tupperware, l'un sera pour moi et l'autre pour mon père.

En pensant à ce dernier je me dis que je ferais mieux de commencer à faire les crêpes. J'ai bien fait car à peine les premières faites, il rentre dans la cuisine, hume l'odeur et me demande avec sa sympathie habituelle :

—C'est quoi encore que cette odeur ?

—Je prépare des crêpes pour le petit déjeuner. Lui répondis-je d'une voix la plus douce possible, je ne veux pas l'énerver dès le matin.

—Des crêpes ? Tu m'as pris pour une tafiole ou quoi ?! C'est bon pour les lopettes ! Putain, connard de mes deux ! Commence-t-il à m'insulter alors qu'il entame ses crêpes à contre cœur.

—Je suis désolé, je ferais quelque chose de plus « viril » la prochaine fois. Essayais-je de tempérer.

—Toi faire quelque chose de viril ? Laisses-moi rire ! Tes crêpes j'en donnerais pas aux clebs ! Putain, bon elle est où ma gniole ? Que je rende cette merde un minimum comestible.

—Il n'y en a plus, tu as bu la dernière bouteille hier, je t'en rachète ce soir en faisant les courses. Lui expliquais-je toujours sur un ton qui se veut le plus doux et calme possible.

—Nan mais bordel ! Tu peux me dire à quoi tu sers toi ?! me demande-t-il en hurlant.

—A rien papa, je ne sers à rien.

—C'est bien ! Ça commence enfin à rentrer. Sinon pour les marques sur ta gueule de con, tu te souviens de ce que je t'ai dit hier ?

—Oui papa. Quant au lycée on m'interrogera sur l'origine de ces marques, je répondrais que j'ai été attaqué par trois mecs qui voulaient me racketter et qu'il m'ont passé à tabac parce que j'ai résisté. Au moment où je termine mon récit je reçois un violent coup derrière la tête.

—Putain mais que t'es con ! J'ai dit cinq ! Ils étaient cinq compris ?! Pas envie que tout le monde dise que je suis le père d'une lopette, même si t'en es une ! Me reprend-t-il.

—Je suis désolé.

Et voilà mon quotidien, me faire traiter comme de la merde à tout bout de champs. Mais je ne peux pas le contredire, c'est mon père et au fond il y a peut-être une petite part de vérité dans ce qu'il dit. Si je n'étais pas une véritable lopette, j'aurais eu le courage de l'envoyer chier depuis bien longtemps mais je suis trop lâche. Je commence à me dégouter moi-même !

Repoussant cette idée dans un coin de ma tête, je finis de préparer les crêpes puis m'installe à table aux côtés de mon père.

—T'as cours jusqu'à quelle heure ce soir ? me demande-t-il.

—Je finis à quatorze heure trente, après je vais faire les courses et…

—Et ? répète-t-il avec un ton insistant, curieux de connaitre la suite.

—Et je pensais aller me balader en ville après, si tu es d'accord. Expliquais-je craignant sa réponse.

—T'es le premier de ta classe ?

—Non, je suis second…

—Alors tu rentres direct après les courses et tu bosses tes cours ! J'paye pas l'école pour que tu glandes ! Me répond-t-il sèchement.

C'est sur ces mots que se termine notre discussion, je suis con aussi d'avoir pensé qu'il accepterait que je sorte. Nous finissons notre petit déjeuner en silence, puis je quitte la cuisine en premier. Je retourne dans ma chambre préparer mon sac de cours, aujourd'hui j'ai deux heures de maths, une heure histoire, une d'art et deux de sports. Je suis content car ce sont mes matières préférées ! Surtout l'art, je suis le meilleur de ma classe en sculpture.

Le moral à bloc, je finis en vitesse mon sac avant d'aller chercher ma gamelle dans le frigo et d'enfin partir sur le chemin du lycée. Avant ça je souhaite une bonne journée à mon paternel qui me répond par un grognement qui ressemble à un « t'as intérêt à bosser aujourd'hui ! », n'y prêtant pas plus d'importance je fonce dehors.

Qu'est-ce que j'aime aller au lycée, c'est l'un des rares endroits où je me sens bien. Même si je n'ai pas d'amis et que je préfère être seul, l'école est un lieu que j'affectionne particulièrement du fait que j'aime apprendre et découvrir de nouvelles choses mais aussi parce que là-bas, je suis à l'abri de mon père.

Toujours de bonne humeur, je m'approche des grilles du lycée « Fairy Tail » oui, c'est un drôle de nom pour un établissement scolaire. Les premiers élèves commencent à peine à arriver, je suis toujours en avance car plus je passe de temps au lycée moins j'en passe à la maison. Et encore un raisonnement de lopette, plus j'y réfléchis plus je me rends compte que je fuis, j'ai peur, réellement peur de lui, de l'affronter…

Le moral un peu en baisse, je franchis l'entrée du lycée mais à peine ai-je fais un pas à l'intérieur que les ennuis commencent.