Beaucoup d'histoire avec des noms liés à l'alcool, haha. J'me l'explique pas. (Faut dire que le meilleur verre, c'est toujours celui à venir.) Bon, je sais pas trop pourquoi j'ai écrit ça. C'est idiot, ça veut pas dire grand chose, et en même temps j'espère que ça va être grandiose. J'avais envie d'écrire sur ces deux là depuis mille ans et je l'ai jamais fait et j'ai peut-être trouvé un truc, enfin. J'ai un vague plan, on verra bien où ça me mène. Ce sera pas très long, de toute façon. Quelque chose comme six chapitres, qui feront entre 3 et 5000 mots. Des péripéties du feu de dieu, une fin en apothéose. La base quoi.

A côté de ça, je vais sûrement me remettre à une fanfiction longue, que j'ai commencé l'an dernier pendant le NaNo. J'ai genre 65 000 mots, et même pas un quinzième de la fiction écrite, alors je sais pas si j'irai jamais au bout, mais on verra bien. J'aimerais bien vous la faire lire un jour. Elle me tient à cœur. En même temps j'ai l'impression que l'enjaillement des gens pour les écrits HP s'essouffle un peu. Je me trompe ou pas ?

Bon voilà, je vous laisse avec ça. Je vais chercher un titre de chapitre, une petite musique à mettre en fond sonore, ainsi qu'une citation qui fait badass avant le texte, et je poste. Hésitez pas à envoyer vos retours, je ne vis que de cela. Bisou.


DELIRIUM TREMENS

Partie I - LE CHOC

« ... à ma fenêtre je regard la rue. Où sont plantés les êtres ? Un rayon d'soleil s'rait pas superflu. »


Hermione souffla de désespoir en ouvrant la porte du micro ondes, qui dégageait désormais une fumée épaisse, accompagnée – forcément… – d'une délicate odeur de brûlé dont elle allait encore mettre des jours à se débarrasser. Elle entrouvrit le vasistas ridicule coincé entre son placard de vaisselle et celui où elle rangeait les conserves, manqua de renverser le cactus mort depuis des mois qu'elle se promit de jeter dès le lendemain, et jura pour la dixième fois cette semaine qu'il fallait vraiment, vraiment qu'elle déménage, sans quoi elle allait exploser.

Elle allait composer le numéro du traiteur juste en bas de chez elle, afin d'être livrée à domicile, comme elle le faisait dès qu'elle faisait s'embraser un plat plus simple que tout à préparer, mais elle se découragea. Elle n'avait même pas si faim que ça. Ça n'aurait pas eu de sens. Elle vivait depuis quelques semaines déjà sur ses dernières réserves bancaires, elle devait absolument faire plus attention si elle ne voulait pas se retrouver à la porte avant la fin du mois de juin. Économies, tenta-t-elle de se convaincre elle-même, en vain.

Son banquier avait encore tenté de la joindre la veille, et elle avait dû feindre à trois reprises de suite n'avoir pas vu son appel. Elle ne voulait pas avoir à expliquer les trois enveloppes encore fermées qui dataient toutes de plus d'un mois qu'elle avait cachées entre deux plats qu'elle n'utilisait jamais pour ne pas avoir à y penser. Elle était devenue très douée, avec le temps, pour simplement mettre de côté ce qui lui posait problème. Elle allait avoir 29 ans dans quelques semaines, et se consolait de son incapacité chronique à s'organiser pour quoique ce soit en se disant qu'elle se permettait de vivre la jeunesse que la guerre lui avait volée. Certainement le pire argument qu'elle ait jamais donnée à toute explication logique qu'elle avait jamais tenté de tenir…

Elle se servit un grand verre de vin et alla s'asseoir dans le canapé miteux qui occupait près de la moitié de ce qu'elle osait appeler son salon. Se ravisa avant d'avoir passé le pas de la porte, revint dans la cuisine, attrapa la bouteille entière, qu'elle déposa à ses pieds avant de s'affaler dans les vieux coussins troués, éventrés par endroit. Alors, elle se permit une petite introspection, afin de tenter de se souvenir du moment exact où sa vie avait basculé, passant d'un chaos aventureux à cette routine morbide. Quand avait-elle laissé tout cela lui échapper ? Elle n'était même pas sûre d'être fautive. Même pas sûre de savoir ce qui avait bien pu se passer. Même pas sûre de vouloir reprendre sa vie en main.

Après tout, elle était très bien, assise dans ce canapé, son vin rouge premier prix en main. Elle n'était pas vraiment difficile sur le goût. Pourvu qu'on ait l'ivresse, marmonna-t-elle à voix basse, pour elle-même, se souvenant de quelques vers qu'elle avait appris plus jeune, quand ces choses-là lui donnaient encore une certaine joie de vivre. Elle eut un pincement au cœur. Elle n'était même pas capable de dire quand elle avait, pour la dernière fois, ouvert un livre.

Elle crut un instant sentir une larme couler sur sa joue. Mais ses yeux restaient invariablement secs. Comme si rien ne pouvait l'atteindre. Un temps, elle avait cru que cette froideur était la preuve d'une nouvelle force de caractère en elle. Il lui avait fallu quelques années pour comprendre qu'il ne s'agissait pas d'autre chose que de désintérêt, et cette idée l'avait glacée sur place. Elle s'était empêtrée dans un elle-ne-savait-quoi de plus grand qu'elle, et ne parvenait plus à trouver le fil sur lequel tirer pour se démêler de tout cela. Elle avait laissé le piège se refermer sur elle, la dévorer, comme si de rien n'était. Elle avait laissé le piège faire d'elle une espèce de pantin désarticulé, qui ne se mouvait plus que par la force de l'habitude, rien d'autre.

Elle passa la main dans ses cheveux. Leva la tête, et la tourna doucement vers une immense pile de livres, certains encore ouverts, de parchemins recouverts d'une minuscule écriture serrée. Elle se souvint avec un petit rire éteint de l'époque où elle passait ses soirées à remplir des feuilles, et des feuilles, et des feuilles entières. Rien ne lui semblait plus fascinant que de laisser son esprit aller à des théories qu'elle n'avait pas encore eu le temps de penser vraiment que, déjà, elle les couchait sur le papier, et l'écriture plus fine encore pour n'avoir pas à perdre de temps à aller en acheter de nouveaux rouleaux. Une idée plus sombre, moins certaine, et d'un mouvement de baguette elle faisait venir à elle un ouvrage dans lequel elle se souvenait avoir lu quelque chose sur le sujet.

Elle y avait passé des nuits, s'usant les yeux à la lumière faible de la seule ampoule de la pièce, grésillante. Elle avait noirci de quoi remplir des grimoires et des grimoires entiers. S'était laissée porter ainsi, au gré de ses pensées, comme un petit radeau de fer au milieu d'une tempête le surpassant. Elle avait effleuré du bout des doigts des contrées de la théorie magique que nul grand penseur sorcier n'avait osé atteindre jusque-là. Et elle avait gardé cela pour elle. Gardé tout cela, par peur d'être traitée d'hérétique par la communauté sorcière, qui se complaisait dans son inanité, croyant depuis des siècles et des siècles que la magie n'était rien d'autre qu'un don de Merlin, ou quelque chose d'aussi ridicule que cela. Elle savait que l'égo des sorciers n'aurait jamais supporté ses hypothèses. Parfois, dans sa chambre, ou quand elle y pensait dans le métro, elle se mettait à ricaner toute seule en se voyant comme une sorte de Freud version sorcier, amenant sur ce monde une nouvelle blessure narcissique, suffisamment importante pour le faire se renverser sur lui-même. Puis elle arrêtait de rire, et se terrait alors dans un silence que personne, en voyant l'expression de son visage, n'aurait osé venir offenser.

Elle avait craint de blesser le monde sorcier. Elle avait fini par se torturer elle-même dans un silence qui ne lui correspondait pas.

Un temps, bien sûr, elle avait tenté de se sauver de cela en en parlant avec les gens qui lui étaient proches, des gens qui ne lui auraient certainement pas reproché la moindre de ses idées. Mais Harry et Ron avaient effacé ses bavardages incessants du revers de la main, lui faisant comprendre sans subtilité aucune qu'ils n'avaient pas vraiment grand-chose à faire de ses élucubrations qu'ils ne comprenaient pas. Ginny avait bien fait semblant un temps, mais rapidement, elle avait commencé à repousser leurs sorties, leurs rendez-vous, les invitations. Parfois à l'aide d'excuses bancales qui n'avaient laissés aucun doute sur ses intentions. Luna, qui peut-être était celle qui l'avait écouté avec le plus d'attention, avait fini par partir faire le tour du monde avec cet idiot de Scamander, partant à la recherche de bestioles inexistantes. Neville était sûrement celui qui avait essayé le plus longtemps, mais finalement, la mauvaise humeur constante d'Hermione, sa rage à l'égard de ces sorciers trop idiots pour comprendre, et sa légère tendance à être prise par d'incontrôlables crises de colère avaient finalement eu raison de sa persévérance. Il envoyait toujours quelques lettres, pour prendre de ses nouvelles, mais les réponses courtes, sèches, lapidaires qu'il recevait tendaient de plus en plus à le décourager. Sûrement, comme les autres, finirait-il par se lasser, avait un jour réaliser Hermione.

Et elle n'avait su si le plus douloureux, face à cette assertion, était de savoir qu'elle serait alors tout à fait seule, ou de réaliser qu'elle n'en avait pas grand-chose à faire.

Elle sourit tristement en remplissant de nouveau son verre à ras bord.

Dans le fond, elle savait très bien ce qu'il s'était passé. Elle savait et cela la mettait en rage. La vie s'était bien foutue de sa gueule, et elle s'était laissée prendre en jeu, parce qu'elle n'avait pas eu la force de nager contre le courant. C'était peut-être un peu hautain, mais elle savait, elle savait qu'elle était la sorcière la plus intelligente de sa génération. Elle aurait dû faire de grandes choses. Elle aurait dû faire de la recherche, devenir maître es Métamorphoses, ou Ministre de la Magie, ou quelque chose qui aurait correspondu à sa carrure d'intellectuelle en avance sur son temps. Mais il y avait eu un problème. Un très petit problème. Un détail idiot, dont elle n'avait jamais su comment se débarrasser.

Elle était née de parents moldus dans une société sclérosée, dévorée par son propre narcissisme et son assurance d'être meilleure que la société de ces êtres dépourvus de pouvoir magique. Elle avait essayé, bien sûr. Elle avait publié quelques articles dans des revues fort avancées sur les sujets qu'elle avait étudié de fond en comble. Elle s'était rêvée plus jeune chercheuse du monde magique, s'était vue en photo sur les couvertures des revues spécialisée, son physique banal enfin mis en valeur par l'aura de sa gloire. Elle avait reçu quelques courriers, après cela. Et tout s'était écroulé du jour au lendemain.

Des lettres d'insultes, de menaces. Des lettres terrifiantes où des sorciers effrayés par les mots qu'elle avait écrits, par les théories qu'elle avait pensées, la menaçaient de toutes les morts possibles, la menaçaient de tout ce que leurs esprits malades d'une soi-disant grandeur qu'ils n'avaient jamais méritée pouvaient imaginer pour l'empêcher de dire au monde ses découvertes. Et au milieu de tous ce terrible amas de violences à son égard, un mot, bien sûr : sang-de-bourbe. Elle se frotta le bras à l'endroit où, encore visibles, les cicatrices laissées par Lestrange lui rappelaient l'irréversibilité de sa situation. Elle n'avait rien pu y faire. Être la meilleure étudiante de sa promotion, aider le Survivant à sauver le monde sorcier, révolutionner l'explication que l'on se faisait des origines de la magie. Tout cela n'avait pas suffi à se faire accepter. Elle resterait toujours une étrangère à ce monde, parce que ses parents étaient moldus.

Dans les premiers temps, ce constat avait été douloureux. Longtemps, le soir, elle en avait pleuré avant de s'endormir. Elle s'était griffé les doigts, les bras, arraché les cheveux, essayant alors de croire que la douleur physique pourrait atténuer, rien qu'un peu, la douleur qui enserrait son cœur. Une béance immense qu'elle ne savait de quoi remplir. Elle était seule, irrémédiablement seule, et elle ne serait jamais autre chose que seule, parce qu'elle avait voulu prendre trop de place dans un monde qui ne voudrait jamais d'elle.

Elle avait cru s'étouffer alors. Elle manquait d'air. Elle avait des rêves trop grands pour la minuscule part que l'on voulait bien lui laisser, et même ses amis proches l'avaient cru trop ambitieuse. Alors, petit à petit, elle avait fini par s'en convaincre aussi, par se résigner. Elle avait mis dans un coin de la pièce ses recherches, avait consigné ses théories dans un pan de son esprit dans lequel elle cachait tout ce qu'elle voulait oublier, et elle s'était contentée de mener la vie morne qu'elle aurait dû mener depuis le début, si elle avait voulu avoir les félicitations qu'elle avait toujours recherchées.

Parfois, bien sûr, tout cela revenait par flot, et elle s'autorisait un peu de nostalgie. Mais c'était de moins en moins le cas. Peut-être avait-elle enfin réussi à tourner doucement la page. Ou peut-être n'en avait-elle finalement plus grand-chose à faire. Elle était redevenue petit à petit, aux yeux du monde sorcier, la Sainte Hermione qu'ils avaient toujours attendu qu'elle soit. Et était devenue, à ses propres yeux, une sorte de chimère désenchantée, entre l'échec et l'alcoolisme, deux déboires qu'elle n'avait su fuir avec assez de talent.

Parfois, elle hésitait à brûler le tas de ses recherches, comme si cela aurait suffi à refermer la déchirure qui s'était ouverte en elle. Mais à cela même, elle ne voyait plus d'intérêt. Elle se consolait alors du constat morbide que, tant que la blessure serait présente, tant que la blessure l'empêcherait de dormir, de marcher, de respirer, de vivre tranquillement, elle ne referait pas la même erreur de croire en un monde qui n'avait jamais cru en elle. Cette idée amère, aussi amère que son café du matin, l'aurait fait sangloter à une époque. Mais on ne pleure que lorsque l'on perd une illusion, et Hermione n'en avait plus.

Elle s'était renfermée, finalement, dans cette posture idiote, qu'elle aurait qualifiée de sage à quiconque aurait demandé – mais personne ne demandait jamais…

Le froid tomba sur son appartement. On était en juin, les nuits lui semblaient encore glaciales, et pourtant le chauffage de l'appartement ne s'allumait plus le soir, à la tombée de la nuit. Elle hésita à se réchauffer d'un sort, mais elle n'était pas bien sûre de l'endroit où elle avait pu poser sa baguette. Elle laissa l'ivresse l'envelopper. Elle avait encore trop bu ce soir. Chaque soir elle buvait trop et songeait à arrêter, et arrêtait jusqu'au premier verre du lendemain.

Et il devait pleuvoir un peu dans l'appartement puisqu'un peu d'eau coulait le long de sa joue, et ça ne pouvait pas être une larme, n'est-ce pas ? Puisqu'elle ne savait plus comment pleurer. N'est-ce pas ?

Elle tenta de s'allonger plus confortablement, en vain, laissant les pensées qu'elle chassait le jour envahir son esprit. Même ivre elle pensait trop. Même ivre elle ne se sauvait pas de ses démons. Elle était ridicule et elle le savait très bien et ne voulait rien faire puisque, de toute façon, elle était la seule à être témoin de sa propre descente aux enfers. Pas de quoi en faire un drame, tant pis…

Demain il faudrait qu'elle range son appartement.

Qu'elle se lave les cheveux aussi. S'il y avait encore du shampoing dans le placard. Il faudrait qu'elle vérifie.

Demain il faudrait qu'elle envoie une lettre à Harry et Ron, pour leur demander des nouvelles. A Ginny et Luna, aussi, et à Neville pour s'excuser.

Demain il faudrait qu'elle achète des fruits et légumes. De quoi avoir une alimentation à peu près saine. Et se mettre au sport, aussi, pourquoi pas. Ils disaient tous que ça faisait un bien fou !

Demain, il faudrait qu'elle cherche un emploi. Elle avait enchainé quelques courts contrats, ces dernières années, mais rien de vraiment stable. Elle vivait à moitié sur les économies qu'elle avait faites plus jeune, quand elle était encore une personne raisonnable, et sur la pension que lui envoyait le ministère tous les mois, du fait de son statut d'ancienne combattante, qui avait notamment perdu des proches pendant la guerre. Une pension qui, avec le temps, était devenue ridicule et qui ne lui avait pas rendu ses parents…

Demain, il faudrait qu'elle paye ses factures, son loyer. Elle ne se souvenait même plus de quand elle avait emménagé dans cet appartement miteux, après sa rupture avec Ron. Elle s'était jurée, alors, que ce ne serait que temporaire. Le temps de trouver un emploi fixe et quelque chose de plus lumineux, plus grand, et moins humide. Mieux placé. Elle était en banlieue de Londres, à une demi-heure environ du centre-ville. Le seul point positif, c'était la bouche de métro juste en bas de chez elle. Elle n'y avait même pas fait attention, au début, quand elle avait signé le bail. Elle transplanait, à l'époque. Cela avait été l'une de ses rares petites joies, plus tard, quand elle avait commencé à s'éloigner de la magie. En plus de s'éviter l'effort, et le pincement au cœur, elle s'évitait l'envie de vomir qui ne l'avait jamais quittée depuis qu'elle avait passé son permis.

Demain, il faudrait qu'elle brule ce tas de papiers idiots. Tous ces parchemins prenaient beaucoup trop de place et dans son appartement, et dans sa vie.

Elle se resservit un verre.

Demain il faudrait qu'elle arrête de boire.

La première année après la guerre, elle avait bu un peu, bien sûr, un peu comme tout le monde. Elle avait voulu fêter ça dans des soirées guindées qui ne lui correspondaient pas. Une bièreaubeurre, un whisky-pur-feu, le week-end de temps en temps. La deuxième année, elle avait commencé à acheter des packs de bière pour chez elle. Pour quand ses amis venaient, s'était-elle dit, mais elle avait commencé à les boire seule, aussi, le soir. Pour aider ses pensées à mieux circuler. Après, il y avait eu le vin, bien sûr, puisque, quitte à boire, autant boire une boisson qui ne reste pas trop sur le ventre le lendemain. Et puis petit à petit une routine qui avait mélangé tout ça, et le whisky des soirées affolantes était devenu le whisky des retours de travail, et l'ivresse de la fête était devenue l'ivresse de la solitude.

Tous ces démons cuivrés, terreux, fruités s'étaient emparés d'elle et s'étaient réfugiés juste au creux de ses tripes et elle les avait remerciés de remplir un peu la crevasse qui s'était formée là. Elle avait appris à rire seule, à parler seule, à vivre seule, à pleurer seule. Elle avait appris à n'être plus la personne la plus importante au monde pour personne. Les gens s'étaient lassés de cette jeune femme impétueuse, au fort caractère, qui voulait repeindre le monde de ce qu'elle envisageait être de plus justes couleurs pour chacun. Les gens s'étaient lassés, un peu effrayés de perdre les privilèges qu'ils avaient en lui accordant à elle, et à tous ceux comme elles, les privilèges qu'ils n'avaient jamais eus. Heureusement pour eux, la jeune femme n'avait jamais été revancharde. Heureusement pour eux, elle n'avait jamais croisé quelqu'un qui le serait pour elle.

C'est exactement cette pensée qu'elle avait à l'esprit quand trois coups retentirent à la porte de son appartement.

Elle sursauta violemment, et le liquide rouge sombre vint s'écraser en une immense tâche sur le t-shirt blanc qu'elle avait enfilé le matin en sortant de sa douche. Elle jura violemment, avant de se lever. Qui que ce soit, il allait regretter d'avoir tenté de pénétrer son sanctuaire, dans lequel personne si ce n'est elle n'avait plus mis les pieds depuis bien cinq années maintenant. Elle tituba en posant le pied au sol. Elle avait vraiment trop bu.

Les coups retentirent de nouveau.

Elle ne les avait pas rêvés. Sa paupière trépigna. Il s'agissait là d'une des dernières marques concrètes de son inquiétude que son visage acceptait encore de laisser transparaitre. Elle frotta son œil, en vain, et s'approcha de la porte. Elle n'était pas bien certaine de vouloir savoir qui se trouvait là, derrière. Quelle idiote ! Si au moins elle avait su où elle avait laissé sa baguette. Mais le visiteur semblait s'impatienter.

Une seconde, tout cela lui sembla absurde. Elle devait être en train de rêver. Personne n'avait jamais frappé à cette porte depuis qu'elle habitait là. Pourquoi ce soir ?

Mais une voix rauque de son passé la rappela immédiatement à la réalité.

– Granger, ouvrez cette foutue porte ou je peux vous assurez que vous allez le regretter.

Elle pâlit. Ce n'était pas un rêve. C'était un putain de foutu cauchemar.