Petite précision avant de commencer :

Les personnages de cette fanfiction ne m'appartiennent pas, ils existent tous dans la vrai vie, sauf certains protagonistes et antagonistes.
J'ai vraiment besoin de le préciser ou...?

Libres donc à eux de me demander d'arrêter de les mettre en scène.
Quoi que, ça me ferait bien chier en faite, cette fanfic promet d'être longue en plus... :/

Cette histoire est complètement indépendante de mon autre fanfiction "Les Derniers", il est donc inutile de lire la précédente avant celle-ci.
Même si cette manœuvre serait apprécié :3

Evidemment, le fait que je démarre celle-ci ne veut pas dire que je ne finirais pas l'autre : elle est en cours d'écriture, il me reste un chapitre à écrire.
Depuis le temps, elle est fini! ;)

Ceci est une oeuvre de fiction (sans blague?! :D ) : toutes ressemblances avec des faits passés, présents et futurs seraient purement fortuites.
Les marques cités n'ont aucun lien commercial avec cette fanfiction et les événements dont elles sont le sujet sont bien évidemment inventés pour des besoins scénaristiques.
Enfin, cette histoire ne cherche a diffuser aucune opinion politique, religieuse ou sociale : libre aux lecteurs de garder leurs propres idées et de conclure ce qu'ils veulent concernant la morale de cette fanfiction.

...Je crois que j'ai tous dit, je vous laisse : bonne lecture! ;)


Notre monde, à première vue, semble ennuyeux, dénué de toute fantaisie. Les seules choses incroyables ne sont visibles que dans notre imagination, encore faut-il que celle-ci soit suffisamment développée pour entrevoir un univers nouveau et riche. Mais en cherchant la richesse, on peut y trouver aussi la folie, l'impossibilité de diviser la fiction du réel... Cependant, cette frontière est bien plus mince que vous le pensez.

Il existe, tout près de nous, des personnes, des objets qui dépassent notre réalité mais dont les êtres vivants normaux ne connaîtront jamais l'existence. Et ces choses sont bien plus ancré dans nos vies que vous ne pouvez l'imaginer.

Vous êtes sur le point de découvrir votre monde sous un autre angle, où toutes les théories du complot, les folies et les pires idées deviennent possibles. Un monde que vous connaissez mais dont vous êtes le pantin manipulé par des ennemis insoupçonné. Mais plus pour longtemps. Bienvenue dans la Wilson Corporation.


Prologue : Phase Daemon

La nuit venait de tomber sur la Bretagne, le ciel était couvert par les restes d'un orage qui déversait des flots d'eaux dans les rues. On entendait encore les éclairs gronder au loin et certains faisaient même trembler légèrement les murs. Ils étaient, en tout les cas, suffisamment éloigné pour Alexis Breut, plus connu sous le nom de LinksTheSun, qui décida de rebrancher sa box et de retourner sur internet. Même si le fait d'avoir était interrompu par la météo l'avait irrité, il n'était pas contre un refroidissement du climat : cette mi-juillet était particulièrement chaude cette année, même en Bretagne, et Links n'osait plus utiliser son ordinateur, de peur qu'il surchauffe. En tout les cas, cela faisait deux semaines qu'il avait sortie un point culture et il n'avait pas d'idée de thème pour le suivant. Ses frères lui avait conseillé de faire plutôt un Non Mais T'as Vue C'que T'écoutes, vue qu'il était inspiré mais il avait envie de varier et ses fans réclamaient du changement. Il était donc là à chercher désespérément dans les commentaires de ses vidéos un sujet potentiel. Mais soit ça ne lui plaisait pas, soit c'était des sujets complètements irréalistes. Il souffla longuement avant de se diriger vers sa boite mail google, voulant se changer les idées en lisant les doux petits mots que lui envoyaient quotidiennement ceux qui le suivait. Alors que la page chargeait, il reçu un nouveau message venant d'un certain "Staross4309". Il fut bien tenté de cliquer dessus en premier, le hasard faisant bien les choses, d'autant plus que le titre "Un sujet potentiel pour toi" avait attisé sa curiosité. Il l'ouvrit donc et fut d'abords rebuté par le court texte avec, comme conclusion, un lien vers un autre site. Mais il finit par lire car, après tout, ce n'était pas forcément une publicité.

Salut Links!
Tout d'abords, sache que j'adore tout ce que tu fais! Je te suis depuis tes débuts, tes vidéos m'ont bien fait rire dans les moments difficiles et j'ai même appris à jouer de la guitare grâce à toi! Bref, je te dois beaucoup! Vue que tu galères à trouver un sujet pour tes points cultures, je me permets de te donner ce lien.

Il s'arrêta net. Personne, à part ses proches, ne savait qu'il avait une panne d'inspiration. Il continua toutefois à lire : après tout, vue que ça faisait quelques temps qu'il n'avait rien posté sur les réseaux sociaux, certains avait dû deviner.

J'ai fais un article sur mon blog sur les messages subliminaux. À un moment, je parles de ceux qui se trouvent dans le cinéma et vue que tu es un peu cinéphile, je me suis dit que ça t'intéresserait. J'espère que ça t'aideras, bonne continuation! Ne change surtout pas!

Alexis resta dubitatif. Il est vrai qu'un point culture sur les messages subliminaux serait intéressant mais, d'un autre côté, il risquait d'avoir à parler de théories du complots et il savait ô combien c'était risqué. Il se décida toutefois à aller voir vite fait, ne serait-ce que pour sa culture personnel. Il cliqua donc sur le lien et fut d'abords surpris de constater que le blog en question était privé et ne contenait qu'un seul article. Staross4309 devait soit être timide, soit attendre sa bénédiction pour lancer son propre site. En tout les cas, son anti-virus ne réagissait pas et son ordinateur ne semblait pas ralentir. C'est donc sans se méfier qu'il lut les premières lignes, sans savoir qu'il venait littéralement d'ouvrir la boite de Pandore...


Le mois d'août venait de débuter. À Paris, le temps était étrangement maussade, presque pluvieux. Cela n'empêcha pas Antoine Daniel, Mathieu Sommet, Nyo et François Theurel, dis le Fossoyeur de film, d'aller dans l'un de leurs bars préférés pour boire des bières tout en discutant des dernières vidéos qu'ils avaient postés. À l'ordre du jour : le reggae de Pleuville, dont Antoine se moquait goulûment.

« N'empêches mec, tu t'es fais au moins quatre cents ennemis avec tes conneries!

— M'en parles pas, répondit Mathieu entre deux gorgés, j'ai reçu au moins vingt messages de mamies hystériques... D'ailleurs ça m'étonne qu'elles réussissent à aller sur internet aussi facilement...

— Du coup, tu comptes vraiment aller à Pleuville ou tu vas te défiler? demanda Nyo.

— Un jour, si je passe dans la région, j'irai évidemment! Comme ça on pourra pousser la chansonnette tous ensemble! »

François regarda Mathieu tandis qu'il finissait son verre (ou sa chope, ça dépend comment vous voyez les choses) : il avait du mal à dire s'il était sérieux ou non. Quoi que, il n'avait aucun mal à imaginer Maître Panda et le Hippie en train de danser et chanter en rythme avec la chorale de Pleuville. Finalement, il se demandait presque s'il ne se joindrait pas à eux... Non, c'était complètement stupide.

Ça ne faisait que quelques jours qu'il était à Paris, trois pour être exacte : il avait décidé de passer ses vacances ici, ne pouvant supporter la chaleur estivale qu'il y avait dans le sud. Et puis, avec la Japan Expo, il n'avait pas eut le temps de discuter avec ses amis : l'occasion était parfaite.

Il en profita pour regarder autour de lui : le bar était occupé principalement par des salariés ayant fini leurs journées, des jeunes sortants entre amis et des personnes âgés qui riaient bruyamment tout en chantonnant de manière plus ou moins juste. Il se demanda d'ailleurs s'ils ne venaient pas de Pleuville, justement... Blague à part, des ricanements attirèrent son attention : il remarqua alors trois demoiselles, plutôt jolies, qui regardait le petit groupe en chuchotant. L'une d'elle portait un T-shirt Majora's Mask et pleins d'autres geekerie. Pas de doute : c'était des fans qui avaient dû les reconnaître. Celles-ci rougissaient en le voyant les fixer. Amusé, il leur fit un petit sourire et un clin d'oeil qui eurent raison de leurs petits cœurs de fans. Il gloussa en les voyant se cacher derrière la table puis retourna à la conversation de ses compagnons, préférant les laisser seules. Quelques minutes plus tard, les quatre hommes payèrent leurs boissons et quittèrent le bar. Direction : la maison de Mathieu pour une petite soirée cinéma. Enfin... Tout allez bien jusqu'à ce que l'hôte se soit rendu compte qu'il n'avait pas choisit le film à l'avance.

« Le seigneur des anneaux, imposa Antoine.

— Mais on le voit à chaque fois que tu viens chez moi, rétorqua Nyo.

— Le seigneur des anneaux, répéta Antoine.

— Tu le connais par coeur, tu pourrais pas changer pour une fois? soupira Nyo.

— Le seigneur des anneaux, insista Antoine.

— Mais tu parles duquel déjà, le premier? Deuxième?

— Le seigneur des anneaux.

— Mais je t'emmerdes!

— Et si on regardait Dune? intervint François avec un grand sourire. »

Deux magnifiques "TA GUEULE!" parfaitement synchrones répondirent à sa proposition. Le Fossoyeur, stupéfait par une telle haine, se contenta de faire la moue et de partir bouder aux côtés de Mathieu qui marchait derrière eux depuis le début. Tandis qu'ils arrivaient dans une petit ruelle, celui-ci reçu un appel de Chachou Panda. Il fit signe à François de continuer sans lui tandis que Nyo et Antoine continuait de se disputer. Avant de décrocher, il éclaircit sa voix afin d'imiter le beauf.

« Service Chinois pour l'extermination des pandas, j'écoutes? »

François retint de justesse un fou rire tout en rattrapant Antoine et Nyo : il n'osait même pas imaginer la tête que devait faire la pauvre Charlotte actuellement. Il fit donc signe aux deux vidéastes de s'arrêter : leur débat n'avait que peu avancé de toute façon, leurs arguments étant déjà stériles de base...

« ...Ch... Charlotte? Qu'est-ce qui t'arrive?... »

Interloqué, François se tourna vers Mathieu : il avait perdu son sourire et affichait désormais un air troublé. Antoine et Nyo le remarquèrent à leur tour et s'avancèrent aux côtés du Fossoyeur pour s'approcher. En écoutant attentivement, le présentateur de What the Cut pouvait entendre une voix étrangement aigu et tremblante. Son coeur commença alors à battre à la chamade : il devait se passer quelque chose de grave. Mathieu, lui, écoutait toujours, visiblement consterné. Ses lèvres semblait bouger mais aucun son ne sortait, il ne regardait même plus ses amis qui échangeaient mutuellement des regards anxieux. Après quelques instants qui semblaient interminable, il finit par s'adosser contre un mur, inspira profondément puis répondit enfin avec une voix presque étranglé.

« ...Je... Je te remercie de m'avoir prévenu... Tu... Non, non, tu n'as pas à t'excuser! Au contraire, ce serait plutôt à moi de m'excuser de ne pas pouvoir venir pour te soutenir... » Malgré ses tentatives pour avoir l'air assuré, Mathieu ne pouvait retenir ses tremblements. « Tu... Tu es avec qui actuellement?... Si tu veux, je peux te passer le numéro de Fred pour qu'il vienne avec Seb... Ok, y a pas de problèmes, tu peux me téléphoner quand tu veux... Oui... Je reste disponible, promis... Je préviendrais les autres, si tu le veux... » Il regarda alors machinalement Antoine, François et Nyo qui lui lançait des regard interrogateurs, mais il détourna les yeux aussi sec. « ...Entendu... Si tu as besoin de parler, je suis là... Oui... Bonne soirée à toi aussi... »

Mathieu raccrocha, lentement. Les cinq derniers mots qu'il avait prononcé lui restèrent en travers de la gorge : il venait de souhaiter une bonne soirée après "ça"?! Mais quel idiot! Il regarda son écran quelques instants : malgré tout, il avait du mal à croire à ce qu'il venait d'entendre. De son côté, François échangea un regard entendu avec Antoine puis s'approcha de lui, hésitant.

« Y a un problème? »

Mathieu releva la tête et posa son regard sur lui. Il semblait chercher ses mots, ses mains continuaient de trembler. Il finit par remettre son portable dans sa poche et regarda vaguement le sol.

« Tout à l'heure, ils ont... Ils ont retrouvé Links dans son bureau... Il est dans le coma. »

Le Fossoyeur crut se prendre un coup de poing en pleine figure. Il regarda Antoine et Nyo, espérant de tout cœur que c'était une plaisanterie, mais eux aussi semblait bouleversé. Hébété, il passa sa main dans sa chevelure noire ébène tout en faisant quelques pas en arrières : il n'arrivait pas à réaliser. Comment était-ce possible? Que lui était-il arrivé? D'un autre côté, il se sentait idiot : il n'était pas mort non plus mais cette nouvelle lui faisait le même effet. Antoine fut cependant le premier à briser le silence qui s'était installé.

« Mais c'est pas possible, comment il a fait? On ne tombe pas dans le coma comme ça!

— Charlotte m'a dit qu'Alexis avait passé énormément de temps sur son ordinateur, répondit Mathieu tête baissée, il ne sortait plus, il s'était littéralement coupé du monde, même ses frères ne le voyait plus... Les médecins ont pensé qu'il avait fait une sorte de burn out...

— Mais bien sur... souffla Nyo. Et pendant qu'on y est, ils vont dire qu'il était devenu violent?

— Ce n'est qu'une hypothèse, déclara calmement Antoine, de toute façon, on ne peut rien faire : c'est eux les toubibs, pas nous.

— Ce qui m'inquiète surtout, c'est Charlotte, Jérémy et David, intervint François. Links étant très connu, je ne donne même pas cinq minutes avant que la nouvelle ne soit diffusé sur Facebook et Twitter. Ils vont être harcelé par les fans, c'est sûr et certains.

— Alors on fait quoi? demanda Nyo.

— Pour l'instant, rien, répondit Mathieu en soupirant, on va juste attendre les nouvelles... Et espérer que ça s'arrange... »

Un lourd silence s'installa au sein du petit groupe : l'inquiétude et l'incompréhension régnait désormais. Maintenant qu'ils y repensaient, il était vrai que Links n'avait plus donné de nouvelles depuis quelques temps. Ça aurait dû les inquiéter mais il ne s'en était pas rendu compte. Pourquoi s'était-il enfermé ainsi? Qu'avait-il fait pendant tout ce temps? Étaient-ils responsable? Aurait-il pu être "sauvé"? Personnes ne le savaient, personnes...

Mathieu finit par reprendre sa route, invitant les autres à le suivre : il était inutile de se morfondre d'avantage et encore moins de rester bêtement dans la rue, ça n'allait pas guérir Links miraculeusement. Ils repartirent donc, même si l'ambiance n'était plus propice au visionnage d'un film. D'ailleurs, Mathieu ne mit même pas le Seigneur des anneaux : il prit un autre film au hasard, sans même regardé son nom et lança le DVD. Mais ça ne dérangea pas ses convives : toute la séance se fit sans grand intérêt, personne ne regardait vraiment le long métrage. François se surprit même à envoyer des SMS et à vérifier son compte Facebook. Comme prévue, la nouvelle avait fait le tour des réseaux sociaux et ses proches et ses fans ne cessait de l'assommer de questions : Axolot, Jean Junior, Bruce d'e-penser, Kriss, l'équipe Du Grenier, Bob Lennon, Fantasio, Benzaie, Karim Debbache, MisterJDay, Monsieur 3D, Durendal, Hooper, Usul ainsi que des dizaines d'autres vidéastes, les rédactions de NoLife et GameOne, plusieurs acteurs de web-séries en tout genre, même Cyprien et Squeezie semblait s'inquiéter. D'un côté, ça lui faisait un peu chaud au cœur de voir que toutes ces personnes appréciaient Links à ce point. De l'autre, il se demandait si tout ceci était vraiment utile : cela n'aiderait sûrement pas les médecins à le réveiller... Soudain, Nyo sursauta.

« Bah! Le film est déjà fini? »

Les trois autres regardèrent l'écran, dans une parfaite synchronisation, puis ne bougèrent pas d'un poil.

« Merde alors... murmura Mathieu.

— C'était quoi qu'on regardait déjà? demanda Antoine, le plus sérieusement du monde.

— Je ne sais plus mais la scène de plumard était très réussie, conclut Nyo devant le regard stupéfait d'Antoine.

— Y avait du cul et j'ai raté ça?! s'exclama-t-il. »

À ce moment là, Wifi, le chat de Mathieu, se mit à cracher, comme s'il approuvait les paroles d'Antoine. Tandis qu'ils s'amusaient à fulminer sur cet "odieux scandale", Mathieu se précipita soudainement sur son ordinateur et l'alluma. François le remarqua mais n'eut pas le temps de l'interpeller que le présentateur de Salut les Geeks l'invita lui et les autres à s'approcher : il était sur sa boite mail et le dernier message qu'il avait reçu venait d'Alexis Breut.

« Il t'a envoyé un mail? s'étonna Antoine.

— Huit heures quarante sept du matin... L'heure correspond en tout cas, ajouta Nyo, pensif.

— Oui mais il n'est apparue que maintenant, répondit Mathieu, déclenchant l'étonnement général.

— Mathieu, c'est impossible, rétorqua François, quand tu envoies un mail à une certaine heure, il ne met pas trois heures à arriver, sauf en cas de problèmes de réseaux.

— Alors comment expliques-tu qu'il soit en haut de la liste alors que j'ai des mails en dessous qui datent de trente minutes ? »

François regarda plus attentivement. Effectivement, sur la liste, il y avait des mails avec des heures plus récentes. Pourtant, celui d'Alexis restait en tête, comme s'il avait été reçu en dernier. Nyo prit alors les devants et saisis la souris de Mathieu : il cliqua sur les cadres qui permettaient de trier les mails selon le nom, le poids ou la date mais, malgré toutes ses manipulations, le message d'Alexis restait en tête de liste. De son côté, Antoine regarda plus attentivement l'encadré menant au mail : il n'y avait aucun "objet", juste une pièce jointe et peut-être du texte, vue la taille. Or, cela ne ressemblait pas à Links de poster des messages ainsi.

« J'ai l'impression qu'il s'est fait pirater... déclara Antoine, soucieux.

— Ma boîte mail est protégée par un antivirus, c'est impossible, lança Mathieu qui semblait lui aussi songeur, et puis ça n'explique pas ce bug.

— Il n'y a qu'un moyen de le savoir, souffla François. »

Mathieu hésita : après tout, un hacker aurait très bien pu s'amuser à pirater la boîte mail de Links pour les piéger. Il aurait profité de son état de santé pour faire une blague du plus mauvais goût, c'était malheureusement fort probable. Pourtant, ce message... Il sentait que quelque chose clochait. Il avait envie de l'ouvrir pour voir, non pas par curiosité mais pour autre chose. De plus profond... Il se ressaisit, ce n'était pas le moment de divaguer. Il inspira profondément, comme s'il s'apprêtait à manipuler une bombe, et l'ouvrit. Le message était court, juste une phrase, un ordre :

"Lancez le programme qu'il y a dans les pièces jointes, n'en parlez à personnes, c'est important.
Je suis très sérieux. Tétard, Etang."

« Tétard, Etang?! s'exclama François.

— Oui, c'était une blague pourris qu'il avait fait lors d'une conférence, se rappela Mathieu.

— Alors c'est bien lui? se demanda François.

— Attendez! les coupa Antoine. Une vidéo de cette conférence est disponible sur Wetube, n'importe qui peut l'avoir vue et connaître cette blague. Et puis ce programme ne me dit rien qui vaille...

— Si ça se trouve, c'est juste un installateur de gestionnaire de données à distance, proposa Nyo, au cas où son PC serait volé ou quelque chose dans le genre...

— Oui mais pourquoi l'envoyer à lui? demanda Antoine. Et puis... Non, c'est trop bizarre : ce mail est buggé, déjà, et en plus ça ne peut pas être un gestionnaire de données, ça n'y ressemble pas en tout cas!

— Oui mais dans ce cas, qu'est-ce que c'est? intervint François. Pourquoi aurait-il envoyé ça?

— Parce qu'il savait qu'on serait tous là... »

La dernière phrase de Mathieu plomba littéralement l'ambiance. Il l'avait dit avec tellement de sérieux qu'il était difficile de dire s'il avait déclaré ça uniquement pour faire de l'humour ou non. Le souffle d'Antoine commença à devenir nerveux.

« Mathieu, je ne pense pas qu'Alexis puisse... »

Il ne finit pas sa phrase, tout le monde avait compris. Mathieu ne répondit pas et plaça lentement son curseur sur la pièce jointe.

« Mec, ne fait pas ça, marmonna Antoine.

— Toutes mes données sont sauvegardés sur un disque dur externe et mon antivirus est assez puissant, je ne risque rien.

— C'est pas ça le problème : imagine que ce soit un hacker qui ait fait ça! Tu risques de perdre ton ordinateur!

— J'ai déjà été victime de hacker, intervint Nyo, et généralement ces types mettent des virus directement dans le mail : s'ils s'étaient fait attaqué, on le saurait déjà.

— Tu es sur? demanda Antoine.

— Certains, affirma Nyo. Ils ne se seraient pas permis de le mettre dans un logiciel en pièces jointes, ce serait trop évident.

— Et puis, Charlotte m'a dit que Links était encore en forme à dix heures, or le mail date de deux heures avant, ajouta Mathieu. »

Antoine, ne sachant quoi répondre, soupira et se retourna, ne voulant pas assister à ce qui allait suivre. Mathieu, quant à lui, lança un regard lourd aux autres puis fit un double clique. Une fenêtre de chargement apparue puis une autre demandant l'autorisation d'exécuter l'application "Uyrats". Il hésita un instant : ce programme lui était inconnu et son nom était douteux à ses yeux. Mais la curiosité l'emporta, il valida : un cadre cmd s'ouvrit, affichant plusieurs centaines de codes inconnus. Au même moment, l'ordinateur commença à tourner plus rapidement, comme s'il faisait un gros chargement. Il ne s'en étonna pas cependant, c'était normal qu'un logiciel cause ça, parfois. La seule chose étrange, c'est que l'écran se mit soudain à clignoter, une seule fois, rapidement, puis la fenêtre se ferma d'elle même et tout redevint comme avant.

« ...C'est tout? demanda enfin Nyo. »

Mathieu, tout aussi surpris, regarda dans son gestionnaire de logiciel : rien n'avait était installé, pas de dossiers, pas d'applications, pas de modifications du système, tous ses dossiers était là, son antivirus était muet comme une carpe, rien n'avait bougé. Antoine recula alors puis fit quelques pas dans la pièce, comme s'il réfléchissait. Il sursauta subitement et se lança.

« Je pense avoir une explication : Alexis a voulu se foutre de notre gueule mais il a trouvé sa blague tellement stupide qu'il s'est auto-mit dans le coma par honte!

— Mais oui, c'est clair! s'écria Nyo avec un accent congolais.

— Tout n'est que tromperie?! s'insurgea François avec un air faussement hautain. »

Tandis que ses amis continuaient à "s'égosiller", Mathieu vérifia une dernière fois sa boite mail. Il crut halluciner quand il remarqua que le mail avait disparu. Il chercha plusieurs fois, en vain : il s'était littéralement envolé. Interloqué, il chercha rapidement sur Google si des hackers pouvait faire ce genre de chose. Il tapa au hasard "mail qui se supprime seul piratage blague". C'est alors qu'il tomba sur plusieurs sites proposant un fichier qui permettait de supprimer le mail par lequel il était envoyé ainsi que d'autres options plus ou moins "intéressante". Et, effectivement, c'était le "logiciel" Uyrats. Il fut surpris de ne pas en avoir entendu parler plus tôt : il semblait très populaire auprès des jeunes. Rassuré, il s'affala sur son siège : il fallait croire qu'Alexis avait vraiment voulu faire une blague... Ne voulant plus y penser, il rejoignit les autres. La soirée se termina comme elle avait commencé, dans une atmosphère assez détendu. Après tout, ils étaient là pour regarder des films, autant en profiter. Ainsi, Mathieu sortie les DVDs du premier volet du Seigneur des anneaux et de Dune.


Le lendemain, Antoine fut réveillé chez lui par la sonnerie de son téléphone. Au début, il l'ignora : ça devait encore être une publicité ou une autre merde du genre qui se permettait de lui téléphoner alors que c'était illégal. Mais alors qu'il se rendormait, il se souvint d'Alexis. Malgré son inquiétude, il sortie péniblement la main de sa couverture et saisit mollement son téléphone : c'était Nyo.

« Mec, faut absolument que t'allumes ta télé, tu vas halluciner!

— ...T'es au courant que je suis encore au lit? demanda-t-il avec une voix étrangement rocailleuse.

— Il y a une femme à poil à côté de toi? »

Antoine vérifia puis se rendit compte trop tard que c'était idiot de sa part.

« Ouais, même qu'il y en a quarante...

— Très drôle! T'as pas d'excuses, dépêche! »

Antoine soupira et se leva maladroitement pour se diriger vers sa télévision : décidément, il avait du mal à se réveiller aujourd'hui. Il alluma son téléviseur et tomba directement sur une chaîne d'information en continue. Mais alors qu'il se saisissait de la télécommande pour changer de chaîne, la Une attira son attention : "Une star du web tombe dans le coma à cause d'une overdose de jeux vidéos". Sa fatigue s'évanouit subitement, il en fit même tomber sa télécommande : il n'avait même pas besoin d'en regarder d'avantage pour comprendre qu'il s'agissait d'Alexis et, qu'une fois de plus, on donnait une mauvaise image des podcasteurs et de leur public.

« Mais comment osent-ils?! hurla-t-il sans se contrôler.

— Et encore, t'as pas tout vue : j'ai jamais entendu autant de conneries balancées à la minute! Pire que les reportages sur la Paris Games Week! Et sur les réseaux sociaux, c'est Bagdad : on a déjà vingt pages de soutiens et huit pétitions!

— Mais quelle bande de cons! s'écria-t-il. Et les Breut, ils en disent quoi?

— David a écrit un long message sur Facebook pour expliquer qu'il était choqué, il songe à porter plainte avec sa famille. »

Antoine allait ramasser sa télécommande quand il fut soudainement prit d'un vertige. Il s'assit en quatrième vitesse sur un fauteuil : il devait sans doute faire une baisse de tension à cause de son réveil brutale. Mais comme si ce n'était pas suffisant, il fut violemment prit par des maux de têtes. Cette douleur soudaine le surpris, il commençait même à entendre des ultra-sons. Toutefois, il garda son calme et respira profondément : inutile de s'affoler, les autres étaient déjà suffisamment inquiet avec Links. Il n'avait que peu dormit hier et il avait bu chez Mathieu, il devait sans doute encore cuver. Oui, c'était surement ça. La voix de Nyo qui l'interpellait le tira de son malaise. Il serra les dents, tentant de faire l'impasse sur sa souffrance actuelle et reprit le téléphone.

« Excuse moi, j'ai fais tomber ma télécommande, se justifia-t-il. Je vais poster moi aussi un petit texte vite fait sur Facebook. Préviens-moi si t'as du neuf. »

Nyo répondit par un bref "Ok" puis il raccrocha. Antoine déposa son portable sur une table basse puis pris sa tête entre ses mains : sa douleur le lançait de nouveau, mais ce n'était pas le moment de tomber malade. Et puis, il n'avait pas de médicaments chez lui, il allait devoir affronter sa cuite tout seul. Il attendit quelques minutes, le temps que la douleur s'apaise, puis il s'installa devant son ordinateur pour faire ce qu'il se devait de faire : manifester son mécontentement, soutenir les Breut, partager les pétitions et groupes sérieux et inviter ses fans à faire de même. Au moins, cette occupation lui permis d'oublier sa migraine : la douleur avait même totalement disparu.

Tandis qu'il finissait de partager des liens, il entendit quelqu'un parler dans la rue en bas de chez lui. Il n'y prêta pas attention : c'était un quartier résidentiel, il n'était pas rare d'y avoir du passage. Pourtant, la voix était étrangement forte, comme si elle était sous sa fenêtre. Et puis, cette personne semblait se parler à elle même. Intrigué, il alla à la fenêtre, armé de sa caméra : avec un peu de chance, il était peut-être sur le point de filmer un fou qui allait être le sujet de la prochaine vidéo de sa chaîne secondaire. Il appuya sur le bouton "rec", ouvrit lentement ses volets et zooma : il y avait effectivement un homme dans la rue.

Sauf qu'il avait les lèvres closes.

Surpris, il zooma d'avantage, se concentra sur le bruit : ça venait pourtant de là. La voix déclara qu'elle était en retard et qu'elle devait se dépêcher tandis que l'homme en question partit en même temps. Antoine le suivit avec sa caméra, espérant trouver une explication : il devait peut-être porter une oreillette ou un haut parleur... Au même moment, une jeune femme arriva dans la direction opposée. L'homme la regarda de travers, la dévisagea et la siffla sans aucune gêne, ce qui énerva la femme qui accéléra le pas, visiblement dégoûté. Une autre voix, féminine cette fois-ci, se fit entendre.

« Mais quel connard! Comme si j'allais lui répondre! En plus, il doit avoir au moins trente ans de plus que moi, le boulet! »

Pour Antoine, tout ceci devenait trop étrange à son goût. Il referma la fenêtre et arrêta l'enregistrement. Par réflexe, il se pinça la joue pour vérifier s'il ne rêvait pas : il était pourtant bien conscient, il avait bien entendu ces personnes parler. Il s'assit lentement sur le fauteuil, cherchant une explication logique et rationnel : ces deux personnes n'avaient pas parlé mais ils les avaient quand même entendu. Pourquoi? Quelques minutes avant, il se réveillait avec des vertiges et des maux de têtes : et si c'était une bête hallucination? Ses yeux se posèrent sur sa caméra : il n'y avait qu'un moyen de le savoir. Il s'empressa de la rallumer et parcourra les fichiers de sa carte mémoire jusqu'à trouver sa précédente vidéo. Fébrile, il lança la lecture. Il se revit en train d'ouvrir la fenêtre et de zoomer sur l'homme puis la femme.

Mais il n'entendait plus les voix. Juste les bruits de pas et le sifflement.

« C'est pas possible... murmura-t-il à voix haute. »

Ne pouvant y croire, il retourna à sa fenêtre et regarda rapidement : pas de signes de caméras cachées, pas de microphones, pas de fenêtres ouvertes, pas de camionnettes suspectes, rien. Son coeur commença à s'affoler : mais qu'est-ce qui lui arrivait? Était-il devenu fou? un aboiement le fit sursauter, il redressa la tête : un adolescent et son chien venaient d'arriver à leur tour dans la rue. Il les regarda plus intensément, écoutant attentivement le moindre de leurs gestes : il pouvait entendre le crissement des griffes du chien sur la route, ses halètements, le cliquetis de son collier, les soupirs agacés de son maître et le bruit de ses pas traînant. Et rien d'autres, pas de voix : l'adolescent était muet. Soulagé, il s'apprêta à faire demi-tour, heureux de constaté que ce n'était qu'une hallucination passagère. Mais soudain...

« Il fait chier à tirer comme ça! En plus, c'était à papa d'aller le promener! ...Hey! C'est pas la maison d'Antoine Daniel ça? On dirait bien... Ouais nan, c'est pas du tout le même style. Attend, mais c'est pas lui à la fenêtre? Non... Si! Oh! Putain! C'est lui! Regarde pas! Baisse la tête! Baisse la tête!... Oh la vache, j'ai trouvé la maison de What The Cut! Trop bien! »

Pour Antoine, c'en était trop. Il referma les volets, claqua la fenêtre et se réfugia dans une pièce adjacente, sans fenêtre. Pendant quelques instants, il s'était cru capable de lire dans les pensées des gens. Mais ça ne pouvait être vrai : la télépathie était scientifiquement impossible. Enfin, normalement, il croyait... Il commença à avoir des sueurs froides et des bouffés de chaleur. Sa douleur à la tête le reprit. À bout de nerf, le visage perlant de sueur, il plaqua sa main sur ses yeux et son front : il devait avoir de la fièvre, tout du moins, il l'espérait. Effrayé par ce qu'il venait de vivre, il retourna dans sa chambre en titubant, se jeta dans son lit et se força à se rendormir, priant pour qu'il ait rêvé.


Midi venait de sonner chez les Breut. Pourtant, tout était calme dans la maison : pas un bruit, pas d'agitation, rien. Le peu d'action qui s'y déroulait se trouver dans la cuisine : Charlotte était assise sur une chaise de la salle à manger, avec Jammin et Hicetea sur les genoux. Elle regardait dans le vide et semblait perdu dans ses pensées, contrairement à ses deux chiens qui essayaient d'attirer son attention en jappant vainement. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à ce qu'il s'était passé la veille. Tout avait basculé d'un seul coup. Elle était partie promené les deux bouledogues, ça avait été une ballade plutôt agréable d'ailleurs. Mais quand elle était arrivée dans la rue, elle fut accueillie par des gyrophares et des sirènes. La maison était envahie par des pompiers et des policiers. C'était le chaos total... Elle sursauta quand David entra dans la cuisine, un sac de course à la main. Il en sortit immédiatement une bouteille de bière qu'il posa devant son amie.

« Tu n'étais pas obligé, tu devrais la garder pour toi... lui répondit doucement Charlotte.

— Les femmes et les enfants d'abords.

— Genre, tu donnerais de la bière à un gosse?

— On en a bu avec mes frères et regardent ce que nous sommes devenu! »

Charlotte pouffa de rire tandis que David lui ouvrit la bouteille et la lui tendit. Elle finit par l'accepter et en bu une gorgée, par politesse. Jammin et Hicetea tentèrent d'en avoir un peu, en vain. David en fut amusé et commença à les taquiner en bloquant leurs gueules avec ses mains.

« Au faites, il est où Jérémy? demanda Charlotte.

— À l'hôpital avec mes parents.

— Et tu n'es pas resté avec eux?

— Je ne pouvais pas vous laissez tout seuls... »

Charlotte fondit littéralement, c'était tellement mignon ce qu'il disait. Elle fut interrompue par Hicetea qui réussit à saisir l'extrémité de la bouteille avec ses dents. S'ensuit alors une longue bataille pour faire lâcher prise au petit chien. Et Dieu sait que les deux jeunes gens avaient besoin de ce genre de moment de détente. En particulier David : c'était lui qui avait découvert Links, allongé au sol, son siège renversé, inerte... Il en avait pleuré pendant plusieurs heures, se reprochant de ne pas avoir était assez vigilant avec son frère aîné. Les médecins lui avaient dit de ne pas s'inquiéter, que sa vie n'était pas en danger... Mais quand le mot "overdose" fut prononcé, il ne s'en sentit que plus coupable : comment avait-il pu laisser son frère s'enfermer ainsi? Qu'avait-il fait pendant ces deux semaines? Impossible de savoir : la police avait réquisitionné ses ordinateurs et sa caméra. Quoi qu'il en soit, en son absence, c'était lui l'aîné et il s'était promis qu'il s'occuperait de tout jusqu'à ce que Links revienne. Et il tiendrait parole.


Trois jours s'était écoulés depuis la polémique sur le coma de Links. Trois jours tout aussi intense, si ce n'est plus, que le long week end où il y avait eu le scandale Canal+ sur Twitch et Pewdiepie. Mathieu, Nyo et le Fossoyeur avait vécu, en plus de cela, trois jours sans nouvelle d'Antoine. Depuis la première matinée mouvementée, il n'avait plus donné de nouvelles et ne répondait que vaguement au téléphone, comme quoi il ne se sentait pas bien. C'est donc avec inquiétude que les trois amis s'étaient donné rendez-vous devant la maison d'Antoine pour aller le voir.

« Je ne veux pas faire le chieur de service mais je tiens à rappeler que je suis en vacances : s'il couve une maladie grave, je ne veux pas la chopper, vous êtes prévenu! lança François, non sans rire.

— Mais non, à mon avis il doit juste déprimé un peu, répondit Mathieu qui s'avança sur le palier.

— Tu es sur de ça? demanda François.

— S'il était vraiment malade, il serait rentré chez ses parents voyons! rétorqua Mathieu. »

François échangea un rapide regard avec Nyo qui hocha les épaules. Encore une fois, il ne savait pas s'il était sérieux ou non. Toutefois, il ne put s'empêcher de se méfier en voyant que les volets de la maison étaient tous fermés. Il était possible qu'il ne soit même pas chez lui. Quoi qu'il en soit, Mathieu sonna à la porte, fébrile à l'idée de revoir son ami. Il y eu un petit silence, qui sembla durer une éternité, puis un « c'est ouvert » retentit à l'intérieur. Mathieu regarda ses deux accompagnateurs puis il ouvrit la porte, sans aucune difficulté. En s'avançant à l'intérieur, le Fossoyeur ne remarqua rien d'anormal, ce qui le rassura : tout était à peu près bien rangé, pas d'odeurs suspectes... Il sursauta toutefois quand il tomba sur Antoine, assis devant son ordinateur, en train de faire tourner du bout des doigts une bouteille de bière vide. Ce sursaut fit ricaner Nyo mais François n'y prêta pas attention.

« Ça va, tu te fais pas trop chier toi! s'exclama alors Mathieu, presque déçu.

— Et tu t'attendais à quoi? questionna Antoine sans les regarder ni en montrant une quelconque émotion.

— Que tu sois peut-être un peu plus pâle, pour commencer? dit Nyo.

— Désolé de te décevoir mais je ne suis pas malade à ce point... répondit-il, l'air distant.»

François en resta abasourdi : mais pourquoi avait-il dit qu'il ne se sentait pas bien s'il était en pleine forme?

« J'ai eu la migraine pendant deux jours, rien de plus. »

Mathieu lança un regard bizarre à Antoine : pourquoi disait-il ça d'un coup? Et puis, qu'est-ce qu'il lui prenait tout à coup? Il sentit soudain le Fossoyeur poser sa main sur son épaule et passer devant lui, surpris.

« Antoine, tu... Enfin bref! Je doute que ce soit vraiment la migraine qui te pose problème. Si tu as du mal à encaisser ce qui se passe actuellement, on peut en parler, on te comprend.

— Ça j'en doute.

— Comment ça? »

Antoine soupira profondément tout en continuant à faire tourner sa bouteille, dont le bruit commençait à devenir lourd et stressant.

« C'est trop difficile à expliquer.

— Qu'est-ce qui est difficile? lança Nyo. D'avouer qu'on s'inquiète pour quelqu'un qu'on apprécie? Je ne te suis pas là!

— Mais non, ce n'est pas... »

Antoine s'arrêta de justesse, faisant déraper sa bouteille. Il semblait anxieux.

« J'ai un autre soucis, je ne peux pas en dire d'avantage.

— Mais quel soucis?! Tu ne crois pas qu'on est pas déjà assez inquiet avec Links?! s'emporta François.

— François, ça va pas la tête?! intervint Mathieu qui fut ignoré.

— Ça fait trois jours qu'on a plus de nouvelles, on ne demande qu'à t'aider! Qu'est-ce que tu as à la fin : réponds nous! s'exclama François.

— Pense à un chiffre entre un et cinquante. »

Gros blanc. Cette réponse était tellement surréaliste qu'elle surprit François au point qu'il en perde ses moyens pendant un long moment. Il finit par souffler, exaspéré, se préparant à lui répondre.

« Nyo, tu pensais au chiffre quarante-et-un? »

François voulu faire une remarque mais la tête que faisait Nyo le perturba : il semblait choqué. Il se tourna vers Mathieu qui épaula le jeune dessinateur.

« Nyo? s'inquiéta Mathieu.

— Qu... Comment t'as su? balbutia Nyo.

— ...Ok, attendez : c'est quoi ce cirque? demanda Mathieu qui semblait tout aussi perdu.

— Ah! Super! Monsieur a passé ces trois jours à apprendre des tours de magies! Wahou! Quelle surprise! ironisa François.

— Et toi, Mathieu, tu pensais au chiffre vingt cinq, ajouta Antoine. »

Mathieu recula d'un pas, lui aussi surpris. François commença à perdre patience, ne pouvant plus supporter cette comédie incompréhensible.

« Bon, ok, vous vous êtes tous mis d'accords pour me tuer mentalement, c'est ça?

— Non, je te jure, je ne sais pas comment il a fait! s'écria Nyo.

— Quoi? Vous n'allez pas me faire croire que monsieur est télépathe?! s'exclama-t-il. »

Antoine releva enfin les yeux. Il regarda intensément François qui commença à rire nerveusement : une idée venait de lui traverser l'esprit mais il savait que c'était parfaitement ridicule. Antoine ne pouvait pas faire "ça", c'était impossible.

« Non, arrêtez, c'est pas drôle... dit-il avec une certaine angoisse.

— ...Non... Ce n'est pas une blague, lâcha enfin Antoine. Moi aussi je croyais que ça venait de moi, que je délirais... Mais non, je... J'entends vraiment tout ce que les gens pensent... C'est pour ça que je suis resté chez moi. Je pensais que ça allait passer, que c'était à cause de ma migraine, mais... Ça a empiré... Dés que quelqu'un passe dans la rue, j'entends tout! J'en dors plus, Je... Ça me rend dingue! »

Sa voix commença à trembler mais impossible de savoir s'il allait pleurer ou s'il avait juste peur. Les trois autres étaient restés immobile, ne sachant comment réagir. La situation était complètement surréaliste, digne d'un film de science fiction, mais ça semblait si réel. Ils avaient même eu la preuve que leur ami avait vraiment cette capacité, le doute n'était donc plus permis. Malgré la crainte, Nyo fut le premier à s'avancer, il épaula doucement Antoine : d'abords Alexis qui tombait dans le coma et maintenant lui qui avait des capacités surnaturelles... Et si ces deux histoires avait un lien?


Dans un lieu inconnu, un homme, dont le visage était camouflé par un masque de carnaval blanc et doré, regardait plusieurs écrans de vidéo surveillance. Il était assit dans un grand siège de velours rouge et avait une canne surmonté d'un énorme rubis posé à ses côtés. L'un des écrans affichait l'appartement d'Antoine où on le voyait en train de se faire consoler par ses trois amis. Tandis que l'homme masqué regardait cette scène avec attention, dissimulant toute émotion, un autre homme vêtu d'un smoking et de lunettes de soleil noires, avec des cheveux court blond, entra derrière lui. On aurait dit qu'il sortait tout droit d'un film d'espionnage, d'autant plus que son visage fermé rappelait les fameux sbires qu'employaient les méchants dans ce genre d'œuvre cinématographique. L'homme masqué ne se retourna pas mais il commença à glousser, d'une manière assez dérangeante.

« Eh bien! Il semblerait que Wilson soit de retour...

— Notre équipe d'intervention est prête. répondit l'homme avec un ton étrangement monocorde. Nous n'aurons aucune difficulté à les capturer.

— Inutile! N'attaquez pas immédiatement! J'ai d'autres projets plus... Particuliers. Attendez-les à l'extérieur, et faites-en sortes que personne d'autre ne puisse intervenir.

— Vous en êtes sur?

— Absolument! Allez-y!

— Bien monsieur. »

L'agent parti immédiatement tandis que l'homme masqué continuait de regarder les écrans qui s'affichaient face à lui. Son regard se posa sur une autre vidéo montrant une chambre d'hôpital. En voyant celle-ci, il serra le poing, faisant frotter ses gants de soie : on pouvait y voir Links, allongé dans un lit blanc, entouré par ses parents et Jérémy. L'homme masqué recommença alors à rire, de manière sardonique, créant un écho qui se répercuta dans toute la pièce...


Antoine se fit littéralement jeter dans la rue par ses trois amis : le pauvre avait eut à peine le temps de prendre une veste et son portable qu'il s'était fait entraîné à l'extérieur sans qu'on ne demande son avis. Contrairement à ses accompagnateurs, la joie, si on peut parler de "joie", n'était évidemment pas au rendez-vous.

« Je doute que ce soit si utile d'aller prendre l'air... souffla Antoine.

— Mec, ça fait trois jours que t'es enfermé, il faut que tu respires un peu, lui répondit Mathieu en lui donnant une petite tape dans le dos.

— Et puis, si ça ne va pas, on te ramène direct! Promis! renchérit Nyo.

— Et on va où comme ça? demanda-t-il.

— On devrait peut-être éviter les bars, non ? argua François.

— Allons plutôt marcher au bord de la Seine, c'est tellement romantique... proposa Nyo avec une voix mielleuse. »

Antoine hocha mollement la tête : après tout, pourquoi pas? Il souhaita juste que personne autour de lui ne commence à "penser" afin de ne pas entendre une cacophonie permanente. Il avait déjà briefé Mathieu, François et Nyo, qui avaient promis de faire attention, même s'il savait que c'était dur : lui-même avait dû mal à ne pas se parler dans sa tête, alors les autres... Il fut presque touché de voir ses amis se donner du mal à ce point car, pour le moment, il n'avait rien entendu. Alors qu'ils arrivaient dans un boulevard, Antoine s'arrêta soudainement et regarda droit devant lui : il y avait un vieil homme qui traversait la rue.

« Qu'est-ce que t'as? demanda Nyo.

— Je l'entends... murmura Antoine. »

François dévisagea Antoine quelque instants : ok, il avait beau avoir eu des preuves, il avait encore du mal à y croire. Il essaya toutefois de jouer le jeu, son ami était déjà suffisamment mal en point comme ça.

« Et qu'est-ce qu'il dit?

— Qu'il a baisé ta mère et qu'elle était bonne. »

François voulu étrangler Antoine mais celui-ci s'était déjà suffisamment éloigné pour éviter son attaque. Qui plus est, les éclats de rires de Mathieu et Nyo avaient attirés l'attention du monsieur qui les regardait bizarrement, cherchant à s'en aller au plus vite : autant ne pas en rajouter. Il se contenta simplement de le maudire du regard tandis que le présentateur de What The Cut reprit son chemin d'une manière nonchalante. En tout les cas, sa touche d'humour signifiait qu'il était en forme, c'était toujours ça de pris. Après de longues minutes de marche, ils arrivèrent dans une rue piétonne qui était étrangement vide. Et heureusement d'ailleurs : ils venaient de croiser un groupe de touristes japonais et Antoine avait entendu un brouhaha insupportable. Lui qui voulait faire un troisième hors séries sur le Japon, il en avait perdu toute envie. En tout les cas, plus le temps passait, plus le Fossoyeur commençait à croire au don d'Antoine, même si cela revenait à admettre l'existence de quelque chose qui lui semblait impossible de base. Il se demandait qu'elle réaction aurait Links en l'apprenant... Il s'arrêta : qu'est-ce qui arriverait si les fans de What the Cut apprenait qu'Antoine Daniel était un télépathe? Non, il ne fallait surtout pas qu'il en parle aux autres, qui sait qu'elles conséquences cela aurait.

« Ah! Parce qu'en plus, tu comptais te faire de l'argent sur mon dos! l'interpella Antoine.

— ...Tu sais, je te préférais quand tu ne lisais pas dans mes pensées! rétorqua le Fossoyeur.

— Oh mon dieu! hurla Nyo. Antoine nous entend! On est foutu! Haaaaaaa! »

Nyo fit alors semblant de fuir Antoine pour l'empêcher d'écouter ses pensées, ce qui fit rire Mathieu qui se joignit à lui. Les deux jeunes hommes courraient en criant, devant le regard médusé de François et Antoine qui firent semblant de ne pas les connaître. Au moins, il n'y avait personne pour voir ça, se disait le Fossoyeur. Un bruit de chute le fit soudainement se retourner : Nyo était tombé au sol, sur le dos, ce qui était assez étrange puisqu'il courrait en ligne droite. Comment avait-il fait pour tomber ainsi?

« Bah alors mon petit, tu tiens plus debout? s'exclama Mathieu comme s'il parlait à un enfant. »

Nyo ne répondit pas, il resta assit et tendit sa main en avant. François, perplexe, s'approcha lui aussi avec les deux autres. Ce qu'il vit le stupéfia : Nyo avait la main tendu, posé contre une surface invisible qui brillait légèrement en violet quand on la touchait. Antoine s'accroupit et fit de même en tapotant dessus : des ondes de choc violettes s'étendirent tout autour et enveloppèrent la rue avant de disparaître.

« Je ne suis pas tombé, je suis rentré là dedans... murmura Nyo.

— Oui, on avait compris, abrégea Mathieu. »

Antoine se redressa brusquement : il sentait quelque chose, comme s'il entendait des voix sans avoir le moindre son. Il regarda autour de lui : ça semblait venir de partout comme de nul part.

« Qu'est-ce que tu as? demanda François, inquiet.

— ...Il y a quelqu'un qui nous observe... »

Soudain, le temps sembla se figer autour d'eux, un bruit sourd enfla progressivement, faisant trembler leurs entrailles. L'instant d'après, le décor entier, le sol, les bâtiments, les décorations, même le ciel sembla pivoter, ou plutôt tourner comme les aiguilles d'une horloge, pour faire apparaître une version identique, en miroir, avec des couleurs en négatif. Pourtant, les quatre hommes étaient restés parfaitement immobile, ils n'avaient même pas changé de couleur et encore moins basculé : ils sentirent à peine un déséquilibre quand le paysage se replaça, provoquant toutefois un hoquet de surprise général.

« Oh bordel, qu'est-ce qui se passe?! s'écria Nyo.

— Les gars... murmura François. »

Le Fossoyeur regardait l'autre bout de la rue. Droit devant lui se trouvait un homme armé d'un lance roquette argenté : c'était l'homme au costume noir. Celui-ci ne disait rien : il regardait juste fixement les quatre hommes derrière ses lunettes noires, avec un air étrangement neutre.

« Mais... Mais c'est quoi ce cirque?! C'est qui lui?! s'exclama Nyo, à bout de nerf.

— Je n'arrive pas à lire dans son esprit... chuchota Antoine, paniqué.

— Excusez-moi monsieur, vous pouvez nous expliquer ce qui se passe? tenta Mathieu qui regretta presque instantanément.

— Mais t'es con, pourquoi tu demandes ça?! s'exclama François.

— Je sais pas... Réflexe? »

L'homme ne répondit pas à la question de Mathieu. Le plus effrayant, c'est qu'on ne voyait pas ses yeux derrière ses lunettes. Il arma subitement son lance roquette, ce qui acheva de terroriser les vidéastes, il visa et tira. La roquette, qui ressemblait à une boule d'étincelles blanche, fila à une vitesse alarmante vers le groupe. François eut juste le temps de saisir Antoine et de se jeter sur le côté comme dans les films d'actions, pour esquiver, tandis que Mathieu et Nyo se baissèrent. Le souffle de l'explosion qui s'en dégagea firent littéralement voler les deux amis qui se retrouvèrent projeté contre un échafaudage. Antoine assista impuissant à la déflagration, paralysé par la peur. Cependant, ils se relevèrent assez rapidement, ce qui le rassura. De son côté, il s'était réfugié avec François derrière un podium : le Fossoyeur regardait l'autre côté de la rue, abasourdis, et il y avait de quoi : l'homme s'apprêtait à relancer une seconde roquette et ils n'avaient aucun moyen pour se défendre.

« Putain mais c'est quoi ce merdier?! s'écria François à lui même.

— ...François, ce que je vais te dire va te sembler complètement taré mais je crois qu'il faut qu'on se débarrasse de ce mec pour s'en sortir!

— Ah mais oui, bien sur! Allons tous ensemble, main dans la main, affronter dans la joie et la bonne humeur le type armé d'un PUTAIN DE LANCE ROQUETTES! hurla Le Fossoyeur.

— T'as une autre idée peut-être?! En supposant qu'un mur invisible nous empêche d'aller chercher le GIGN et qu'on est dans une dimension parallèle!

— ...Une dimension parallèle?

— Tu appellerais ça comment toi? »

François plongea son regard dans celui d'Antoine : l'heure n'était plus à la discussion. Tous ce qui lui arrivait était digne d'un film à gros budget, il ne pouvait plus le nier, il était donc tout à fait logique qu'il résonne de la même manière. Il prit alors son courage à deux mains et se glissa discrètement sur le côté.

« Je vais faire diversion. Essaye de l'attaquer par derrière. »

Antoine hocha la tête puis se faufila vers une terrasse adjacente. De là, il pouvait aisément passer derrière le mystérieux tireur et l'assommer : les chaises en fer forgés qui se trouvaient là, justement, feraient parfaitement l'affaire. De son côté, François se plaça au milieu de la rue, fit des grands signes avec ses bras et commença à courir dans tout les sens. Heureusement pour lui, la rue était suffisamment large pour lui permettre d'esquiver sans trop d'encombre et il courrait assez vite contrairement à son adversaire dont l'arme avait une cadence de tir assez lente. Le Fossoyeur prit au passage le soin d'éviter d'attirer l'agent secret vers Nyo et Mathieu qui, entre temps, s'étaient réfugiés sous l'échafaudage où ils avaient été violemment projeté auparavant. Les coups pleuvaient mais, bizarrement, ils ne faisaient pas autant de dégâts, ils ne faisaient même rien : pas une marque sur le sol, pas un objet renversé, juste le souffle chaud des explosions qui atteignaient nos héros. Le lance roquette et son utilisateur n'était décidemment pas banals.

« Tu as vue, les roquettes n'affectent que nous, pas le décors, chuchota Nyo.

— Oui, j'avais remarqué. Il faut croire que tout ce qui est en négatif est intouchable... conclut Mathieu. »

Soudain, un bruit de fer se fit entendre. Le tireur s'était arrêté net : derrière lui se trouvait Antoine, armé d'une chaise en négatif, qui venait de le frapper à la tête. Cette attaque fut visiblement inutile vue qu'il n'avait même pas une égratignure et la chaise semblait n'avoir subit aucunes déformations malgré l'impacte. L'homme se retourna lentement vers son agresseur qui lâcha son "arme", terrorisé. Il fit un pas vers lui, repoussa la chaise d'un coup de canon puis brandit son arme directement face au visage d'Antoine. Le présentateur de What The Cut ferma les yeux. Par réflexe ou par peur, ça il n'en savait rien : on le menaçait avec une arme et on allait potentiellement lui tirer dessus, ça il en était certain. Sous l'échafaudage, Mathieu réfléchissait à toute vitesse : il devait faire quelque chose et vite! Son regard se posa sur un tas de briques et de ferrailles laissés à l'abandon. Il n'avait que ça mais c'était de la folie... Mais visiblement, Nyo n'en conclut pas la même chose. Vif comme l'éclair, il plongea sa main dans l'amas de matériaux et se précipita dans la rue, malgré les appels désespérés du présentateur de Salut les Geeks.

Ces cris forcèrent Antoine à rouvrir les yeux : il vit alors le dessinateur se précipiter sur lui, une barre de fer à la main. Malheureusement, ce regard le trahit : subitement, l'agent secret se retourna et tira. Il y eut instantanément une explosion assourdissante qui aveugla toutes les personnes présentes. Antoine en tomba même à la renverse, soufflé par la puissance de la déflagration. Mathieu, lui, n'entendait plus qu'un sifflement lourd dans ses oreilles qui le déstabilisa au point de le faire vaciller. Cependant, quand la lumière s'estompa, il retrouva ses esprits et se risqua à se mettre à découvert pour chercher son ami. Il aperçu d'abords François qui était en train de se relever : lui aussi avait dû être déséquilibré. Mais alors qu'il était à genoux, celui-ci s'arrêta brusquement. Son regard se décomposa petit à petit, dévoilant une sorte de terreur soudaine. Mathieu se tourna alors machinalement dans la même direction... Puis il le vit. Quelques mètres plus loin. Au sol. Immobile. Une bar de fer dans la main. Le choc. Le sang qui se glace. Le souffle coupé. L'ouïe qui revient subitement. Mathieu l'interpella d'une voix blanchit par la surprise, puis une deuxième fois en tremblant, mais ce fut en vain : Nyo ne bougeait plus.

Cette vision avait littéralement figé le Fossoyeur : il venait de voir un homme tirer sur l'un de ses amis. Il avait tenté de le tuer. D'abords, Antoine devenait télépathe et maintenant, il se passait "ça"... Mathieu était désormais en train de se précipiter au chevet de Nyo en hurlant de désespoir, les larmes aux yeux. Le tireur, de son côté, était au milieu de la rue, aucune émotion ne traversait son visage. Et lui, François Theurel, était à genoux, effondré, ébranlé par cette vision. Le bruit de l'explosion résonnait encore dans dans sa poitrine, faisant battre son coeur à une vitesse folle. Ce grondement, il n'entendait plus que lui, ainsi qu'une question : Pourquoi? Pourquoi s'attaquer à lui? À eux? Ils n'étaient pas armés, ils n'avaient aucun moyen de défense. On ne leur accordait même pas la possibilité de fuir et encore moins de comprendre ce qu'ils avaient fait pour mériter ça, alors pourquoi? Il n'y avait aucune raison à ses yeux et malgré tout, Nyo avait été gravement touché... Peu à peu, ses tremblements d'effroi devinrent un bouillonnement de rage : il sentit alors une sorte de second souffle l'envahir, une envie de vengeance prit lentement place dans son cœur. D'où provenez cette sensation? Il n'en savait rien et ça n'avait aucune importance à ses yeux. Il jeta un regard à la fois vide et dur sur l'homme en costard, devenu son seul intérêt désormais : il allait payer.

De son côté, l'homme se tournait de nouveau vers le créateur de What The Cut : lui aussi semblait décontenancé à la vue du corps de Nyo. Cependant, l'arrivé subite du canon face à lui le ramena subitement à la réalité : le vidéaste se figea tel un animal prit dans les phares d'une voiture, s'arrêtant même de respirer. Il cligna à peine des yeux quand la fumée du canon, si proche de lui, effleura son visage. Serrant les dents, il s'attendait à partir dans le décor à son tour. Il s'imaginait déjà la douleur qu'il allait subir, le bruit, la mort... Mais il n'en fut rien: un éclair de lumière jaillit à côté de son agresseur qui se retrouva propulser en l'air. Antoine, par réflexe, eut juste le temps de se jeter en arrière, face contre terre, pour apercevoir l'homme au lance roquette finir son vol plané dans une terrasse adjacente. Une fois encore, aucune trace de dégâts : les chaises et les tables étaient ridiculement intactes. Il y eut alors un silence : plus d'explosions, plus de cris, plus rien. Ce calme soudain rassura le vidéaste qui eut un soupir de soulagement. Cependant, un détail le perturba : la lumière était toujours présente. Il se retourna pour la voir, il crut halluciner : le Fossoyeur de Films était derrière lui, une aura blanche émanait de lui et faisait doucement flotter ses cheveux et sa veste. Dans ses mains se trouvaient la Sainte Pelle, Pupuce pour les intimes, brillant de la même énergie. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, elle semblait vivante comme dans les chroniques de son propriétaire. Antoine en resta bouche bée tandis que son acolyte gardait les yeux rivés sur son adversaire, comme si de rien n'était.

« François, tu...

— Non! Après! coupa le Fossoyeur. »

François se précipita immédiatement vers la terrasse : l'homme était en train de se relever, repoussant de manière surprenamment violente tous les objets et décors qui lui faisaient barrage. Antoine resta quant à lui immobile, trop secoué pour réfléchir correctement. Quand l'agent secret vit le Fossoyeur arriver, il reprit son lance roquette d'une main ferme : celui-ci scintilla d'une lueur violette et se transforma en épée qu'il brandit immédiatement dans sa direction, prêt à en découdre. Le Fossoyeur n'en fut cependant pas impressionné, au contraire : il se mit en position de combat, ne quittant pas l'homme des yeux. Il rapprocha juste la plaque de métal de son visage puis il lui murmura d'une voix sombre et détachée :

« Pupuce, à toi de jouer... »

Cette phrase déclencha le début d'un combat d'épée contre pelle, devant le regard ahuri d'Antoine et Mathieu, qui quitta difficilement Nyo des yeux : ils furent surpris de constater que François magnait remarquablement bien sa pelle, la faisant tournoyer dans ses mains et donnant des coups précis et puissants. Plus incroyable encore : le manche en bois résistait aux coups d'épée sans avoir une seule marque. Mais l'heure n'était pas à l'admiration : le présentateur de What The Cut profita de l'affrontement pour rejoindre Mathieu. Il retenait tant bien que mal Nyo dans ses bras, faisant attention à ne pas le mettre dans une position inconfortable : aussi étrange que cela puisse paraître, il n'avait aucune trace de blessure. Pas de brûlures, pas de coupures, rien.

« ...Est-ce qu'il est...

— Je crois qu'il va bien... répondit immédiatement Mathieu d'un air distant. Il respire, son cœur bat toujours... Je n'ai pas compris ce qui s'est passé personnellement.

— Moi non plus, renchérit Antoine, cette histoire était déjà trop bizarre de base mais là... Je ne sais même pas comment on va faire pour sortir d'ici... »

Ils sursautèrent : une détonation retentit subitement. Ils entendirent François les avertir puis ils virent une nouvelle roquette foncer droit sur eux. Antoine chercha désespérément une issue mais c'était peine perdu : ils n'avaient plus le temps d'esquiver, surtout avec Nyo. La scène sembla se dérouler au ralenti pour Mathieu : la roquette allait les frapper de plein fouet dans à peine quelques secondes. Il ne pouvait rien faire, si ce n'est utiliser son corps comme bouclier pour les autres... Courageusement, il se précipita devant ses deux amis, ferma les yeux et se prépara à encaisser le choc. Il entendit Antoine hurler mais il ne bougea pas, même s'il sentait la mort arriver.

Et soudain, il douta : qui était-il pour servir de bouclier humain? Une demi-portion d'un mètre soixante incapable d'ouvrir ne serait-ce qu'un pot de cornichon seul? Et pourtant, il essayait d'arrêter une roquette. Il se surprit à regretter son geste mais ses jambes refusèrent de bouger. Pas parce qu'il était terrorisé mais parce que son coeur lui disait de rester : il n'avait pas à regretter, c'était ses amis, ceux en qui il tenait le plus, il devait le faire, il devait se sacrifier pour eux. Nyo l'avait fait pour lui, il le lui devait bien en retour. Mais est-ce que ça suffirait? Certainement pas. S'il était blessé, personne ne pourrait les protéger par la suite et cela n'allait pas guérir le dessinateur. Si seulement il avait eu autre chose pour se défendre. Si seulement quelqu'un d'autre était venu le secourir. Si seulement il avait eu de l'aide. Si seulement...

Il ressentit alors une vive douleur, si forte qu'il crut au début qu'il allait s'écrouler. Mais ça ne ressemblait en rien à ce à quoi il s'attendait. On aurait dit que sa peau s'arrachait au niveau de sa poitrine... Ou plutôt que quelque chose en sortait tout en arrachant ce qui l'entourait.

Il entendit alors l'explosion.

Il sentit son souffle à travers ses cheveux.

Il ressentit la chaleur effleurer ses joues.

Mais rien ne se passa.

Il rouvrit les yeux : quelqu'un était devant lui, vêtu d'un costume noir et armé d'un pistolet. Il venait visiblement de s'en servir pour faire exploser la boule d'étincelle en plein vol. Cette personne, il l'avait déjà vue quelques parts. Il la voyait même très régulièrement, elle lui ressemblait beaucoup, d'ailleurs.

« Eh ben gamin, t'en auras mis du temps à me faire sortir de là! lui dit-il en se retournant, un sourire narquois aux lèvres.

— Mais qu-... Patron?! s'exclama Mathieu, abasourdi.

— En chair et en os! Alors, on se tape la discute ou on va biffler ces tireurs de pacotille? »

Il regarda derrière le Patron : il découvrit alors, avec un certain effroi, que l'homme à l'épée (et non pas la rapière ololol référence pop culture t'as vus) s'était multiplié en trois, encerclant le Fossoyeur qui, malgré son air digne, semblait dépassé. Mathieu se rappela alors de sa douleur à la poitrine : il fut surpris de constater qu'il n'avait aucune blessure. C'était sans doute l'apparition du Patron qui avait causé cette sensation. Il se tourna vers Antoine : le pauvre semblait tout aussi perdu. Quant à Nyo, il n'avait toujours pas reprit conscience : les deux étaient vulnérables, ce n'était pas le moment de douter. Il fit signe à son acolyte de veiller sur le dessinateur et s'élança vers la mêlée avec le Patron à ses côtés. Il analysa rapidement la situation : les deux autres clones étaient respectivement armés d'un bouclier argenté et d'un autre bazooka, c'était sans doute lui qui avait tiré. Maintenant, il devait les affronter. Il ferma les yeux quelques instants : il fallait qu'il se remette dans les mêmes conditions qui lui avait permit d'invoquer sa personnalité psychopathe. Suivant son instinct, il tendit son bras, déploya ses doigts : un pistolet de Duck Hunt apparu subitement dans sa main, mais son invocation ne déclencha aucune douleur cette fois-ci. Mathieu rouvrit alors les yeux, dévoilant un regard déterminé, et tira avec sur l'un des mystérieux clones qui tenta de contrer ses tires avec son bouclier.

« Je crois qu'il est temps de passer en corps à corps gamin! »

Effectivement, ils allaient bientôt être trop proches pour tirer de loin. Instinctivement, il laissa tomber son pistolet pour faire apparaître une autre arme : un bâton de bambou suffisamment long pour l'utiliser comme une lance. Le pistolet, resté au sol, brilla et changea de forme pour devenir... Le Geek.

« Coucou Mathieu!

— Oh non! Il est là lui aussi?! s'exclama Mathieu tout en s'arrêtant.

— Oui, je sais, j'ai essayé de le buter mais il est increvable ce con... souffla le Patron.

— Mais... Mais... Mais pourquoi vous êtes méchants avec moi?! pleura le Geek.

— On n'a pas le temps de discuter! le coupa le Patron. »

Mathieu arma sa lance et commença à se battre contre le clone au bouclier, tandis que le Patron prit l'autre à partie en le désarmant à mains nues avec des poings américains. Le Geek, quant à lui, rejoignit Antoine en chouinant : le vidéaste venait d'installer Nyo contre un muret suffisamment éloigné pour qu'il soit en sécurité. Quand il vit le gamin arrivé, il ne put s'empêcher d'être désolé pour lui.

« Alors, si j'ai bien compris, Mathieu peut vous matérialisez soit sous forme humaine, soit sous forme d'arme? demanda-t-il quand même. »

Le Geek répondit en faisant un petit oui de la tête. Antoine devait l'admettre, c'était classe... Ou pas. De son côté, Mathieu se battait avec des techniques asiatiques qu'il n'aurait jamais soupçonné maîtriser. D'ailleurs, il ne se souvenait pas non plus d'avoir prit des cours de tirs. Ça devait faire partie de son "pouvoir". D'ailleurs, voir les personnages qu'il avait inventé se battre à ses côtés avait quelque chose d'assez amusant. Mais l'heure n'était pas au jeu : il devait se débarrasser de ce type et de ses frères jumeaux au plus vite. D'ailleurs, celui-ci se multiplia encore une fois, formant désormais une équipe de six. Aux grands mots les grands remèdes, Mathieu lâcha son bâton, qui devint Maître Panda, et tenta de faire apparaître une nouvelle arme. Cependant, à la place, il se retrouva directement avec le Hippie, pour son plus grand étonnement.

« ...Bah, j'ai plus d'armes? lui demanda Mathieu.

— Faites l'amour pas la guerre gros! répondit le Hippie avec sa voix shootée.

— ...Oh purée... Bon, Le Hippie... Va avec Antoine!

— Hé! Je suis pas la babysitter de service! rétorqua Antoine derrière le muret.

— Et toi le Geek, occupe-toi de ce type là! continua Mathieu en l'ignorant.

— Oki! répondit le Geek avec un grand sourire satisfait, derrière le muret lui aussi. »

Le Gamin sauta aisément par dessus l'abri de fortune et invoqua un Powerglove qu'il utilisa pour frapper l'un des clones avec une force impressionnante, ce qui surprit le Patron entre deux coup de poing : décidemment, ce petit pouvait se révéler pleins de surprise, et il avait hâte d'en voir plus... De son côté, François réussit enfin à se débarrasser d'un autre double en le frappant en plein cœur.

« C'est le cœur leurs points faibles, visez le cœur! hurla-t-il pour couvrir le bruit.

— Le cœur?! Sérieusement?! s'exclama Mathieu.

— Oui, et vous avez mit dix minutes à le capter... répondit Maître Panda.

— Tu pouvais pas nous le dire dans ce cas?! rétorqua le Patron. »

Mathieu soupira : il se sentait vraiment stupide sur le coup. Quoi qu'il en soit, il devait se fabriquer une nouvelle arme. Il se concentra de nouveau et réussit à faire apparaître un fusil de chasse : ça devait être l'arme du beauf. Déterminé, il la prit en main et tira à distance sur les clones...

Derrière la barricade, Nyo se réveilla enfin, difficilement mais surement. Ses muscles étaient tous complètement engourdis et courbaturés, comme s'il avait été violemment secoué. Quant à ses sens, ils mirent du temps à revenir, en particulier sa vision devenu floue et son ouïe absente. Et autant ne pas parler de sa mémoire : le choc avait dû être très violent pour qu'il ait oublié ses dernières vingt-quatre heure. Toutefois, il prit le temps de s'asseoir pour retrouver ses esprits : temps qu'il n'avait pas une vue correcte, il ne pouvait rien faire de toute façon. Peu à peu, il commença à ressentir des vibrations étranges dans le sol, de légères secousses qui se ponctuait par un bruit grave de plus en plus fort et net... Attendez, mais c'était des explosions?! Sa peur soudaine lui rendit toutes ses capacités et le fit bondir littéralement, lui permettant de voir de l'autre côté du muret. Et là : le vertige. Il crut s'évanouir une nouvelle fois en voyant le spectacle qui s'offrait à lui : six hommes en costumes affrontaient François, armé de la Sainte Pelle ainsi que Mathieu, le Geek, Maître Panda et le Patron. Antoine était à quelques mètres de lui et admirait la scène tandis que le Hippie... Eh bien en faites le Hippie ne faisait pas grand chose vue qu'il était complètement défoncé... Voilà.

Quoi qu'il en soit, Nyo se colla au muret et glissa lentement pour se rasseoir. Il se souvenait de tout à présent, le lance roquette, le coup, le choc, les cris, tous. C'était déjà ça de pris. Cependant, quelque chose le perturbait. Non pas qu'il avait du mal à y croire, il avait suffisamment mal pour être convaincu. Non, c'était autre chose, comme-ci quelque chose le regardait, ou plutôt l'appelait. Il leva le regard : quelque chose venait d'apparaître juste au dessus lui. Au même moment, l'affrontement faisait toujours rage sous les yeux désarmés d'Antoine : non seulement, les clones semblaient sur-entraînés, mais en prime dés que l'un mourrait, un autre apparaissait. Au moins, il était en sécurité dans un endroit où il ne dérangerait personne... Jusqu'à ce que l'un des clones ne le remarque. Antoine se figea, le clone aussi. S'entama alors une bataille de regard entre les deux protagonistes : l'un avait un regard qui tanguait entre la stupeur et la confusion, l'autre avait plutôt l'air "neutre", même si la notion de neutralité était quelques peu inappropriée ici. Cette bataille "acharnée" ne dura que sept secondes précisément, juste le temps que le clone ne profite d'un moment d'inattention de Mathieu et François pour se précipiter sur lui. Affolé et n'ayant que peu de temps pour réagir, Antoine saisit en catastrophe le Hippie, qui ne comprenait pas ce qui lui arrivait, et s'en servit comme bouclier humain en le retenant par les épaules.

« Mais c'est pas vrai, ils sont encore pire des mobs : ils repop en bouclent! s'exclama Antoine qui faisait abstraction des cris affolés du Hippie.

— J'ai vue ça, merci! répondit le Fossoyeur tout en parant un coup d'épée. »

Antoine enragea intérieurement : ses capacités mentales ne lui permettait pas de se battre, concrètement. Il était impuissant face à ce combat, il en était même réduit à utiliser un drogué pour se défendre : on était tombé plus bas que le comble lui-même. En tout les cas, le Hippie était solide et ses mouvements affolés étaient inexplicablement efficaces face au clone. Mais ça n'allait surement pas suffire éternellement.

« Gros, attention! »

Antoine se sentit alors repoussé en arrière : le Hippie venait de se jeter sur lui pour le plaquer au sol (ou alors il l'avait entraîné dans sa chute, à vous de voir).

« Mais qu'est-ce que tu... »

Un choc suivit d'un bruit de craquement le coupa net. Derrière eux, le clone était en train de tituber, quelque chose était enfoncé dans sa poitrine : un pieu en fer noir. L'empalé recula encore d'un pas puis s'écroula et disparu dans un éclat mauve. Le vidéaste écarta doucement le Hippie et se tourna vers l'origine du tir : il aperçu Nyo, armé d'un stylet de tablette graphique, en train de dessiner anormalement rapidement dans le vide. Chaque geste du stylet laissait un trait blanc étincelant dans les airs, comme s'il dessinait réellement. Quand il eut finit, son œuvre scintilla puis se transforma en un véritable arsenal de missiles figé dans les airs. Nyo brandit alors son bras vers les clones ce qui enclencha le lancement des armes : celles-ci se mirent enfin à bouger et filèrent vers leurs cibles, provoquant une vague d'explosions petites mais redoutables.

« Je vous couvre, met toi à l'abri! lança-t-il avant de dessiner de nouveau. »

Antoine approuva, n'ayant pas vraiment le choix, et emmena le Hippie avec lui derrière la tonnelle d'une terrasse. Tout en se cachant, il constata, non sans honte, que c'était devenu un automatisme pour lui de faire ça : sans déconner, ça faisait combien de fois qu'il se mettait à l'abri pendant qu'un autre le défendait? Trois fois? C'était limite un running gag à ce niveau là! En tout les cas, l'arrivé de Nyo dans la mêlée sembla débloquer miraculeusement le combat. Grâce aux missiles, à la Sainte Pelle et aux "Mathieus", tous les hommes en costume furent vaincus les uns après les autres, sans répit, jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un seul : l'original, en somme. Ce dernier ne prit même pas la peine de se cloner une nouvelle fois, il baissa juste les armes tout en gardant une posture droite. Tous les nouveaux combattants se mirent face à lui, prêt à en finir, mais malgré leur supériorité numérique, il ne bougea pas plus que ça, ce qui intrigua Antoine : mais que manigançait-il?

« On va la faire courte, déclara Mathieu de sa voix la plus grave possible. Qui es-tu? Pourquoi nous avoir attaqués? Et où sommes-nous?

— J'ai pour mission de vous anéantir, pas de vous répondre. »

L'homme tendit subitement sa main droit devant lui. Avant que les autres n'eurent le temps de réagir, une onde de choc mauve dégageant un bruit d'ultra-son apparu au sol et s'étendit tout autour, ce qui eut pour effet de clouer François, Mathieu, Nyo, le Geek, Maître Panda et le Patron instantanément au sol, comme si l'attraction terrestre avait soudainement augmentée. Seuls Antoine et le Hippie n'étaient pas affectés par le phénomène, étant trop loin de l'épicentre. Ils étaient donc les pauvres spectateurs de ce carnage, obligés de voir leurs amis souffrirent le martyr sans pouvoir intervenir.

« Mais d'où sort cette putain d'attaque?! marmonna Antoine d'une voix étouffé.

— Il a attendu le dernier moment pour l'utiliser, répondit le Hippie, c'est pas fair play gros! »

Même si son ton était détaché, Antoine arriva toutefois à déceler de l'angoisse chez le drogué. Leur ennemi commun, lui, baissa lentement le bras, revenant à une posture plus classique. Cependant, l'onde était toujours présente. Antoine le regarda nerveusement : est-ce qu'il regardait au moins ses victimes au travers de ses maudites lunettes opaques?! Il fut surpris quand il reprit la parole.

« Vous allez être vidé de votre énergie, puis aplati et j'aurais accompli ma mission.

— Je... Peux plus... Bouger... gémit Mathieu qui sentait ses forces disparaître. »

Peu à peu, les personnalités de Mathieu s'évaporèrent, une par une. Quand ce fut au tour du Hippie, celui-ci échangea un regard affolé avec Antoine : pour une fois qu'il semblait avoir compris la gravité de la situation, il fallait qu'il disparaisse ainsi... Il fut très vite suivit de Pupuce et du stylet magique de Nyo, dont les maîtres semblaient eux aussi paralysés au sol. Ils avaient désormais tous l'impression que leurs entrailles se faisaient aspirer par les ondes, déclenchant en eux une douleur si insupportable qu'elle leur fit perdre petit à petit conscience. Antoine, qui était resté caché, tétanisé par la peur, ne devait pas laisser faire ça, mais il ne pouvait rien faire pour se battre : son pouvoir télépathique, déjà inutile dans ce genre de situation, semblait inefficace sur lui. Et s'il s'approchait, il subirait le même sort et son sacrifice aurait été vain. Il se concentra pour trouver une solution, regarda autour de lui, tenta de se souvenir de tous les films d'actions qu'il avait vue où le héro se retrouvait dans ce genre de situation, mais il n'avait rien : il était seul. Pourquoi fallait-il qu'il ait le pouvoir le moins utile de la Terre? À quoi cela lui servirait-il d'entendre et de sentir l'esprit des gens?! À rien! Lui qui avait déjà du mal à contrôler son propre esprit alors celui des autres...

Tout à coup, il eut un déclic, ou plutôt une révélation : le mot "contrôle" résonnait désormais dans sa tête dans un grondement anormalement lourd. Suivant son instinct, il laissa cet écho enfler dans son esprit et ferma les yeux, se concentrant sur ses sens. Le temps sembla alors s'arrêter autour de lui : il ressentit sa propre respiration, ses battements de cœurs, l'air balayant ses cheveux... Il décida d'aller plus loin, inspira profondément, détendant ses muscles. Il détecta alors trois présences, ou plutôt trois auras : celles de ses amis. Ceux qui s'étaient battue devant lui et qui était sur le point de mourir. En s'approchant, il pouvait sentir leur souffrance, leur désespoir, leurs larmes de douleur, leur peur de la mort. Et non loin de là se trouvait leur ennemi, immobile, sans aucune aura pour l'identifier : celui qui allait regretter de les avoir fait souffrir. Il ressentit alors une nouvelle sensation, une énergie mystérieuse partant de son cerveau et courant dans ses veines jusqu'à ses mains... Ça y est, il savait quoi faire maintenant. Il ouvrit brusquement les yeux : ses iris scintillaient d'un bleu froid et étincelant comme la glace. Emplit d'une détermination indescriptible, il se leva et se dirigea d'un air assuré et calme vers l'homme en costard. Celui-ci se tourna lentement vers lui, ne bougeant qu'à peine la tête tel un audio-animatronic, tandis que le vidéaste se plaçait pile à la limite de l'onde mauve.

« Je me disais bien que j'avais oublié quelqu'un. Qu'importe : tu recevras le même sort que tes camarades. »

Il visa Antoine avec sa main et lança une nouvelle onde de choc. Contrairement à sa précédente, qui se déployait en cercle, celle-ci fila directement en flèche vers sa cible, sans s'étaler aux alentours. Mais alors que son attaque paralysante arrivait sur le vidéaste, celle-ci entra en collision avec une vague d'énergie bleu pâle qui la repoussa aisément, laissant, pour la première fois, son lanceur muet de stupeur.

« Comment est-ce possible? demanda-t-il de sa voix monocorde. »

Antoine s'avança lentement vers lui et marcha sur l'onde sans aucune difficulté : chacun de ses pas laissaient une empreinte bleue au sol qui disparaissait rapidement et semblait le protéger des effets de l'attaque.

« Je viens de comprendre quelle était réellement la nature de mon pouvoir, répondit-il d'un air étrangement décontracté, je ne fais pas qu'entendre les pensées : je manipule les esprits. C'est bien ce que font tous les psychopathes de mon genre, pas vrai?

— Malheureusement pour toi, je n'ai ni âme, ni esprit, répondit l'homme tandis qu'Antoine se plaçait entre lui et ses amis. Tu ne peux rien contre moi.

— Oh! Mais je le sais bien! Ça ne m'étonne même pas d'un blond d'ailleurs! Vous êtes comme les roux : tous les mêmes déchets de l'humanité! Moi, en revanche, j'en ai un d'esprit. Et je peux non seulement m'en servir pour réfléchir, mais aussi pour faire bien plus... »

Ses yeux brillèrent de nouveau en bleu, faisant sursauter son ennemi. Une énergie de la même couleur envahit peu à peu les veines de ses mains qui scintillèrent à leur tour comme des cristaux. Antoine prit le temps de les admirer quelques instants : en voyant cela, il eut un sourire narquois : lui qui se sentait impuissant il y a quelques minutes, il avait désormais l'impression d'être invincible. L'homme en costard, réalisant le danger imminent, se prépara à faire apparaître une arme pour riposter, mais il ne lui laisserait pas cet honneur, ça non. C'était trop tard pour lui, beaucoup trop tard.

« Regarde plutôt. »

Il brandit à son tour sa main droite en avant, créant un puissant laser dévastateur qui s'abattit sur son adversaire. La réaction fut instantané : au travers de l'attaque, on pouvait l'entendre hurler de douleur à s'en déchirer les cordes vocales. Mais cela ne troubla pas le vidéaste, bien au contraire : « Quelle ironie, se disait-il, la seule chose qu'il ressentira aujourd'hui sera la douleur ». Le hurlement s'évanouit peu à peu, laissant place au silence. Antoine vit alors la silhouette de sa cible se recroqueviller dans une position inhumaine avant d'être consumer et de disparaître dans un nuage de cendre. Il maintint le rayon quelques instants, s'assurant que l'homme était bien hors d'état de nuire, puis s'arrêta, faisant s'évanouir lentement l'énergie de ses veines. L'onde de choc avait désormais disparu, libérant François, Mathieu et Nyo qui se remettaient difficilement de l'attaque. Il soupira de soulagement : ils allaient tous bien, il avait réussit à les sauver. Le vidéaste commença alors à réaliser ce qu'il venait de faire : il s'était dressé face à un homme armé, il l'avait défié puis atomisé avec un rayon laser d'une puissance colossale, le tout avec une simplicité et un courage insoupçonné. Il sentit son coeur s'emballer, c'était dingue quand même : ce matin, il pouvait lire les pensées des gens et maintenant, il pouvait faire "ça". Et ses amis qui s'étaient aussi battue, c'était... C'était...

Il ressentit alors quelque chose d'anormal : un bourdonnement dans sa tête. Très vite, il fut prit d'une bouffée de chaleur, suivit d'un violent vertige qui le déséquilibra complètement. Sa vue se troubla et, sans comprendre ce qu'il lui arrivait, il s'écroula au sol, perdant complètement le contrôle de son corps. Les voix de ses trois amis lui parvinrent mais il ne les entendait pas, il n'avait plus la force de réagir à ce qui l'entourait et encore moins de répondre. Sans réussir à résister d'avantage, il ferma les yeux et sombra dans l'inconscience...


Frédéric et Sébastien, les deux présentateurs de Joueur du Grenier, et leurs copines, Sorina et Shun, s'étaient retrouvés chez les Breut pour une partie de jeux vidéos, afin de se détendre après le long week-end que la petite famille venait de vivre. Ils étaient donc tous en train de jouer à Mario Kart, dans la joie et la bonne humeur... Non, je plaisante : la mauvaise foi était évidemment au rendez-vous.

« Je ne suis pas d'accords! hurla Fred en jetant sa manette. Vous avez triché!

— Mais de quoi tu parles?! s'insurgea David. C'est pas notre faute si tu as eu deux carapaces bleues d'affilées!

— Mais j'étais même pas à la première place! J'était septième! SEPTIÈME! DERNIER!

— À mon avis, t'étais tellement loin derrière que la console a bugé et a cru que t'étais premier! rétorqua Seb. »

Fred lança un regard assassin à Seb qui continua de faire le guignol, faisant rire les frères Breut. Chachou, de son côté, sélectionna une autre course. Elle avait bien envie de mettre la route arc en ciel, juste pour les embêter, mais elle se retint et mit un simple circuit Mario : comme ça tout le monde sera content.

Au moment où la course allait démarrer, quelqu'un frappa à la porte d'entrée. David sembla soucieux : personne n'était censé venir à cette heure-ci pourtant..

« Vous attendiez quelqu'un? demanda Charlotte.

— Normalement non, ça serait les voisins? demanda Jérémy.

— Si tu tiens tant que ça à le savoir, va ouvrir! proposa David avec un grand sourire.

— ...Tu vas me me le faire payer à la puissance mille si je n'y vais pas, je suppose? »

David continua de sourire de manière malsaine, Jérémy n'insista donc pas et se leva pour ouvrir : c'était lui l'aîné après tout. Tandis qu'il s'engageait dans le couloir, Jammin et Hicetea se mirent à s'agiter dans tout les sens, sans raison.

« Bah! Qu'est-ce qui vous arrive? s'étonna Chachou. »

Les chiens semblaient surexcités, ils n'obéirent même plus à leurs maîtres qui ne réussirent pas à les retenir plus longtemps : ils se jetèrent à leur tour dans le couloir pour rejoindre Jérémy. Charlotte se tourna vers David : c'était la première fois qu'il se comportait ainsi. Elle commença à s'inquiéter : est-ce que c'était le mystérieux visiteur qui les mettaient dans cet état là? Les autres entendirent alors la porte s'ouvrir puis le temps sembla se figer. Une sorte suspens s'instaura. Mais il n'y eut rien, juste un silence total, long et inquiétant. David attendit, au cas où, puis appela son frère... Pas de réponse. Il finit par entendre des bruits de pas : Jérémy revint finalement dans le salon avec les deux chiens. Ils étaient suivit d'une autre personne, connu de tous.


Chez Mathieu, c'était le chaos total : Antoine n'avait toujours pas repris connaissance et Mathieu galérait à déplacer son canapé pour lui permettre de s'allonger. Non seulement parce qu'il était très lourd, mais aussi parce que Wifi, heureux de revoir son maître, n'arrêtait pas de s'accrocher à ses baskets. De leurs côté, Nyo et François soulevait Antoine avec une certaine difficulté.

« Mais dépêche toi, nom d'une pipe : il pèse lourd cet abruti! s'écria François.

— Ne vous plaignez pas : vous êtes deux pour le porter et je suis sûr que ce canapé pèse plus lourd! rétorqua sèchement Mathieu. »

Après un ultime effort, il finit par réussir à placer correctement le canapé en face d'eux. Nyo et François n'attendirent pas plus longtemps et lancèrent littéralement Antoine dedans, savourant enfin la perte de leur "fardeau". Après avoir reprit leur souffle, ils se mirent d'accords pour l'installer un peu plus convenablement, le pauvre ayant une posture qui aurait pu soit l'empêcher de respirer, soit le rendre tétraplégique, puis ils prirent chacun une chaise et se turent. Wifi en profita pour monter sur les genoux de son maître qui lui gratta le dos, provoquant un ronronnement absolument adorable. C'était la seule source sonore environnante : le déplacement d'Antoine n'avait été qu'un "prétexte" pour éviter de parler de ce qu'il s'était passé précédemment. Quelques secondes après qu'Antoine se soit évanouit, le décors avait une nouvelle fois tourné et ils s'étaient retrouvé de nouveau en pleine rue avec une vingtaine de personnes autour d'eux. Les trois vidéastes avaient dû faire croire aux passants trop curieux que leur ami avait juste trop bu et qu'ils le ramenaient chez lui, ce qui avait étonnamment fonctionné : il fallait dire que l'état d'Antoine rendait la scène plutôt convaincante. Ils avaient même eu la chance de ne pas croisé de fans, ce qui était assez surprenant en plein Paris. Quoi qu'il en soit, ils ne pourraient pas ignorer indéfiniment ce qu'il s'était passé : il fallait qu'ils en parlent, maintenant.

« Bon, intervint Mathieu sans les regarder, on en parle?

— On ne pourra pas y échapper de toute manière... lâcha François.

— Vous croyez que c'est à cause du dossier d'Alexis? demanda Nyo. »

François eut un long soupir las, il avait eut trop d'émotions d'un seul coup, sa tension commençait à peine à redescendre.

« Au point où on en est, je serais capable de croire en n'importe quoi... finit-il par avouer.

— Quoi qu'Alexis ait fait, ça lui a coûté un coma... répondit Mathieu en osant enfin regarder les autres. Et, si ça se trouve, c'est ce type qui l'a... »

Il s'arrêta, ce qu'il venait de penser lui fit froid dans le dos : et si tout ceci était un complot? Cette histoire, déjà surréaliste, commençait à prendre une ampleur trop importante pour lui. Soudain, un bruit de choc suivit d'un "aïe!" le fit sursauter. En redressant la tête, Mathieu vit Antoine, tombé du canapé, face contre terre. Nyo se précipita pour l'aider à se relever.

« Qu'est-ce que je fous là?... marmonna Antoine en regardant le canapé. Non, attendez, plutôt : qu'est-ce que le canapé fout là?

— C'est une longue histoire... lui répondit Nyo, surpris de son ton léger. »

Antoine se mit debout, analysa rapidement la situation tout en se recoiffant puis s'assit de nouveau sur le canapé : il sembla soudainement troublé.

« Rassurez-moi : je viens de me rappeler d'un truc complètement what the fuck et j'ai l'impression que c'était réel. Ça ne l'était pas, hein? »

Le regard entendu des trois autres lui donna l'impression de tomber dans un puit sans fond. Plus blasé qu'autre chose, il s'affala dans le canapé, croisa les bras et soupira.

« Bon, qui à quoi? demanda-t-il.

— Tout ce que je dessine devient réel, répondit Nyo.

— Je peux faire apparaître mes personnalités, ajouta Mathieu.

— Ma Pupuce peut me servir d'arme, déclara François.

— Et moi je suis le professeur Xavier, conclut finalement Antoine. »

Encore un silence, gêné cette fois-ci. Nyo finit par se racler la gorge pour attirer l'attention des autres.

« Donc, du coup, on fait quoi maintenant?

— Personnellement, je ne sais même pas si j'aurais le courage de sortir de chez moi maintenant, déclara François.

— Attendez, on ne va pas s'arrêter de vivre pour ça! s'exclama Mathieu.

— Et tu veux qu'on fasse quoi? souffla Antoine. On a des gars qui veulent visiblement notre peau dehors et on ne maîtrise qu'à peine nos pouvoirs : on ne survivra pas trois jours comme ça!

— Je le sais. Mais je ne pense pas qu'Alexis nous ai choisis au hasard : il devait savoir ce qu'il faisait, surtout pour nous donner des capacités aussi importantes. Alors, quoi qu'il arrive, nous devons rester soudés et attendre qu'il se réveille, c'est tout ce que nous pouvons faire... »

Soudain, un bruit de tonnerre jaillit derrière la porte d'entrée qui s'ouvrit brutalement. Un homme, suivit par Jérémy, David et Charlotte, entra. Les trois accompagnateurs semblaient assez neutres mais on pouvait voir dans leur regard qu'ils étaient perturbés par quelque chose. Et pour cause : leur meneur était l'une de leurs connaissances et sa présence stupéfia l'assistance. Il ne leur laissa cependant pas le loisir de poser des questions et se tourna vers Mathieu, répondant à sa phrase précédente.

« Et tu as raison Mathieu. Merci de croire en moi.

— ...Mais qu'est-ce... Qu... Qui... Que... Je... ALEXIS?! finit-il par s'écrier.

— Oui, je sais, je ne suis plus dans le coma : incroyable! Je n'ai malheureusement pas le temps de vous donner des explications comme je le souhaiterais. Il va falloir que vous me fassiez confiance et que vous me suiviez immédiatement : croyez-le ou pas, on est tous dans la merde, et pas qu'un peu... »

À SUIVRE DANS : WILSON CORPORATION - PHASE DÆMON...