Vampire.

Cela fait bien longtemps que j'ai arrêté de compter les siècles que j'ai vu défiler.

Dès à présent, je prends note uniquement des millénaires qui se sont écoulés.

J'ai connu tous les âges, j'ai contemplé l'âge d'or des Hommes, tout comme j'ai assisté à son extinction.

Cependant j'ai aussi pu constater du sommet de la plus haute tour de ma forteresse, à présent unique vestige des Hommes, que ni le ciel, ni l'océan ont changé.

Est-ce alors ma punition pour ce que je suis, un être damné, qui a rejeté son humanité, il y a trop longtemps pour s'en rappeler.

J'avoue l'ignorer.

Cependant les faits sont là et ils sont incontestables, ma nature vampirique m'a contraint ou devrais-je dire me contraint aujourd'hui encore à être spectateur de la fin.

Ironiquement ou fatalement, cela fait déjà trop longtemps que j'ai cette impression détestable d'avoir lu la dernière page du récit et qu'il n'y a rien d'autre après, hormis un temps figé à tout jamais.

Il fut un temps où je ressentais un mépris total pour le genre humain, ce-dernier me jugeait, m'emprisonnait, me tuait sans jamais s'arrêter, et ce quelque soit l'époque dans laquelle je vivais.

D'aucun pensait que ma vie n'était rien de plus que des balivernes visant à effrayer les plus naïfs, néanmoins j'existais, et dans le passé comme aujourd'hui mon but était le même.

M'épanouir ou du moins vivre vraiment, ne serait-ce qu'une seule fois.

Non pas que je fus incapable de me mêler au genre humain et me dissimuler au travers de la foule, mais plutôt que j'avais cette impression constante et récurrente d'être un lion parmi les agneaux, de ce fait, cette supériorité inégalée qu'est la mienne, faisait que mon sang brûlait d'un feu ardent, mes sens quant-à eux s'embrasaient et faisaient qu'en dernier cas, je me jetais sur des proies faciles.

Cependant comme tout vampire qui se respecte, je mettais à profit tout le savoir ainsi que toute l'expérience que j'eus accumulée auparavant.

Je me plaisais à me venger en premier lieu, de ceux qui avaient fauché mon corps immortel.

Pauvres diables naïfs!

Ils ignoraient que ma mort ne serait pas irrémédiables.


Puis à mon sens quelques siècles s'écoulèrent, de ce fait, le mythe que je représentais n'était même plus conté, n'ayant plus de cible à pourchasser, je décidai de changer de style de vie, en goûtant à la vie d'un misérable mortel.

Je me mêlai sans mal à de grandes réceptions, toutes aussi étouffantes, qu'artificielles, néanmoins je gardai en mémoire mon objectif, à savoir me trouver une compagne, qui saurait mériter ma noble personne.

Il semblerait que les cinquante premières décennies, après que je me fus donné cet objectif, furent infructueuses.

Je les possédai sans effort, elles m'étaient soumises, et moururent toutes comme des feuilles mortes lors de ma dégustation de leur sang, quand ce n'était pas le cas, elles supplièrent pour leur misérables existences.

Il allait de soi, que je n'en n'épargnai pas une seule.

Je perdais peu à peu espoir, la distinction entre nos deux espèces était donc si incompatible?


Au moment, où j'allais me résigner, je décidai une dernière stratégie, pour la première fois depuis un millénaire, les portes de ma forteresse allaient s'ouvrir, pour des êtres nués d'âmes.

Ainsi comme prévu, j'engageai du personnel et préparai les festivités.

Le soir même, une centaine de nobles provenant de diverses contrées, ayant été séduit par la rumeur de l'ouverture du château (comme ils se plaisaient à l'appeler), fourmillaient dans ma demeure.

Comme à l'accoutumé, tous et toutes furent subjugués par ma beauté des plus attractives.

Du haut des doubles escaliers qui bordaient la réception, je me tenais fièrement.

Mes cheveux onyx, mes yeux polaires perçant, ainsi que mon léger sourire charmeur, en faisait succomber plus d'une.

Je savais parfaitement, comment je pourrai souiller l'honneur de ces femmes fausses, prônant leur pureté à qui veut bien l'entendre.

Un regard quelque peu insistant ainsi qu'une danse et le tour était joué, en somme cela perdait tout son intérêt.

Lassé de cela, je descendis et me dirigeai, sans prêter attention aux regards dévorant de mes convives, vers le balcon menant à mon jardin, où trônaient des plantes alliant parfaitement beauté juvénile ainsi que beauté torturée.

Je zieutai de droite à gauche à la recherche d'une proie potentielle, cependant il n'en était rien, cela déclencha une fureur en moi, mes instincts bestiaux resurgissaient, je me devais de les apaiser au plus vite, sous peine de créer une réception ensanglantée dans les cinq minutes qui allaient suivre.

Pour me calmer, je pris l'initiative de me mordre la lèvre, suite à cette action, une coulée ensanglantée vint serpenter jusqu'à mon cou.

-Mr. Le Comte? Vous saignez, laissez moi dont nettoyer ça.

Je me préparai à réfuter sa proposition, jusqu'au moment où nous nous retrouvâmes face à face.

Sa beauté me sidérai, pour la première fois de ma vie, j'eus réellement le désir de posséder quelqu'un.

Ses cheveux blonds comme le blé m'envoûtaient, son regard onyx était si profond que j'eus peur de me noyer dedans, ses traits étaient fins et réguliers, sa silhouette était élancée. Mais ce qui me plût à outre mesure, fut son expression.

Pour la première fois, depuis ma longue existence, je rencontrai des yeux qui ne me contemplaient, non pas avec admiration ou désir, ces-derniers me regardaient d'égale à égale.

Son regard était unique, intense et si froid, si inaccessible que j'en rêvais!

Je me devais de la conquérir, c'était la bonne, j'en étais persuadé!

A l'inverse de toutes ces femmes sales, qui arboraient des robes d'un blanc immaculé, cette-dernière portait une robe rouge grenat qui lui sied à merveille!

Pour la première fois, je fus déstabilisé face à une créature mortelle, cependant ce fut plaisant.

-Ne vous embêtez donc pas pour cela, ce n'est rien. J'apprécie en revanche votre sollicitude. Souhaitez-vous, vous promenez avec moi, dans mes jardins privés?

-Cela ne sera pas nécessaire, cependant si vous insistez, je me devrais alors d'accepter. .

-Dans ce cas, permettez-moi d'insister.

Sans plus cérémonie, je lui proposai mon bras, elle entrelaça alors le sien. Nous parcourûmes le jardin sans échanger la moindre parole, je l'amenai dans ma cour ombragée par du lierre. Nous nous assîmes.

-Puis-je vous demander votre nom, votre beauté m'en a fait oublier les usages, veuillez m'en excuser.

-Éléonore Du Roy et vous, Comte? J'ai entendu de nombreuses choses sur vous, les rumeurs vous concernant sont légions.

Comme à l'accoutumé, j'inventai un prénom. Le millénaire que j'avais enduré me fit oublier, mon propre nom, je me souvenais cependant, de diverses appellations à mon égard, tels que: Monstre, vampire, créature de l'enfer, progéniture de Satan, démon.

-Appelez moi donc Vincent Millénaire. Quelles sont-elles?

-Elles mentionnent toutes le mystérieux propriétaire du château qui aurait, à ce que l'on dit, une beauté figé et ce depuis des décennies, certains vont même jusqu'à dire des millénaires. D'aucun parlent même, d'être surnaturel, comme un vampire. Séducteur, manipulateur, puis faucheur. Comme vous en conviendrez, des broutilles en somme.

-Ah, que vont donc chercher les commères de nos jours?

-Monsieur. Millénaire, puis-je prendre congé de vous?

-Permettez-moi de vous ramener.

Pendant le trajet, pour la première fois de ma vie, j'étais indécis, elle ne m'avait montré aucun signe avant-coureur d'une attirance. Ma frustration augmentait et faisait écho à mon désir.

Une fois rentré, je m'assis sur le sofa central de la salle de réception et regardai au loin les invités.

J'échafaudai un plan, pendant la musique. Je lui mordrai délicatement le cou et y injecterai mon propre sang, de ce fait, elle serait alors sous mon contrôle, jusqu'à sa mort.

Sans plus attendre, je claquai des doigts et un de ces misérables humains que j'eus embauché, accourra, je lui sommai d'informer, les musiciens de faire un slow.

Sans tarder, j'entendis les violons changer leur mélodie, tout l'orchestre entama la dîtes musique. Je me levai et traversai la salle, à la recherche d'Éléonore.

Sur le chemin, je reçus beaucoup de demande implicite que je réfutai.

Mon sang s'échauffait, j'étais comme un carnivore qui était sur la piste d'un autre carnivore, c'en était excitant!

Une fois trouvé, je fis une révérence courtoise, lui saisit la main et y déposa un chaste baiser, puis une fois que tous les regards furent braqués sur nous, je lui dis:

-M'accorderiez-vous cette danse?

Son sourire semblait chaleureux cependant son regard était d'acier. Puis cette impression prit fin avec sa réponse.

-Avec plaisir, Mr. Millénaire.

Puis nous entamâmes notre danse, tous les regards étaient dirigés vers nous, cependant cela ne dérangea ni elle, ni moi.

Son contact était si froid.

La musique prit fin, vint le moment fatidique, celui du baiser. Je m'approchai dangereusement de son cou, avant que je puisse insérer mes crocs dans sa chair, mais avant que ce puisse être fait, elle me chuchota:

-Monsieur, le vampire Millénaire, vous savez que je ne vous laisserez pas faire cela.

-Comment comptez-vous m'en empêcher alors?

-Comme ceci.

Elle plaça ses deux mains dans mes cheveux et m'embrassa passionnément.

L'étonnement fut général.

Une femme de son rang, oser s'afficher en train de faire quelque chose d'aussi vulgaire, était tout simplement inconvenant.

Je fis durer encore plus le plaisir, puis quand ce fut fait, je lui dis dans l'oreille:

-A ce petit jeu, sachez que vous perdrez toujours Éléonore.


Merci d'avoir lu.

J'espère avoir des retours positifs/négatifs ou du moins une trace de votre passage.

En espérant vous revoir !