J'ignorais comment je suis arrivée dans cet endroit, il faisait noir. J'étais enfermée dans un grand espace sans limite ni horizon. Un projeteur éclaira une scène à 50 mètres de ma position, je me suis rapprochée pour mieux voir lorsque je vis un homme. Pas n'importe quel homme, je voyais mon petit ami Grégory. Celui qu'Emma Lewis avait rencontré lors de son premier jour de travail, il n'était qu'un simple client commandant un café. Emma était tombée sous son charme dès qu'il avait franchi le seuil du Spread Eagle Bar. Son physique n'avait rien d'extraordinaire mais son regard pouvait enflammer n'importe qui. Sous son magnifique sourire il était impossible de lui refuser quoique ce soit. Ma raison me disait que cet homme devant mes yeux n'était que le fruit d'un désir profondément enfouis dans mon cœur. « Qui es-tu vraiment, Emma ? » Emma, il m'appelait toujours ainsi. Je ne lui avais jamais révélé ma véritable identité pour notre sécurité. Il a connu mon vrai prénom bien trop tard, car il n'a pas eu le temps de le sortir de ses lèvres. Emma était la femme qu'il avait aimée, celle qui n'était que commis de cuisine, celle qui aimait ses blagues et ses rires. Joy n'était personne pour lui à mon grand regret. Qui suis-je ? au fond je n'en suis plus sûr. Je voulais tellement lui donner la réponse exacte mais ce qui était arrivée se reproduisait m'en donnant pas le temps. Faith que je considérais comme une sœur autrefois, se tenait derrière lui, une dague à la main droite.

Ainsi, l'atroce scénario se rejouait sous mes yeux horrifiés. Faith le poignardait sauvagement et sans retenue avec un sourire maniaque à la Patrick Bateman d'American Psycho. J'essayais de lui crier d'arrêter sauf qu'aucun son ne sortait de ma bouche contrairement à la réalité. Je revivais mon impuissance face à la mort de mon compagnon, je ne pouvais que regarder sans agir. « Tu es avec nous maintenant sœurette ! » ria le spectre recouvert du sang de sa victime. La scène s'évapora soutenant toujours les rires de Faith. Un tic-tac masquait l'échos des rires en crescendo. Je retournai mon regard vers une énorme horloge, il était minuit moins deux minutes. Des sons de pas approchant sur ma gauche me fis sortir mes yeux du cadran des aiguilles « j'ai froid Emma, que se passe-t-il ? » me demanda la voix enroué et grave du sheriff. Il n'attendait aucune réponse puisqu'il baissa son regard ce que je fis de même.

Nos regards s'arrêtèrent vers l'abdomen du vieil homme. Une blessure ronde formé par une balle où s'exfiltrait abandonnant son sang. Tout comme pour Grégory, je restais encore impuissante. Lorsqu'il tomba au sol, je forçais mes membres à réagir pour le rattraper mais rien. Au lieu de cela, le corps anciennement debout révéla ses deux assassins.

John et Joseph se tenant côte à côte mais seul John portait l'arme qui a porté le coup fatal. Quant à Joseph, il jeta rapidement un coup d'œil à l'horloge « Viens, il ne reste plus beaucoup de temps, tu seras sauvé avec nous ». À ces mots et au dernier soupir du pauvre sheriff, le tic-tac incessant s'arrêta brutalement en tournant mon regard vers celui-ci : Il était minuit. Un énorme sursaut de terreur parcouru mon corps lorsqu'un gigantesque serpent enflammé sortie du cadran.

La longueur du serpent était infinie, sa couleur enflammée illumina l'endroit tout entier. Le serpent se dirigea vers les cieux, en émettant un cri aigu à percer mes tympans. Je courais le plus vite possible, paniquée, vers la direction opposée. Le serpent me poursuivit même en courant vite, je pouvais sentir sa chaleur me brûler doucement le dos. La voix forte de Joseph hantait ma fuite « Ne vois-tu pas que j'essaie de t'aider. Ouvre les yeux ! ».

Ma respiration se coupa.

Trop tard le serpent m'enroula de son corps d'écailles et m'étouffait petit à petit. La pression sur mon corps emprisonné, écrasait mes côtes. Mes poumons brûlèrent du manque d'oxygène, ma vision céda à l'obscurité.

J'ouvris les yeux, mon corps en sueur, ma respiration saccadée. J'essayais de recomposer l'environnement qui m'entourait. Instinctivement, je caressais ce qui restait de mon passé, mon pendentif de tête de loup en bois pour me rassurer. À mon grand soulagement, je constatais que ce n'était qu'un cauchemar. Néanmoins le lieu où je me trouvais n'était pas mieux, toujours austère.

L'espace noir infini du cauchemar avait laissé la place à trois mur gris et vert pâle. La seule et unique entrée était une porte à barreaux en ferrailles qui s'ouvrait à distance. Depuis deux mois, j'étais enfermé dans le bunker de John où sortir à l'extérieur signifiait probablement mourir sous les retombés radioactifs. En effet, la première bombe nucléaire avait explosé deux auparavant marquant la fin de notre monde. La prophétie incroyable de Joseph s'était réalisée. La mort du sheriff Whitehorse correspondait à la première explosion, me laissant confuse à cette coïncidence. La sonnerie du matin retendit au bloc, il était 6h30. Je le savais car Jacob, le responsable du Bloc C, veillait toujours à respecter l'emplois du temps des détenus à la lettre. L'appel des présences était à 7h00 et comme de coutume personne ne manquait. Après cela à 7h30, les autres détenus, les anciens de la résistance, et moi entamions nos exercices physique quotidien coacher par ce cher instructeur Phil.

Pendant deux heures, nous enchaînions les squattes et les pompes jusqu'à l'épuisement. Certains inhabitué à de telle conditions peinaient à terminer mais ce n'était pas mon cas. Grâce à mon entrainement acquis par le passé, j'avais continué à entretenir ma condition physique. Après ma fugue d'Eden's Gate, je voulais rester forte pour ma vie de fugitive. Passée ces deux heures, nous retournions dans nos cellules respectives. Ce bloc comportait dix cellules qui pouvait enfermer au maximum quatre personnes chacune. À ce jour nous étions qu'une dizaine par conséquent certaine cellule accueillait un détenu, Jacob préférait éviter les contacts entre les détenus par sécurité. Les heures passées dans nos cellules étaient accompagnées d'un sermon de Joseph ou de Jacob coupé par des interludes musicaux, chanter par la chorale de la secte.

Au sein de ma cellule, je reçu la visite du seul médecin à ma connaissance du bunker, Feeney un ex-pharmacien. Il passait fréquemment m'ausculter afin de changer mon pansement, là où se trouvait initialement mon tatouage, COLERE. Il y a deux mois, dès mon arrivée au bunker, John avait eu envie de me l'arraché. Il considérait que ma fugue et ma résistance avaient été le résultat d'une mauvaise expiation. John étant un vrai sadique a cru bon d'accrocher ma peau morte au-dessus de mon lit. Il faisait cela afin de me rappeler, à chaque réveille, que la colère avait été extraite de mon âme.

Sans aucun son de part ni de Feeney, je le laissé retirer le pansement. La douleur s'était estompée mais le traumatisme persistait dans mon esprit. Malgré son aspect rougi, la blessure semblait bien guérie. « Nous pouvons désormais la laisser à l'air libre, il n'y a plus de danger d'infection. Si tu as besoin de quelques antidouleurs, fais le moi savoir » avait-il dit. Aucun mot de réconfort, il jouait son rôle comme un vrai professionnel. Sans attendre de réponse de ma part, même si je ne voulais rien dire en particulier, il partit. Grégory avait vu ce tatouage, me questionnant à ce propos. Mais il avait vite compris que je souffrais d'en parler alors il m'avait laissé tranquille. Il avait attendu patiemment une réponse qu'il n'a jamais obtenu.

13 heures, nous étions rassemblés à la salle de repos pour « quartiers libre ». La salle avait plusieurs bibliothèques où chaque livre traitaient sur la religion, la jardinerie, le bricolage, la cuisine et quelques romans littéraires. Des livres considérés comme pur pour la secte. Bien sûr, leurs bibles imprimées en plusieurs exemplaires étaient disposées avec ostentation. Néanmoins les détenus s'en désintéressaient et préféraient discuter de quelques banalités ou anecdotier leurs vie avant la catastrophe. Durant ces heures de détente, nous recevions la visite de John. Il venait au bloc pour récolter quelques confessions tous les après-midis. La plupart des détenus revenaient de ces confessions avec des ecchymoses. Les confessions de John étaient un moyen d'accéléré le processus de sortie pour les détenus auquel cas personne serait masochiste. D'habitude Jacob décidait en fonction de la sincérité d'un détenu pour lui permettre de sortir du bloc. Mais le processus était long et Jacob y veillait. Pour lui, le bloc n'était qu'une expérience où nous étions considérés comme des rats de laboratoire, une expérience sociale tordu. Au départ John m'emmenait de force pour me confesser mais étant toujours confronté à mon silence, il a vite abandonné.

En vérité, j'aimais rester dans ma cellule. Mes pensées comme seule compagnie. Hélas ces moments étaient rares car après chaque retour dans ma cellule en fin d'après-midi, Joseph m'attendait. Il me rendait visite tous les jours, il restait assis confortablement sur mon lit. Ces visites avaient au moins un avantage, ils me permettaient d'établir un calendrier. Joseph se retrouvait toujours être le seul à parler malgré ses incitations à briser mon silence. J'avais fait vœu de silence depuis l'effondrement. Je ne voulais pas oublier ce qu'Eden's Gate a fait à ma famille surtout à mon Grégory. « Pourquoi refuses-tu de parler ? Je suis conscient que la mort de Grégory t'a affecté, mais il serait temps de mettre fin au deuil. Si ce n'est pour moi, fais-le pour toi. Feeney m'a rapporté que ton état psychologique était fragile, insista-t-il. ».

Il m'observa attentivement pour attendre une quelconque réponse, or je me contentais de fixer bêtement une tâche sur le mur d'en face. Le nom de Grégory me rappelait mon cauchemar et malheureusement la triste réalité. Malgré cela je gardais le silence, le briser ne ferait qu'augmenter la confiance de joseph.

Comment pouvais-je mettre fin au deuil ? J'avais aimé Grégory passionnément, nous avions vécu un réel bonheur durant cinq années. Joseph vit qu'il n'obtiendrait aucune réaction et finit par me laisser seul. Avant de partir comme à son rituel, il se pencha sur moi pour embrasser mon front en murmurant un « je t'aime ». Malgré la déception de son échec, il s'assurait de me montrer son affection. Je savais que mon silence ne l'avait pas repoussé au contraire il reviendrait le lendemain. Joseph possédait une grande qualité, que la plupart n'avait pas : la patience.