Bonjour à tous:)

Voilà la première histoire que je publie sur ce site, j'espère qu'elle vous plaira !

Je rajoute le résumé entier que j'avais prévu pour cette histoire mais qui est trop long pour le site ...


Je m'appelle Sasha. Sasha Blake. J'ai 22 ans.

Mes quatre compagnons et moi-même sommes ce qui a été très justement nommé des Survivants.

Nous ne sommes pas de ceux qui ont survécu à l'enfer des morts, non. Nous sommes de ceux qui ont survécu en enfer. Ceux qui n'ont pas bénéficié de l'évacuation. Ni de la première, ni de la seconde, ni d'aucune autre. Nous sommes ceux qui ont payé le prix fort.

Si j'ai décidé de parler des années après que tout ait pris fin, c'est pour essayer de vous faire comprendre. Ce qui est stupide. On ne comprend pas tant qu'on n'a pas vécu.

Je ne vous demande ni jugement, ni opinion. Rien. Juste de l'attention.

Pendant que vous lirez mon histoire, essayez de penser à la façon dont vous auriez réagi à ma place, à notre place. Vous estimerez peut être que vous auriez pu faire mieux, que vous auriez pu éviter mes erreurs et ce que vous appelez des crimes.

C'est faux.

Je m'appelle Sasha Blake, j'ai 22 ans et ma vie a cessé le jour où la folie des hommes s'est répandue sur le monde en millions de zombies.


L'invasion des Morts

C'est arrivé un jour tout à fait ordinaire. Le printemps était là, les cerisiers en fleurs paraient le monde de rose. Mes parents m'avaient dit que c'était un spectacle qu'une personne devait contempler une fois dans sa vie. Ils avaient raison. C'était magnifique. L'histoire de Sasha Blake, mon histoire, commence ce jour là. Au milieu des pétales de fleurs qui jonchaient le sol de la cour, dans ce lycée que je ne fréquentais que depuis deux semaines. Mes parents sont… étaient diplomates. Nous déménagions donc souvent. Le lycée Fujimi était le second que je fréquentais en trois ans d'étude. C'était la 6ème fois que je changeais d'école en cours d'année et ça n'aurait pas dû être la dernière. A cette époque là, mon principal souci c'était de savoir pour combien de temps je resterais cette fois. Jamais assez pour se faire de vrais amis, mais toujours assez pour se faire des ennemis en tout cas. C'est étrange de repenser à cette époque. Ça me paraît complètement décalé, totalement en dehors de la réalité et si lointain... C'est un peu comme si je parlais de la vie d'une étrangère alors qu'il s'agit de la mienne.

En l'occurrence ma scolarité au Japon avait mal commencée. C'est un pays extrêmement strict et je ne rentrais, ne rentre, et ne rentrerai jamais dans leur moule. Ici, tout le monde a des cheveux foncés, la peau café au lait et les yeux bruns. Ou du moins, c'est la généralité. Et je sortais en tout point du lot avec mes cheveux roux, mes yeux verts d'eau et ma peau blanche comme un cachet d'aspirine sans compter mes tâches de rousseurs. Quand je m'étais présentée le premier jour afin de déposer mon dossier, on m'avait bien fait comprendre qu'on attendait de moi un peu plus de conformité. J'aurais, par exemple, dû me teindre les cheveux. Je n'en avais rien fait et c'était de là qu'était parti le conflit entre ma petite personne et le corps des enseignants. Comme s'ils m'en voulaient d'être née rousse. Oui, on me regardait de travers, oui on me prenait pour de la mauvaise graine, non, je ne resterais pas longtemps. Et j'avais de toute façon l'habitude d'être la nouvelle qu'on montrait du doigt. D'ici quelques mois où un an, ça aurait recommencé ailleurs.

Du moins, c'était ce que je croyais à l'époque.

Je m'égare. Je ne suis pas là pour vous parler de mes problèmes scolaires. Mais de ceux qui se règlent dans la violence et le sang. Dans l'angoisse et l'obscurité. Ceux qui vous ferons faire des cauchemars jusqu'à la fin de vos jours, peu importe le nombre d'année de bonheur et de semblant de sécurité que vous vivrez. Aujourd'hui, le conflit est fini depuis deux ans déjà. Et je ne sors jamais sans armes. Je me barricade chez moi tous les soirs. Je ne dors jamais dans le noir. Jamais seule non plus.

Mais avant de vous conter la fin, il faut vous parler du début.

Alors asseyez vous bien confortablement. Je ne vous préviendrais qu'une fois, ça n'est pas une histoire pour les pleutres. Ça n'est pas une fabulation. C'est ce que j'ai vécu et je vais tout vous raconter sans rien omettre. Pas même les aspects les plus sombres de moi-même qui m'ont autant effrayée que sauvé la vie.

Et n'oubliez surtout pas que ça n'est pas une histoire objective. Il n'y a rien de plus subjectif que moi présentant ma vision de la Guerre qui nous a frappé à l'improviste.

Asseyez vous et écoutez.

C'était un mardi d'avril et l'air embaumait le parfum des cerisiers. Assise à ma place, la numéro 27 près de la fenêtre, je regardais les nuages qui défilaient sous le ciel bleu, essayant d'y deviner des formes tandis que Shido –sensei nous expliquait des mathématiques. Je ne parlais pas japonais aussi bien à l'époque qu'aujourd'hui. Je ne comprenais de toute façon pas toutes ses explications puisqu'il semblait prendre un malin plaisir à parler rapidement. A l'extérieur, il semblait être un type bien, sympa et honnête. Mais il n'en était rien. Au Japon, les gens sont… j'allais dire plus naïfs que la moyenne. C'est faux. Ce que je voulais vraiment dire c'est que dans un autre pays quand un professeur lorgne votre décolleté, vous vous en rendez compte. Ici, aucun des élèves de ce pervers ne semblait remarquer ses œillades. Je pensais d'ailleurs que l'uniforme obligatoire était juste une façon de permettre aux enseignants de se rincer l'œil en toute impunité.

Je regardais donc par la fenêtre et j'avais une vue parfaite de la cour depuis le deuxième étage de l'établissement. Mon attention a été attirée par un mouvement rapide en contrebas. Trois surveillants se précipitaient vers le portail. Il y avait quelqu'un là bas. Mais étrangement, au lieu de simplement l'ouvrir pour entrer, il s'y cognait et passait les bras entre les barreaux de la grille. Sur le moment, autant de stupidité m'a fait sourire. J'ai bêtement pensé qu'il s'agissait d'un blagueur. Je ne savais pas que je venais de voir le premier zombie d'une longue et interminable liste. Je n'arrivais pas à bien voir ce qu'il se passait et je me suis instinctivement penchée vers la vitre. Il me semblait que les enseignants en contrebas étaient en colère.

- Blake !

J'ai sursauté en entendant le prof m'apostropher brutalement. Je détestais la façon dont il prononçait mon nom de famille. Il disait "Blaké" au lieu de "Blake" et j'étais sûre qu'il le faisait exprès. C'est tellement impersonnel d'appeler tout le temps quelqu'un par son nom de famille ! Je trouvais ça grossier, mais c'était la norme ici. Encore heureux que j'ai pris le temps d'étudier les coutumes locales avant de débarquer. J'avais au moins pu passer pour quelqu'un de relativement poli. Le temps que je me fasse remonter les bretelles pas Shido –senseï et que je réponde à sa question, qu'il avait dû répéter deux fois lentement pour que je réussisse à comprendre les termes mathématiques qu'il utilisait, j'étais la risée de la classe et la cour était déserte. Ça ne m'a pas interpellée. Le plaisantin avait dû être chassé, où plutôt emmené puisque le portail était à présent ouvert, et les surveillants devaient avoir repris leurs activités.

Je planchais sur un exercice en déchiffrant les symboles aussi bien mathématique que japonais avec quelques difficultés quand les hauts parleurs se sont mis à grésiller. La voix du principal, très calme et posée nous a annoncé :

- Des incidents violents se produisent dans le lycée. Les élèves doivent suivre les consignes de leurs professeurs et évacuer. Je répète : des incidents violents se produisent dans le lycée. Les élèves doivent suivre les consignes de leur professeurs et…

Un sifflement aigu a interrompu sa phrase et j'ai commencé à me demander si ça n'était pas un peu exagéré pour un exercice d'évacuation. A quoi aurais –je pu songer d'autre à ce moment là ? Qu'une armée de mort vivants déferlait sur le monde et se répandait plus vite qu'une traînée de poudre ? Qu'on allait bientôt devoir lutter pour ne pas se faire dévorer et devenir l'un des leurs ? Non, bien sûr que non. Et je n'étais pas la seule à penser qu'il s'agissait juste des habituels exercices.

Mais ça n'a pas duré très longtemps.

Ce qui nous ait ensuite parvenu par les hauts parleurs a réussi à tous nous terrifier. On a entendu le proviseur appeler à l'aide, supplier, hurler de douleur et des bruits qu'à l'époque je n'ai pas reconnus mais qu'à présent j'identifie au premier son : des sons mous de mastication et les craquements de membres qu'on tord jusqu'à les briser. Et puis il y avait ce râle rauque qui m'accompagne à présent à chaque instant, ce bruit caractéristique des zombies. Dès que c'est un peu trop silencieux, je crois l'entendre, je crois sentir ce souffle sur ma nuque tandis qu'ils sont prêts à me dévorer. Mais à l'époque, ça n'était pas encore là. Je n'avais pas ce noyau de terreur en moi.

Après l'annonce, il y a eu un silence glacé. Immobile. Tout le monde était pétrifié. Personne ne bougeait, personne ne respirait. Si bien que nous avons tous entendu ce qu'il se passait dans le couloir. Nous nous trouvions tout près de l'issu de secours et des escaliers qui l'accompagnaient. Une porte s'est ouverte dans un grincement et des bruits de pas nous sont parvenus. Lents. Traînés. Incroyablement nets. Incroyablement proches. La personne ne levait pas les pieds mais semblait les glisser sur le sol. Nous avons tous lentement tourné la tête vers la porte ouverte de la salle. J'ai mis un moment à réaliser ce que je voyais.

C'était un professeur. L'un de ceux qui était allé au portail un peu plus tôt. La première chose qui m'a choquée a été la couleur de sa peau. Grise. Grise comme de la chair en décomposition, je vous le précise aujourd'hui. C'était la nuance exacte. Il n'a pas paru nous voir et a continué son chemin vers le vacarme qui avait éclaté plus loin dans les couloirs. Partout. Et qui a explosé dans notre salle également. Tout le monde s'est rué vers la porte, hurlant, criant, vociférant, se poussant, se piétinant. Pourquoi je n'ai pas fait pareil ? J'avais déjà vécu une panique comme celle là. Pas pour les mêmes raisons, mais une panique de groupe reste une panique de groupe quelles que soient les circonstances.

Et il est impossible de l'arrêter, de l'enrailler où de la canaliser. Dans ces cas là, il faut juste essayer de ne pas céder soi-même à l'envie de les imiter et c'est plus dur que ça en a l'air une fois raconté. La salle s'est vidée en quelques secondes, laissant au sol un élève piétiné, vivant mais assommé, momentanément hors jeu. Je n'étais pas la seule à ne pas avoir bougé. Mais moi c'était par choix, lui c'était parce qu'il n'en avait justement pas. Le professeur, censé surveiller que tous les élèves sortaient, avait déjà prit la poudre d'escampette certainement en tête de la file.

Dan Bankichi a tourné son fauteuil roulant et ses yeux caramel vers moi. Il était toujours installé au premier rang, au niveau de la fenêtre car c'était la place la plus accessible pour lui et la moins risquée en cas d'alerte de ce genre. S'il s'était retrouvé près de la porte, il serait tombé et aurait aussi été piétiné. Le pupitre de cette place avait même disparu dans le couloir. Lui et moi étions les deux marginaux de la classe, pour deux raisons stupides. Même s'il avait quelques amis ces derniers n'étaient pas restés pour l'aider. Alors qu'ils devaient bien savoir qu'en cas d'alerte de ce genre, il faudrait le porter puisqu'il n'était pas censé emprunter l'ascenseur.

Je me suis levée pour jeter un coup d'œil dans le couloir. Je n'ai dû qu'à un réflexe de ne pas me faire choper par un de ces zombies. Même si je ne m'étais pas encore résolue à les désigner de la sorte à ce moment là. Je me suis brutalement rejetée en arrière alors que les mains de la créature allaient m'attraper.

Je suis tombée à la renverse en me cognant à une chaise qui a fait un potin d'enfer. Quand le zombie m'a fait face, j'ai reconnu une des élèves de terminale qui était inscrite au même club que moi. Son uniforme était déchiré ça et là, sa peau était grise, ses gestes lents. Ses bras se balançaient de chaque côté de son corps, trompeusement inertes, et il manquait une partie de son mollet qui semblait avoir été arraché par une mâchoire humaine. Comment pouvait –elle encore marcher avec une blessure aussi grave ?

L'autre changement important de son corps, outre sa peau, c'était ses yeux. Au milieu du blanc, il ne restait qu'un point noir. Plus d'iris, juste un minuscule reste de pupille. Toujours au sol, j'ai commencé à me traîner dans le couloir entre deux rangées de tables, m'éloignant d'elle pour me trouver sur le côté. Quand je me suis redressée, je savais que j'étais encore dans son champ de vision. Pourtant, elle n'a jamais tourné la tête vers moi. Dan s'était approché d'elle en l'appelant pas son nom et lui demandant ce qui lui était arrivé et si elle allait bien. La morte vivante s'est dirigée droit vers lui et a tendu les mains devant elle. Mais bien au dessus de Dan assit dans son fauteuil. C'est là que le premier déclic m'est venu : ils étaient aveugles, c'était le bruit qui les attirait ! Une chance pour moi de l'avoir remarqué aussi rapidement.

J'ai saisi une chaise et je me suis approchée par derrière, doucement, silencieusement tandis que Dan, ayant visiblement compris que quelque chose clochait faisait reculer son fauteuil. J'ai levé ma chaise avec l'intention de l'abattre sur la tête de cette fille que je ne connaissais pas, et que je côtoyais à peine depuis deux semaines. Mais je suis restée pétrifiée. Qu'allais –je faire ? Tuer quelqu'un ? Une partie de mon cerveau me hurlait de le faire tandis que l'autre me criait juste le contraire.

Un râle soudain dans ma nuque.

Réflexe oblige, je me suis retournée pour me trouver nez à nez avec un autre zombie qui a projeté sa bouche vers moi. J'ai fait la seule chose possible. Je lui ai donné un coup de chaise dans les côtes lui en cassant quelques unes au passage, et le projetant loin de moi. Je haletais de peur, mais j'étais persuadée qu'il avait eu son compte. Alors même que cette pensée m'a effleurée, il se redressait comme si de rien n'était. Et il s'est à nouveau dirigé vers moi.

J'ai resserré ma prise sur la chaise, espérant qu'il ferait demi-tour, qu'il comprendrait que j'allais lui faire du mal. Il a continué, s'est rapproché de plus en plus, jusqu'à ce que je vois nettement ses yeux anormaux et que son souffle rauque m'écorche les oreilles. Avec un cri de guerre, je lui ai envoyé les pieds métalliques dans la figure. Ça n'a pas suffi. Il a reculé d'un pas, la face éclatée, mais encore vivant, encore debout. C'est là que j'ai commencé à paniquer et je l'ai frappé jusqu'à ce qu'il tombe au sol et qu'il ne reste de sa tête que de la bouillie rouge d'os, de cervelle et de sang. J'avais tapé de toutes mes forces : le sol était craquelé et les pieds de la chaise étaient tordus. Tandis j'observais mon œuvre, je crois bien que mon cerveau n'arrivait pas à réaliser ce que je venais de faire et ne voulais pas comprendre ce que je voyais. C'est ce mécanisme de préservation qui m'a empêché d'avoir le genre de réaction nerveuse qui m'aurait perdue. Je n'ai pas crié, ni pleuré, ni même éclaté de rire. En revanche, j'ai dû me pencher sur le côté pour vomir.

- Blake ?

Mon nom de famille. Oui. Dan m'appelait depuis l'autre bout de la salle. Je crois que vu de l'extérieur, je devais ressembler à un robot vu la façon erratique dont je me suis retournée. Parce que je ne me résolvais pas à me détourner entièrement du zombie que je venais d'abattre. J'avais peur qu'il ne se lève à nouveau. J'ai toutefois fini par le faire et j'ai vu pourquoi il m'avait appelée. La zombie qui était entrée la première n'avait pas cessé de vouloir l'attraper. Il avait tiré un pupitre entre eux et la tenait le plus éloignée possible. Mais sans moi, il ne pourrait pas s'en débarrasser. J'avais le choix.

Soit je l'aidais et je le faisais sortir de là avec moi, soit je l'aidais et je me barrais, soit je prenais immédiatement mes jambes à mon cou en l'abandonnant à son sort.

J'ai attrapé une chaise avant même de penser que pour ma survie, j'aurais dû m'en aller immédiatement. Seule j'avais plus de chance qu'avec un handicapé. C'était cruel, mais malheureusement vrai. Pourtant, j'ai fait subir le même sort à la fille. C'était stupide, mais Dan me rappelait mon frère qui avait passé les derniers mois de sa vie en fauteuil roulant. Je ne me sentais pas de l'abandonner là.

Quand j'ai jeté de côté la chaise inutilisable, il s'est approché lentement sur ses roues. Je voyais de l'horreur dans son regard. Peut être à cause de ce que je venais de faire. Peut être parce qu'il me l'avait demandé. Sans doute parce que j'étais recouverte de sang et d'autres fluides plus épais qui avaient giclé quand j'avais écrabouillé la tête des deux zombies.

- Il faut qu'on sorte d'ici.

J'ai entendu ces paroles comme si ça n'était pas moi qui les disais. Ma conscience flottait dans une espèce de brouillard et refusais de réaliser ce que je venais de faire. Il a hoché la tête et il a bien fallu que je me secoue en voyant venir d'autres abominations qui avaient été alertées par le bruit que je faisais. J'ai cherché du regard une arme plus maniable qu'une chaise. J'avais déjà admis que nous ne sortirions pas sans nous battre avec ces choses. Mon regard est tombé sur un long parapluie posé dans un coin de la classe, sans doute oublié la dernière fois qu'il avait plu. Ça n'était pas très solide, mais ça suffirait si je me contentais de les repousser. Ces créatures ne m'avaient pas semblé très stables sur leurs jambes et étaient plutôt lentes.

J'ai pris les devants et j'ai frappé au front le zombie qui allait entrer dans la classe. Il s'est écroulé sur son voisin de derrière, libérant un passage assez grand pour que Dan puisse rouler derrière moi. En passant devant les classes, j'ai vu qu'il y avait encore des élèves qui résistaient ça et là, criant derrière les portes coulissantes verrouillées que finiraient par défoncer les monstres tôt où tard. Et alors ils seraient foutus. Il ne fallait surtout pas que je me laisse acculer comme ça. Réfrénant l'envie d'aller leur prêter main forte je suis passée devant l'ascenseur sans m'arrêter. Les escaliers étaient vides de monstres, même si j'en voyais certains tenter de ramper vers l'étage. Ils semblaient avoir des problèmes à monter les marches. Tant mieux.

- Blake ?

- Chut, parle moins fort. Ils ne voient pas mais ils entendent très bien.

- Pourquoi ne pas utiliser l'ascenseur ? C'est plus rapide, a t -il poursuivi en baissant le ton.

- L'ascenseur fait du bruit et imagine qu'en arrivant en bas on se retrouve face à des dizaines de ces choses amassées devant.

- Tu ne pourras pas me porter jusqu'en bas. Sans compter le fauteuil…

- Si.

En vérité, je n'en étais pas aussi certaine que ça, mais il allait falloir que j'y arrive. Le laisser livré à son sort me paraissait trop cruel, je pensais que je ne pourrais plus jamais me regarder dans une glace si je le faisais. Je me dis souvent que si à ce moment là, j'avais été celle que je suis actuellement, je n'aurais pas hésité un moment à l'abandonner. Je serais descendue sans même un regard en arrière.

Vous me trouvez cruelle ? La vérité, c'est que je n'ai pas eu le choix. Il a fallu que chacun s'endurcisse et ce que vous appelez cruauté, moi je le nomme nécessité. Mais j'étais naïve, idéaliste et encore tellement innocente que j'ai préféré me dire que je devais l'emmener. Que quitte a mourir, que ce soit en ayant aucun poids sur la conscience et en faisant quelque chose de bien."Bien". Drôle de mot que celui là. Suivant les situations, ce qui est bien une fois peut être mal une autre.

Toujours est –il que je l'ai pris sur mon dos alors qu'il était réticent. Il était trop lourd, un poids, son fauteuil serait encombrant et plein de petites choses comme ça...

- Tu veux vivre ou mourir ?

La question a immédiatement stoppé sa litanie au dessus de mon épaule. Sans doute était –il interloqué. Il y a eu quelques secondes de silence.

- Vivre.

- Alors arrête d'essayer de me faire changer d'avis.

Il n'a plus rouvert la bouche jusqu'à ce que je le pose assit sur la dernière volée de marches qui nous séparait du rez-de-chaussée. En bas, une bonne dizaine, peut –être même deux dizaines de zombies marchaient de leur pas traînant en émettant des râles d'agonies, à la recherche de chaire humaine. J'avais vu suffisamment de films sur les morts-vivants pour que ça me semble logique qu'ils se nourrissent d'humains.

Je lui ai confié le parapluie et je suis remontée chercher le fauteuil : si je restais sur les marches, je ne devais théoriquement pas rencontrer de zombies et lui non plus. Mais moi je pouvais courir pour me mettre à l'abris, contrairement à lui alors il était juste qu'il puisse garder notre seule arme. Heureusement, je n'ai rencontré aucune difficulté pour remonter. Plier un fauteuil roulant est tout un art que je me suis félicitée de connaitre, parce que du coup trente secondes plus tard je dévalais à nouveau les escaliers.

Dan n'avait pas bougé et il observait sourcils froncés le ballet des zombies en contrebas. Sur le palier séparant la dernière volée de marches menant rez-de-chaussée, j'ai silencieusement rouvert le fauteuil. Ensuite, je devais faire diversion pour sortir de l'établissement. Les portes du hall étaient grandes ouvertes.

- Donne moi une de tes chaussures, lui ai –je chuchoté.

- Pourquoi ?

- Je vais m'en servir pour les diriger vers l'opposé de l'endroit où nous allons.

Il m'a lancé un regard soupçonneux et je lui ai fait remarquer que de toute façon, il n'en avait pas besoin. Ça lui a arraché un sourire et il m'a filé ses baskets toutes neuves. J'ai descendu les marches et j'ai lancé de toutes mes forces une des chaussures qui a bruyamment atterri sur les casiers métalliques en face. Comme un seul homme… ou plutôt comme un seul zombie, ils se sont tournés vers là bas et j'ai pu remettre Dan dans son fauteuil alors que tous les ennemis nous tournaient le dos. Juste au niveau de la sortie se trouvait un extincteur rouge. Ça m'a donné une idée. Je l'ai détaché avant de le poser sur les genoux de Dan et de nous faire sortir à l'air libre. Ça faisait du bien, mais la cour n'était pas plus vide que l'intérieur. La poisse.

- Je vais utiliser ton fauteuil comme une trottinette, on ira plus vite. Toi, tu te sers de ça si jamais on nous barre la route.

La plupart des handicapés que j'ai connu avaient une force phénoménale dans les bras. A défaut d'user leurs jambes, ils utilisent deux fois plus le haut de leur corps. J'ai supposé qu'il arriverait à balancer l'extincteur déjà lourd suffisamment fort pour en faire une arme de fortune convaincante. J'ai avisé le minibus dans la cour et j'ai envisagé de l'utiliser pour avancer plus vite. Comme j'avais passé les dernières années aux USA, j'avais passé mon permis à 16 ans. Mais il faisait beaucoup de bruit, serait difficile à manœuvrer et de toute façon, je n'avais pas les clefs. Posant un pied sur la barre qui se trouvait à l'arrière du fauteuil, je me suis penchée et j'ai donné quelques impulsions pour nous faire prendre de la vitesse. Mon plan a marché mieux que je ne l'aurais pensé surtout que Dan était efficace avec son extincteur. Nous sommes rapidement arrivés au portail. Pour trouver la rue dans un état chaotique.

Il y avait moins de zombie qu'à l'école où j'avais l'impression que tout le monde c'était fait transformer. J'ai bien sûr vite compris qu'il s'agissait d'une sorte de maladie qui se répandait très vite, bien que le mode de transmission m'ait encore été inconnu. Il n'y avait aucune voiture qui circulait dans la rue, même si j'entendais des vrombissements de moteurs aux alentours. J'ai remonté la rue vers la droite, longeant le trottoir à la recherche d'une voiture qu'on pourrait utiliser. Je tirais sur les poignées de porte pour voir s'il y en avait qui s'ouvraient et une portière finit par le faire. La chance nous a souri, parce qu'il y avait les clefs sur le contact.

- Bingo.

- Tu sais conduire ? s'est enquis Dan tandis que je lui faisais contourner la voiture pour lui ouvrir la porte passager.

- T'inquiète.

J'ai fourré le fauteuil dans le coffre et alors que j'allais prendre place dans le véhicule, j'ai entendu des cris.

- Attends ! Attends-nous ! Pitié !

Trois élèves de mon lycée arrivaient en courant. Deux garçons et une fille qui était recroquevillée dans les bras de l'un d'eux. Ils étaient tous en terminal, je m'en rappelais même si j'ignorais leur nom. Le garçon qui ne portait pas la fille avait dans ses mains des couteaux rouges de sang et sous le bras un des sabres en bois du club de kendo de l'école. C'était du vol, mais à ce stade là, je crois qu'il n'y avait plus personne pour s'en soucier.

- Emmène-nous.

J'ai acquiescé. Pas parce que je les aimais bien, pas parce qu'ils étaient mignons, pas parce que la fille était blessée. Mais parce que j'avais l'impression que si je disais non, ils forceraient le passage et vu qu'ils étaient armés de couteaux et nous simplement d'un extincteur et d'un ridicule parapluie, nous étions de force inférieure.

Ils se sont serrés sur la banquette arrière et j'ai fais une petite prière pour que le moteur démarre. J'ai tourné la clef et la voiture s'est mise en route dans un bruit qui m'a semblé assourdissant et qui a forcément attiré l'attention des zombies. J'ai démarré plus vite que je l'avais jamais fait et en écrasant même quelques monstres. L'un d'eux a rebondi sur le parebrise et l'a fissuré. Ce qui m'a fait penser qu'il valait mieux éviter les zombies plutôt que de leur foncer dessus. J'ai ajusté le rétroviseur intérieur pour voir mes passagers arrière, notamment la blessée qui semblait extrêmement mal au point au milieu des deux autres.

- Qu'est ce qui lui est arrivé ?

- Elle allait se faire dévorer quand on l'a sauvée, m'a annoncé celui qui se trouvait derrière moi. Mais il a eu le temps de la mordre au bras. On a fait un bandage, mais le sang n'a pas l'air de vouloir arrêter de couler.

- Vous avez essayé de poser un garrot ?

- Aucun de nous ne sait…

- Je le ferais si je trouve un endroit à peu près sûr où me garer.

Pourtant, poser un garrot n'était pas très difficile en soit. Il fallait juste serrer assez fort pour que le sang ne circule plus. J'ai jeté un coup d'œil à l'heure et j'ai dû cligner des paupières plusieurs fois avant de réaliser. Depuis l'annonce du principal, il ne s'était pas passé plus d'une demi-heure. 30 ridicules petites minutes et j'avais l'impression d'avoir atterri en plein milieu d'un jeu vidéo de mauvais goût. En si peu de temps, j'étais devenue une…

A l'arrière, le bruit a attiré mon attention m'empêchant de penser le mot "meurtrière". La fille avait brutalement craché du sang par la bouche en quantité. Généralement, une blessure au bras ne cause pas d'hémorragie susceptible de vous faire cracher du sang. Ça arrivait plutôt quand on était blessé aux poumons où au niveau de l'estomac. Quand elle a relevé la tête, elle a croisé mon regard dans le rétro. Elle avait des yeux sans iris. Juste avec un point dedans. Pourtant, j'étais sûre d'avoir vu des yeux bleus il y a quelques minutes.

- Elle devient un zombie ! ai – je crié. Jetez la dehors !

- Quoi ? Je ne peux pas faire ça ! C'est ma copine !

Argumenter n'aurait servi à rien. J'ai alors fait la seule chose qui m'a traversé l'esprit à ce moment là. Je roulais vite, trop vite pour les rues de la ville. J'ai écrasé le frein de toutes mes forces. Ceux de derrière n'étaient pas attachés. La ceinture m'a coupé le souffle tandis que le garçon assit derrière moi se cognait durement au siège dans mon dos.

La fille a été projetée entre les deux sièges avant, vers le parebrise fissuré qu'elle a percuté de plein fouet, tête la première et elle l'a traversé, roulant devant la voiture sur le bitume. Mon cœur battait à cent à l'heure quand le véhicule s'est immobilisé, mes mains étaient tellement crispées sur le volant que les jointures étaient devenues banches.

Devant le capot, la fille s'est redressée se remettant plus vite de sa chute que moi de mon freinage brutal. Elle était passée de l'Autre-Côté. Elle était un zombie. J'ai à nouveau enfoncé l'accélérateur alors que son copain criait encore sous le choc de l'avoir vu traverser le parebrise, fonçant sur elle sans détour.

Ça n'avait commencé que depuis une demi-heure. A l'époque je ne savais pas ce qui avait commencé, mais je savais que ça l'était. Je ne savais non plus pas que c'était la première journée d'une longue série. Et c'était tant mieux. Sinon, je me serais tiré une balle immédiatement.


N'hésitez pas à me laisser une tite review pour me dire que ce vous en avez pensé !