Zoé

Chapitre premier : Mugi-san

-Bienvenue au cercle d'hôtes !

La jeune fille qui venait d'ouvrir les portes sourit, la tête baissée. Non qu'elle fût atteinte d'une quelconque timidité devant ces jeunes hommes habillés avec des tenues traditionnelles japonaises, mais pour ménager son effet de surprise. Puis, doucement, son menton se leva.

-…

Tous regardaient le jeune homme au centre du groupe. Il hésitait visiblement à parler. Il fit mine de trébucher, et s'écria.

-Ma cheville ! Je crois me l'être foulée ! Occupez-vous bien de notre invitée !

Il sortit en boitillant, se dirigeant vers l'infirmerie, sans doute. Mais il murmura quelque chose à l'inconnue. Ce n'était pas du japonais, voilà qui était sûr. Elle fronça les sourcils et eut un pas de recul.

A la sortie du garçon, l'un des autres, un brun avec des lunettes, s'inclina devant la jeune femme.

-Ravi de te revoir, Zoé.

-Mais tout le plaisir est pour moi, Kyouya-senpai. Ça faisait longtemps, non ? Mais, je suis curieuse. Je me rappelle qu'il fut un temps, tu me surnommais en Japonais, hélas, je ne me souviens plus du mot…

-Mugi. Le blé.

Les autres hôtes détaillèrent la jeune fille. A peu près du même âge qu'eux, des yeux d'un bleu si profond qu'on s'y noyait, une bouche en cœur au lèvres fines, une silhouette fine et élancée, et des cheveux blonds tirant vers le roux. Des cheveux de la couleur du blé.

-Enfin, passons, se mit à rire Zoé. Je suis venue pour voir le cercle d'hôtes. Le bonheur des clients fait le votre, non ? Soit, je veux être heureuse.

Un petit garçon s'approcha d'elle. Ne pas se fier aux apparences. Elle voyait dans ses yeux qu'il était même plus âgé qu'elle.

-Tu veux quel style ? Mignon ? Sauvage ? Mystérieux ? Espiègle ? Naturel ? Choisit, Mugi-san !

Elle réfléchit à peine, et se mit à prendre un ton rêveur.

-Je voudrais quelqu'un de tendre, curieux, délicat, qui parle avec douceur et tact, qui ne soit jamais pris au dépourvu…

-J'aurais bien suggéré le prince, si jamais elle n'avait pas prononcé les mot « tact » et « délicat » ! Sourit un jeune homme aux traits doux.

-Haruhi ! Ne parle pas comme ça du Sire ! Surtout après l'avoir poursuivi sur un cheval… Ricanèrent deux jeunes hommes en chœur, jumeaux sans aucun doute.

-Lequel d'entre vous est le Prince ? Je veux avoir un rendez-vous avec lui.

-Tu ne changeras jamais, Mugi-san. Soupira Kyouya.

-C'est celui qui vient de partir. A l'instant.

-Et par où est l'infirmerie ?

-Je t'y conduis.

Kyouya était quelqu'un de très serviable. Et d'assez malin pour comprendre que le groupe avait discrètement suivi.

-Alors, Mugi-san, qu'est-ce qui t'amène ?

-Tes dossiers complets sur tout le monde ne t'ont pas suffi pour me percer à jour ?

-Allons, ne sois pas ridicule. Tu sais que tu as tout fait pour que je n'établisse aucun dossier solide sur toi.

-Je suis une… Comment dit-on, déjà ? Ah oui. Unagi. Une anguille te filant entre les doigts. Comme à chaque fois, d'ailleurs…

-Oui. Le ton était vexé. C'est là.

La jeune femme entra d'un pas tranquille. Un corps était étendu sur un lit, les yeux fermés.

-Tu vas bien. Me voilà rassurée.

Le Prince la fixa méchamment.

-Que fais tu là, Hisoka ?

-Que de surnoms ! Tu m'en vois flattée, Tamaki.

La stupeur peignit le visage de chaque hôte, sauf deux. Kyouya, qui était au courant de presque tout, et un grand qui se tenait derrière l'enfant-âgé.

-Hisoka ? Mais ça veut dire…

-Clandestin ? Oui. En effet. Mais si on faisait un tour des présentations ! Je me nomme Zoé.

-Hikaru.

-Kaoru.

-Mitsukuni, mais appelle-moi Honey-chan, comme tout le monde ! Et lui, c'est Mori-senpai.

-Haruhi.

Le garçon aux traits fins. Quelque chose clochait chez lui, sans qu'elle sache réellement quoi.

Zoé soupira et s'assit sur le lit du Prince. Beaucoup la regardaient avec curiosité et stupeur, la voyant prendre autant de liberté. Haruhi sembla être le plus choqué.

-Tu m'as manqué, bien trop, d'ailleurs.

-J'aimerais dire la même chose.

La voix du Prince surprit tout le monde. Un hôte ne se révélait jamais aussi sec avec quelqu'un.

-Tu as l'air brisée, Zoé. Aurais-je dit quelque chose de mal ? Oui ? Tant mieux. Je n'aime pas les prolétaires.

Le garçon nommé Haruhi serra les poings à en faire blanchir ses jointures.

-Sauf Haruhi, qui est quelqu'un de… spécial. Plus que tu ne peux le penser.

-Tu es amoureux de quelqu'un, depuis le temps ?

Zoé parlait en toute liberté, comme nullement gênée des présences autour d'eux.

-Ça ne te regarde pas.

-Vu les sentiments que j'éprouve pour toi, et les tiens pour moi, je trouve que si, ça me regarde.

-Je n'ai plus aucun sentiment pour toi. J'en avais oublié ton existence. Sale… Sale prolétaire !

Nul ne sut ce qui de son cri ou de la gifle qu'il reçut arriva en premier.

-Pas de chance. Mon avion rentre dans une semaine. Moi qui pensait que ce temps pouvait avoir effacé ta haine. J'avais tort.

-Alors là, bravo ! La fiancée arrivée tout droit du néant n'a même pas besoin de mon aide pour être intéressante.

-Oh non… Commença Hikaru.

-Renge. Compléta son jumeau.

Une jeune fille assise sur une estrade (comment était-elle arrivée là ?) applaudissait à tout rompre.

-Hum. Fiancée ? Point de vue intéressant. Mais absolument pas.

-Plutôt crever que d'épouser une prolétaire comme celle-là. Je préfère encore épouser Haruhi.

Nouvelle claque de Zoé. Haussement de sourcils d'Haruhi.

-Ça veut dire quoi, ça ?

-Je confirme. Tu te rappelles ta promesse ? Ensemble pour toujours. Rien ne nous séparera. Je t'aime trop pour ça. Et sous prétexte que Monsieur doit partir pour le Japon, il m'abandonne là, fichant en l'air ses belles promesses ?

Cette fois-ci, s'en fut trop. Ce fut au tour de Tamaki de gifler Zoé. Qui s'enfuit, le visage ruisselant de larmes.

-Tu est trop dur. Je comprends sa réaction.

-La ferme, Kyouya. Je n'ai pas envie de gâcher ma vie en parlant d'elle. Elle est assez forte pour me le faire toute seule.

-Il a raison.

Quand Takashi murmura cela, montrant un point de vue subjectif, pour une fois, Tamaki baissa la tête. Il se mit à pleurer aussi.

-Haruhi, va parler à Zoé. Confie lui ton secret. C'est quelqu'un de confiance.

-C'est qui pour toi ?

-Mais c'est évident ! S'écria Renge (vexée d'avoir été oubliée si facilement.) Un amour qu'il a eu en France quand il était jeune, et qu'il a été forcé d'abandonner !

-C'est à peu près ça, oui. Va, s'il te plaît.

Haruhi s'inclina avant de s'exécuter. Voir Tamaki, lui toujours si… stupide, se montrer aussi rude et dur lui fit détester Zoé. De quel droit venait-elle zapper le moral de tout le monde ? Le comportement du Prince ne semblait pas l'avoir surprise : elle était consciente de l'effet qu'elle produirait. Si elle pleurait, tant mieux. Mais mieux valait obéir à Tamaki-senpai.

-Zoé ?

-C'est un monstre, me rejeter, ainsi, non, il n'avait pas le droit. Tout ce que je voulais, c'était lui apporter un peu de bonheur, lui enlever de la solitude, lui prouver que j'avais survécu dans cette nouvelle vie, lui prouver que je l'aimais encore et…

-ZOÉ !

La blonde sursauta.

-Comment tu m'as appelée ? Ils m'appellent tous Mugi-san. Sauf lui, évidemment. Pour lui, je ne suis que Hisoka, kokuzoku*, kashitsu**, où autres noms désagréables. Ce type n'est qu'une enflure, je venais lui montrer que je pensais encore à lui, que…

-Tais-toi.

La blonde leva les yeux, sidérée. Son visage mouillé dévisageait Haruhi, qui en faisait de même. Et ce qu'elle vit la choqua. Aucune haine, aucune rancœur. Juste de la peine à l'état pur.

-Sais-tu qu'à l'instant présent, Tamaki est en larmes à cause de toi ?

-Moi aussi. Je pleure à cause de moi. Comment ai-je pu être aussi bête. Baka. Juste une stupide prolétaire comme moi ne peut rien face à cette suprématie d'arrogance. Ce n'est qu'un…

-Tu parles trop. Je suis aussi une prolétaire. Qui a eu une bourse d'étude. Et pourtant, j'ai su lui tenir tête.

-Une prolétaire ? Tu es une fille ? Toi aussi il t'a fait le regard du chien mouillé pour que tu restes ? Il fait le coup à toutes les filles.

-Hem… Non. En fait, j'avais… Une dette à payer envers le club. Donc je devais y travailler.

-Tu parles au passé ? Tu n'as plus de dette ? Pourtant tu y travailles encore.

-Oui… Je m'y plaît beaucoup. Au moins, j'y ai des amis. Même si Tamaki-senpai est un idiot fini.

-Non. Il a raison, en un sens, de faire croire ceci. Mais il est bien plus intelligent qu'on ne peux le croire. C'est pour ça qu'il me hait. Parce que… Il est intelligent.

-Haru-chaaaan ! Tama-kun m'a demandé d'aller te chercher !

En un éclair, Honey-chan attrapa la jeune fille par la main et l'entraîna au loin. Mori-senpai était resté là.

-Il tient à toi.

Zoé mit quelques instants à comprendre que c'était à elle qu'on parlait.

-Qui ?

-Tamaki.

-Comment le saurais tu ?

-Les yeux ne mentent jamais. Les siens s'emplissent d'amour quand il te regarde. C'est pour ça qu'il a évité de le faire. Et puis… Il faut vraiment qu'il tienne à quelqu'un pour oser se punir ainsi. En te faisant souffrir. Je le sais. J'ai fait la même chose quand Mitsukuni était puni. Je me punissait aussi en m'attirant sa haine.

-Quoi ? Mais je… Je ne le hais pas.

-Et comment est-il censé le deviner ? Si tu l'aimes encore, fonces le lui avouer.

Il se pencha et murmura quelque chose à l'oreille de Zoé. Elle ouvrit de grands yeux.

-Mais… Comment…

-Fonces !

Elle obéit. Se redressant d'un bond, elle se précipita dans l'infirmerie. Qu'importaient les gens présents ? Elle avait besoin de Tamaki. Elle se blottit contre lui, dans le lit, tandis qu'il la regardait d'un air désemparé. Que devait-il faire ? Puis soudain, tout fut clair.

-Gomen***, Zoé.

Il la serra dans ses bras. Et elle se retourna doucement.

-Ça a recommencé, hein ? Comme moi. Mais qui…

Elle dévisagea tout le monde avant de s'arrêter sur une personne. Elle se retourna et fixa de nouveau le visage angélique. Qui hocha tristement la tête.


* Traitre
** L'erreur
*** Désolé

Cette histoire étant en 2 chapitres, le suivant sera la fin... Nous apprendrons le lien qui unit Zoé et Tamaki. Pour le meilleur et pour le pire...