Prologue
Oscar avait désobéi à son père. Elle était allée au bal du duc de Broglie, mais dans sa tenue de colonel des Gardes Françaises. Le général lui avait pardonné, mais il se retrouvait quand même dans une situation délicate. Si le duc n'avait pas pris de sanction, il n'en avait pas moins décidé qu'Oscar devait devenir la femme qu'elle aurait dû être. Une très belle femme de surcroît !
Puisque le général de Jarjayes était d'accord sur le principe, il ne restait plus qu'à trouver un moyen pour faire plier l'intéressée.
I - Complot
- Alors mon bon Jarjayes, l'accueillit le duc dans son bureau. Avez-vous trouvé un moyen pour amener votre... "fils", à revêtir des habits plus appropriés à son sexe ?
- Hélas ! Je crains de la braquer plus encore si je lui donne un ordre. Je la connais : elle est fière et courageuse.
- Vous êtes trop bon mon ami. Il faut parfois faire du mal à ceux qu'on aime...pour leur bien.
- Elle est têtue, mais le comte de Girodelle ne l'est pas moins. Il prétend de nouveau à la main d'Oscar, malgré son premier refus. Il ne veut pas s'avouer vaincu. Il a déjà perdu un duel et sa place à la tête de la Garde Royale...
- Eh bien voilà un homme qui ne s'en laisse pas conter et qui saura s'imposer à votre fille ! Qu'on le fasse quérir !
En attendant Girodelle, les deux hommes parlèrent de leurs affaires.
- Monsieur le duc, vous m'avez fait mander...
Girodelle venait d'être introduit dans le bureau, dont le duc ferma les portes. Ce qui signifiait qu'il ne voulait absolument pas être dérangé.
- Monsieur le comte, mon ami le général de Jarjayes m'apprend que vous prétendez toujours à la main d'Oscar.
- C'est exact.
- Et pourtant, elle a décliné votre première demande. Et monsieur son père a eu la faiblesse de ne pas s'imposer.
Le général était mal à l'aise. L'obstination d'Oscar le mettait dans une position de plus en plus délicate. Les Jarjayes savaient depuis toujours obéir au pouvoir en place, aux souverains comme aux puissants. Or le duc Victor-François de Broglie était un puissant parmi les puissants, et certainement pas un homme auquel on pouvait désobéir.
- Mademoiselle de Jarjayes a du caractère, je suis bien placé pour le savoir. Mais cette bataille ne fait que commencer. Je serais indigne des fonctions que j'occupe, et indigne de prétendre à sa main, si je renonçais à la première escarmouche, répondit Girodelle en souriant.
- Voilà une disposition d'esprit qui me plaît ! s'exclama le duc. Oserais-je croire, monsieur, que vous n'hésiteriez pas à vous imposer ?
- Oscar de Jarjayes n'aime pas les lâches.
- Vous pouvez compter sur mon appui inconditionnel.
- C'est trop d'honneur...
- Mais je ne crois pas que renouveler votre demande soit suffisant, coupa le duc. Son père ( il posa la main sur le bras du général ) est d'accord avec moi. Il faut contraindre cette jeune personne à s'accepter telle qu'elle est. Il semble que l'affection paternelle et son devoir d'obéissance envers son père n'y suffisent pas.
Ils réfléchirent quelques instants.
- Je ne souhaiterais pas aller jusqu'à en référer à Sa Majesté, commença le duc.
- D'autant qu'Oscar est très liée avec Marie-Antoinette, dont elle a assuré la sécurité dès son arrivée en France, objecta le général.
- Oui c'est vrai. Et c'est une affaire qui doit être traitée dans l'intimité. Mais il existe bien quelque chose...ou quelqu'un, capable de la faire plier. Après, en conjuguant nos efforts, nous arriverons bien à nos fins !
- Il existe peut-être quelqu'un, intervint Girodelle que l'amour rendait intuitif. Quelqu'un pour qui elle a déjà risqué sinon sa vie, du moins la disgrâce.
- Ah oui ? s'étonna le général.
- Souvenez-vous de l'affaire du cheval de la Dauphine...
- André ! s'écria le général.
- Qui est André ? demanda le duc.
- Son ordonnance...
- Son ordonnance, reprit Girodelle, son ami d'enfance, son compagnon d'armes, son ombre...
- Oh oh ! s'amusa le duc. Je crois déceler une pointe de jalousie.
- Moi jaloux ? D'un serviteur ?
- Rien de tel qu'un homme amoureux ! Il semble, mon cher Girodelle, que vous ayez découvert une petite faille dans l'armure bien lisse de cette chère Oscar. A nous, maintenant, de bien l'exploiter...
