Il vous faut comprendre

Arthur était soulagé. Sa femme était revenue, lui était revenue. Le soulagement l'envahi, le bonheur habitait de nouveau son cœur. Il avait cru la perdre, il avait cru que Morgane avait réussi à la détourner de lui. Mais heureusement son plan avait échoué. Il en remercia le ciel. On lui avait rendu son plus précieux trésor. Un sourire éclaira son visage. Mais il disparut aussitôt. Un éclat de rire le fit sursauter, lui et ses compagnons. Un éclat de rire qui était tout sauf joyeux, cruel plutôt, dangereux même.

Debout sur une roche, une femme. Une femme aux longs cheveux noirs tressés qui tombaient nonchalamment au milieu de son dos. Son pantalon et sa tunique était aussi sombres que ses yeux étaient clairs. Une beauté étrange émanait de cet individu, une beauté aussi envoutante qu'inquiétante.

- Qui êtes-vous ? Demanda le souverain en position de combat, la main sur le fourreau de son épée.

- Je pense, Arthur Pendragon, que ce n'est pas ce qui devrait vous préoccuper.

- Et qu'est-ce qui devrait me préoccuper, selon vous?

- Ce que je veux… ou plutôt qui je veux !

Le roi, d'un mouvement de la main, ramena Guenièvre derrière lui pendant que Mordred sortit son épée. L'inconnue ria de nouveau.

- Votre femme, bien que sûrement charmante, ne m'intéresse aucunement pauvre idiot.

D'un léger mouvement, elle disparut soudainement pour se retrouver derrière Merlin qu'elle attrapa par le cou. Surpris, le sorcier n'osa bouger.

- Par contre, votre serviteur…

Arthur blêmit. Il avait, devant lui, une sorcière qui tenait son valet d'une main menaçante et ferme. Il arrêta Mordred, désireux de libérer le prisonnier, d'un signe de tête.

- Il n'a aucune valeur. Relâchez-le. Il tenta de maîtriser sa voix tremblante.

Un nouveau rire.

- Comme vous êtes ignorant. L'homme que je tiens dans ma main, l'homme que je pourrais tuer d'un simple geste a bien plus de valeur que n'importe quel individu, plus de valeur que vous-même.

- Que racontez-vous donc ? Ricana le roi. Ce n'est qu'un valet, rien d'important.

- Vous me décevez, vous êtes si ignorant.

Les yeux brillants de rage, l'inconnue resserra sa main sur le cou de Merlin qui tomba subitement inconscient dans ses bras.

A cette image, le sang d'Arthur ne fit qu'un tour, il retira son épée et courut en direction de cette femme et de son valet sans connaissance. Mais à peine avait-il fait un pas, qu'elle s'envola emportant avec lui le sorcier.

La respiration rapide, les yeux fous, le souverain regarda de part et d'autre espérant que cette sorcière était toujours dans les environs mais il dut se rendre à l'évidence, elle avait quitté les lieux avec…

- Merlin. Souffla-t-il le cœur battant.

- Arthur, qu'allons-nous faire ? Demanda tristement Guenièvre devant le constat similaire qu'elle venait de réaliser.

La question de sa femme le sortit de ses pensées.

- Rien, vous ne ferez rien. Mordred et toi vous allez retourner à Camelot.

- Quoi ? Je ne te laisserai pas.

- Il le faut, Guenièvre. Dit le roi en lui prenant les mains. Tu vas repartir vers Camelot pendant que j'irai chercher Merlin.

- Seul ? Comment y arriveras-tu ? Et s'il t'arrives quelque chose, personne…

- Guenièvre, interrompit le souverain, je dois retrouver Merlin, je ne repartirai pas sans lui.

- Mais…

- Et tu dois repartir à Camelot pour t'occuper de notre peuple. Mordred t'accompagnera. Je t'en prie, ne rends pas les choses plus difficiles qu'elles ne le sont.

La reine regarda son époux droit dans les yeux et comprit qu'elle n'obtiendra pas gain de cause pour cette fois. Arthur ne retourna pas à Camelot sans Merlin.

- Très bien mais je t'en prie, sois prudent.

L'embrassant tendrement, le roi lui promit. A nouveau, un rire glacial les interrompit. Arthur se retourna instamment vers son origine. Elle était revenue mais aucune trace de son valet.

- Où est-il ? Qu'avez-vous fait de Merlin ? Demanda Arthur la main de nouveau sur son fourreau.

- Cela vous intéresse ?

- Vous ne m'avez pas répondu.

- Vous non plus.

Un silence se fit. Les deux se regardèrent sans bruit, se défiant des yeux. Un sourire narquois étira les lèvres de la sorcière.

- Voulez-vous le récupérer ? Et je vous conseille de répondre à cette question.

- Oui.

- Vraiment ?

- Je viens de vous le dire.

- Et savez-vous pourquoi vous voulez le récupérer ?

- C'est comme ça.

- Ce n'est pas une réponse mais cette réflexion ne m'étonne guère. Vos sentiments sont confus concernant votre relation avec Merlin. Relation amicale, je précise. Sourit-elle en regardant la reine. Je vais vous faire une proposition.

- Allez-y ! Je vous écoute.

- A cet instant précis, Merlin agonise.

Le cœur d'Arthur rata un battement, son sang se glaça, sa respiration se bloqua.

- Je suis contente de voir que cela vous touche.

- Laissez-le. Réussit à dire le jeune homme dans un souffle.

- Vous avez trois journées. Reprit la sorcière en faisant fi de la supplique du roi. Trois journées pour le récupérer et pour prouver que vous tenez à lui autrement que pour laver vos chaussettes. Sinon, il disparaitra.

- Comment voulez-vous que je fasse ?

- Tout d'abord, vous devez le faire seul ! Si votre femme et votre chevalier ne partent pas dans l'immédiat, jamais vous ne retrouverez Merlin. Et je vous conseille de bien repartir vers votre cité, dit-elle en s'adressant à Guenièvre. Un pas en arrière pour revenir ici et vous signerez l'arrêt de mort de Merlin.

- Il était déjà convenu qu'ils s'en aillent.

- Ensuite, vous devrez chercher. Votre point de départ sera ici. Ce sera un peu comme une chasse aux trésors. Amusant, non ?

- Quel est votre but ?

- Merlin est quelqu'un d'important. Vous en prendrez conscience en temps voulu, s'il survit évidemment. Et je veux que la personne à qui il voue son destin soit quelqu'un qui l'estime et l'affectionne. Dans le cas contraire, il mourra.

- Vous insinuez que vous voulez son bien mais vous n'hésiterez pas à le tuer ! Tout ceci est incohérent.

- Je suis une femme compliquée. Sourit narquoisement la jeune femme avant de disparaitre à nouveau.