Traduction: Cold Spell FR

Auteur: MornMeril

Traducteur: NekoJilly

Série: Merlin, appartient à BBC One


Partie 1: Merlin

La peau du cou d'Arthur était chaude et douce sous les mains de Merlin alors qu'il tentait de nouer les lacets de la chemise du Prince de ses doigts tremblants. Il pouvait sentir le poids du regard d'Arthur tandis qu'il continuait ses mouvements gauches, pouvait sentir son souffle chaud faire bouger sa frange à l'endroit où il avait courbé la tête. Merlin se pencha encore plus en avant et essaya de respirer malgré la sensation d'oppression qui lui comprimait la poitrine.

Finalement, les lacets se mirent en place avec une habileté née de l'habitude et Merlin fit rapidement un pas en arrière, un soupir de soulagement coincé dans la gorge.

Il força une toux étranglée afin de la dégager alors qu'il s'esquivait derrière Arthur, saisissant sa veste sur le lit avec une force inutile.

La tension entre eux avait grandi de plus en plus au fil de la journée, même si Merlin ne pouvait identifier avec certitude le moment exact où cela avait commencé. Ce n'était pas quelque chose qui était tout simplement sorti de nulle part; cela avait semble-t-il mijoté sous la surface pendant une longue période. Lui et Arthur marchaient sur des œufs en présence de l'autre avec un soin inhabituel et exagéré, et cela rendait le jeune sorcier agité et nerveux, son bavardage habituel étouffé par les non-dits.

Lorsqu'il leva les yeux afin d'aider Arthur à enfiler sa veste, il constata que le Prince s'était retourné et l'observait avec un regard perçant. Merlin eut l'impression que les rôles étaient inversés, que c'était désormais Arthur qui pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert, et Merlin qui avait du mal à déchiffrer les pensées de son compagnon.

C'était déconcertant la façon dont Arthur semblait avoir trouvé la possibilité de cacher ses pensées derrière une expression que Merlin ne l'avait jamais vu arborer auparavant. La plupart du temps, il devait détourner la tête ou même se retourner entièrement, ce nouveau regard dans les yeux d'Arthur le rendant étourdi et libidineux.

Arthur se rapprocha et Merlin dû se retenir de faire un pas en arrière, ayant soudainement l'impression que les murs se rapprochaient. Ses doigts se recourbèrent sur la veste avec force, geste qui ne passa pas inaperçu aux yeux du blond tandis qu'il tendait délibérément lentement la main pour récupérer la veste des mains de son serviteur. Leurs doigts s'effleurèrent, un contact qui envoya spontanément une bouffée de chaleur au niveau de ses joues.

"Je m'attends à ce que tu aies nettoyé ma chambre au moment où je reviendrai" déclara Arthur, sa voix ne trahissant rien.

Merlin déglutit, cachant ses mains tremblantes derrière son dos alors qu'il hochait fébrilement de la tête, les joues encore cramoisies.

"Oui Sire." La réponse du jeune homme était automatique et il aurait donné n'importe quoi en cet instant pour connaitre la teneur des pensées d'Arthur.

oOo

Pour la première depuis ce qui semblait être une éternité, Merlin exécuta toutes ses corvées sans utiliser la magie, bien qu'il ne sût pas s'il cherchait une distraction ou s'il essayait simplement de se donner le temps de réfléchir.

Au moment où il termina le nettoyage du sol ses mains étaient moites et douloureuses, et tout son visage était trempé de sueur. Se levant, Merlin frotta ses genoux endoloris avant de jeter un coup d'œil à la chambre. Voilà un moment qu'elle n'avait pas semblé aussi propre et bien entretenue.

Satisfait et complètement épuisé, il vida le pot de chambre dans les latrines avant de jeter plus de buches sur le feu et de l'attiser pour s'assurer qu'il continue à brûler jusqu'au retour d'Arthur.

Le chemin jusqu'aux quartiers de Gaius sembla plus long que d'habitude, les couloirs pleins de courants d'airs presque aussi froids que le temps impitoyable à l'extérieur. Il n'était pas rare d'avoir un temps aussi froid à l'approche de Yule*, mais cette année la température avait chuté en dessous du seuil habituel.

Ses vêtements mouillés collaient à son corps comme des sangsues et il sentit le froid s'infiltrer jusque dans ses os. Se frottant les mains, Merlin frissonna et accéléra ses pas déjà un peu raides, passant devant des gardes vêtus de manteaux de laine épais. Il se fit la note mentale d'essayer de trouver des vêtements chauds, ou peut être porter plusieurs chemises à la fois – l'un ou l'autre – la prochaine fois.

Par bonheur, il faisait chaud dans le laboratoire de Gaius, le médecin ayant allumé plusieurs petits feus dans un assortiment de petits contenants, en plus de celui brulant dans la cheminée.

Le jeune homme fit tout de suite son chemin vers le foyer, essayant de ressentir à nouveau une quelconque sensation dans les jambes. Gaius l'observa d'un œil critique, un de ses sourcils relevé alors qu'il saisissait l'ampleur de l'état de son protégé.

"Que t'est-il arrivé ?" demanda-t-il, ayant l'air de s'attendre à une quelconque confession.

Merlin tendit le cou pour regarder par-dessus son épaule, ne voulant pas se détourner de la chaleur bénie.

"Rien" répondit-il, et pour une fois c'était vrai. Cependant, lorsqu'il vit l'expression incrédule de Gaius il ajouta: "Je nettoyais le sol de la chambre d'Arthur".

Merlin voyait bien que Gaius n'étais pas convaincu, mais il fut soulagé que le sujet soit abandonné pour le moment.

"Tu ferais mieux de changer ces vêtements humides" commenta le médecin, son attention se reconcentrant sur la potion en face de lui. "Et après ça, il y a quelque chose dont j'aimerais discuter avec toi."

Cela eut pour effet d'attirer l'attention de Merlin qui finalement se retourna, les muscles de son cou protestant face au mouvement soudain.

"Est-ce que quelque chose est arrivé ?" Il essaya de ne pas paraitre alarmé, mais un sentiment de malaise lui tordait les entrailles.

"Non, non, pas du tout." Le médecin fut prompt à le rassurer, levant les yeux de son travail une fois de plus pour lui sourire. "Maintenant vas-y, avant d'attraper un rhume. J'ai assez de travail comme ça, avec la moitié du château ayant déjà succombé à ce temps."

Au moment où Merlin émergea de sa chambre, sec et bien plus à l'aise, Gaius avait fini sa potion et était assis à table, penché au-dessus d'une épaisse pile de parchemins, remplissant les pages de sa fine écriture. Merlin prit le siège à côté de lui, le raclement des pieds de la chaise sur le sol faisant un bruit assourdissant par rapport au doux grattement de la plume.

Merlin ferma en un poing la main qu'il avait posée sur la table et reposa son menton dessus, les mots sur la page se floutant légèrement alors qu'il se rapprochait. Il dut s'assoupir un moment car lorsqu'il rouvrit ses yeux – qu'il ne se souvenait pas avoir fermés – ce fut pour voir Gaius fermer le livre et le mettre de côté de façon à pouvoir plier ses mains devant lui sur la table.

Clignant des yeux d'un air endormi, le jeune homme se redressa et se frotta le visage d'un air las, complètement lessivé à la fois par le travail manuel effectué plus tôt et par toutes les questions qui lui embrouillaient la tête ces derniers temps.

"Tu as l'air épuisé mon garçon" fit doucement remarquer Gaius, étendant brièvement le bras pour lui enserrer l'épaule, avant de remettre sa main dans sa position précédente. "Y-a-t-il quelque chose qui te préoccupes ?"

Merlin regarda ses ongles qui rayaient distraitement le bois de marques presque imperceptibles.

"Je n'ai pas vraiment envie d'en parler" répondit-il d'un air vague, pensant à Arthur. "Tu as dit que tu voulais m'annoncer quelque chose ?"

Il leva les yeux pour voir Gaius hocher solennellement la tête. "J'ai reçu aujourd'hui une lettre d'un vieil ami. Il travaillait au château comme serviteur avant d'aller s'installer ailleurs pour se marier."

"Oh ?" Merlin posa son menton sur sa paume alors qu'il tentait de concentrer toute son attention sur la conversation en cours. "Est-ce que tout va bien ?"

Gaius fit un geste vague de la main, "Oui oui, lui et sa famille sont en bonne santé. Le but de sa lettre était de me demander une faveur."

Gaius fit une pause, et Merlin sentit se former sur son visage les prémices d'un froncement de sourcils. Cela ne ressemblait pas au médecin d'être aussi hésitant.

"Vois-tu, il a un fils d'à peu près ton âge qui est assez talentueux en ce qui concerne les préparations alors il m'a demandé si je serais prêt à le prendre comme apprenti. Comme tu le sais, une position ici améliorerait ses chances pour l'avenir." Les mots de Gaius semblaient soigneusement choisis, et le froncement de sourcils qui avait menacé d'orner le front de Merlin dès le début de la conversation se montra enfin.

"Es-tu en train d'essayer de me dire que tu n'as plus besoin de mes services ?" Les mots sonnaient un peu rauque et Merlin fit de son mieux pour ravaler la boule qui s'était soudainement formée dans sa gorge.

Gaius avait été comme un père pour lui, le seul qu'il n'ait jamais eu. La pensée qu'il puisse ne plus vouloir de lui à ses côtés lui enserra douloureusement le cœur.

L'expression du vieil homme s'adoucit et il replaça sa main sur l'épaule de Merlin, y restant cette fois un moment afin d'y appliquer une pression réconfortante.

"Mon cher enfant" dit-il doucement, "il y aura toujours une place pour toi à mes côtés. La raison pour laquelle je songe à prendre un autre apprenti, c'est que j'aurais bien besoin d'une aide supplémentaire. Le Prince requiert tes services la plupart du temps et nous savons tous les deux que ton objectif n'est pas de finir médecin."

Merlin laissa échapper un souffle qu'il n'avait pas réalisé avoir retenu, un sentiment de soulagement faisant disparaitre la sensation d'oppression dans sa poitrine. Il réussit à faire un petit sourire.

"Je ne pense pas être un jour aussi bon que toi Gaius" dit-il avec un rire faible. "Dieu sait que j'ai déjà assez de mal à simplement nettoyer après Arthur."

"Tu fais beaucoup plus que nettoyer après lui Merlin, ne te sous-estime pas." Gaius l'observa d'un air sérieux. "Et un jour le Prince s'en apercevra lui aussi."

Pressant ses lèvres l'une contre l'autre, Merlin détourna les yeux. Discuter d'Arthur faisait mal, et cet état de fait le faisait se sentir à la fois ridicule et misérable.

"Bien" déclara Merlin sur un ton presque inaudible, sa voix pleine de doute. Il se racla la gorge avant de se pencher légèrement en avant. "Donc, tu vas accepter ? La requête je veux dire."

Le regard inquiet n'avait pas encore disparu des yeux de Gaius mais sa voix, au moins, était normale. "Je ne voulais pas décider sans toi, mais si tu n'as pas d'objections je ne vois pas de mal à au moins donner une chance au garçon. La seule chose, c'est…" Gaius s'interrompit, semblant presque penaud.

Si Merlin n'avait pas tant redouté la suite de cette phrase, il aurait vraiment trouvé ça drôle.

"Quoi ?" demanda-t-il d'un air las, sa voix intérieure lui murmurant un million de choses désagréables.

"Eh bien, comme tu le sais ces quartiers ne sont composés que de cette pièce et de ta chambre" dit-il prudemment. "Donc, jusqu'à ce que nous trouvions une meilleure solution, ou que je puisse approcher l'intendant, tu devras partager ta chambre."

Merlin soupira, se laissant retomber contre le bois dur de la chaise et basculant sa tête en arrière pour observer le haut plafond. Après avoir digéré cette information, il redressa lentement le cou pour regarder Gaius.

"Très bien" céda-t-il, incapable de refuser quoi que ce soit au médecin. "Mais seulement temporairement. J'aime ma chambre et c'est assez difficile de trouver un peu de paix et de calme avec Prince Imbécile dans les parages."

Gaius eut l'air soulagé et Merlin ravala les commentaires supplémentaires qu'il avait sur le sujet.

"Merci Merlin." Le vieil homme lui fit un sourire. "Je veillerai à ce que le problème soit réglé le plus rapidement possible."

Merlin hocha simplement la tête, même s'il gémissait déjà intérieurement. Non seulement il avait plus que jamais besoin d'intimité en ce moment, mais il en plus il allait devoir partager sa chambre avec un parfait inconnu. La vie venait de prendre une mauvaise tournure.

oOo

Lorsqu'Arthur revint de patrouille deux heures plus tard, Merlin l'attendait avec un bain bien chaud. Il avait les joues rouges et avait l'air fatigué, et Merlin fut surpris de ne pas voir de glaçons suspendus au bout de son nez.

Il essaya d'ignorer les papillons dans son estomac tandis qu'il faisait son chemin à travers la pièce pour aider Arthur à se défaire de son lourd manteau, la froideur du dehors s'accrochant encore à la laine. Normalement, Merlin aurait commencé à parler à partir de cet instant, mais d'une manière ou d'une autre tout était devenu étrange et calme entre eux, et il n'aurait pas été en mesure de trouver les mots même s'il l'avait voulu.

Arthur était anormalement docile, se laissant tourner de telle ou telle façon, élevant sagement les bras lorsque Merlin attrapa le bas de sa tunique. Elle s'enleva facilement, accompagnée par le murmure familier du tissu, et Merlin se retourna pour la plier soigneusement de façon à éviter la vue de la poitrine nue d'Arthur.

"Je vais aller vous chercher votre diner Sire" annonça-t-il, la voix exagérément neutre, s'adressant à la tunique désormais pliée tout en la rangeant dans l'armoire avec un soin disproportionné.

Merlin prit le silence qui suivit pour un consentement et réussit à fuir de la pièce sans se retourner une seule fois en direction du Prince.

Si possible, le château était encore plus froid à présent et malgré les deux gilets enfilés par-dessus sa tunique la plus chaude, Merlin avait l'impression que son sang gelait dans ses veines. Il était dans une telle hâte qu'il ne vit pas Gwen avant d'entrer en collision avec elle en haut des escaliers menant aux cuisines.

Elle portait un manteau par-dessus sa robe et avait placé ses mains dans la doublure de laine. Cela ressemblait bien à Morgane d'être concernée par la garde-robe de sa servante, et Merlin se stoppa net avant que ses pensées ne prennent la direction de son propre maitre.

"Merlin !" dit-elle avec un grand sourire, apparemment heureuse de le voir, avant qu'un léger froncement de sourcils ne vienne orner son visage lorsqu'elle l'observa de plus près. "Est-ce que ça va ? Tu as l'air un peu pale."

Merlin sentit ses propres lèvres faire la moue et il haussa les épaules dans une tentative de paraitre décontracté. "Je ne dors pas bien ces derniers temps, c'est tout. Pas de quoi s'inquiéter."

Gwen, étant Gwen, laissa heureusement tomber et se contenta de le prendre par le bras alors qu'ils se remettaient en marche et descendaient les marches de pierre familières.

"Ce doit être l'hiver le plus froid depuis des années" commenta-t-elle, rentrant sa main désormais découverte plus profondément dans l'espace entre son bras et les flancs du jeune homme. "Je n'arrive même pas à me souvenir de la dernière fois où on a eu aussi froid. J'ai dû me lever trois fois la nuit dernière pour m'assurer que le feu dans la chambre de Morgane ne s'était pas éteint. J'avais peur qu'elle ne meurt gelée si jamais il venait à s'éteindre."

Merlin hocha la tête, soulagé lorsque la chaleur des cuisines sembla prendre le dessus sur la froideur du couloir. "Je sais, et nous ne sommes même pas encore à Yule. Si ça se refroidit encore, nous n'aurons plus qu'à rester au lit toute la journée."

Gwen rit, lui donnant un coup de coude. "Et quel dommage ce serait."

Merlin sourit, ses problèmes momentanément oubliés alors qu'ils s'approchaient du cuisiner, récupérant chacun un grand bol de bouillon et du pain fraichement cuit au four avec du fromage. La vapeur s'échappant du bol réchauffait les joues de Merlin et il s'en approcha inconsciemment pour en absorber la chaleur.

Ils se séparèrent quelques minutes plus tard avec un au revoir hâtif, se pressant tous les deux pour ne pas laisser les aliments refroidir avant d'avoir atteint leur destination. Merlin s'aida en jetant l'habituel sort de réchauffage sur la nourriture d'Arthur. Il préférait se risquer à un peu de magie plutôt que de trébucher sur ses propres pieds et tout renverser.

Au moment où il atteignit la chambre du Prince, l'exercice et le bouillon encore fumant avaient réchauffé ses joues et Arthur, heureusement, était sorti de l'eau et entièrement habillé. Merlin plaça le plateau en face de lui, faisant attention à ne rien renverser, avant de remplir une coupe avec l'hydromel chaud qu'il avait amené en même temps que la nourriture.

Désireux de rester en mouvement afin de se débarrasser d'une partie de sa nervosité, Merlin se précipita pour commencer à vider la baignoire lorsqu'Arthur l'arrêta.

"Merlin" sa voix était calme, mais autoritaire. "Assieds-toi."

Le brun savait que son visage imitait probablement l'expression d'un cerf qu'Arthur était sur le point de tuer, et essaya désespérément de la garder sous contrôle. La chaise à la droite d'Artur se déplaça et Merlin aperçu un bout de la botte du blond alors qu'il la poussait loin de la table en une invitation muette.

Déglutissant, Merlin se tint raide sur un bord de la chaise, ne sachant pas ce qu'il devait faire de ses mains.

"On dirait que tu n'as pas mangé depuis des jours" déclara Arthur, démontrant son talent pour avoir l'air à la fois insultant et inquiet dans la même phrase.

Il coupa le pain en deux et posa le fromage à côté avant de le pousser de l'autre côté de la table.

"Mange, avant que je ne te retrouve quelque part dans un fossé."

Merlin observa le pain un moment, une protestation sur le bout de la langue, avant de décider qu'il était sans doute plus sûr de tout simplement suivre l'ordre, tendant la main pour grignoter un coin du morceau.

Son estomac, évidemment, choisit cet instant pour le trahir et grogna. Faites confiance au corps de Merlin pour le trahir et plus écouter Arthur que lui-même.

Il fallait admettre que le pain était bon et le jeune homme le rompit légèrement afin d'y fourrer le fromage, avant d'en prendre une autre bouchée.

Ce n'était pas la première fois qu'Arthur l'invitait à manger avec lui, ce n'était pas non plus un fait inhabituel qu'il partage sa nourriture avec lui. Le cuisinier fournissait toujours plus de nourriture qu'Arthur n'en avait besoin, ou n'était capable d'en manger, et Merlin n'avait eu aucun scrupule au fil des années à piquer dans le plateau du blond.

Pour autant, quelque chose était différent cette fois, mais le jeune homme n'avait aucune idée de ce que c'était exactement.

Ils terminèrent leur repas en silence et lorsque Merlin se leva pour débarrasser les plats, Arthur l'en empêcha.

"Laisse-ça" dit-il, se levant et faisant rouler ses épaules de toute évidence tendues. Merlin eut l'envie soudaine de tendre la main pour les masser.

"Tu peux disposer pour la nuit" continua le blond, le dos tourné à Merlin alors qu'il traversait la pièce pour aller jeter un coup d'œil par la fenêtre. Merlin doutait qu'il fut capable de discerner quoi que ce soit compte tenu de l'obscurité de l'hiver. "Trouve moi une couverture supplémentaire et ensuite tu pourras y aller."

Le brun cligna des yeux de surprise, mais retira ses mains de l'endroit où il avait automatiquement commencé à empiler les plats et se dirigea plutôt vers l'armoire, en extrayant une énorme couverture doublée de fourrure. Il la drapa sur le lit, spontanément, avant de rediriger son regard vers la forme d'Arthur près de la fenêtre. Il n'avait pas bougé.

Merlin ouvrit la bouche, puis la referma, se tordant les doigts avant de laisser échapper un soupir frustré et de se diriger brusquement vers la porte, ayant l'intention de fuir avant que la situation ne devienne encore plus embarrassante et bizarre.

Sa main déjà posée sur la poignée de porte, Merlin s'arrêta une fois de plus et se retourna pour observer la cambrure du dos d'Arthur, les contours de son corps adoucis par la lumière du feu. Pendant un instant, l'envie d'améliorer les choses, de retrouver d'une façon ou d'une autre leur complicité, fut plus forte que l'envie de fuir et lorsqu'il ouvrit la bouche une fois de plus, il força les mots à en sortir avant de pouvoir y repenser à deux fois.

"Bonne nuit Arthur."

Ce fut seulement au moment où Merlin était sur le point de fermer la porte derrière lui qu'il entendit la réponse murmurée d'Arthur.

"A toi aussi Merlin."

oOo

Quand Merlin revint dans sa chambre, il trouva une masse de tissu bleu-gris l'attendant sur son lit. Fronçant les sourcils, il s'approcha. Tendant une main hésitante, comme s'il s'attendait à ce que la forme prenne vie à tout instant et le morde, Merlin laissa ses doigts glisser sur l'un des plis.

Une étoffe de laine dispendieuse bougea sous le bout de ses doigts, la couleur terne ayant avec succès dissimulé sa valeur. Cela n'avait aucun sens. Aucun noble n'oserait porter une telle couleur terne, mais aucun paysan ne pouvait se permettre ce type de vêtements.

Avec une grande précaution, comme s'il pouvait disparaitre à tout moment, Merlin leva le vêtement à deux mains. Le tissu se déploya en douceur, révélant une cape d'hiver bien coupée. En y regardant de plus près, Merlin découvrit qu'elle était fourrée à l'intérieur, mais la cape était si habilement conçue pour avoir l'air ordinaire que l'on ne s'en apercevait pas si on ne l'observait pas attentivement.

Le cœur battant dans sa gorge, Merlin laissa ses doigts s'enfoncer dans la douce fourrure et il ne put s'empêcher de la lever vers son visage de façon à y appuyer sa joue. Il inspira profondément, s'attendant presque à y trouver l'odeur d'Arthur mais n'y sentant que le savon utilisé par les lavandières.

Merlin ferma les yeux et se laissa finalement tomber au bord du lit, sentant que ses genoux ne seraient pas en mesure de le supporter une minute de plus. Son esprit était ébranlé, essayant de donner un sens à la situation mais échouant lamentablement. La seule chose que son cerveau semblait en mesure de produire était ces mots: Il m'a offert une cape.

Se laissant complètement tomber sur son lit, Merlin étendit le vêtement sur lui, le sentant déjà piéger sa chaleur corporelle et l'envelopper dans une chaleur bienfaitrice. Il n'arrivait pas à s'arrêter de le toucher, ses doigts parcourant sans relâche le doux tissu. Il se demanda ce que faisait Arthur en cet instant, se demanda s'il pensait à Merlin en retour.

Se tournant sur un côté, Merlin enleva distraitement ses bottes avant de se rouler en boule sous la cape, l'agitation le maintenant éveillé alors que le jeune homme essayait furieusement – et en vain – d'organiser ses pensées. Au lieu de ça, il n'arrêtait pas de voir les yeux d'Arthur afficher cette étrange expression indéchiffrable qui semblait hanter le sorcier depuis la première fois qu'il en avait été témoin. Mais pour la première fois, il crût reconnaitre quelque chose de lui en elle.

oOo

Le lendemain matin arriva pour trouver un Merlin mal reposé et nerveux. Cependant, pour la première fois depuis la chute brutale des températures, il ne tremblait pas. Le bleu-gris terne de la cape s'accordait parfaitement à ses habits ordinaires, le faisant se fondre encore plus dans le décor qu'étaient les murs du château. Personne ne le regarda sur le chemin vers la chambre d'Arthur.

Le château s'était ajusté à l'obscurité de la saison, changeant l'heure officielle du petit déjeuner et offrant à chacun deux heures de sommeil en plus. Il n'y avait aucun intérêt à se lever pour voir un ciel noir d'encre et respirer un air à vous glacer le sang dans les veines.

Lorsque Merlin entra dans les quartiers du Prince, il le trouva déjà attablé, les rideaux ouverts révélant un misérable ciel gris annonciateur de neige. Le feu brûlait toujours dans l'âtre, rendant la pièce chaleureuse en comparaison à la froideur silencieuse des couloirs.

Merlin déposa le plateau qu'il portait sur la table, avant de cacher ses mains tremblantes dans les plis de sa cape neuve. Arthur accepta la nourriture sans un commentaire et Merlin saisit cette occasion pour traverser la pièce et attiser inutilement le feu déjà en combustion. Un coup d'œil à la chambre lui révéla qu'elle était aussi bien rangée que la veille, le laissant les mains vides et sans occupation pour calmer sa nervosité.

Embarrassé, Merlin observa Arthur grignoter nonchalamment sa nourriture et ressentit des crampes d'estomac à la seule idée d'avaler quelque chose. Sentant le regard de Merlin sur lui, le blond leva les yeux, abandonnant finalement toute prétention de manger. Il y eut un moment de silence entre eux, avant qu'Arthur ne se lève, le raclement des pieds de la chaise brisant le silence et rendant les nerfs de Merlin encore plus à vif.

Il fallut moins de trois pas à Arthur pour réduire à néant la distance entre eux et lorsqu'il tendit la main pour toucher brièvement le fermoir sur la cape, Merlin eut le souffle coupé.

"Je suppose que tu l'aimes alors ?" demanda-t-il doucement, ses yeux rivés sur le cou de son compagnon.

Sentant la chaleur de la main d'Arthur se rétracter, Merlin réagit instinctivement et enroula ses doigts autour du poignet du blond, le stoppant en plein mouvement avec succès.

Les yeux d'Arthur s'ancrèrent aux siens, mais il ne fit aucun geste pour récupérer sa main. Merlin déglutit, ce qui n'arrangea en rien la sécheresse de sa gorge.

"Oui" se força à répondre le brun, sa voix réduite à un murmure rauque. "Merci Arthur."

Les pupilles d'Arthur étaient plus sombres que jamais, mais son regard n'était en rien hésitant lorsqu'il fit glisser sa main à travers la prise lâche de Merlin et enlaça ses doigts puissants avec ceux qui l'avaient pris au piège.

"Je ne peux pas me permettre de te voir mourir de froid" répondit Arthur, un peu de son ton désabusé refaisant surface et pour la première fois depuis des semaines, Merlin put voir l'ombre d'un sourire au coin de la bouche du jeune Prince. "Qui d'autre pourrait être un aussi mauvais serviteur que toi ?"

Les propres lèvres de Merlin s'étirèrent en un sourire et le son vexé qu'il produisit masqua son soupir de soulagement.

"Tu n'aimerais pas que je sois différent." Ce n'était pas sa meilleure tentative de taquinerie, mais au moins ça pouvait être appelé une tentative.

Il n'y avait pas d'humour dans l'expression d'Arthur lorsqu'il lui lança un regard qui fit courir un frisson tout le long de la colonne vertébrale du sorcier.

"Non" dit-il doucement, la gravité de sa voix chassant la tentative de badinage. "Je n'aimerais pas."

Le souffle de Merlin se bloqua dans sa gorge et ses doigts resserrèrent leur prise sur Arthur par réflexe. Arthur les serra doucement en retour, d'une manière rassurante, et prit une profonde inspiration.

"Merlin –"

Mais un coup toqué à la porte brisa ce moment, les faisant sursauter. Merlin essaya d'égaliser sa respiration et vit du coin de l'œil Arthur reprendre une contenance avec succès.

Sentant une rougeur lui envahir les joues, Merlin essaya de la combattre alors qu'il allait ouvrir la porte.

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Arthur resta enfermé dans le cabinet de consultations toute l'après-midi avec le Roi et ses conseillers, et Merlin utilisa ce temps pour demander quelques faveurs aux serviteurs et récupérer du foin, des couvertures et des draps propres, de façon à organiser un couchage à peu près confortable pour le nouvel apprenti de Gaius, qui devait arriver le lendemain. Il était impossible d'obtenir un lit d'appoint, surtout avec un préavis aussi court.

Merlin alla même jusqu'à ranger sa chambre et déplacer son lit jusqu'au mur, ayant mis en place le matelas de l'autre côté de la petite pièce. Il l'avait soigneusement tapoté pour s'assurer qu'il n'y avait aucune tige de foin parasite piquant à travers les draps, mais aussi loin que Merlin pouvait le dire, le matelas était très doux et assez surélevé pour être au chaud.

Quand tout fut bien mis en place, Merlin aida Gaius à ré-étiqueter les potions – un exercice qui ne lui manquerait pas le moins du monde une fois que cela ne ferait plus partie de ses fonctions – avant de se précipiter vers les cuisines pour récupérer le dîner d'Arthur.

Pendant tout ce temps, le jeune homme ne put s'arrêter de penser au moment qu'il avait partagé avec Arthur plus tôt dans la journée. Il avait presque envie de retrouver le serviteur qui les avait interrompu et le transformer en crapaud. Arthur l'avait regardé avec une telle intensité, un tel sérieux que Merlin était prêt à donner n'importe quoi pour savoir ce que l'autre homme avait été sur le point de dire.

Au moment où il fut de retour dans les appartements du Prince, il était à bout de souffle et à bout de forces. Arthur n'était pas encore rentré, donc Merlin se contenta de placer le plateau sur la table avant de se diriger vers l'âtre pour attiser le feu.

Ne sachant que faire, Merlin fouina dans la pièce pendant quelques temps, mais lorsqu'il devint évident que le jeune Prince n'allait pas rentrer de sitôt, Merlin se résigna à son sort et retourna dans sa chambre.

Les changements et la propreté inhabituelle la rendaient étrangère et emportaient la plupart du sentiment simple et accueillant qui s'était accumulé au fil des années. Le sorcier s'effondra sur le lit la tête la première, se demandant si les choses allaient un jour revenir à un semblant de normalité, avant de s'endormir, exténué.

oOo

Lorsque Merlin se réveilla, l'aube n'était pas encore là et la froideur de la nuit avait même réussi à s'infiltrer jusque dans les appartements pourtant chauds de Gaius. Soucieux de la santé du vieil homme, Merlin se traina jusqu'en bas pour raviver le feu, un peu maladroit et la voix encore lourde de sommeil. La pièce eut l'air instantanément plus chaleureuse tandis que la lueur dorée du feu l'enveloppait.

Pendant un moment, Merlin se contenta de rester là, son esprit encore à moitié endormi. Il cligna des yeux plusieurs fois, avant de finalement se décider et de se diriger vers les quartiers d'Arthur. Les couloirs semblaient encore plus gelés en ce début de matinée et le jeune homme resserra son manteau autour de lui.

Il se glissa dans les appartements du Prince, silencieux et passant inaperçu, passant outre la clé et utilisant simplement un sort pour ouvrir la porte. Il ne voulait pas risquer de réveiller l'autre homme.

Comme il l'avait supposé, le feu était presque éteint et Merlin avança dans la pièce dans la quasi-obscurité. Il était encore capable de discerner la forme d'Arthur à la faible lueur des braises mourantes, et ressentit l'envie insupportable de toucher les douces courbes de son visage, de remettre en place les mèches blondes lui tombant sur le front.

Serrant les poings pour se contrôler, Merlin traversa la pièce avec détermination et ramena le feu à la vie avec un regard dur et un mot murmuré.

Incapable d'y résister, Merlin se retourna vers le lit et céda au besoin de vérifier comment allait le Prince. Tendant la main, il ramena doucement la fourrure qui avait glissé de l'épaule d'Arthur et la remit soigneusement en place.

N'étant pas connu pour avoir le sommeil profond, Arthur s'agita presque instantanément, clignant des yeux pour regarder Merlin avec un regard vitreux, encore imprégné du rêve qu'il était en train de faire.

"Merlin ?" murmura-t-il hébété, "Quelle heure est-il ?"

Se sentant anormalement audacieux, Merlin recommença à lisser la fourrure sur l'épaule d'Arthur, s'assurant qu'il était entièrement couvert.

"Pas encore l'aube" répondit doucement le jeune sorcier. Cédant à la tentation, il caressa légèrement le haut de la tête du blond, avant de s'éloigner. "Rendors-toi."

Avant que Merlin ne puisse s'éloigner complètement, Arthur attrapa sa main en un mouvement similaire à celui du brun la veille. Sa poigne était douce et chaude, ses doigts glissant sur la peau bien plus froide de Merlin d'une manière qui le faisait vibrer intérieurement.

"J'aimerais bien que tu me fasse confiance." La voix d'Arthur était encore lourde de sommeil et Merlin se demanda s'il avait la moindre idée de ce qu'il racontait, ou s'il ne savait que trop bien.

Le cœur tambourinant dans la poitrine, Merlin ajusta la position de sa main dans celle de son compagnon et glissa leurs paumes l'une contre l'autre. Elles s'adaptaient comme si elles avaient été faites l'une pour l'autre.

Deux moitiés d'une même pièce, pensa Merlin, non sans ironie et avec l'envie soudaine de rire hystériquement.

"Je te fais confiance" annonça-t-il dans un murmure. "Je ferais n'importe quoi pour toi."

L'emprise d'Arthur se desserra de façon infime et Merlin souhaita qu'il y ait eu plus de lumière dans la pièce de façon à voir son expression. Lorsque le jeune Prince parla à nouveau, il semblait presque abattu.

"N'importe quoi, excepté croire qu'il en irait de même pour moi."

La poitrine de Merlin se serra douloureusement.

"Arthur…"

Le jeune homme bougea, brisant leur lien en récupérant sa main et l'utilisant pour s'asseoir et s'appuyer contre la tête de lit, la lumière du feu faisant étinceler ses cheveux. Les doigts de Merlin lui semblaient perdus et froids. Il les fit passer dans ses cheveux, dans une tentative pour masquer leur tremblement.

"Je ne suis pas mon père tu sais" déclara Arthur, son regard fixé intensément sur Merlin, toute trace de somnolence effacée par le sérieux de la situation.

Merlin laissa échapper un soupir tremblant, n'ayant qu'une envie, ramper sous les couvertures près d'Arthur et sangloter dans sa chemise de nuit comme un enfant.

Il s'était tant de fois imaginé l'annoncer à Arthur, avant pensé à tous les scénarii possibles, avait imaginé chaque mot qu'Arthur aurait pu lui dire. Il avait même pensé au cas où le blond le découvrait de lui-même, l'avait imaginé lui hurlant dessus, allant jusqu'à le jeter en prison.

Mais il n'avait jamais pensé que ça se passerait comme ça. Qu'Arthur découvre son secret sans faire d'esclandre, et sans que Merlin ne le sache. Qu'Arthur ait gardé le silence et attendu que son serviteur lui fasse assez confiance pour lui avouer.

Ça – ça c'était pire que la prison.

Le silence s'éternisa entre eux et le brun ne savait dire si c'était pire que la tension qu'il y avait auparavant ou non. Il avait toujours associé le fait qu'Arthur soit au courant de son secret avec du soulagement, mais tout ce qu'il ressentait en cet instant c'était de la tristesse. Il se sentait comme le menteur qu'il était et pour une fois tout ce qu'il avait pu faire pour Arthur n'avait aucune importance, parce que pour la première fois il se rendit compte qu'il l'avait vraiment trahi.

"Je voulais te le dire." C'était un argument faible, suivi par une excuse encore plus faible, mais elle venait du fond du cœur. "Je suis désolé."

oOo

Merlin avait déjà réarrangé son armoire à trois reprises au moment où la lumière à sa fenêtre changea finalement de couleur, ce qui lui fit refermer les portes. Il était sûr qu'une heure de plus de cette attente inutile l'aurait rendu fou.

L'estomac noué, le jeune homme fit lentement son chemin vers les cuisines avec la ferme intention de délivrer lui-même son petit déjeuner à Arthur, lorsqu'il entra en collision avec quelqu'un à l'angle d'un couloir. Il réussit à sauver le contenu du plateau avec l'aide de deux mains supplémentaires et lorsqu'il fut à nouveau stable, Merlin leva finalement les yeux pour regarder l'autre personne.

Le jeune homme semblait être de l'âge de Merlin, peut-être un peu plus jeune, mais tout aussi grand et dégingandé. Il avait un sac de voyage avec lui et portait deux manteaux à la fois dans une tentative évidente de se protéger du froid. Ses cheveux étaient blond doré, deux tons plus foncés que ceux d'Arthur, mais ses yeux semblaient presque noirs dans le couloir sombre.

Son sourire était à la fois timide et incertain.

"Je suis désolé" dit-il d'un air contrit, il semblait sincère. "Je n'ai aucune idée d'où je vais et j'étais plus concentré sur ce qui m'entourait que toute autre chose."

Il semblait instruit, mais son accent et ses vêtements trahissaient son statut de roturier. Merlin força un petit sourire.

"Je connais le sentiment" le rassura-t-il, déplaçant légèrement le plateau. "Etes-vous ici pour voir le Roi ?"

Tous les quatre mois au début de chaque saison, le Roi Uther tenait audience et les gens de tout son royaume pouvaient venir demander conseil ou résoudre des conflits à la fois au sein et en dehors de la famille.

"Hum, non. En fait je suis à la recherche de Gaius. Le médecin ?" dit-il, n'étant de toute évidence pas sûr que Merlin connaisse le médecin de la cour. "Savez-vous où je peux le trouver ?"

Quelque chose comme de la nostalgie sembla envahir la poitrine de Merlin tandis qu'il se remémorait son arrivée à Camelot, qui semblait si lointaine désormais.

"Je vais vous conduire à lui" déclara le brun, cherchant déjà aux alentours un autre serviteur et repérant Shanley quelques mètres plus loin, lui faisant signe de s'approcher. "Peux-tu apporter ça au Prince pour moi ? Gaius a besoin de mon aide."

Shanley ne lui posa aucune question, se contentant de regarder d'un air curieux le nouveau venu avant de prendre le plateau et de se diriger vers les appartements d'Arthur. Il avait fallu un certain temps à Merlin pour se rendre compte qu'être le serviteur personnel du Prince lui donnait le pouvoir de donner des ordres aux serviteurs de rang inférieur comme il lui plaisait. Ce n'était pas quelque chose dont il profitait souvent, mais ça avait ses avantages.

"Je m'appelle Merlin au fait" déclara-t-il alors qu'ils partaient ensemble. "Je vis avec Gaius alors nous allons partager ma chambre à partir de maintenant."

A son grand soulagement, le jeune homme sourit.

"Je suis Galien." Ils se serrèrent la main sans s'arrêter, riant doucement. "J'espère que partager ta chambre inclut le fait de m'aider à trouver le chemin pour y retourner. Je ne pense pas que j'irai très loin par moi-même, cet endroit est immense."

Merlin sentit un énorme poids se soulever de sa poitrine tandis qu'il regardait les yeux souriants de Galien. Il semblait vraiment gentil et facile à vivre, ressemblant un peu à certains des amis qu'il avait à Ealdor. D'une certaine manière il avait le sentiment qu'ils allaient bien s'entendre.

"Je pense que ça peut s'arranger." Merlin sourit légèrement, se remémorant ses premiers jours comme une quête constante pour trouver son chemin vers les endroits où il était censé aller.

Reconnaissant pour toutes les questions que Galien avait, Merlin fit taire de force ses pensées pour Arthur et les relégua au fin fond de son esprit. Ils trouvèrent Gaius préparant un autre de ses remèdes contre le rhume, voyant que leur stock était à nouveau réduit à une seule bouteille en deux jours.

Il leva les yeux lorsqu'ils entrèrent, souriant tandis qu'il traversait la pièce pour saluer son nouvel apprenti.

"Ah, je vois que tu as déjà rencontré Merlin." Gaius serra chaleureusement la main du blond.

"Oui, grâce à lui je ne me suis pas perdu" répondit Galien avec un sourire. "Je tenais à vous remercier encore une fois pour votre hospitalité. Tous les deux. Je suis sûr que c'est beaucoup d'inconvénients."

"Ne dis pas de bêtises mon garçon !" Le vieil homme lui fit signe d'avancer dans la pièce tandis qu'il retournait à sa potion. "Ton père était un ami très cher et je suis heureux de vous aider. Mais tu viens juste d'arriver, pourquoi ne vas-tu pas déballer tes affaires et ensuite je t'expliquerai certaines choses."

"Merci." Galien avait l'air aussi soulagé que Merlin, ayant probablement entretenu des inquiétudes similaires.

"Je vais te montrer la chambre avant d'y aller" offrit Merlin, heureux de chaque instant qu'il pouvait prolonger avant la confrontation avec Arthur.

S'il le renvoyait à nouveau, Merlin ne saurait quoi faire. Il avait cru que les choses étaient en train de changer entre eux, mais après leur discussion plus tôt ce matin Merlin n'en était plus si sûr. Juste parce qu'Arthur n'allait pas le dénoncer à son père et, par extension, au bourreau, ne voulait pas dire qu'il voulait de Merlin dans les parages. Ça ne voulait pas dire qu'il lui pardonnait.

Prenant une profonde inspiration, Merlin força un sourire douloureux sur son visage et conduisit Galien jusqu'à sa chambre.

"J'ai fait de mon mieux avec le matelas, j'espère que c'est assez mou" dit-il tout en montrant du doigt le lit de fortune de l'autre côté de la pièce. "J'ai également fait de la place dans l'armoire, tu peux prendre les deux étagères du haut."

"C'est tellement gentil, merci." La voix de Galien était emprunte d'une sincérité profonde que Merlin entendait rarement, le faisant l'aimer encore plus.

"Ce n'est pas un problème, vraiment." Le sorcier haussa les épaules, ayant pour une fois l'impression qu'il n'avait pas besoin de réfléchir à deux fois avant de parler. "Si tu as besoin de quoi que ce soit, demande moi ou à Gaius. Il t'expliquera tout ce que tu dois savoir. Il est génial, tu verras. Il m'a beaucoup aidé quand je suis arrivé ici. Il le fait toujours."

Galien hocha la tête.

"Mon père le tient en grande estime. J'entends des histoires à son propos depuis que je suis tout petit. C'est un grand honneur d'apprendre avec lui."

"Ça l'est" concéda doucement Merlin, ses pensées s'égarant vers sa propre mère pendant un moment avant de revenir au présent. "Bon, eh bien, je suppose que je te verrai en rentrant. Je te présenterai à quelques-uns des serviteurs plus tard, ainsi qu'à Geoffrey. C'est le bibliothécaire et il va falloir que tu sois dans ses bonnes grâces dès le départ. Gaius va te faire lire énormément."

Galien sourit. "J'adore lire."

Merlin lui sourit en retour, avant de lui faire un vague signe de la main et de se retourner pour partir. Avant d'avoir atteint la porte, cependant, Galien lui saisit précautionneusement le bras.

"Merci Merlin, vraiment" dit-il doucement, son regard chaleureux et honnête. "Je ne savais pas à quoi m'attendre, mais je n'aurais pas pu espérer mieux."

Merlin sourit à nouveau, et pour la première fois aujourd'hui, c'était authentique. Il tapota l'épaule de son compagnon, le poussant en direction des bagages.

"Si tu n'arrêtes pas de nous remercier, tu vas pas beaucoup avancer."

Le rire de Galien le suivit jusqu'en bas des escaliers.

oOo

Au moment où Merlin atteignit les appartements d'Arthur, tout sentiment de bonheur qu'il avait pu avoir jusque-là fut remplacé par la crainte et l'incertitude. Il savait qu'Arthur l'attendait. Il n'avait aucun devoir à accomplir aujourd'hui et l'entrainement avait été annulé en raison du froid glacial et du fait que la plupart des chevaliers étaient alités, essayant de ne pas cracher leurs poumons.

Fermant la porte derrière lui, Merlin s'appuya contre elle. Arthur ne bougea pas, mais le jeune homme savait qu'il avait été remarqué.

"Que c'est gentil à toi de m'honorer de ta présence." La voix d'Arthur était dure, impitoyable, et Merlin essaya de tout son être de ne pas laisser cette voix lui faire du mal.

"Je suis désolé Sire, mais Gaius –" balbutia automatiquement Merlin, appuyant la paume de ses mains contre le bois rugueux de la porte dans une tentative désespérée de se punir.

"Avait besoin d'aide, à ce qu'on m'a dit."

Le blond secoua la tête, ayant l'air plus troublé que jamais. "J'ai attendu, tu sais. Chaque jour, depuis le moment où je l'ai découvert, j'ai attendu que tu me le dises." Il parlait d'une voix faible, mais les mots frappaient Merlin avec la même fore que s'il avait crié. "Mais tu ne l'as jamais fait."

Le brun saisit ses cheveux à deux mains, luttant contre des larmes perfides mais se retrouvant néanmoins avec une vision floue, avant de laisser ses bras tomber le long de ses flancs.

"Je suis désolé" dit-il à nouveau, ne sachant pas quoi dire d'autre. "Je voulais le faire. Tant de fois j'ai –"

Il déglutit, sa phrase inachevée suspendue dans l'air entre eux. Merlin se sentait mis à nu, vaincu par sa propre escroquerie et par la déception qu'il pouvait lire dans chacun des gestes d'Arthur.

"Pensais-tu réellement que je te dénoncerais ?" demanda-t-il. "Est-ce vraiment ce que tu penses de moi ?"

"Non" Merlin secoua la tête, les yeux brûlants. "Je ne le pensais pas. Mais – mais je n'étais pas sûr que tu comprendrais. Je pensais… je pensais que tu m'obligerais à partir."

"Tu devrais vouloir partir Merlin !" Arthur criait presque, espérant peut être qu'augmenter le volume ferait entendre raison à son serviteur. "Ce que tu fais est pratiquement du suicide ! Au nom de tout ce qui est saint, qu'est ce qui t'as fait venir à Camelot, sachant que la magie était interdite ici ?"

"Ma mère" Merlin hésita, sachant que ce qu'il était sur le point de dire allait sembler ridicule. "Elle pensait que je serais plus en sécurité ici."

"En sécurité ?" demanda un Arthur incrédule, faisant un pas en avant. "En sécurité ?"

"Je ne suis pas venu ici m'attendant à pratiquer la magie !" Merlin augmenta le volume pour égaler Arthur. "Je suis venu ici pour fuir mon petit village, pour devenir quelqu'un de plus important, pour apprendre quelque chose ! Et puis tout a changé. Je n'avais pas planifié que les choses se passeraient de cette façon, j'ai simplement essayé de faire ce qui me semblait juste."

Arthur était presque assez près pour le toucher, sa colère semblant s'être atténuée.

"Qu'est-ce qui a changé ?"

Merlin déglutit, observant le sol pendant un moment avant de se forcer à regarder Arthur dans les yeux une fois de plus.

"J'ai découvert que j'avais un destin. Que je dois te protéger, t'aider à devenir le plus grand Roi qu'Albion ait jamais connu."

Pendant un moment, Arthur sembla gelé, un million d'émotions scintillant dans ses yeux. Lorsqu'il soupira, ses épaules semblèrent se détendre très légèrement.

"Tu es vraiment un idiot." C'était tendre et affectueux, plus un mot doux qu'autre chose.

Merlin ne sentait plus ses genoux, convaincu que sans la porte il n'aurait jamais été en mesure de rester debout. Un rire faible qui ressemblait plus à un sanglot s'échappa de sa gorge.

"C'est ce que j'ai entendu dire."

Le souffle d'Arthur était chaud contre son visage lorsqu'il glissa son bras entre l'épaule de Merlin et la porte, l'attirant contre lui. Les mains du sorcier se verrouillèrent sur lui sans qu'il n'y pense, ses doigts s'enroulant dans les vêtements du blond si étroitement que ça lui faisait mal. Il pressa son visage contre la peau chaude du cou d'Arthur, inhalant l'odeur familière.

"Je ne veux pas que tu partes." Les lèvres du Prince caressèrent son oreille tandis qu'il parlait, les mots doux combinés avec la sensation d'avoir Arthur si proche de lui rendant les genoux de Merlin encore plus faibles.

Merlin s'approcha encore plus, souhaitant pouvoir tout simplement fusionner avec Arthur et ne jamais être séparé de lui.

"Je ne te quitterai pas" Les mots étaient presque inintelligibles, murmurés tout contre la peau du blond, mais l'autre homme dût les entendre car son emprise se resserra tandis qu'il déposait un baiser fugace mais brûlant sur la tempe de Merlin.

Le brun ne savait pas combien de temps ils restèrent là, mais cela parut trop court lorsqu'Arthur se recula enfin. Merlin dût forcer ses doigts à lâcher prise, refusant de laisser aller ce qu'ils avaient voulu tenir depuis si longtemps.

Les yeux d'Arthur étaient doux, mais plus sombres que dans les souvenirs de Merlin.

"Est-ce que ça veut dire que je suis pardonné ?" demanda le jeune homme, sonnant inhabituellement hésitant même à ses propres oreilles, mais ayant néanmoins besoin d'entendre la réponse d'Arthur.

"Oui" répondit le Prince, desserrant mais ne relâchant pas son emprise sur les épaules de son compagnon. "Mais, Merlin ? Plus de mensonges."

Les mains du sorcier étaient en train de lisser la tunique d'Arthur sur sa poitrine, une excuse pour le toucher un peu plus, mais se figèrent à ces mots.

"Je te le promets" jura Merlin, et il n'avait jamais été aussi sincère.

"Bien." L'emprise d'Arthur se resserra une fraction de seconde avant qu'il ne recule finalement, laissant à Merlin une impression de froid et l'envie insupportable d'en avoir plus. "Et maintenant, je crois que tu as du boulot. Cette chambre est un vrai champ de bataille."

Luttant pour regagner son contrôle, Merlin essaya de retrouver sa gouaille habituelle.

"Et à qui la faute ?" taquina-t-il, saisissant déjà la tunique la plus proche qui avait été jetée au hasard sur le dossier d'une chaise.

"Moins de bavardage, plus de travail Merlin." Arthur semblait avoir du mal à garder une expression sérieuse tandis qu'il se dirigeait vers son fauteuil préféré, où plusieurs cartes l'attendaient sur la table.

"Oui, Sire."

Merlin leva les yeux au ciel, et pour la première fois depuis des semaines le silence entre eux sembla naturel. Néanmoins, Merlin ne pouvait s'empêcher de regarder Arthur constamment, entre le pliage et la collecte d'éléments aléatoires éparpillés à travers la pièce.

Arthur était apparemment absorbé par ce qu'il faisait, et Merlin se demanda si la très forte impression que les yeux du blond le suivaient partout à travers la pièce n'était que le fruit de son imagination fertile.

oOo

Lorsque Merlin revint dans les appartements de Gaius, il trouva le vieux médecin instruisant Galien sur la façon de remuer la potion qu'ils étaient en train de préparer. Le cœur beaucoup plus léger qu'il ne l'avait été depuis un bon bout de temps, Merlin essaya de ne pas perturber le travail des deux hommes et s'occupa en préparant le diner.

Au moment où tout fut sur la table, la potion était terminée et Gaius et Galien se joignirent tous deux à Merlin. Le vieil homme fit son investigation habituelle à propos de la journée de Merlin et ce dernier répondit consciencieusement, laissant de côté la partie concernant Arthur et la magie bien sûr. Galien mangea tout sans se plaindre et demanda poliment à son professeur s'il y avait un quelconque livre sur le sujet qu'ils avaient étudié aujourd'hui.

Gaius semblait ravi et pendant que le brun débarrassait la table, les deux autres étaient déjà impliqués dans une discussion animée à propos des ingrédients présents dans la potion qu'ils avaient faite plus tôt. Reconnaissant que le médecin ait enfin trouvé quelqu'un d'aussi enthousiaste que lui sur le sujet, Merlin se retira dans sa chambre, décidant d'étudier un peu lui aussi.

Quand il entendit Galien souhaiter bonne nuit à Gaius au bas des escaliers, Merlin cacha son livre de magie sous son oreiller et attrapa à la place un sur les usages de diverses plantes que le médecin lui avait donné quelques années plus tôt.

"J'espère que je ne t'ai pas chassé avec mon bavardage incessant" lui dit Galien tout en s'installant sur son matelas.

Merlin leva les yeux, marquant la page sur laquelle il était bloqué depuis plus d'un mois et mettant le livre de côté tout en s'asseyant.

"Qu'est-ce que je t'ai dit à propos du fait de s'excuser ?"

Galien sourit, croisant ses jambes en tailleur et jouant distraitement avec la couverture du livre sur ses genoux.

"Gaius est vraiment brillant" déclara-t-il, l'air un peu intimidé. "Je veux dire, je le savais déjà mais… je n'avais pas imaginé que j'en apprendrais autant en une seule journée."

"Tu sembles très dévoué" proclama Merlin, souriant légèrement. "Si j'avais montré moitié moins d'enthousiasme que toi, j'en aurais appris beaucoup plus."

"Je suis sûr qu'être le valet de chambre personnel du Prince est une occupation à plein temps." Galien se décala dans une position plus confortable, s'adossant au mur. "Comment est-il ? Prince Arthur je veux dire. Il y a plein de rumeurs différentes de là où je viens. Les gens disent que c'est un grand guerrier et mon père m'a raconté qu'il était déjà très doué avec une épée au moment où il a quitté Camelot, alors que le Prince n'était qu'un enfant."

Merlin se décala lui aussi, mal à l'aise. Il n'aimait pas parler d'Arthur avec d'autres personnes, mais il comprenait la curiosité de Galien. Il opta donc pour une réponse diplomatique.

"C'est un excellent combattant" affirma-t-il précautionneusement. "Il entraine les chevaliers de Camelot et il remporte tous les tournois depuis plusieurs années maintenant."

Galien siffla doucement. "Pas étonnant que les gens aient autant de respect pour lui alors. Bien que j'ai également entendu dire qu'il était pourri gâté et inamical."

Merlin révisa sa réponse initiale, se mordant la langue pour éviter de prendre la défense d'Arthur trop violemment. Au lieu de ça, il haussa sèchement les épaules.

"C'est un Prince" déclara-t-il comme si cela expliquait tout, et avant qu'il n'apprenne à connaitre Arthur ça avait été le cas. "Il a beaucoup de pression sur les épaules mais il est toujours juste."

"Tu l'aimes beaucoup, hein ?" Galien sourit, une note subtile de taquinerie dans la voix qui suffit à faire rougir Merlin face à l'implication.

"Qu'est-ce qui te fais dire ça ?"

Galien haussa les épaules avant de s'allonger sur son matelas et d'ouvrir son livre, l'appuyant contre son oreiller.

"Il y a cette lueur dans tes yeux lorsque tu parles de lui."

Merlin déglutit, ayant chaud et froid en même temps. Quand est-ce que son affection était devenue tellement évidente que même un étranger la remarquait ?

Lorsque Galien leva les yeux de son livre et vit son air paniqué, ses yeux s'adoucirent.

"Hey, tout va bien" dit-il doucement. "Je ne le dirai à personne. D'ailleurs, je suis sûr que ta loyauté est appréciée."

Merlin se sentait un peu mal en pensant à la façon dont il était devenu difficile de rester maître de soi en présence d'Arthur. Maintenant plus que jamais, étant donné que le dernier voile entre eux avait été levé par la révélation du don de Merlin.

"Je suis très fatigué" dit-il, changeant soigneusement de sujet. "Tu peux continuer ta lecture, ça ne me dérange pas."

Heureusement, Galien laissa tomber et hocha simplement la tête avant de retourner son attention sur son grimoire.

Merlin se roula en boule sous sa couverture, le visage enfoncé dans l'oreiller tandis qu'il combattait l'envie de se remémorer le sentiment merveilleux d'Arthur le serrant contre lui. De l'emprise forte du blond et de la sensation de ses lèvres contre sa peau.

La verge palpitant douloureusement contre les braies qu'il portait pour dormir, Merlin s'enfonça encore plus profondément dans le matelas et passa ses mains sous son oreiller, où elles enserrèrent si fort son livre d'enchantements que ça lui fit mal. Cela n'aida pas du tout.

oOo

Au cours de la semaine suivante, les températures tombèrent encore plus bas, si possible, et le lourd ciel gris annonciateur de neige céda finalement et relâcha de gros flocons blanc sur le sol. En trois jours, tout fut recouvert d'une épaisse couche de neige ne cessant de grossir. Si la neige ne s'arrêtait pas sous peu, Merlin était sûr qu'ils finiraient très vite piégés dans le château.

Ils avaient de la chance que les récoltes de cette année aient été bonnes, autrement ils auraient eu à craindre la famine. Dans l'état actuel des choses, il y avait assez de nourriture pour nourrir à la fois le château et le peuple de Camelot durant cette dure période, en faisant des concessions mineures.

Un lourd sentiment de léthargie avait pris possession des habitants du château, étant donné qu'il n'y avait aucun moyen d'exécuter des activités extérieures. Les options se limitaient à la lecture et aux rassemblements dans de petites salles chauffées pour jouer à différents jeux.

Arthur et Morgane avaient pris l'habitude de se battre assez durement autour du vieux jeu d'échecs du Prince. Gwen et Merlin s'occupaient généralement du raccommodage de vêtements ou, dans le cas de Merlin, de polir divers articles qu'Arthur avait en sa possession. Les duels d'échecs étaient durs et sans pitié, laissant souvent presque aucune pièce sur le plateau. Merlin ne trouvait aucun intérêt à ce jeu, mais il était ravi qu'Arthur ait trouvé une sorte de distraction pour échapper à l'ennui général.

En outre, cela donnait l'occasion à Merlin d'observer le Prince sans que celui-ci ne s'en aperçoive.

Ces derniers jours, ils semblaient être retombés dans leurs vieilles habitudes, se taquinant sans arrêt avec une bonne dose d'insultes mélangée à leurs interactions verbales.

Rien, cependant, n'avait approché l'intimité qu'ils avaient partagée lors de l'incident avec le manteau ou lors de la discussion sur la magie de Merlin. Le jeune homme se demanda s'il n'avait pas vu trop de choses dans les actions de son Prince, si Arthur n'avait pas tout simplement essayé d'être son ami et rien de plus. Mais le blond était tout sauf une personne tactile et affectueuse, ses interactions non-verbales consistaient principalement en des claques viriles sur les épaules de ses chevaliers ou de très rares démonstrations privées d'affection envers Morgane.

Mais s'il y avait la moindre petite chance qu'Arthur ressente la même chose, pourquoi s'était-il renfermé à l'instant où Merlin avait retourné le sentiment.

La frustration de Merlin n'avait fait qu'augmenter au cours des derniers jours, alimentée à la fois par son manque d'expérience et par son incapacité à trouver un quelconque exutoire. Il essayait de son mieux de ne pas rejeter la faute sur Galien parce que, en toute honnêteté, il n'aurait pu espérer un meilleur colocataire.

Ils s'entendaient très bien la plupart du temps, surtout parce que Galien devait être la personne la plus facile à vivre à qui Merlin ait jamais parlé, sans pour autant être inintelligent. Le sorcier avait découvert qu'il pouvait parler au jeune homme de tout et n'importe quoi, des propriétés des herbes aux potins du château, en passant par sa vie à Ealdor. Même si, parfois, Merlin avait le sentiment qu'il y avait quelque chose chez Galien qui le rendait différent des autres. Parfois il lui rappelait lui-même.

Ce n'est que trois jours plus tard que Merlin découvrit finalement ce que le jeune homme cachait.

Arthur l'avait laissé partir tôt, ayant été convoqué par son père, et Merlin avait décidé d'aller voir s'il pouvait aider Gaius – ou même Galien – avec quoi que ce soit.

Lorsqu'il arriva dans les quartiers de Gaius, cependant, le médecin n'était pas là et le brun se souvint s'être fait mentionner qu'il allait aller faire le tour des malades. Il pensa que le vieil homme devait avoir pris Galien avec lui, mais lorsqu'il grimpa les escaliers menant à sa chambre il trouva la porte entrouverte.

Il pouvait tout juste apercevoir Galien penché sur un des livres que Gaius lui avait conseillé de lire. Lorgnant par la fenêtre d'un œil critique le ciel qui s'assombrissait, le jeune homme chercha sa bougie sur sa table de chevet, et avec un petit geste de la main et un flash bref, mais bien trop familier, d'or illuminant ses yeux, il amena la bougie à la vie.

Merlin se dit qu'il avait dût faire un quelconque bruit puisque Galien leva les yeux, surpris. Ne voyant aucun raison de se cacher, le sorcier prit une profonde inspiration et entra dans la pièce. Galien se redressa vivement et Merlin aurait pu rire à l'ironie des sentiments qu'il avait si souvent eu se refléter dans les yeux qui le regardaient fixement. C'était un mélange de panique, de suspicion et de prudence qui fit s'adoucir l'expression qu'arborait le brun, essayant de son mieux de paraitre rassurant.

"Tu devrais t'assurer que la porte est fermée quand tu fais des trucs comme ça" commenta-t-il avec légèreté, avant de suivre ses propres conseils et de refermer la porte derrière lui en la poussant d'une main.

Galien fut sur ses pieds en un instant, ressemblant à un animal pris au piège.

"Merlin, je peux tout expliquer –" commença-t-il à la hâte, mais son compagnon l'arrêta d'un geste de la main.

"Je suis sûr que tu peux" déclara-t-il, faisant de son mieux pour avoir un ton apaisant. "Mais tu n'as pas besoin de le faire. Et je pense qu'une seule bougie n'est pas suffisante si tu veux continuer à lire."

Galien cligna des yeux, ayant l'air encore plus effrayé – si possible. Merlin décida que le moment était venu et tendit la main vers la bougie sur sa propre table de chevet.

L'expression de l'apprenti aurait pu être comique, si la situation n'avait pas été aussi grave. Mais avant que Merlin ait pu rajouter quelque chose, l'autre jeune homme traversa la pièce à toute vitesse pour l'embarquer dans une étreinte enthousiaste.

Cela ne ressemblait en rien à une étreinte avec Arthur, plus à quelque chose qu'il aurait pu avoir avec Will, une pensée qui lui réchauffa le cœur tandis qu'il répondait à l'étreinte de manière hésitante.

Le sourire qu'arborait Galien en se reculant était assez large pour diviser son visage en deux.

"Je n'arrive pas à y croire !" s'exclama-t-il, le souffle coupé. "Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme moi !"

"Eh bien, ce n'est pas comme si Camelot était le meilleur endroit pour ce genre de rencontres" commenta Merlin avec ironie, passant devant le jeune homme pour s'asseoir sur son lit. "Tu as du toupet de venir vivre sous le nez du Roi."

Galien ne sembla pas dérouté et rejoignit Merlin sur le lit, pliant une jambe sous lui tandis qu'il faisait face à son colocataire.

"Je pourrais dire la même chose de toi" dit-il, bien que son sourire s'effaça légèrement lorsqu'il ajouta "Ma mère ne voulait pas que je vienne ici, mais mon père l'a convaincue. Il a dit que c'était une honte de laisser mes talents se perdre."

Merlin pencha légèrement la tête, réfléchissant.

"Alors quoi ? Tu pratiques de la magie de guérison ?"

Ça aurait été un mensonge de dire que Merlin n'était pas intrigué, car la magie de guérison était une branche dans laquelle il était particulièrement inepte, en dépit de ses grands pouvoirs.

Galien haussa légèrement les épaules, jouant avec le bout effiloché d'une de ses manches.

"C'est la seule chose que je peux faire, vraiment." Il n'avait pas l'air amer à ce sujet, Merlin fut heureux de l'entendre. "Je veux dire, je peux exécuter des tours mineurs comme allumer une bougie, mais ça ne va pas plus loin. Je n'ai pas eu beaucoup d'occasions de mettre mes dons en pratique, mais je suis doué avec les potions et je peux soigner de petites blessures."

Merlin considéra ces informations pendant quelques instants.

"Tu devrais le dire à Gaius."

Galien leva sur lui des yeux écarquillés.

"Tu veux dire qu'il sait à propos de toi ?"

"Je me suis trahi le premier jour." Le jeune homme sourit légèrement à ce souvenir, avant de redevenir sérieux. "Tu peux faire confiance à Gaius, mais tu vas devoir être très prudent. Sérieusement, le Roi Uther est obsédé par le fait de tuer ceux qui pratiquent la magie, et il a fait exécuter des gens avec moins de preuves, ou de pouvoirs.

"Je ferai attention" promit le jeune apprenti. "Et j'avouerai tout à Gaius lorsqu'il rentrera ce soir. Tu penses qu'il peut m'aider ?"

"J'en suis sûr."

Avant que Merlin ne puisse réagir, Galien l'enveloppa dans une autre brève étreinte, le serrant légèrement avant de le lâcher à nouveau.

"Merci Merlin" dit-il doucement. "Je suis heureux d'être venu ici."

Merlin lui sourit en retour, ne réalisant qu'en cet instant la gamme complète de possibilités que cette nouvelle lui offrait.

"Moi aussi" répondit-il, et il le pensait.


*Selon wiki, Yule est une fête d'hiver. Elle est associée aux fêtes de Noël dans les pays nordiques depuis la christianisation des peuples germains et scandinaves.

Bonsoir tout le monde ! Me revoilà avec une nouvelle traduction, du Merlin comme promis :)

C'est une fiction en deux chapitres, le prochain est à peu près aussi long donc ne l'espérez pas avant au moins un mois ^^ (avec le boulot j'ai plus trop de temps pour moi (ce job est vraiment affreux _). J'avais déjà commencé à traduire cette histoire il y a plusieurs mois, voilà pourquoi j'ai pu la poster aussi rapidement après ma dernière trad (ceux qui me suivent sur le fandom sherlock comprendront ^^))

Bon j'arrête de raconter ma vie xD

Merci d'avoir lu, une petite review avec votre avis fait toujours plaisir :)

Bonne soirée !