DOUBLE TROUBLE
Voilà une nouvelle fic qui ne devait être qu'un one-shot raisonnable et qui se transforme peu à peu en épopée fantastique. Je n'arrive plus à m'arrêter et ça ne me ressemble pas, mais ça doit être Tsubasa qui m'inspire, et puis je vais pas me plaindre non plus. Bref, j'ai déjà écrit quatre chapitres et je sais parfaitement où je vais, donc pas d'inquiétude, vu que je vais très vite, il ne devrait pas y avoir trop de temps d'attente entre. Pour l'instant on va suivre un rythme d'un par semaine, par sécurité.
Disclaimer : Cette fic est née d'une frustration intense venu du fait qu'on a jamais vu les doubles de nos héros. Vu qu'ils ne m'appartiennent pas, et c'est bien dommage, je me venge ci-dessous. Si ça dérange quelqu'un, qu'il contacte les CLAMP, je serai ravie de leur dire moi-même ma façon de penser. Il n'y a que Yume, Odessa et leur monde qui sont sortis de mon esprit ravagé.
Avertissements : Alors je préviens tout de suite que le M n'est pas là pour faire joli, il y aura plus tard du sexe, de la violence et mes persos jurent comme des charretiers en rut (pas les vrais hein, eux j'ai essayé de coller au maximum à leurs caractères respectifs). Il y aura aussi quelques SPOILERS pas méchants, à peu près jusqu'au Nihon Arc je pense, mais rien de transcendant, sauf pour ceux qui accordent une importance capitale au suspense sur le vrai prénom de Kuro-chouchou.
Pairings : Kurofye mon amour ! Ces deux-là me rendent complètement dingue. Sakura/Shaolan, parce qu'ils sont tellement beau tous les deux. WataDome, qui sont tout simplement faits l'un pour l'autre. Bref, des couples en double et d'autres encore.
Cette fic se situe selon moi entre le pays d'Oto et le monde Piffle, soit entre les saisons 1 et 2 de l'animé. Il est possible que vous trouviez le début un peu long, vu que je joue pas mal sur le détail pour rendre le tout crédible. Ca durera quelques chapitres, mais ne prenez pas peur, il y aura de l'action. Voilà, je pense que c'est tout. Enjoy ! ^^
~ Chapitre I : Les demoiselles d'Hebfi ~
« Somewhere over the
rainbow
Way up high
There's a land that I heard of once in a
lullaby
Somewhere over the rainbow
Skies are blue
And the
dreams that you dare to dream really do come true"
Un autre monde, encore. Lorsque que Mokona Modoki les recracha, ils atterrirent dans ce qui semblait être une clairière, perdue au milieu d'une forêt.
« Là, c'est trop ! » s'écria Kurogane, comme toujours la tête engoncée dans le sol. Il rua à la façon d'un étalon furieux, envoyant bouler le pauvre magicien qui lui était tombé dessus tout à fait par hasard et se mit à tousser bruyamment à cause de la terre qu'il avait avalée dans l'opération.
« Tu vois Kuro-puu, à force d'être méchant, ça finit par te retomber dessus, » dit Fye en riant. Il se releva avec agilité et épousseta ses vêtements d'un air absent alors qu'il observait les alentours. Ce monde paraissait calme, peut-être même inhabité. Ils pourraient sans doute s'y reposer un peu, pensa-t-il.
Il fut vite détrompé.
« Putain… Il fallait vraiment qu'ils arrivent dans ce trou ? Mes pompes sont bousillées, c'est malin. »
De concert, les deux hommes et Shaolan tournèrent la tête vers la princesse, sidérés d'entendre un tel langage sortir de sa bouche délicate. Mais celle-ci semblait tout aussi étonnée qu'eux et elle cherchait frénétiquement des yeux d'où pouvait bien provenir cette voix qui ressemblait tant à la sienne.
« Saki, commence pas tu veux. Parce que d'une, c'est de votre faute, à toi et tes visions, si on se retrouve ici ; et de deux, personne ne t'a demandé de te mettre en talons aiguilles. Tu sais que je t'adore mais t'as déjà foutu en l'air ma grasse mat' et j'ai le cerveau en vrac dans les environs de lalaland. Alors si tu te plains encore une seule petite fois, je t'assure que je répondrai plus de rien, » dit une autre voix féminine. Les compagnons parvinrent à localiser sa provenance et Kurogane posa une main fébrile sur le manche de Souhi, captant le temps d'un instant les regards du magicien et du jeune garçon. Ils acquiescèrent en retour et se mirent en position de combat : la conversation des deux femmes était bien trop étrange pour être totalement innocente.
« D'accord, je me tais, » reprit la dénommée Saki. « De toutes façons, dans mon rêve ils étaient vraiment dans le coin, genre derrière ce buiss… »
Elle n'eut pas le loisir de finir sa phrase. A peine avait-elle débouché dans la clairière que l'épée du ninja se retrouvait sous sa gorge, stoppant son avancée. Elle poussa un cri strident et eut un mouvement de recul. Elle trébucha et buta contre celle qui la suivait, les faisant tomber toutes les deux à la renverse.
Les trois hommes les regardaient bouche bée. Sakura, qui accourrait pour voir ce qui se passait, eut un hoquet de stupeur et faillit lâcher Mokona sous la coup de la surprise. La petite bête se raccrocha comme elle put aux vêtements de la jeune fille.
« Vous… Euh… Je… » bégaya la princesse, les yeux écarquillés.
« Voilà, je t'avais bien dit que j'aurais dû venir toute seule, » dit la deuxième femme, qui se relevait, l'air contrariée. Puis, se tournant vers les cinq compagnons qui n'avaient pas bougé : « Bonjour, je m'appelle Yume, et voici Sakura, » Elle désigna d'un geste sa compagne, toujours affalée sur le sol. « Je suis désolée que nous vous ayons effrayés et je comprends que tout ceci puisse vous surprendre mais je dois avouer que je ne m'attendais pas à une réaction de ce genre. On ne vous avait pas prévenu que vous pourriez rencontrer certains de vos doubles au fil des mondes ? »
Elle semblait s'adresser surtout à Sakura, mais celle-ci ne semblait pas en état de répondre. Elle fixait cette fille qui avait non seulement sa voix, mais aussi son visage avec appréhension, et l'autre lui rendait son regard, l'air indécise. Ce fut finalement Fye qui prit les choses en main, comme souvent.
« Eh bien à vrai dire si, » répondit-il avec un grand sourire. « Mais nous avons traversé tellement de pays sans tomber sur d'autres nous-mêmes que nous l'avions probablement oublié. » Il s'avança vers Yume en lui tendant la main. « Je m'appelle Fye. Ravi de vous rencontrer. »
La jeune fille regarda la main tendue puis partit dans un grand éclat de rire, laissant le magicien perplexe. Kurogane, qui n'avait rien perdu de la scène, en profita pour l'observer plus soigneusement. Yume était brune, les cheveux longs et raides, de taille plutôt moyenne. Une minuscule cicatrice lui barrait le nez. Ses pommettes hautes et ses grands yeux noisettes semblaient au ninja curieusement familiers, mais il n'arrivait pas à savoir pourquoi.
Son rire se calma finalement et elle essuya d'un geste distrait les larmes qui coulait sur ses joues.
« Désolée, mais c'était plus fort que moi, » s'excusa-t-elle d'un air poliment contrit. « C'est juste que d'imaginer le Fye d'ici… Enfin vous avez le même visage mais vous êtes complètement différents, c'est fascinant. »
« Le Fye d'ici ? » répéta Shaolan, qui avait vraisemblablement un peu de mal à suivre.
Yume se tourna vers lui et lui fit un sourire éclatant qui se fana tout aussi vite lorsqu'elle vit se lever en réponse un sourcil étonné.
« Ben oui, » répondit-elle, semblant hésiter. « Il y a Sakura donc, comme vous pouvez le voir, et puis il y a un autre Fye, et un autre Kuro-chan. Et bien sûr un autre toi… Eiji. »
« Eiji ? » répéta à nouveau le jeune archéologue, qui cette fois n'y comprenait plus rien. « Mon… mon nom est Shaolan, pas Eiji. »
A ces mots, la Sakura locale, qui était toujours à terre, eut un sursaut et échangea un regard avec Yume, qui paraissait perdue elle aussi.
« Shaolan ? Mais c'était le prénom de votre père non, Yu-chan ? »
L'interrogée ouvrit la bouche pour répondre mais fut interrompue par une petite musique venant du sac à dos qu'elle portait. Elle le posa et fouilla à l'intérieur. Elle en sortit ce qui sembla être à Kurogane une minuscule boîte recouverte de boutons. Yume y jeta un coup d'œil et jura.
« C'est Eiji ? » demanda Sakura, qui d'un coup parut passablement inquiète.
« On dirait, » répondit Yume avant d'appuyer sur l'un des boutons, arrêtant instantanément la mélodie. Elle porta l'objet à son oreille, son geste suivi par quatre regards interloqués. « Bon, avant de te mettre à gueuler, tu vas me faire le plaisir de m'écouter deux secondes, d'accord ? »
Sa supplique ne fut pas entendue : l'appareil commença à émettre une série de bruits de cris étouffés. La jeune fille l'éloigna à distance respectable en attendant que « Eiji » se calme.
« Mais qu'est-ce que c'est encore que cet engin de malheur ? » demanda le ninja à voix basse. Fye et Shaolan répondirent d'un haussement d'épaules, apparemment pas plus avancés.
« C'est un téléphone portable ! » s'écria Mokona, qui, toujours lové dans les bras de la princesse, semblait heureux de pouvoir étaler sa science. « Il y en a aussi dans le monde d'où vient Mokona. Ca permet de rester en contact avec les gens qu'on aime même s'ils habitent très loin de nous. C'est très pratique en plus, vu qu'on peut l'emmener partout ! »
Pendant ce temps, Yume avait repris sa conversation, qui à première vue ne menait nulle part. Elle ne faisait que répéter inlassablement « Je sais. » et « Evidemment, ça n'était pas très prudent, mais… » tout en mimant avec sa main libre le geste de se tirer une balle dans la tempe, ce qui provoqua un éclat de rire chez Sakura, qui tendit le bras et chuchota « Passe-le moi. » Elle prit le téléphone et rejeta en arrière ses cheveux, qui étaient beaucoup plus longs que ceux de sa princesse, nota Shaolan.
« Eiji, » dit-elle d'une voix suave. « Tu m'entends ? C'est Sakura. »
Les vociférations venant de l'appareil cessèrent immédiatement, laissant Yume en proie à une nouvelle crise de fou rire, si violente qu'elle dut se retenir à un arbre proche pour ne pas tomber. Sakura leva son majeur dans sa direction, en articulant silencieusement un « Va te faire foutre. » que fort heureusement seuls Fye et Kurogane furent en mesure de déchiffrer.
« Oui, je sais, » reprit-elle. « On aurait pas du partir comme ça sans prévenir, mais il était assez tôt et tu dormais encore. C'est normal remarque vu la cuite que tu t'es prise hier. Et puis tu étais siiiiii mignon qu'on a pas eu le courage de te réveiller… »
Yume émit un étrange gargouillis alors qu'elle tentait visiblement de reprendre son souffle. « Le coup de grâce, » réussit-elle à placer entre deux gloussements.
« Tu vas pas tirer la tronche pour ça, » continua Sakura, ignorant délibérément les propos de son amie. « Je trouverai bien un moyen de me faire pardonner. Et puis t'en fais pas, ce sont des guerriers et ils ont l'air gentils, ils nous protégeront sur le chemin du retour. On en a pas pour longtemps, je te le promets. Oui, moi aussi. Bisous. »
Elle raccrocha sous l'œil amusé du Yume qui avait enfin réussi à se calmer. « Saki chérie, tu es ma déesse, » déclara-t-elle d'un air entendu.
« Sans commentaire, » répondit Sakura en lui jetant un regard assassin. « Bon, je lui ai dit qu'on rentrait tout de suite, alors sans vouloir vous presser, faudrait qu'on y aille. »
Elle envoya le téléphone à la tête de Yume qui le rattrapa aisément et se mit en route manu militari. La jeune brune se tourna vers le petit groupe en secouant la tête, leur faisant comprendre qu'il ne fallait pas faire attention, puis lui emboîta le pas. Les compagnons, indécis, finirent par suivre non sans réticence.
« On va où, exactement ? » demanda le ninja quelque peu dépassé par la tournure des évènements.
« Chez nous, » répondit Yume sans se retourner. « Enfin, en pratique, c'est la maison de notre Fye. Mais ici, il a beaucoup d'argent donc il a acheté quelque chose d'assez grand pour qu'on puisse tous y vivre confortablement. »
« Qu'entendez-vous par tous ? » l'interrogea la princesse, qui jusque là était restée muette.
« Oh eh bien, il y a Fye bien sûr, mais il est souvent en voyage et on ne le voit pas énormément. Kurogane y habite aussi, c'est lui qui s'occupe de nous, c'est à dire Sakura, Eiji et moi. On peut compter aussi Tomoyo, la meilleure amie de Sakura, Kimihiro, le meilleur ami d'Eiji et Odessa, ma meilleure amie. Eux, ils n'habitent pas vraiment là, mais ils viennent tellement chez nous qu'on peut dire qu'ils font partie de la famille. »
« Mais comment se fait-il que vous viviez tous sous le même toit ? » demanda Shaolan. « Je veux dire, avant de commencer ce voyage hormis…hum… nous ne nous connaissions pas. »
« Je suppose que c'est pour la même raison qui vous a poussé à voyager ensemble : le Destin, » répondit Yume, qui cette fois s'était retournée et lui souriait gentiment. « La vraie histoire est plutôt compliquée, mais pour faire court, disons que vu que nous étions tous les trois orphelins, Kuro-chan a décidé de nous recueillir et Fye est arrivé ensuite. Nous en reparlerons ce soir quand tout le monde sera là si vous le voulez bien. »
« Mokona trouve que Yume parle comme Yuko ! » déclara-t-il joyeusement, en sautant des bras de la princesse jusqu'à l'épaule de Kurogane.
« J'en suis ravie petit Mokona, » dit la jeune fille en riant. « Mais je ne sais pas qui est cette Yuko dont tu parles. »
« Yuko est celle qui a créé Mokona ! » répondit-il avec emphase. « C'est la Sorcière des Dimensions et c'est grâce à elle que nous pouvons parcourir les mondes. Elle est très puissante ! »
« Ca fait beaucoup, mais je suppose que je peux me sentir flattée… »
« Bon, vous vous bougez ou quoi ? » leur cria Sakura qui s'était arrêtée à quelques mètres devant eux pour les attendre. « On va pas y passer la journée ! »
« Il vaut mieux se dépêcher, » dit Yume, en pressant le pas, « sinon madame va piquer sa crise. Allons-y. »
Le reste du trajet se passa relativement dans le calme. Yume et Sakura marchaient en tête, prises dans une conversation animée qui n'en finissait pas. Les cinq compagnons suivaient, perdus dans leurs pensées.
« Mokona, » dit soudain Shaolan, rompant le silence. « Tu ressens la présence d'une plume ? »
« Mokona n'est pas sûr. Il y a bien de la magie dans ce monde, mais ça vient d'un peu partout. »
« Qu'est-ce que tu veux dire ? » demanda le jeune garçon.
« On dirait que chaque chose ici a une aura magique ! Mokona n'a jamais vu ça, mais ça n'a pas l'air dangereux. »
« Et pour elles ? » demanda le ninja, en désignant du menton les deux filles devant eux.
« C'est pareil. Mais leurs auras ont l'air plus fortes. Mokona ne croit pas qu'elles soient menaçantes non plus. »
« C'est ce que je ressens aussi, » renchérit Fye, son éternel sourire idiot plaqué sur le visage. « Tu ne devrais pas être aussi méfiant Kuro-wan ! Tu vas finir par te rendre malade. »
Kurogane grommela quelque chose ressemblant à « mage débile » mais ne releva pas. Quelques secondes plus tard, ils virent Yume et Sakura s'arrêter brusquement et se tourner vers eux. Yume ouvrit son sac et en sortit de drôles de chapeaux et plusieurs paires de lunettes aux couleurs fantaisistes qu'elle leur tendit.
« Mettez ça, » dit-elle d'un ton autoritaire qui contrastait avec sa bonne humeur habituelle. « Hebfi est une grande ville, mais il y a toujours un risque que nous croisions quelqu'un qui nous connaisse et ce ne serait pas bienvenu. Peu de gens ici croient en l'existence de la magie et encore moins en celle d'autres mondes. Votre présence susciterait bien trop de curiosité. »
« Vous devriez aussi enlever vos manteaux et vos capes, et aussi cette espèce de truc bizarre que vous avez sur la tête monsieur Kurogane. Et tant qu'on y est, planquez vos épées aussi, le port d'armes n'est pas exactement bien vu dans le coin, » ajouta Sakura. « Sans ça, je pense que vous passerez plutôt inaperçus. Ca vaut surtout pour vous Fye en fait, vous avez un tas de fans. »
« Ce qu'elle veut dire, c'est que notre Fye est très admiré, » crut bon de préciser Yume devant leur apparente incompréhension.
« Hyuu, riche et célèbre en plus, je sens que je vais me plaire ici ! » s'exclama le magicien qui semblait aux anges.
« Oui, vous avez plutôt intérêt, » dit Sakura d'un air sombre.
« Que voulez-vous… » commença Shaolan, qui avait tiqué à cette remarque étrange.
« Nous parlerons aussi de ça plus tard, » l'interrompit Yume, l'air agacée. « Hé, ce n'est qu'une casquette, elle ne va pas vous mordre vous savez, » ajouta-t-elle en retrouvant un semblant de sourire face à Kurogane qui semblait hésiter entre l'enfiler comme convenu et la déchirer en morceaux.
Il grogna mais finit par l'enfoncer sur son crâne, à l'instar de tous les autres. Shaolan ne put s'empêcher de penser que la princesse était très mignonne avec ses lunettes et sa casquette roses, mais il s'abstint de le faire remarquer.
« Mokona, toi aussi tu devrais rester tranquille, » reprit Yume. « Dans ce monde, les gens ne sont pas habitués à voir parler et bouger les petits êtres comme toi. »
« Aucun problème ! Etre immobile est une des 108 techniques secrètes de Mokona ! »
« Bon tout le monde est prêt ? Oui ? Alors on peut y aller, » décréta Sakura en prenant à nouveau la tête de la petite troupe. Elle passa à travers un buisson, bientôt imitée par les autres. Ils s'arrêtèrent quelques secondes pour contempler la vue qui s'offrait à eux. Ils avaient débouché dans un immense parc, parsemé d'allées et de grands arbres en fleurs. Quelques promeneurs courageux se baladaient au hasard sous la chaleur presque étouffante de cette fin de matinée mais la plupart des personnes présentes avaient trouvé refuge à l'ombre des feuilles, discutant entre eux ou somnolant tranquillement. Au-delà des nombreuses pelouses, on devinait les contours des immeubles, marquant la proximité de la ville.
« C'est très beau, » constata la princesse, se faisant voix de l'opinion générale.
Yume et Sakura ne répondirent pas et se remirent en route. A mesure qu'ils avançaient, les gens tournaient vers eux des regards intrigués, ce qui avait pour effet d'exaspérer prodigieusement le ninja. Il resta pourtant silencieux, devinant que leurs tenues probablement excentriques pour la population locale étaient la cause de ces œillades pesantes. Shaolan, quant à lui, tournait sans interruption la tête à droite et à gauche, affichant une mine perplexe.
« Quelque chose ne va pas Shaolan ? » demanda le magicien qui avait perçu son malaise.
« C'est étrange, » répondit le jeune garçon. « On dirait que le parc et la ville forment un arc de cercle autour de la forêt, comme pour l'éviter. Je n'ai jamais vu ce mode de construction auparavant, mais je me trompe peut-être. »
« Je vois qu'Eiji et vous partagez le même sens de l'observation Shaolan, » dit Yume en riant doucement. « En vérité, la ville toute entière est construite autour de cette forêt, qui forme elle même un cercle parfait. De sorte que vu du ciel, Hebfi ressemble à un gigantesque rond au milieu de nulle part. »
« Mais pourquoi tant de précautions, je ne comprends pas ? Non pas que je sois pour, mais bien des hommes peu scrupuleux auraient préféré raser cette forêt plutôt que de la contourner de cette façon. »
« Evidemment, » répondit la jeune fille. « Beaucoup ont essayé mais leurs tentatives sont restées vaines : à chaque fois les machines tombaient en panne et des accidents se produisaient. On a fini par conclure que la forêt était maudite et plus personne n'y a touché. D'ailleurs plus grand monde n'ose s'en approcher, c'est même devenu une sorte de défi pour les jeunes de la ville d'aller y passer une nuit. »
« Mais pourtant, nous y sommes restés un moment et il ne nous est rien arrivé, » observa la princesse d'une voix timide.
« Ce que les gens croient ne reflète pas toujours la vérité, » dit Sakura d'un ton plein de sagesse. « La forêt n'est pas plus maudite que moi poissonnière. Ils inventeraient n'importe quoi pour ne pas voir ce qui paraît évident pour ceux qui savent. En fait, la forêt est protégée par une barrière magique qui ne s'active que lorsqu'elle est menacée, c'est pas plus compliqué. Et, à ce propos, c'est pour ça que tout le monde nous regarde comme si on était gravement atteints. »
« Voilà qui n'est pas banal ! » s'écria gaiement Fye. « Et peut-on savoir qui a érigé cette barrière ? »
Yume et Sakura échangèrent un regard complice avant de répondre à l'unisson : « Ca c'est une très très longue histoire ! »
« Eiji vous racontera ça bien mieux que nous, » expliqua Sakura devant leurs airs déçus. « Moi je me perds toujours dans toutes ces putain de données historiques, c'est une horreur. Et Yu-chan n'est pas franchement plus douée que moi sur le sujet. »
« C'est pas que je connais pas les faits pétasse, c'est juste que j'ai la flemme. Et arrête de jurer devant eux Saki, tu vois bien que ça les gêne. »
« Tu peux parler, » répondit l'intéressée en lui tirant la langue puis en faisant mine de bouder. Leur manège dura dix secondes. Elles partirent soudainement dans un grand rire à la surprise des cinq compagnons, et reprirent leur chemin bras-dessus bras-dessous.
« Ces gamines sont complètement cinglées ma parole, » dit Kurogane, les yeux ronds comme des soucoupes.
« Non, Kuro-chan, elles sont heureuses, c'est tout, » conclut Fye, qui ne souriait pas pour une fois, avant de partir à la suite des deux filles qui les avaient quelque peu distancés.
Au bout d'environ un quart d'heure, ils arrivèrent à la limite entre le parc et la ville. Ils passèrent les grilles et Yume, sentant que l'ambiance s'était rafraîchie, s'improvisa guide touristique du groupe.
« Ici, » commença-t-elle avec entrain en désignant les immeubles, « nous sommes dans la zone Alpha, autrement dit le centre ville, ou le cœur économique si vous préférez. La plupart des constructions que vous voyez sont des immeubles de bureaux. Quasiment tous les habitants d'Hebfi travaillent là. On va prendre la navette aérienne qui nous amènera à la zone Prisma, notre maison est là-bas : c'est le quartier le plus riche. »
Les compagnons ouvraient grand les yeux, impressionnés par le décor hallucinant qui les entourait. Ils traversèrent quelques rues et manquèrent plusieurs fois de se faire écraser par d'étranges véhicules alors qu'ils déambulaient le nez en l'air. Ils s'arrêtèrent finalement devant une porte en verre qui débouchait sur une sorte de tube. Alors que Yume fouillait frénétiquement ses poches, vraisemblablement à la recherche de quelque chose d'important, la princesse poussa un cri.
« Fye ! Regardez, c'est vous là-bas ! »
Ils tournèrent tous la tête dans la direction indiquée par la princesse, et effectivement, à une centaine de mètres, on pouvait voir l'énorme image d'un Fye souriant à un partenaire invisible, posant aux côtés d'une inscription qu'ils ne pouvaient pas lire.
« Je crois que notre ami est démasqué, » dit Sakura en soupirant de manière dramatique. « Si vous visitiez convenablement la ville, vous pourriez en voir beaucoup des comme ça. C'est son boulot à notre Fye : il est mannequin. Ca veut dire en gros qu'il sert de corps et de visage à des marques de vêtements ou autres. Il est beau, donc il est célèbre, c'est comme ça que ça marche ici. »
« Ce n'est pas très équitable comme façon de fonctionner, » remarqua Shaolan.
« Pas faux, mais c'est pas en le disant que ça va changer quelque chose. Tant que les gens seront là pour regarder, on continuera à leur montrer du rêve. Et puis on va pas s'en plaindre, puisque quelque part c'est ça qui nous permet d'avoir une bonne situation. »
Yume, qui n'avait rien suivi de la conversation, sembla enfin avoir trouvé ce qu'elle cherchait et sortit d'une des poches de son pantalon un petit carré métallique qu'elle passa sur un cadran à droite des portes qui s'ouvrirent instantanément.
« C'est un passe, » expliqua-t-elle en avançant dans le tube. « Il faudra qu'on vous en procure un si vous devez vous déplacer et que nous vous perdons. Ca permet d'éviter que des personnes non autorisées utilisent les moyens de transport. »
A l'extrémité du tube, ils trouvèrent un escalier mécanique qui montait vers le ciel. Les compagnons hésitèrent, pas très emballés par cette nouvelle lubie.
« Y a aucun danger, » leur assura Sakura. « Tenez-vous au bord et si vous avez le vertige, évitez de regarder en bas, c'est tout. »
« Serrez à droite, » ajouta Yume alors qu'ils s'y engageaient à la queue-leu-leu . « Ils y en a qui sont pressés. »
Comme pour lui donner raison, un homme passa à côté d'eux en courant et bouscula la princesse qui atterrit dans les bras de Shaolan. Voyant que l'individu se faisait pas mine de s'excuser, Kurogane brandit son poing, prêt à frapper. Yume le retint par le bras.
« Pas la peine de se faire remarquer, » le prévint-elle d'une voix glaciale. « Les gens ne sont pas tous très polis ici, il faudra vous y habituer. » Puis, retrouvant sa douceur : « Ca ira Sakura ? »
« Oui… » répondit la princesse, un peu hébétée. « Oui, je crois. »
« Bien, donc l'incident est clôt. »
Cinq minutes plus tard, ils atteignirent le sommet de l'escalier et un autre tube, bien plus large que le précédent, se présenta à eux. Il se trouvaient sur une plate-forme au centre de laquelle un creux rectangulaire était visible. Soudain, quelque chose s'introduisit dans le tube à toute vitesse, produisant une rafale qui les fit reculer de quelques pas. Mais, au lieu de continuer sur sa lancée, l'engin stoppa net sa course devant eux. Sakura courut à l'intérieur et les invita à la suivre d'un geste de la main.
« On a du bol, » commenta-t-elle en se laissant tomber sur un siège libre. « D'habitude, on attend carrément plus longtemps. Vous êtes de sacrés porte-bonheur. Y a jamais personne à cette heure-ci en plus vu que tout le monde déjeune. D'ailleurs, vous devriez vous asseoir, ça risque de secouer un peu… »
Avant qu'ils n'aient eu le temps d'enregistrer complètement les paroles de la jeune fille, ils furent violemment projetés en arrière et se retrouvèrent tous les quatre fers en l'air, provoquant les rires des quelques autres passagers.
« Hyuu, Kuro-rin protège-moi, j'ai peur ! » s'écria Fye tout sourire en s'accrochant au cou du ninja.
« Dégage avant que je t'arrache la tête abruti ! » hurla-t-il en se débarrassant du mage gesticulant. Puis plus bas : « Putain ce monde va me rendre dingue. »
« Désolée, j'aurais peut-être dû vous prévenir avant, » dit Sakura qui n'avait pas l'air désolée du tout.
« Princesse Sakura, tout va bien ? » demanda Shaolan, qui, déjà debout, lui tendait la main pour l'aider à se relever.
« Oui, Shaolan, ne vous en faites pas pour moi, » répondit-elle en rougissant.
« Princesse ? » s'étonna Yume une fois que toute la petite compagnie fut bien installée.
« Oui, » répondit Shaolan, « dans le monde d'où l'on vient, Sakura est la princesse du pays de Clow. »
« Clow, vous dites ? » dit Yume en échangeant un regard avec sa Sakura. « Voilà qui est drôle. Je ne peux pas vraiment vous en dire plus pour le moment, mais vous demandiez tout à l'heure le nom de celui qui avait créé la barrière autour de la forêt… Eh bien il s'appelait Clow Read. C'était un homme très important, il a même donné son nom à ce pays : Hebfi est la capitale du pays de Read. »
« Mais c'est sûrement une coïncidence, » enchaîna Sakura, apparemment décidée à ne pas s'attarder sur le sujet. « Mettez-vous à l'aise et profitez de la vue, on en a pour un moment. Je vais envoyer un message à Eiji pour lui dire qu'on est dans la navette, » ajouta-t-elle en s'adressant à Yume. « Sinon il va encore flipper comme un con et on va s'en prendre plein la gueule en arrivant. »
« C'est pas un mal, » répondit Yume tandis que son amie sortait son propre téléphone de sa poche. « Quand il flippe, il passe direct aux fourneaux. Et puis Kimi-chan est avec lui, donc on va encore avoir à bouffer pour un régiment. Ca tombe bien d'ailleurs parce que j'ai faim, pas la petite dalle, mais le genre de truc assez monstrueux. »
« T'as tout le temps faim Yu-chan, c'est pas comme si c'était le scoop du jour, » conclut Sakura en soupirant, avant de se mettre à taper sur les touches de son portable avec frénésie.
Pendant ce temps, les compagnons, ayant suivi le conseil de celle-ci, observaient le paysage, leurs nez collés aux vitres. Il était encore plus impressionnant vu d'en haut, puisque de là, on pouvait distinguer clairement la forme circulaire de la ville, qui semblait s'étendre jusqu'à l'horizon.
« Qu'est-ce qu'il y a là-bas ? » demanda un Fye fasciné, en désignant un point au-delà des immeubles.
« C'est la zone Bêta, » répondit Yume. « Le quartier résidentiel. En général, ceux qui travaillent dans la zone Alpha habitent dans la zone Bêta. »
« J'ai l'impression qu'il y a autre chose plus loin, mais je ne suis pas certain… »
« Plus loin, il y a la zone Gamma, » dit Yume, dont le visage s'était rembruni. « Ce sont les quartiers pauvres. On évite de s'y aventurer, c'est assez dangereux. »
« Comment ça ? » lui demanda Shaolan.
« Ceux qui vivent dans la zone Gamma sont plus ou moins exclus de la vie de la cité et à force de passer pour des marginaux, ils sont devenus agressifs. On ne peut pas vraiment les blâmer pour ça, mais leur sentiment de rejet a fini par se muer en rage. Ils ont créé leur propre communauté et se font appeler les Insoumis. Ils violentent systématiquement toutes les personnes qui ne sont pas des leurs, même celles qui ne viennent que pour les aider et ils leur arrive aussi de tuer à l'occasion. » Elle marqua un temps d'arrêt en voyant Sakura serrer les poings. « Les autorités d'Hebfi ont fini par en avoir assez de compter les morts, et depuis ils demandent à la population d'éviter de s'y rendre. La peur qu'inspire ce quartier est même pire que celle de la forêt dans l'esprit des gens, et ce n'est pas peu dire. »
« Ils ont assassiné mes parents et mon frère… » commença Sakura, le visage fermé.
« Saki… »
« Non, » l'interrompit-elle. « Il doivent savoir, et ça peut leur éviter de faire une connerie. Vous voyez, mes parents militaient activement pour les droits des Insoumis. Un jour, ils sont partis en voyage pendant une semaine dans une autre ville avec mon frère Toya ; ils m'avaient laissée à une voisine en attendant. Ils ne sont jamais revenus. Il y avait beaucoup de circulation sur la route, alors mon père a décidé de passer par une voie que personne n'empruntait jamais, qui avait été construite il y a longtemps dans la zone Gamma. Il savait que maman et lui étaient connu en bien dans le quartier et il en avait conclu que ça ne poserait pas de problème. On a retrouvé la voiture vide le lendemain avec les sièges couverts de sang. Je ne les ai pas revu depuis, même leurs corps ont disparu sans laisser de trace. »
« C'est horrible. Je suis désolé, » s'excusa Shaolan, épouvanté et contrit. Il se rendait compte que cette fille ressemblait tant physiquement à sa princesse qu'il en venait à l'identifier à elle, constat qui ne fit qu'accentuer sa gêne. « Je n'aurais pas dû demander, pardon. »
« Y a pas de quoi. Et puis ça s'est passé il y a longtemps et j'étais trop petite pour réaliser vraiment. Je ne les ai pas oubliés, mais j'ai une nouvelle famille maintenant et je pense que où qu'ils soient ça doit leur faire plaisir de voir que j'ai fait de la place dans mon cœur pour aimer d'autres personnes. C'est tout ce que j'ai besoin de savoir, et ça sert à rien de ruminer sans arrêt le passé. »
« Aouch, » se plaignit Yume, une main serrée sur sa poitrine comme si elle faisait une attaque. Geste de douleur qui contrastait grandement avec son expression malicieuse. « Cliché… »
« T'as vraiment un don pour casser l'ambiance, » soupira Sakura qui retenait avec peine son sourire.
« Tu sais bien que le mélodrame, c'est pas trop mon truc. »
« Y a des jours comme ça où je me rappelle pourquoi je t'aime autant soeurette ! » s'écria la jeune rousse en posant un baiser sonore sur sa joue. « Et vous, ne vous inquiétez pas, » dit-elle au reste du groupe qui avait l'air estomaqué par ce revirement inattendu. « On a pris l'habitude de pas trop s'apitoyer sur nos sorts. Vu qu'on est la famille catastrophe, on aurait pas fini sinon. »
« Je confirme : elles sont folles, » déclara Kurogane qui commençait à avoir mal à la tête.
« Je t'ai déjà dit de ne pas être si méchant Kuro-wan ! » rétorqua Fye, son sourire niais revenu à la puissance maximale. « Moi je trouve que c'est une bonne philosophie ! »
Ils entendirent un léger « Mokona aussi ! » qui les fit tous rire de bon cœur, sauf Kurogane, bien entendu, toujours aux prises avec son mal de crâne carabiné.
OoOVoilà pour le premier, j'espère que vous avez aimé ! Un petit commentaire est toujours bienvenu. Merci en tous cas d'avoir lu et à dimanche prochain pour la suite.
