Une pierre noire, une pierre blanche, en alternance. Un plateau de bois, ses lignes aux trois cent soixante-et-une intersections. Des règles simples, des contraintes simples. Et pourtant, c'est tout un univers en construction, prêt à sortir du chaos du quotidien et à s'étendre en coups et répliques entre les deux joueurs qui s'affrontent. Peu importe leur âge, peu importe leur tenue, peu importe le reste de leur vie. Peu importe que l'un soit alourdi par le gorgonzola de sa dernière pizza, et que l'autre se soit volontairement limité à un seul bol de riz blanc. Peu importe que l'un ait préféré le confort d'un pantalon en peluche, et que l'autre ait solennellement revêtu un hakama traditionnel. Peu importe que l'un aime se prélasser sur l'épaule de jeunes hôtesses de bar habillées en vison, et que l'autre ait conservé la même politesse indéfectible envers sa femme, pendant les quinze années de leur mariage. Peu importe que l'un fréquente les allées de bar aussi souvent que l'autre fréquente les temples. Pierre après pierre, coup après coup, dans l'espace fini du plateau et dans les possibilités infinies des combinaisons, c'est toujours un univers unique et complexe qui se construit.


Ce texte a été écrit dans le cadre de la centième nuit du FoF. Il fallait écrire sur le thème "contrainte" en une heure, et les mots "chaos", "gorgonzola", "peluche", "vison", et "allée" ont été imposés successivement au fur et à mesure de l'heure. Je pensais d'abord écrire sur Hikaru et Akira, mais ce sont finalement Toya Meijin et Honinbo Kuwabara qui se sont imposés.