Flash-Forward

Il était là, debout parmi un groupe de loups-garous, sous un soleil brûlant. Une goutte de sueur parcourait son dos sous sa chemise en lambeau, se forgeant un chemin au milieu du labyrinthe que formaient les multiples cicatrices qui zébraient son corps.

«-Parfait, un groupe de chiens tout neufs! Lança une voix aigüe d'un homme avec un accent de paysan Américain insupportable et gonflé de condescendance. Vous vous occuperez des coupes. C'est assez simple, même pour vous. Vous prenez vot' machette et vous faites comme ça.

Il coupa un pied de Cyperus Papyrus, la plante utile à la fabrication du parchemin que tous les sorciers utilisent.

-Après, vous mettez ça ici pour ceux qui s'occupent des plantations.

Il cessa sa démonstration, et se retourna de nouveau face au groupe.

-Ayez pas peur, elles vont pas vous mordre, il étouffa un rire moqueur. Aller! Au boulot! »

Pendant qu'ils effectuaient la tâche qui leur avait été attribuée sous une chaleur ardente, des sorciers surveillaient. Certains circulaient parmi eux, d'autres étaient perchés sur une charrette tirée par des sombrals. Remus savait qu'eux aussi avaient été asservis, tout comme lui et ses compagnons de labeur.

Ils travaillèrent ainsi jusqu'au soir. Le lycanthrope était tellement fatigué que ses gestes étaient presque devenus automatiques, comme s'il avait été soumis au sortilège de l'Imperium. Il ne réfléchissait plus, essayant d'oublier la douleur telle des morsures qui saisissaient tous les muscles de son corps.

Son front ruisselait de sueur lorsqu'il déposa sa machette à terre avant de rentrer au campement.
Cette dernière marche était sûrement l'effort qui lui demandait le plus de courage de la journée.
Lorsqu'ils s'asseyaient sur les troncs qui entouraient le feu pour manger le maigre repas que d'autres esclaves avaient été chargés de préparer, c'était comme une délivrance.
Assis les uns à coté des autres, personne ne parlait en général. Pour dire quoi? Raconter leur journée? Expliquer en riant la dernière bêtise que leur collègue avait fait? Exposer leurs projets d'avenir? Non, de toute façon, toutes les journées se ressemblaient. La dernière bêtise du collègue aura été si durement punie que certainement personne n'aurait envie d'en rire. Quant à ses projets d'avenir, ils étaient inexistants dans cet enfer.

Alors, ils se contentaient de manger en silence. Après une journée passée sous les hurlements des surveillants, les fouets sifflants et claquants dans l'air étouffant, les sorts lancés avec colère, le cri d'un malheureux qui ne travaillait pas assez vite ou bien, le bruit abrutissant des machettes... Finalement, c'était bien aussi, un peu de silence.

Tandis qu'il finissait son dîné, Remus remarqua le jus de mûre, couleur pourpre qui avait coulé dans son assiette. Cela lui donna une idée. Il était tellement pressé de la mettre en œuvre qu'il oublia toute la fatigue accumulée et il se leva d'un bond. Tous se retournèrent vers lui en un sursaut, visiblement étonnés de le voir en si grande forme. Conscient qu'il avait attiré l'attention sur lui, Remus tenta de dissimuler son erreur en s'éloignant lentement, traînant les pieds, claudicant presque. Il parti derrière les cabanes, jusqu'à arriver sous un arbre.

Il vérifia que personne ne pouvait le voir de là et se jeta au sol. Commençant à chercher frénétiquement un petit bout de bois, fin et long. Lorsqu'il en dénicha un qui pouvait lui convenir. Il regarda tout autours de lui pour s'assurer que personne ne l'observait. Remus commença à tailler en pointe son bâton avec l'aide d'un silex tranchant qu'il avait trouvé dans les champs de Cypérus et caché dans sa chaussure (ce qui lui avait d'ailleurs valu une douleur sous le pied droit toute l'après-midi).

Une fois sa sculpture achevée, il admira un instant son œuvre. Après avoir apporté quelques petites retouches, il se débarrassa du silex. Le loup-garou rangea son nouveau trésor dans le haillon qui lui servait de chemise et retourna vers le campement où les autres esclaves commençaient à aller se coucher.

Une fois arrivé, il se fondit dans la masse devant l'entrée des cabanes, remarquant avec soulagement que son absence n'avait inquiété personne.
«Le contraire aurait été bizarre, en même temps.»pensa t-il.
Il entra dans le cabanon où il dormait habituellement avec dix autres loups-garous.

Il faisait encore lourd à l'intérieur, malgré la température qui était descendue en même temps que le soleil à l'horizon. Le sol était jonché de paille recouverte de couvertures, qui n'avaient plus rien de leur blanc originel.
Remus avança jusqu'à sa place et se coucha entre ses compagnons d'infortune. Tous ses muscles se détendirent pour la première fois de la journée lorsqu'il s'allongea, et il soupira de soulagement. Malgré l'envie irrépressible de se laisser emporter par le sommeil, il lutta de toutes ses forces pour rester éveillé, jusqu'à ce qu'il commence à entendre des respirations, plus fortes, plus régulières, voire des ronflements.

Cela devait faire une demi-heure que tout le monde s'était couché sans un bruit, sans une parole. Personne ne résistait très longtemps au sommeil après l'heure du couché. Ils étaient tous éreintés par leur journée et c'était le moment qu'ils attendaient le plus.
Voila pourquoi Remus dut faire preuve de courage pour se relever dans la nuit. Sans faire un bruit, il quitta la cabane à pas de loup, après avoir au préalable sorti de sous sa couverture un parchemin vierge et froissé.
Il retrouva prêt du feu l'assiette qu'il avait laissé, toujours remplie de jus de mûre.

Il posa le parchemin sur un tronc qui servait de banc lorsque les esclaves se retrouvaient autours du feu. Ensuite, il fouilla dans sa chemise pour retrouver sa misérable plume qu'il avait confectionné avec soin quelques heures auparavant. Il la trempa dans le jus de mûre et retint son souffle lorsque la pointe toucha le parchemin à la lumière des flammes qui dansaient encore faiblement dans la pénombre.
Une grosse goutte pourpre se forma sur la page, une larme de sang qui aurait fini sa chute sur le parchemin. Le lycan paniqua à l'idée que son plan ne fonctionne pas et fit fébrilement une nouvelle tentative, qui s'avoua tout aussi infructueuse. La première et seule lettre qu'il avait tenté d'inscrire sur le papier jaune ne ressemblait qu'à une tâche insignifiante. Il réalisa qu'il lui serait impossible d'écrire un message. Il n'avait plus d'autres idées. Le désespoir l'envahit et de colère il envoya valser l'assiette qui lui avait servi d'encrier.

Il retourna se coucher. Abattu. Découragé. Privé d'espoirs.

C'est ma toute première fic, vos avis m'intéressent vraiment, donc n'hésitez surtout pas à partager vos commentaires, bons ou mauvais ! Merci à ceux qui prendront le temps de m'aider à avancer :)