Je reprends ma respiration l'histoire de deux secondes et reprends pour une dernière fois ma chorégraphie. Les gens d'aujourd'hui sont super, ils dansent avec leur cœur et ça se ressent, ça se voit. C'est de plus en plus rare de voir des danseurs le faire avec autant de passion. Il faudrait qu'ils descendent de leur piédestal et viennent voir ces danseurs underground. Comme nous le faisons souvent, mon frère et moi grâce aux workshops. On rencontre des personnes incroyables avec leur propre histoire à raconter à travers leurs pas de danse et c'est juste magnifique de pouvoir partager autant d'amour comme ça.
Je finis ma chorée et applaudis tout le monde pour avoir géré comme des bêtes. Ça fait du bien de se sentir fier. C'était très agréable. Mais maintenant les choses sérieuses commencent.
"Larry t'as fini ?
_ Deux minutes."
Je le laisse finir pour aller boire une bonne grosse gorgée de jus d'orange tout en recherchant un enchaînement de musique dans mon iPad.
Lorsque Larry me rejoint, je lui tend la bouteille de jus d'orange et lui montre ce que j'ai choisi comme musique pour avoir son accord. Je sais que n'importe quelle chanson ira pour nos freestyles mais j'ai pas envie qu'on s'engueule encore aujourd'hui. Pour un rien. Il acquiesce et repose la bouteille.
Alors commence ma partie préférée, les freestyles. Il nous reste peu de temps mais c'est pas grave, on va profiter jusqu'à la dernière seconde.
Je commence et là je me lâche, toute la restriction et la frustration de la chorée y passe, ma mauvaise humeur dans la voiture, l'engueulade avec Larry à l'hôtel, ma douleur à la cheville et au genou, tout, absolument tout y passe et je ne contrôle plus rien. Je me laisse emporter par la musique, le beat, les ondes des baffes, les cris des gens et surtout ceux de mon jumeau.
C'est comme si je me réveillais d'un rêve, d'une transe dans laquelle j'étais tombé, lorsque je laisse la place à mon frère. Je le regarde, l'observe, lui emboîte le pas parfois, sentant sa passion et sa ferveur à travers mon corps. Et j'ai du mal à redescendre.
Mais le moment finit et les photos avec les fans s'enchaînent rapidement parce qu'on a prit finalement plus de temps qu'on aurait dû si on avait été raisonnable pour le freestyle. Mais on a jamais été raisonnable.
Les gens sont en train de se rhabiller pour sortir, nous aussi. On range le matériel vite-fait et lorsque tout est remis en place nous sortons. Les adieux se prolongent devant la salle de sport dans laquelle nous avons passé deux heures épuisantes mais délicieusement satisfaisantes. Un dernier câlin, un dernier au-revoir et Larry et moi repartons à pied dans les rues éclairées de la nuit. Le temps est frisquet et après deux heures dans la chaleur torride à transpirer je peux dire que c'est peu agréable.
Larry reste silencieux, mais je peux le comprendre. Il n'a pas dormi sur le trajet, moi oui et il est fatigué. Parfois je me dis qu'on en fait trop et qu'un jour ou l'autre l'un de nous deux va péter un câble. Et puis cette pensée est vite remplacer par : dans quel club allons-nous danser ce soir déjà ?
Je ne parle pas non plus. Je n'ai pas la tête à parler ce soir, je n'ai qu'une envie, rentrer à l'hôtel et me mettre sous la douche jusqu'à ce que ma peau soit engorgée d'eau. Je sais que c'est l'intention de Larry aussi. Mais j'aurais ma douche first parce qu'il est plus fatigué que moi. Avantage pour moi.
L'hôtel n'est qu'à quelques rues de la salle de sport mais après cette journée épuisante je regrette de ne pas avoir pris une voiture pour venir. Mon genou commence sérieusement à me lancer et ça n'arrange pas mon affaire.
Alors que nous entrons dans une nouvelle rue, une femme se met à courir vers nous, toute excitée de nous voir. Je ne pense pas l'avoir vu aujourd'hui au workshop cependant.
"Oh mon Dieu vous êtes Les Twins ! J'y crois pas mes yeux. Est-ce que je peux prendre une photo avec vous ?"
Nous acceptons même si le cœur n'y est plus de trop. Une fois fait elle se met à nous parler.
"Les gars vous pouvez pas savoir à quel point je suis heureuse de tomber sur vous comme ça ! Ça va ? Vous venez d'où comme ça ?
_ On sort du workshop, et toi t'étais où ?, Larry lui demande, sous un faux ton d'accusation."
On discute quelques secondes et le portable de Larry sonne. Il répond et s'éloigne un peu de nous pour parler. Je me demande qui c'est. Non pas que ça m'intéresse mais bon. La fille me tient la grappe et semble d'humeur à me raconter sa vie. Non que ça me gêne habituellement mais là n'est pas le moment, je suis épuisé et je veux rentrer me mettre au chaud. Larry a tourné dans une allée, hors de ma vue maintenant. Je soupire.
"Écoute, je veux pas être méchant mais la journée a été longue et j'aimerais vraiment rentrer alors...
_ Oh y'a pas de soucis, je suis désolée j'aurais dû m'en douter. J'ai tendance à parler beaucoup quand je suis nerveuse et vous rencontrer ça a un effet assez dur sur mes nerfs."
Sur les miens aussi.
Je l'entends parler mais mon attention est d'un coup tournée sur autre chose. Quelque chose qui me perturbe un peu et qui me semble étranger. Non dans le sens où ça m'est inconnu mais sous le sens où ça ne m'appartient pas. Ce sentiment. Ça n'est pas le mien. C'est difficile à décrire. Comme si mon cœur venait d'accélérer sans aucune raison et que mes émotions étaient toutes en alerte.
Je relève mon regard et cherche Larry. Je fronce les sourcils et m'éloigne de la fille.
"Qu'est-ce qu'il y a ?, me demande-t-elle."
Je ne peux lui répondre.
"Larry ?"
Alors que je me rapproche de la ruelle, d'un coup je sens mes jambes se dérober sous moi. Un gémissement de douleur m'échappe alors qu'une douleur au ventre me prend et je sens deux mains sur moi. C'est la fille qui tente de me relever, l'air inquiet.
Je relève la tête, un homme sort de la ruelle en courant, l'air fuyard.
"Non.., je souffle. Non, Larry !"
Je me relève et cours jusqu'à la ruelle, paniqué de savoir sur quoi je vais tomber. Et là ma vision se trouble. Les larmes me brouillent la vue mais je sais. Je le sens.
Larry est par terre, les mains tremblantes près de son abdomen, gémissant de douleur. Et cette tâche rouge foncé, grandissante sur son t-shirt, ne ment pas. Je cours vers lui aussi vite que je le peux, essayant de repousser toutes ces émotions qui tentent de me submerger.
Je m'écrase au sol à ses côtés, lui prend le visage entre les mains.
"Larry..!"
C'est tout ce que je peux prononcer. Un sanglot me fend la gorge. Je tente alors de compresser la plaie à son ventre avec ma main, mais lorsque je commence à appuyer et que Larry crie de douleur, je crie aussi, relâchant tout de suite. La connexion est trop forte, trop dangereuse maintenant et je ne peux rien faire.
"Aide-moi !, je hurle à la fille qui s'était tenu un peu à l'écart, terrifiée. Aide-le je t'en supplie, je peux pas... Je..."
Heureusement elle comprend qu'elle doit faire quelque chose et s'agenouille de l'autre côté de Larry, elle prend la place de ma main sur sa plaie et appuie. Je serre les dents et essaye de ne pas écouter les cris de Larry. Ma tête me tourne, ma vision semble s'assombrir. Je sais que je ne vais pas tenir longtemps si la douleur de Larry continue à être si forte. Je ne lâche pas son visage, caresse ses joues et pose mon front sur le sien, tente de lui donner le peu de calme ou du moins le reste de sérénité en moi. C'est comme un transfert. Je ne sais pas comment l'expliquer mais c'est comme si je prenais sa douleur et lui donnais tout ce que je pouvais pour l'apaiser en échange.
J'entends vaguement la fille parler, je crois qu'elle est au téléphone avec les urgences mais mes pensées sont toutes pour mon jumeau.
"Ça va aller, je suis là, je te quitte pas, reste avec moi, Larry reste avec moi.."
Je lui souffle à l'oreille, les pleurs me secouant. Mon ventre me tue de douleur et je sais ce qui va se passer. Ça c'est déjà produit auparavant. Mon corps réagit à celui de Larry, et vice versa. Comme nos esprits sont liés, nos corps en subissent les conséquences. Comme on dit, la douleur est dans la tête.
Je tremble de peur, de crainte, de fatigue, de douleur. Je ferme les yeux. Ma tête est en fusion. Je ne peux plus penser, mon cerveau est en surchauffe et je sais pourquoi. Parce que Larry est à deux doigts de perdre connaissance. La douleur est trop forte. Je l'entend gémir :
"Lau.."
Et je sens son corps se relâcher. Je lutte au maximum pour ne pas sombrer à mon tour. J'entends une voix féminine nous appeler, paniquée.
"Larry ?.. Laurent ?!"
Et c'est le trou noir, je tombe la tête contre celle de mon frère, ma main contre son visage.
J'ouvre les yeux. La lumière m'agresse. Mais ce n'est pas tout. J'ai juste le temps de me pencher sur le côté avant de régurgiter tout le contenu de mon estomac sur le sol. Je me remets à pleurer. Je suis trop bouleversé pour comprendre ce qui se passe. Mon corps est prit de spasmes incontrôlables et je sens une main sur mon dos puis une bassine se glisser sous mon visage.
Lorsque mon estomac se calme et que mes tremblements tarissent je me rend compte que je suis dans un hôpital. Et que la personne à mes côtés est un médecin.
"Où est Larry ?"
Ma voix est si faible que moi-même j'ai dû tendre l'oreille pour m'entendre. Je n'aime pas ça.
"Larry."
Je répète pour être sûr de me faire comprendre. J'ai peur. Je ne m'étais jamais aussi mal sentis de toute ma vie. Même quand Larry s'était arraché le visage ou même quand maman nous a séparé pendant une année entière. C'est tellement pire et je ne peux ignorer mon pressentiment.
Elle retire la bassine et me regarde dans les yeux.
"Votre frère est au bloque opératoire au moment où je vous parle. Il a été poignardé dans la ruelle où notre équipe vous a retrouvé tous les deux inconscient. Comment allez-vous ?"
Elle me le demande en faisant passer une lampe devant mes yeux, m'éblouissant. Comment je vais ? Elle est sérieuse ?
"Mon frère jumeau vient de se faire trouer le ventre par un bâtard dans une ruelle sans aucune raison et vous me demandez comment je vais ?"
Cette fois ma voix est plus assurée, plus forte. Plus agressive aussi. Elle ouvre la bouche pour me répondre mais je la coupe.
"J'ai ressenti la peur de mon frère. J'ai ressenti mon jumeau se faire planter. Ressenti sa douleur jusqu'à ce que je m'évanouisse à ses côtés. Alors votre question vous pouvez vous la foutre au cul."
Et je ressens actuellement quelque chose en moins, un vide en moi qui me terrorise. Je réalise que je me suis remis à pleurer. C'est un cauchemar. Je dois me réveiller.
Le médecin prend congé après m'avoir dit qu'elle reviendrait.
Je suis complètement perdu. Seul. Affreusement seul. Je me relève du brancard et me retrouve errant dans les couloirs. C'est comme si j'avais perdu le nord. Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas ce qui se passe et ça me terrifie. J'ai l'impression de me noyer ou du moins d'être sous l'eau. Je n'entends rien, j'ai du mal à voir et le peu que je perçoive n'est que le noir des abysses qui m'entourent.
Ma chaleur m'a quitté. Ma vitalité n'est plus là. Mon cœur est serré. Je vais mourir.
Je me repose le long d'un mur, glisse jusqu'au sol, tremblant. J'ai l'impression d'être en dehors de moi-même. Comme si j'étais bourré. Je suis là mais je ne suis pas là. Je pose mon front contre le sol froid. Je ne m'étais pas rendu compte que j'étais brûlant. Transpirant. Haletant même. Comme si je venais de danser durant des heures. Sauf que la sensation est toute autre. Horrible. Insupportable. J'ai envie de hurler.
Je sursaute quand une main se pose sur mon épaule. Mon regard s'accroche à celui qui m'observe. Le petit garçon semble inquiet. Je suis une épave.
"Est-ce que ça va ?, me demande-t-il timidement."
Je ravale un sanglot avant d'ouvrir la bouche pour tenter de le rassurer mais avant que je ne puisse produire un seul son, le garçon se jette dans mes bras et me serre fort. Là je ne peux retenir mes pleurs et serre le gamin à mon tour.
"Ça va aller mieux, maman dit que les câlins c'est fait pour ça."
Je resserre mon étreinte.
"Merci mon grand., lui dis-je en reniflant. Merci beaucoup."
Je romps le câlin à contre cœur et souris au petit garçon.
"Tu vois, ça va mieux., me dit-il avec un grand sourire."
Mon sourire s'agrandit à cette vue, mais quelques larmes coulent encore sur mes joues. La main du garçon vient les essuyer doucement. Ce gamin est un pur trésor.
"Oui, ça va mieux. Comment tu t'appelles bonhomme ?
_ Julien ! Et toi ?
_ Laurent. Enchanté., dis-je en lui serrant la main."
Sa maman l'appelle et Julien repart comme il est arrivé. Sa mère me sourit tristement et ils entrent dans une chambre.
J'inspire profondément en essayant de reprendre un peu de contenance, du moins un minimum. Je reprends un peu mes esprits et me relève lentement. Mes jambes sont comme du coton mais au moins je n'ai plus l'impression d'être sous l'eau.
Je me remets à marcher dans les couloirs. J'essaye de reprendre le contrôle sur ma respiration.
Elle est laborieuse mais je tente quand même de lui forcer un rythme régulier et profond.
Les choses sont partis tellement en couilles en si peu de temps que j'ai l'impression que rien ne s'est passé. Du moins je réalise pas complètement. J'aimerais que ce soit un cauchemar et que je puisse y échapper en me réveillant. Mais les sentiments sont bien trop réels, trop douloureux pour être faux.
Pourquoi a-t-il fallut qu'il s'éloigne ? Pourquoi a-t-il fallut que cette fan soit là ? Pourquoi est-ce qu'on n'a pas pris la voiture ? Tout cela aurait été évité et à l'heure qu'il est je serais dans la douche ou en train de jouer à la PS4 avec mon jumeau au lieu d'attendre de savoir s'il va même survivre. On devrait être en train de se chamailler sur le choix de la manette ou du jeu à jouer. Je ne devrais pas être en train de mourir à petit feu parce que Larry s'est fait poignarder. On devrait être ensemble. On devrait être en train de s'engueuler comme tous les jours. On devrait être en train de gâcher notre salive à s'envoyer des tacles et des attaques verbales. On devrait être en train de... Sans m'en rendre compte j'ai continué à marcher le long des murs, plongé dans mes pensées. Je me stoppe devant une porte.
"Bloques opératoires."
Larry est dans l'un d'eux. Seul. Meurtri. Comme moi.
Une image horrible se forme dans ma tête. Larry sur le billard, entouré de médecins qui essayent de lui sauver la vie. Mon envie de hurler me reprend. J'ai besoin d'être à ses côtés, j'ai besoin de lui faire sentir ma présence. J'ai besoin de lui, maintenant plus que jamais. Mais je suis scotché devant cette porte sans pouvoir bouger. Sans pouvoir respirer. Cette porte qui manque de m'assommer quand elle s'ouvre brutalement sur un homme. C'est un chirurgien je pense mais je m'en fous, ce qui me préoccupe c'est qu'il est couvert de sang. Le sang de Larry ?
"Oh mon Dieu !, m'entends-je dire avant que je perde connaissance."
Je me réveille une nouvelle fois sur ce brancard dans lequel je m'étais déjà retrouvé tout à l'heure. Mais cette fois quelque chose est planté dans mon bras, accroché à un tube qui fait couler un liquide transpirant dans mes veines.
"Restez calme, ce n'est rien. Votre tension est bien trop élevée et vous semblez affaiblit. Il faut juste que vous vous reposiez."
C'est un autre médecin. Un homme.
"Faites-moi une faveur et restez allongé au lieu d'errer dans les couloirs, ça vaut mieux."
Il me sourit, attendant une quelconque réponse de ma part. Ne faisant pas confiance à ma voix, j'acquiesce simplement.
"On m'a dit que votre frère jumeau avait été pris en charge par un de nos meilleurs chirurgiens. Il est entre de bonnes mains. Je vais faire de mon mieux pour vous tenir informé."
Il se dirige vers la porte et s'apprête à sortir quand il se retourne pour me regarder.
"Ne vous levez pas. Je peux vous faire confiance ? Vous ne ferez rien de stupide ? Votre frère aura besoin de vous lorsqu'il sortira du bloque. Faudrait éviter d'être dans les vapes à ce moment là, non ?"
Il sort, le sourire aux lèvres. Il a raison. Je dois me ressaisir et me montrer fort. Mais ça c'est sensé être Larry, pas moi. Il est tellement plus fort que moi dans ce genre de situations. Il a les nerfs, l'esprit, la force de ne pas se laisser submerger par ses émotions. Il les cache plus facilement que moi. Putain qu'est-ce qu'il me manque.
Je pose ma tête contre l'oreiller et soupire. Si seulement il était là avec moi. Je suis persuadé que si la situation avait été inversé, il n'aurait pas été aussi détruit que moi là maintenant. Il aurait sûrement prit la situation en main, aurait repoussé ses sentiments au plus profond de lui-même et aurait avancé sans flancher une seule fois. Et il serait resté fort pour moi. Il me sourirait pour me montrer qu'il est là pour moi et ne craquerait pas avant que nous nous soyons retrouvés seuls et sain et sauf. Parce que comme moi, l'émotion qu'il ressentirait serait trop forte pour la retenir. Parce que malgré ses aires durs et je-m'en-foutistes, il serait aussi inquiet que moi. Il est tout aussi sensible que moi, c'est juste que lui s'en cache. Moi si je veux dire que je l'aime, je vais le dire. C'est pas qu'il a honte, c'est juste qu'il est moins "ouvert" que moi sur les sentiments. C'est son droit. Et puis je n'est pas besoin qu'il me le dise pour que je le ressente ou le sache. On s'aime d'un amour inconditionnel et infini même si on ne s'entend parfois pas du tout. On s'aime même plus quand on s'engueule. Mais aujourd'hui je me rend compte que toutes ces disputes sont du temps perdu. Et que après ce qui lui est arrivé aujourd'hui, je regrette de ne pas avoir plus profité de mon frère. Après tout c'est peut-être la dernière fois que je le voyais et toute la journée on n'a fait que de s'arracher la gueule.
Je vais mourir...
Mes yeux sont lourds. La fatigue est en train de m'emporter. Après toutes ces émotions, la journée rythmée qu'on a eu et l'adrénaline qui ne fait plus partie de mon organisme, j'ai plus vraiment envie de lutter.
Mais le médecin de tout à l'heure revient dans ma chambre, toujours le sourire aux lèvres. Du coup je ne sais pas si ça fait partie de sa personnalité ou s'il a de bonnes nouvelles. Je me redresse difficilement.
"L'opération s'est bien passé, ton frère va bien. Il a perdu beaucoup de sang et l'un de ses poumons à été perforé par le couteau, ce qui a créé un pneumothorax mais il est tiré d'affaire. Il aura juste du mal à respirer pendant quelques jours mais ça devrait s'améliorer avec le temps. Une côte a été fêlé encore une fois par la lame mais ces choses-là guérissent par elles-mêmes. Beaucoup de repos lui fera le plus grand bien et ..."
J'ai décroché après le "ton frère va bien". Mon cœur vient de faire un bond dans ma poitrine et je crois qu'il a explosé tellement je suis soulagé. Il est vivant et c'est tout ce que je voulais entendre. Il est vivant putain ! Ce que je ressens n'a jamais été aussi fort.
Des larmes de soulagement coulent sur mes joues. Je les essuie grossièrement et demande :
"Quand est-ce que je peux aller le voir ?
_ Ils sont en train de l'installer en salle de réveil alors je dirais dans une petite heure. Seulement il ne sera pas conscient.
_ Je m'en fous, je veux juste être avec lui."
Il acquiesce et vient contrôler mon état de santé. Je sais que je me sens beaucoup mieux. Et ça se voit. Mais je suis toujours aussi faible. Normal après tout ça. Je ne peux imaginer comment mon corps aurait réagit si Larry était...
Je vais enfin pouvoir le voir, le toucher, sentir son cœur battre, sentir son aura autour de moi. C'est vital pour moi. Il fait partie de moi. Et on a été séparé trop longtemps déjà.
Malgré l'excitation que je ressens après cette nouvelle, la fatigue gagne la bataille sur ma volonté et le sommeil m'emporte rapidement. Le cœur plus léger, la tête en vrac, le corps épuisé.
LesTwinsLesTwinsLesTwinsLesTwins
Je sens une présence à mes côtés. Mes sens reprennent petit à petit leur place. Je veux ouvrir les yeux mais je suis trop fatigué pour ça. Des bruits de machines m'entourent. Ça sent l'hôpital, cette odeur si unique et terrifiante.
Et les souvenirs me reviennent. Laurent. Une fan. Mon portable. La ruelle. Ce mec. La douleur. Laurent !
J'ouvre les yeux doucement, éblouit par les lumières blanches du plafond. Ils pourraient penser à nous bordel. Comme si c'était déjà pas assez douloureux il veulent nous aveugler en plus ? En parlant de douleur.. Je baisse mon regard sur moi et vois un tube énorme sortir de mon côté droit. C'est quoi ce délire ?! Ma respiration s'accélère mais c'est affreusement douloureux. Un masque à oxygène est sur mon nez et ma bouche, sensé m'aider à mieux respirer. Mon cul ! J'ai l'impression d'étouffer, d'être écrasé par une tonne de ciment.
Je referme les yeux, crispé de douleur. Celle de ma plaie se fait maintenant ressentir à son tour. Putain ce que ça fait mal.
Deux mains se posent sur mes épaules, m'appuyant contre le lit pour que je ne bouge plus. Je rouvre les yeux sur ceux apeurés de mon double. Il a l'air d'aller mal. Il est blessé ? Il a été poignardé lui aussi ? Mon Dieu non !
"Larry je t'en supplie calme-toi ! Respire doucement, avec moi. Allez, inspire, expire, inspire, expire. C'est ça. Doucement."
Il me coach, ne me quittant pas des yeux. Ses mains sont maintenant sur ma joue et mon torse. Il mime le mouvement de ma respiration de sa main, me donnant un rythme plus lent et calme. Je parviens à reprendre le contrôle de ma respiration grâce à ça. J'ai toujours mal mais ça va mieux, c'est supportable.
Il soupire de soulagement quand il trouve que ma respiration est assez normale à son goût. Il vient poser son front contre le mien. Je referme les yeux, appréciant le contact.
Puis je les rouvre et le recule en lui prenant les épaules, l'observant de haut en bas, cherchant une quelconque blessure. Il voit mon regard inquiet et me dit :
"Je n'ai rien. Je vais bien, ne t'inquiète pas. Le mec s'est barré en courant après t'avoir..."
Les mots lui restent dans le fond de la gorge. Et ses yeux se baissent sur mon corps et tout de suite s'embrument. Je tente de prendre la parole mais ce qui sort ressemble à tout sauf à des mots.
"Il ne faut pas que tu parles. Il faut que tu te reposes. Ça va aller, je reste là à côté de toi, je te quitte plus."
Il me tient la main comme si sa vie en dépendait et ça me fait mal de le voir aussi apeuré tel un animal en détresse. Je lui serre fort et lui sourit pour le rassurer.
Il va prendre une chaise et la place juste à côté de moi puis reprend ma main dans la sienne. Je monte nos deux mains enlacées à mon cœur et ferme les yeux, épuisé.
Lorsque je rouvre les yeux, je me sens toujours aussi mal. Un homme se tient de dos à moi, et je crois qu'il discute avec Laurent.
"Nous avons augmenter sa dose de morphine, il devrait aller mieux."
Ouais sauf que je me sens merdique. Comme si j'étais là mais pas là en fait.
"Il se sentira juste un peu dans les vapes. Il ne faut pas qu'il s'inquiète."
Ah. Voilà.
Je tente de faire remarquer ma présence en me raclant la gorge, mais elle est tellement sèche que je manque de m'étouffer et me mets à tousser. Wow !
En tous cas ça a l'effet escompté, ils se tournent vers moi et le médecin s'empresse de me donner un verre d'eau. Lau pose sa main sur mon torse, le regard inquiet. Le médecin retire le masque de sur ma bouche et je bois quelques gorgées. Je repose ma tête sur l'oreiller, ça m'a tué. Ok la prochaine fois je vais essayer de faire les choses un peu moins dramatiques.
Je souris brièvement à Lau, tentant de le rassurer. Sauf que mes yeux retombent sur ce tube qui est planté dans mon côté et je me remets à paniquer. C'est quoi ce truc ?!
"Non ! Non Larry c'est rien, c'est là pour t'aider. C'est rien, t'inquiète pas."
Je le regarde du genre "tu te fous de ma gueule y'a un tuyau dans mes côtes !" Mais il ne baisse pas son regard et il acquiesce doucement. Ok, d'accord.
J'expire longuement, relâchant la panique qui m'avait envahit.
Et là le médecin m'explique que ce tuyau est là parce que mon poumon s'est fait perforer et que son but est d'aspirer les liquides et j'comprends rien de ce qu'il me cause mais bon. Je suppose que c'est sensé me rassurer..
Un petit regard vers Lau et ça va mieux.
Le médecin regarde mes constantes et nous laissent tous les deux. Enfin !
"Tu n'as rien, t'es sûr ?"
Ma voix est horrible mais au moins je peux parler. Je sais qu'il m'a dit que le mec ne lui avait rien fait mais je sais qu'il ne va pas bien. Je le sens. En plus de ma merde, je sens que quelque chose ne va pas chez lui.
"Oui, je n'est rien. Ça va aller c'est juste... Juste que..."
Il racle sa gorge, comme gêné. T'es sérieux là mec ?
"C'est juste que j'ai eu tellement peur de te perdre, Larry., dit-il en me regardant droit dans les yeux."
Ok, d'accord. T'es pas le seul mec.. Quand ce connard m'a planté j'ai cru qu'il allait te tomber dessus aussi... J'ai tellement flippé j'ai cru que je m'étouffais. Oui enfin j'étais vraiment en train de m'étouffer avec mon propre sang mais le sentiment était bien là.
"Je sais."
C'est tout ce que je lui dis. Il n'a pas besoin de savoir tout ça. Nos mains se retrouvent et cette fois c'est lui qui les monte à sa poitrine. Je sens son cœur battre affreusement vite. Je sais Lau. Je sais...
"Assis-toi, tu vas tomber., lui dis-je doucement."
Il m'écoute et pose ses coudes sur le lit, le front posé sur nos mains. Je sais qu'il a besoin de temps, de contacte, de proximité pour bien réagir à la situation. Je sais que ce qu'il a vécu a été trois milliards de fois pire que ce que j'ai vécu. À juste titre. Alors je le laisse faire ce qu'il veut pour le moment. Après je le secouerai un peu, parce que je sais aussi qu'il va avoir du mal à ressortir du trou dans lequel il est tombé.
"Tu sais pourquoi il t'as poignardé ?"
Sa voix est si faible que j'ai l'impression qu'il est à deux doigts de s'évanouir. Je ressers ma main sur les siennes et sa tête se relève lentement, le regard humide.
Je déglutis difficilement à cette vision et tente de lui donner une réponse.
"C'était mon portable. Il voulait mon iPhone. J'ai rien eu le temps de faire. J'allais lui donner mais je t'ai entendu crier mon nom et le mec a paniqué et m'a-"
Je me stoppe quand une larme coule le long de la joue de Laurent, tombant sur ma main.
"Oh, oh eh Lau, s'il te plait, arrête, tu me tues là."
Merde, ok nouvelle règle. Maintenant je vais réfléchir avant de parler. Son regard est tellement meurtri que j'ai l'impression de l'avoir poignardé à mon tour.
Je m'apprête à rectifier mon erreur mais Lau me lâche la main pour cacher son visage dans les siennes. Il est à cran..
Je pose ma main sur sa nuque et amène sa tête sur mon torse. Je le caresse de mon pouce. Lui chuchotant que ça va aller. Il sanglote simplement contre moi.
Et là je sais que toutes les douleurs physiques que le monde pourra m'infliger ne feront jamais aussi mal que celle que je ressens à ce moment là, en voyant mon frère dans cet état.
Le voir aussi effondré me paralyse et me terrifie. Je n'ose imaginer les pensées qui le torturent. Alors je fais la seule chose que je puisse faire. Le serre fort contre moi, ferme les yeux et me concentre sur lui. Je pose mon visage contre ses cheveux et respire son odeur. Son oreille est contre mon cœur et je sais qu'il est focalisé sur son rythme et comme sur une berceuse, nous nous endormons l'un contre l'autre.
LesTwinsLesTwinsLesTwinsLesTwins
Je me réveille le corps courbaturé. Mais j'ai beau avoir dormi dans une horrible position, j'ai dormi comme un bébé. Là, posé sur mon frère, sentant sa présence.
Je remarque que nous ne sommes plus seuls dans la chambre et que le médecin est en train de consulter ses notes.
"Excusez-moi, je ne voulais pas vous réveiller., s'excuse-t-il."
Je vois pas pourquoi il s'excuse, il fait son boulot et c'est plus moi qui les gêne qu'autre chose.
"Non, non, je... Comment va-t-il ?, je lui demande en me redressant.
_ Je pense que son état s'améliore d'heure en heure et que nous pouvons dors et déjà retirer la pompe."
Je soupire de soulagement. Cette pompe lui a tellement fait peur que le fait de savoir qu'ils vont la lui retirer m'enchante.
"Je dois vous prévenir aussi que la police est à l'extérieur. Si vous voulez aller leur parler le temps que nous nous occupons de votre frère, ça serait le bon moment."
J'avais complètement oublié ce détail. Bien sûr que la police est là, on a tenté de... tuer.. mon frère. Seulement je ne sais pas vraiment à quoi je vais leur servir. Je n'ai pas vu le visage du mec...
J'acquiesce et après un dernier regard pour mon frère sort de la chambre, tout de suite pris à part par deux policiers.
"Bonjour monsieur Bourgeois, agents Collins et Gabriel. Vous permettez que l'on vous pose quelques questions ?
_ On est là pour ça, non ?"
Je leur raconte ce que j'ai vu, ou du moins ce que je n'ai pas vu. Comment ce sont passé les choses. Ce que m'a dit Larry sur l'attaque. J'essaye de leur donner le maximum pour qu'ils puissent retrouver ce connard de voleur le plus vite possible.
"Très bien. Je vous remercie., dit l'un des agents. Vous permettez que l'on interroge votre frère ?
_ Non je préfèrerais qu'on le laisse se reposer, vous comprenez ? Il vous racontera tout mais plus tard, d'accord ? Il sort à peine de l'opération et je n'ai pas envie qu'on vienne le perturber avec ça... Juste plus tard.
_ Très bien., répète-t-il. Nous vous laissons notre numéro. Dès qu'il se sentira prêt, appelez-nous."
Il me tend une petite carte que je prends et mets dans ma poche. Ils me laissent et s'éloignent.
Je reste dans le couloir, appuyé contre le mur. J'attends que le médecin et l'infirmière qui l'avait rejoint ressorte de la chambre. Je n'ai pas vraiment envie de tomber sur eux sachant ce qu'ils sont en train de faire à mon frère.
Alors j'attends juste et replonge dans mes pensées.
Quand je pense que c'est de ma faute. Tout ça. Absolument tout est de ma faute. Si je n'avais pas appelé son nom, l'homme n'aurait pas paniqué et n'aurait pas planté mon frère. Si j'avais été plus fort, rien de tout cela ne se serait passé. Si j'avais fait comme Larry et enterré mes sentiments et émotions, Larry ne serait pas dans un lit d'hôpital avec une plaie au torse, un poumon regonflé et une côte fêlée.
Je me sens tellement coupable de ce qui s'est passé, c'est horrible. Je sens mes larmes me monter aux yeux et ça m'énerve encore plus. Je suis si faible, comment c'est possible d'être aussi faible putain ?! Je renifle et me retourne contre le mur, lui faisant face. Pris d'un excès de rage mon poing vient s'écraser contre celui-ci. Et alors que la douleur devrait me soulager et me punir, je ne ressens rien. Juste j'entends. Un cris. Ce cris. Celui de Larry.
Je cours dans la chambre et vois le personnel hospitalier surpris par ce cris, surpris par cet événement qui n'était pas prévu. Mais moi je sais, et l'état des phalanges de Larry me prouve que j'ai raison. Comme quelques fois auparavant, ma douleur et mes blessures se sont répercutées sur lui.
Nos mains sont dans le même état aujourd'hui mais la douleur c'est lui qui l'a pris.
Les médecins ne comprennent pas tout de suite mais font le rapprochement rapidement. Ils nous prennent vite en charge et nos mains sont bandées en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
Ils ne disent rien, sûrement encore dubitatifs de ce dont ils viennent d'être témoin. Puis ils quittent la chambre, toujours en silence.
Larry est éveillé, tu m'étonnes. Il ne dit rien non plus. Il sait que c'est de ma faute et il n'y a rien à ajouter. Alors je fais la seule chose que je puisse faire.
"Je suis désolé."
Larry relève son regard sur moi. Je n'avais pas remarqué qu'il avait été posé sur ma main bandée.
"Pour quoi ?, me demande-t-il.
_ Par où commencer ?
_ Lau-
_ Non Larry, tout est de ma faute, je le sais. Tout est de ma faute et je suis désolé. Tellement désolé. J'aurais jamais dû t'appeler dans cette rue, j'aurais jamais dû me laisser envahir par mes émotions et rien de tout ça aurait eu lieu. Je te demande pardon.. Et pour la main tu peux même pas savoir à quel point je suis désolé."
Il me regarde durement. Je déglutis.
"T'as fini ?, me demande-t-il sérieusement. Bon on va rectifier les choses maintenant parce que je peux pas te laisser dire des conneries pareilles ! Tout d'abord, comment t'aurais pu savoir ce qui allait arriver, hein ? T'es devin et tu me l'as jamais dit c'est ça ? Donc voilà de une. De deux, c'est quoi cette histoire d'émotions ? Si t'as été submergé c'est pas toi le fautif, c'est moi.
_ Non t-
_ Ta gueule. Laisse-moi parler. Je sais que t'as ressenti ce que moi j'ai ressenti. Ma peur, entre autre. Et pour ça je suis désolé parce que j'ai pas pu retenir mes propres émotions. Tu sais que émotionnellement c'est toi qui prend cher. T'as pas à t'excuser pour t'être inquiété pour moi, Lau. Je te l'interdis, ok ? Et de trois, je sais, je sens que t'as vécu un enfer pendant que j'étais au bloque et j'essaye de pas trop y penser parce que ça me donne envie de vomir de t'imaginer dans ce lit d'hôpital à ma place. Tu peux pas savoir à quel point j'avais peur que tu te sois fais attaquer à ton tour. Ce que je veux dire c'est que je comprends. Alors ne t'excuse pas pour avoir survécu à ce qui moi m'aurait sûrement tué."
Je reste sans voix. Je crois que mon frère n'a jamais été aussi honnête avec moi. Je sais pas si c'est sensé me rassurer ou me faire peur..
"T'as craqué. C'est rien. Je t'en veux pas. Je te comprends parfaitement. Et puis t'y peux rien qu'on soit lié comme ça. C'est pas de ta faute si quand tu te fais mal c'est moi qui prend.
_ J'aurais dû y penser."
C'est dur de parler aussi sérieusement comme ça. C'est pas tellement dans nos habitudes. Alors je décide d'alléger un peu l'atmosphère qui est devenu étouffante.
"J'aurais dû savoir vu notre chance incroyable pour échapper aux emmerdes.
_ Oui c'est vrai. Pour ça là ouais je suis d'accord pour que tu t'excuses."
Il me sourit et me frappe gentiment le bras. Je souris à mon tour. Et je sais que les choses vont s'arranger. Et que tant que nous serons ensemble, rien ne nous vaincra. Ça sonne niais à crever mais c'est la vérité.
"T'as prévenu maman, au fait ?"
Merde.
LesTwinsLesTwinsLesTwinsLesTwins
Sortant de la douche, je tombe face à mon reflet dans la glace. La cicatrice sur mon abdomen se soigne doucement mais sûrement. Elle est là, me narguant, me rappelant chaque jour que j'ai faillit y passer. Voilà deux semaines que je suis sortis de l'hosto mais je ne me suis pas encore remis. Du moins pas comme je l'aurais souhaité.
C'est simple, j'ai le moral à zéro pour plusieurs raisons. De un celui qui m'a planté court toujours. La Police fait soit disant de son mieux mais bon en attendant alors que j'étais sur un lit d'hôpital lui prenait des selfis avec mon portable. De deux, physiquement c'est pas la forme et j'ai l'impression d'être tout le temps fatigué, sans énergie. Et puis respirer me fait encore un peu mal. Mais le truc qui me plombe le moral c'est le fait que je ne peux pas danser. Ma blessure est encore trop douloureuse et mon endurance prend un coup à cause de ma respiration laborieuse. Et ma côte qui met des plombes à se réparer. Bref c'est la merde.
J'ai essayer de danser. Parce que je ne peux pas faire autrement. Je me suis testé pour savoir ce que je pouvais faire et ce que je ne pouvais plus faire. Et du coup pratiquement tous mes tricks sont impossibles à faire. Lever la jambe est un calvaire. Bouger mon buste est un calvaire. Tout ce que je peux faire c'est bouger les épaules, les bras, la tête. Je peux bouger les pieds mais voilà ma respiration me fait encore mal et j'ai faillit m'évanouir.
Laurent est constamment sur mon dos. C'est pas que ça me gêne ou que ça me change de d'habitude mais il est constamment en train de me demander comment je me sens, comment je vais, si je veux pas quelque chose et ainsi de suite. Les premiers jours c'était agréable mais maintenant je commence à saturer. Parce que du coup j'ai l'impression d'avoir deux mères sur le dos. Maman m'appelle tous les jours sans exception pendant au moins une demie-heure. Elle est inquiète parce qu'elle n'est pas là avec moi. Ce qui se comprend. Mais je suis pas en sucre.
Je m'habille rapidement puis sors de la salle de bain. J'ai à peine le temps de faire trois pas que Laurent s'approche déjà de moi. Ça y est ça recommence.
"Lau lâche-moi je vais bien.
_ J'ai rien dit !
_ Je te connais."
Mais c'est pas pour autant qu'il s'éloigne. Je soupire et vais m'asseoir sur le canapé. J'ai le malheur de grimacer à l'atterrissage.
"Ça va ? Tu t'es fais mal ?
_ Oh putain Lau je t'en supplie arrête ! Je sais que t'es inquiet mais faut vraiment que t'arrête sinon je vais t'en foutre une. Je. Vais. Bien. D'accord ?"
Il me regarde l'air dubitatif. Je soupire à nouveau.
"C'est long à guérir mais ça va guérir. C'est juste une question de patience.
_ T'as jamais été patient. Je veux juste être sûr que tout se passe bien. Un de tes poumons a été percé je te signale !
_ Tiens je savais pas. Laurent si jamais je me sentais mal tu serais le premier à le savoir. J'ai qu'une hâte c'est que cette histoire soit derrière nous d'accord ? Déjà que j'ai les cicatrices à vie pour m'en rappeler, j'ai pas envie d'avoir ton regard inquiet posé sur moi chaque jour que Dieu fait en plus. S'il te plait."
Il se mord la joue puis acquiesce doucement.
"Oui, je sais.. Je suis désolé c'est juste que c'est dur de reprendre une vie normale après ce qui vient de se passer. Je sais pas j'ai des angoisses incompréhensibles. Dès que je te vois plus tout de suite je revois la scène de la ruelle et ça me terrorise. Du coup j'essaie de me rassurer en te demandant si tu vas bien tous les cinq minutes.
_ Ouais j'avais remarqué. Mais ça va aller. On a tous les deux besoin de guérir."
Je lui souris tristement et tapote le canapé pour qu'il vienne s'asseoir à côté de moi. Je pose ma tête sur son épaule et nous regardons la télé l'un contre l'autre.
Je sais que les choses ne vont pas être faciles durant les prochains jours mais je pense toujours que le pire est derrière nous. On a survécu à ça ensemble, on est capable de survivre à la suite.
L'information de mon agression a été donné trois jours après les faits et les fans nous ont vivement envoyé des messages de bons rétablissements et des mots réconfortants et je ne pourrais jamais assez les remercier pour leur soutient. Vraiment.
Alors avec l'équipe qui nous entoure on a décidé de refaire un HangOut pour pouvoir leur répondre de vives voix et leur expliquer les choses clairement, parce que j'ai lu pas mal de conneries aussi sur ce qu'il m'est arrivé. Comme quoi je me serais fait tirer dessus ou que je serais mort ou même que c'est Laurent qui s'est fait agressé enfin bref plein de conneries que j'aimerais mettre au clair. Et pour ça quoi de mieux qu'un live sur Internet ?
Mais pour une fois c'est Laurent et moi qui choisirons les questions parce qu'on n'est pas là pour filtrer les choses. On n'aura jamais été aussi honnête de toute notre vie. J'espère juste que Lau et moi tiendrons devant la caméra sans craquer. Mais bon on a un peu plus d'une semaine pour se préparer donc je pense que ça ira mieux.
LTLTLTLT
Ce n'est plus qu'une question de secondes avant que le live ne commence et c'est la première fois que je suis angoissé. D'habitude nos HangOuts sont cools, marrants là je sais que le sujet principal n'est pas fait pour rire avec.
Je suis dans mes pensées quand notre "garbage" nous fait signe que nous sommes en live.
"Hey tout le monde ! Ça fait un bout de temps qu'on ne s'est pas vu., je commence.
_ Tu m'étonnes. Ça fait un mois qu'on a pas bougé., ajoute Laurent.
_ Ouais et c'est du coup pourquoi on fait ce HangOut avec vous. Euh.. Ouais donc voilà y a pas mal de choses qui se sont passé dans notre vie et on voulait vous en faire part de vives voix, sans filtre ou quoi que se soit. Voilà donc on va tout vous dire."
Je regarde Laurent histoire de me rassurer mais ça ne marche pas tant que ça. Je sais qu'il est aussi stressé que moi. Je soupire et continue.
"Tout d'abord, euh, si vous ne le savez pas encore et bien il y a de ça un mois je me suis fait agresser dans la rue."
J'éclaircis ma gorge ne sachant pas comment approcher la chose. Lau se redresse sur sa chaise et passe son bras sur mes épaules et prend la parole. Silencieusement je le remercie.
"Mon frère s'est fait poignarder dans une ruelle quand nous sommes sorti d'un workshop. Mais comme vous le voyez il en faut plus pour m'enlever mon jumeau alors ne vous inquiétez pas, il va bien. Alors qu'on soit clair, je n'est rien, je sais pas qui sont les débiles qui ont inventé cette histoire de fusillade ou je sais pas quoi. Non. L'histoire est aussi simple que ça euh.. C'est juste que Larry a reçu un appel sur son iPhone et il s'est éloigné de moi parce que j'étais avec une fan en train de discuter et en entrant dans une ruelle il s'est retrouvé menacé par un voleur armé d'un couteau qui voulait son portable. Le mec a paniqué en m'entendant et il a poignardé Larry."
Je sens son corps trembler. C'est discret. Il fait de son mieux pour ne rien montrer à la caméra mais je le sens contre moi. Alors je reprends la parole.
"Voilà alors y'a plusieurs choses qu'on voulait vous dire. Tout d'abord le mec qui m'a agressé est actuellement entendu par la Police qui lui est tombé dessus euh hier matin en fait. Alors les choses vont pouvoir se régler assez rapidement après ça et on pourra avancer en essayant d'oublier cette histoire le plus vite possible.
_ Voilà ensuite on voulait vous parler des conséquences euh... Et bien comme Larry a été blessé son corps doit récupérer et du coup pour danser vous comprendrez que c'est la merde. Alors on va être direct et honnête hein euh.. La lame du couteau a fait pas mal de dégât sur son passage. Une de ses côtes a été fêlé donc déjà pour bouger c'est horrible.
_ Ouais déjà ça et puis la lame a percé mon poumon droit. Du coup j'ai fait un pneumothorax ce qui fait que ma respiration est encore laborieuse et danser c'est juste pas possible. Autant vous dire que je vis un enfer en ce moment, depuis un mois et que j'ai plus que hâte de reprendre le contrôle sur mon corps parce que là j'en peux plus."
Je regarde vite fait les questions qui s'affichent sur l'écran.
"Euh TwinsBourgeois93 demande ce qu'est un pneumothorax. C'est simple mon poumon s'est écrasé sur lui-même. Alors ils ont dû le "regonfler" et puis ils m'ont mis une pompe pour aspirer les liquides sécrétés par mon poumon. Du coup j'ai deux cicatrices. Une faite par le couteau l'autre pour installer le tube de la pompe. C'était assez... Impressionnant de se réveiller avec un tube qui te sort des côtés je dois dire."
Laurent retire son bras de sur mes épaules et prend la feuille avec les questions que nous avons choisi.
"Oui alors on a choisi vos questions les plus courantes dans les commentaires., je précise. Du coup on n'a pas vos noms vu qu'on a regroupé tout. Mais en tout cas on a lu vos commentaires et on voulait vous remercier pour votre soutient.
_ Ouais parce que franchement c'était pas facile., continue Lau. Ça nous a touché fortement et sans vos commentaires je pense qu'on n'aurait pas aussi bien repris les choses en mains."
J'acquiesce et lui prend la feuille des mains.
"Alors, qu'est-ce qu'il vous ait arrivé ? Ça on vient de répondre.
_ L'enfer., Laurent rajoute plus pour lui-même.
_ Comment va Larry ? Et bien je vis avec. C'est pas facile tous les jours mais je sais que le pire est derrière nous maintenant et qu'il faut aller de l'avant. J'essaye de relativiser la chose et je me dis que la situation aurait pu être pire. J'aurais pu mourir, déjà. Laurent aurait pu se faire poignarder aussi mais il n'a rien et pour ça je suis reconnaissant parce que je peux pas imaginer ma vie sans lui, c'est juste impossible."
Je pose ma main sur sa nuque, on échange un regard de réconfort et je reprends les questions.
"Comment va Laurent et comment a-t-il vécu l'agression de Larry ?"
Discrètement, hors du champ de la caméra je lui tiens le poignet et mon regard se focalise sur sa respiration. Elle s'est accéléré et je sais qu'il se remémore cette journée horrible.
"Je vais pas mentir. J'ai cru que j'allais mourir. Mais je vais mieux parce que Larry va mieux. C'était l'expérience la plus terrifiante, la plus douloureuse de notre vie et je ne veux plus jamais ressentir ce que j'ai ressenti ce jour là. Parce que j'ai tout ressenti. Absolument tout."
Nous soufflons tous les deux, essayant de retenir nos émotions. Comme je l'avais prévu c'est dur de reparler de tout ça sans craquer. Alors j'enchaîne.
"Alors beaucoup d'entre vous se sont demandé si l'agression avait été organisé et si c'était une personne qui voulait intentionnellement nous blesser. Donc non hein, c'était pas prémédité du tout, ça s'est juste produit. Je sais qu'on a des gens qui nous détestent mais non ce n'était pas une tentative de meurtre ou autre. Juste un vol qui a mal tourné.
_ On était au mauvais endroit au mauvais moment.
_ Ensuite euh.. Oui alors vous voulez savoir si ça a eu des répercutions sur nos plans ou notre carrière.
_ Et bien oui évidemment. On a dû annuler quelques trucs. Un workshop entre autre. Parce que même si j'aurais pu le diriger tout seul je ne voulais pas quitter mon frère ou aller danser alors que lui il peut pas. Alors ouais..
_ Beyoncé nous a souhaité un bon rétablissement aussi, dès qu'elle a su ce qui s'était passé. Heureusement pour nous il n'y a pas de dates de prévu avant quelques mois donc avec un peu de chance je serais entièrement remis et the show must go on comme on dit."
Je lance la feuille en l'air surprenant Laurent et les autres. Je souris à la caméra.
"Bon ! Voilà j'en ai marre. Parlons de choses plus réjouissantes ! Laurent, comment va Carter ?"
Il entre tout de suite dans mon jeu et siffle notre chien. J'ai demandé à le faire venir il y a trois jours parce que y'a rien de tel que d'avoir son chien près de soit pour se sentir mieux.
Carter arrive en courant, surexcité et s'écrase presque contre mes jambes. Je le prend dans mes bras et le donne rapidement à Lau parce qu'il est tellement content d'être avec nous qu'il gesticule dans tous les sens. Et il m'a plusieurs fois fait mal sans faire attention. Il lèche le visage de Laurent et je rigole parce que c'est trop marrant.
"Carter se porte comme un charme comme vous le voyez et ça fait du bien de le retrouver. Hein mon bébé !"
Je lui caresse la tête tendrement et il se calme un peu, mais vraiment un tout petit peu.
"Voilà, tout va bien, tout est bien. Mon frère est sain et sauf, Carter est avec nous, je vois ma fille demain, soirée en famille la semaine prochaine et je suis l'homme le plus heureux du monde."
Laurent me donne un grand sourire et c'est vrai, je suis l'homme le plus heureux du monde. Ça fait un peu cliché de dire ça mais voir passer la mort de si près te fait repenser la vie et tu apprends à apprécier les choses à leur juste valeur.
