Disclaimer: Comme de bien entendu, je ne suis ni anglaise, ni richissime, ni nommée J.K. Rowling.
N/A: Cette fic sera en trois chapitres. Le deuxième est déjà écrit, ou presque fini. Le troisième est en construction.
La Grande Parade
Remus contemplait avec amusement et envie Sirius faire les cent pas dans la salle à manger de l'appartement qu'il partageait avec James. Celui-ci sortit de la cuisine en faisant flotter trois bouteilles de Bièraubeurre de sa baguette.
- Hum, Sirius… ce tapis n'a que cent cinquante ans. Ma mère me tuera si tu le ruines en seulement quinze minutes, dit-il mi-sérieux, mi-goguenard.
Sirius grimaça, et s'assit sur le sofa, à côté du loup-garou.
- Je maintiens que pour notre dernier jour de vacances avant nos ASPICs, il y a mieux que de passer l'après-midi à boire un verre dans le salon, Prongs.
Son ami sourit derrière ses lunettes.
- Mais je t'ai déjà dit que j'étais occupé, Sirius. Lily veut absolument qu'on aille à la Gaypride aujourd'hui ! Ce soir, on fera la fête.
Sirius leva les yeux au ciel.
- C'est bien un truc de fille, ça. Nous serons donc seuls, mon petit Moony, vu que Peter est encore en France avec ses parents…
- Non, Pad', tu seras seul. J'ai un programme, moi aussi, c'est gentil de m'avoir demandé.
Sirius lui lança un regard surpris.
- Un programme ? Sans moi ? Et on peut savoir ce que c'est ?
Remus sourit malgré lui. Malheureusement, ce ne fut pas le nom qu'il rêvait de prononcer qui s'échappa de ses lèvres.
- Je rejoins un ami à la Gaypride.
Sirius fit un bond.
- Un Français de passage à Londres, que je connais depuis que je suis petit. Un moldu.
Une minuscule bombe explosa entre les oreilles du jeune Black. Remus et son ami. Son ami français. A la Gaypride. Bien sûr.
- Et… le nom de ce charmant inconnu ? demanda gracieusement Sirius, le cœur pourtant bouillant de rage.
Remus soupira intérieurement. Une fois encore, sa maigre tentative pour rendre son ami jaloux avait échoué. Il irait bien à la Gaypride, et accepterait effectivement l'invitation du Français. Il n'y avait rien de mieux à faire.
- Gabriel.
James sourit malicieusement en les regardant discuter. Comme le disait le dicton, au pays des aveugles, les borgnes étaient rois. Même sans ses lunettes, il voyait parfaitement que ses deux meilleurs amis étaient les proies de sentiments et désirs insupportables. Il en savait quelque chose, lui qui avait traversé les mêmes souffrances au cours de ses six années à Poudlard. Mais il n'allait pas les aider, oh non ! Pas plus qu'eux ne l'avaient aidé lorsqu'il soupirait après Lily. Il y avait quelque chose de jouissif à voir Sirius Black torturé par l'amour. James était toujours surpris d'avoir été le premier à parvenir à ses fins. Lily le détestait, tandis que Remus voulait Sirius depuis autant de temps au moins que Sirius voulait Remus. Pour toutes ces raisons, les voir se tourner autour était une de ses occupations favorites. Malgré le fait que cela durât depuis plusieurs années, James ne s'en lassait pas. Maraudeur un jour, Maraudeur toujours.
- Joli prénom, dit-il, toujours souriant.
Sirius renifla.
- Moui. Mais qu'est-ce que vous allez faire, là-bas ?
Remus rit franchement.
- Eh bien… Ce qu'on fait pendant les Gayprides, Pad'… s'amuser, faire la fête, mater, revendiquer une situation…
Sirius ne retint qu'un seul verbe.
- Mater ?
- Ne me dis pas que tu ne sais pas ce que ça veut dire, Sirius. Pas toi ! dit Moony, tandis que James se retenait de cracher sa Bièraubeurre par le nez.
- Mais… mater qui ?
James n'était pas le seul à saisir le cocasse de la situation.
- Tu es plus vif, d'habitude, Sirius… mater les beaux jeunes hommes très peu vêtus pour l'occasion.
L'étincelle qui s'alluma soudain dans les prunelles de Sirius inquiéta autant qu'elle excita Remus. Il y avait peut-être un espoir, finalement. Ce n'était pas la première fois que le comportement de Sirius à son égard était étrange. Aujourd'hui, il avait envie de croire que ce n'était pas par hasard. Mais Sirius pouvait être seulement intéressé par la perspective des personnes nues qu'il avait évoquées.
- Et… euh… tu vas « mater ces beaux jeunes gens », comme tu dis… avec ton ami ?
Il fallait tenter quelque chose.
- Eh bien… ça nous donnera des idées, non ? Ne me dis pas que tu ne l'as jamais fait, Sirius.
Sirius sourit, amusé.
Pourquoi ne laissait-il jamais transparaître ses sentiments ? Remus ne pouvait jamais savoir ce qu'il voulait. Fichu Black.
- Non, non c'est pas ça. C'est juste que c'est un peu bizarre, comme rendez-vous pour « un passage à Londres »…
- Enfin, Sirius, je ne crois pas que ça te regarde, si ? demanda Remus, tout en se disant qu'il n'avait jamais autant souhaité avoir tort.
- Non, non, bien sûr… Attends ! Mais si, ça me regarde ! Je veux savoir ce que fait mon Moony pour refuser ma compagnie.
« Mon Moony ». Si seulement… Remus sourit. Finalement, cette histoire de Gaypride n'était pas une aussi mauvaise idée qu'il l'avait pensé. Gabriel avait eu du mal à le convaincre de l'y accompagner. En fait, il n'avait accepté qu'en désespoir de cause, en quelque sorte. Parce qu'il voulait mettre un terme à son amour à sens unique. Il était enivrant de voir que, parce qu'il avait renoncé, il comprenait tout autrement le comportement de Sirius. Cela lui rendait un espoir indicible. Et la petite erreur qu'il venait de faire, encore plus.
- Je n'ai jamais dit que je refusais ta compagnie, Sirius.
- Mais… je ne vais pas vous embêter, si je vous accompagne, toi et Gabriel ?
La question était de pure forme. Remus jubila de sa nouvelle perception, qui lui faisait remarquer combien le « Gabriel » était amer, et la première partie de la phrase pleine d'une joie mauvaise. Etrangement, se faire embêter par Sirius ne l'effrayait pas du tout. Au contraire.
- C'est surtout toi qui risques de t'ennuyer.
Sirius n'avait pas fait attention au sens de cette réponse. Il avait compris l'essentiel : il pouvait venir avec Moony. Cela impliquait deux éléments également intéressants :
- Cette sortie n'était pas vraiment un rendez-vous amoureux.
- Et si elle le devenait, il pouvait détruire le visage, insipide, sans aucun doute, du fameux Gabriel, puisqu'il serait avec eux.
Après réflexion, le deuxième élément était de loin le plus intéressant. Même s'il impliquait que Gabriel se rapproche de Remus. Bref. James était en train de parler.
- … pas que je m'ennuie, mais je vais être en retard, alors on part. Sirius, tu viens, finalement ?
- Oui oui.
- Tu pourrais peut-être t'habiller, alors ? Même si je dois reconnaître que tu serais dans le ton avec ta jolie chemise déboutonnée et ton caleçon bien rempli.
James lui fit un clin d'œil aguicheur, tandis que Remus s'étranglait avec la dernière gorgée de son verre dans un toussotement probablement amusé. Sirius aurait bien aimé que Remus prononce ces paroles. Mais en changeant le sens de la première phrase. Hum. Penser à se déshabiller devant Remus alors qu'il n'était qu'en caleçon était une très mauvaise idée. Surtout si le loup garou ne semblait même pas avoir remarqué sa tenue. Et que James était dans la même pièce. Sirius s'empressa d'aller dans sa chambre enfiler des vêtements, qu'il choisit tout de même avec soin. Il avait beau être sublime sans même essayer, il voulait montrer à ce petit Français de mes deux ce qu'être Sirius Black voulait dire. Et lui aussi, il avait un beau prénom, soit dit en passant.
Lorsqu'il revint dans le salon quelques minutes plus tard, le sourire de Remus s'intensifia. Il allait peut-être se passer quelque chose aujourd'hui. Les Gaypride avaient décidément du bon. Il ne voulait pas trop espérer, cependant. Et s'il était déçu ?
- Tu comptes mettre fin à ton célibat, Pad' ? Jaloux d'être le seul à n'avoir personne ?
James s'amusait beaucoup. Il aurait bien aimé rester toute l'après-midi avec ses deux amis, mais il ne savait pas si Lily apprécierait. Et il ne pouvait pas dire qu'il ne souhaitait pas tout autant passer un certain temps seul avec elle. Elle déciderait.
- Très drôle, Prongs. Je croyais qu'on était pressé ?
Ils retrouvèrent une Lily si extatique qu'elle ne remarqua même pas leur léger retard. Ce qui, bien sûr, fit grommeler James. Cependant, comme le lui rappela Remus, Lily ne risquait pas de lui trouver un remplaçant dans la foule. Une remplaçante, par contre… Ce dernier point valut au loup-garou un regard aussi noir que les cheveux en bataille de son ami, avant que les deux tourtereaux s'évanouissent dans la cohue.
Remus jeta un œil à Sirius. Tout simplement à tomber. Même s'il avait aimé le voir en « tenue d'intérieur », rien ne valait les efforts vestimentaires du Sieur Black. Pour avoir le plaisir de déballer ce magnifique cadeau, Remus aurait donné, fait n'importe quoi. Il se rendit compte qu'il n'était pas le seul à contempler son ami, ni le seul à avoir de telles pensées. Tout le monde le regardait. Comment en aurait-il pu être autrement ? Lui-même ne pouvait s'en empêcher. Et comme d'habitude, Sirius semblait ne pas avoir conscience d'être le centre d'attention du trottoir.
- Moony, on ne cherche pas ton ami ?
Son ami ? Ah, oui. Gabriel. Très mignon, lui aussi.
- Pas besoin, il arrive derrière toi.
Sirius fit volte-face, et se trouva nez à nez avec un jeune homme élancé, et… horriblement séduisant.
- Ello, boys, dit celui-ci d'un air enjoué, en clignant des yeux devant la beauté de ce grand brun qui se trouvait devant lui.
Et en plus, il avait l'accent français. Sirius aurait dû y penser. Il se demanda un peu tard si Remus y était sensible.
- Gabriel, Sirius. Sirius, Gabriel. Les présentations sont faites, marmonna le loup-garou.
Il n'avait pas songé à quel point les deux jeunes hommes se ressemblaient. Même si Gabriel avait un air plus mou et enfantin, moins envoûtant, moins irréel que Sirius… et par-là même beaucoup plus accessible. Il n'y avait plus qu'à souhaiter qu'ils ne s'en rendent pas compte. Ce qui était finalement probable, vu le regard brillant de Gabriel, et le sourire de satisfaction de Sirius.
Le sourire de satisfaction ?
- Alors, tu es Sirius ? Rem m'a énormément parlé de toi.
- C'est drôle, il n'avait jamais mentionné ton existence jusqu'à aujourd'hui, répondit le beau Black d'un ton un peu trop triomphal. Il fallait qu'il lui cloue le bec. Depuis quand Remus était-il « Rem » ?
- Nous savons bien que Remus aime garder pour lui ce qui lui tient à cœur, n'est-ce pas, Rem ?
Sirius sentit qu'une douche glacée venait de lui tomber sur le corps. Le moldu… savait ? Il lança un regard interrogateur à Remus, qui fit lentement un signe de dénégation. Il sourit. Décidément, Gabriel n'était rien pour Moony.
Alors pourquoi était-il si inquiet ?
- En effet.
Gabriel leva un sourcil, devant le calme de cette réplique, puis prit le bras de Remus avec empressement. Heureusement que Sirius avait appris à contrôler et cacher ses émotions. Sinon, le petit Français (d'ailleurs, plus petit que lui ) aurait été foudroyé sur place.
Remus se pinça discrètement. Il ne rêvait pourtant pas : ses deux compagnons étaient en train de se disputer ses faveurs. Le choix n'était pas simple.
D'un côté, Sirius. Sirius Black, celui dont il était tombé amoureux il y a longtemps, et tous les jours, depuis. Mais Sirius Black son meilleur ami, celui qu'il ne pouvait pas se permettre de perdre. Sirius Black, le digne héritier de Narcisse, d'Apollon, de tous ceux dont on chantait la beauté depuis des siècles. Mais Sirius Black, l'homme aux mille conquêtes, qui, malgré son intelligence, n'avait jamais compris le sens des mots « amour fidèle ».
De l'autre, Gabriel. Gabriel le moldu, qui ne savait rien de lui, ou presque. Gabriel le Français, l'exotisme, la certitude de ne pas s'engager dans autre chose qu'une simple partie de plaisir sans conséquences.
Sirius, et la peur de lendemains inexistants. Gabriel, la simplicité. Sirius la passion. Gabriel, le jeu.
Mais les ASPICs arrivaient. Si Sirius ne se révélait intéressé que pour une journée, Remus ne serait jamais en mesure de passer ces examens. Il ne pouvait tout simplement pas croire que cet intérêt de la part de Padfoot était sérieux. Sincère, peut-être, mais il avait seulement été éveillé par les circonstances : une fête, un rival… il ne lui en fallait pas plus, d'ordinaire.
Restait donc Gabriel, qui ressemblait tant à Sirius. Un ersatz qui lui rendait les choses si faciles ! Il se rapprocha du beau Français avec un sourire.
Sirius fulminait intérieurement. Le mouvement de Remus ne lui avait pas échappé. Sans rien dire, il suivait ce qu'il ne voulait pas appeler leur couple à travers la foule. Remus n'avait pas menti : on aurait dit que les mannequins du monde entier s'étaient donné le mot pour venir montrer en avant-première les grandes collections d'été. Collections qui promettaient visiblement une saison très chaude. Ebloui, Sirius ne parvenait pourtant pas à oublier que les fesses qu'il aurait voulu deviner aussi aisément étaient à ce moment même couvertes d'un pantalon, et… OH ! d'une main suicidaire ! Remus allait faire quelque chose d'un instant à l'autre. Il allait se dégager d'un sourire, avec cette douceur et cette fermeté qui le caractérisaient, et que Sirius aimait par-dessus tout. Il allait réussir l'exploit de se refuser à Gabriel sans le froisser, MAINTENANT.
…
- Remus ?
- Oui, Sirius ? Quelque chose ne va pas ?
- Non, rien… tu as vu le char, là-bas ? Magnifique, tu ne trouves pas ?
Remus acquiesça. La main était toujours là. Et les fesses, toujours en dessous. Sirius se força à réfléchir, et à détacher ses yeux du bas du dos de Moony, puisque la seule pensée cohérente que lui inspirait ce spectacle était de sauter à la gorge de l'étranger, de s'abreuver de son sang, puis d'emmener Remus loin des regards pour une petite explication. Le pire scénario possible se réalisait à quelques pas de lui. Il devait y mettre fin, et vite. Cependant, il semblait être le seul à ne pas apprécier la tournure des événements. Pouvait-il s'interposer quand Remus paraissait si paisible ? Il connaissait la réponse, et elle ne lui plaisait pas.
L'objet de toute cette attention lui jeta un coup d'œil furtif. Remus voyait avec inquiétude le visage de Sirius arborer une expression qu'il connaissait bien. Il aurait dû être heureux de la haine contenue dans les iris glacés de son ami. Mais, encore une fois, cela ne voulait absolument rien dire. Combien de fois cet air furieux et meurtrier avait-il envahi les traits du jeune Black lorsqu'il se voyait contrarier lors d'une séance de séduction ? Bientôt, il allait entrer dans une compétition acharnée avec Gabriel, sans même se soucier de la peine qu'il pouvait lui causer à lui, Remus. Tout simplement parce que Sa Majesté Sirius Orion Black ne pouvait pas être battue dans ce qu'elle faisait, aux dire de tous, le mieux. Et pourtant il y avait tant de choses qui importaient davantage au loup-garou que ce fameux charme légendaire. Il était loin de penser qu'il constituait la plus grande qualité du jeune homme hors du commun qu'était Padfoot. Son humour, sa bonne humeur contagieuse, son caractère impétueux, son dévouement complet à ses amis, et tous les indices d'un cœur si énorme qu'il se demandait encore comment on pouvait arriver à le cacher ne constituaient qu'une partie des raisons qui, selon Remus Lupin, valaient réellement à Sirius d'être apprécié, et aimé sans limites. Il restait stupéfait de voir que jusqu'ici, Sirius s'était contenté d'être aimé, et même adoré, pour sa seule beauté, alors que chacun de ses défauts méritait aux yeux de Remus une tendresse infinie.
Bon, évidemment, tout cela était exagéré. Certains de ces défauts étaient exaspérants, insupportables, haïssables… mais il ne pouvait s'empêcher, tout en les détestant, de les considérer avec une certaine affection. Même cet orgueil blessé qu'il lisait dans ses yeux, et qui promettait de le torturer toute l'après-midi, simplement parce que son ami avait décidé, sans vraiment le vouloir, de jouer avec lui.
- Dis-moi, Gabi,… je peux t'appeler comme ça, au moins ?
Le Français acquiesça avec un sourire, heureux de voir que Sirius lui adressait la parole amicalement, malgré leur premier échange.
- Pourquoi cette idée de la Gaypride ? Je croyais que tu connaissais Remus depuis longtemps ? Tu devrais savoir qu'il n'aime pas la foule !
C'était tout Sirius, ça ! Il montrait à la fois les faiblesses de son adversaire et ses propres forces. Un coup double souvent meurtrier.
- Je pensais qu'il apprécierait d'y aller avec moi. Et puis, il n'aime pas la promiscuité… et je ne suis pas comme toi, je n'attire pas les gens comme des aimants !
- Parce que c'est de ma fautes si certaines personnes ne peuvent pas s'empêcher de venir coller leurs pattes sur ceux qui leur plaisent, comme des mouches autour d'une merde fumante ?
- Non, mais ne viens pas m'accuser d'emmener Rem dans un endroit qu'il n'aime pas, alors qu'il a lui-même accepté de venir et que, contrairement à toi, il a l'air content !
- J'aime quand vous parlez de moi à la troisième personne comme si je n'étais pas là…
- Mais Rem, Sirius s'acharne sur moi et se sert de toi comme excuse, ça ne te dérange pas ? Et puis, te comparer à une merde fumante, franchement… tu les trouves où, tes amis ?
Remus ferma un instant les yeux. Il n'avait apparemment pas assez parlé de Sirius à Gabriel, ou celui-ci n'aurait jamais commis un acte aussi stupide. Et ce qu'il craignait se produisit. Qu'avait-il pensé, tout à l'heure, avec cette histoire de défauts ? Bien sûr que Sirius pouvait être détestable.
- SIRIUS, ARRÊTE !
Remus se cramponna au blouson de cuir de son ami, qui s'était jeté à la fois sur le Français et la magnifique occasion qu'il lui offrait de laisser libre cours à sa fureur.
- Arrête tout de suite, il ne te connaît pas, comment peut-il savoir ce que ça représente pour toi ? Paddy, voyons… Remus ne pouvait s'empêcher d'être lui-même furieux contre Sirius. Car, en effet, selon toute probabilité, Sirius était en train de jouer avec lui, même s'il ne s'en rendait pas compte. Et pour cette inconscience, Remus ne pouvait que lui en vouloir.
- SIRIUS !
Son hurlement, ainsi que la poigne de fer dans laquelle il l'avait emprisonné, eurent un effet bien plus immédiat que ses premières remontrances. Il regarda avec colère son meilleur ami qui, à présent baissait les yeux d'un air contrit et étrangement douloureux. Mais à cet instant précis, Remus n'avait pas la moindre envie de sonder les méandres de sentiments qu'il ne pouvait qu'entrevoir. Il attendit patiemment que les personnes qui s'étaient retournées se désintéressent d'eux, puis parla à voix basse.
- Sirius, enfin… contrôle-toi ! Gabriel ne te connaît pas, il ne peut pas comprendre.
- Non, bien sûr qu'il ne peut pas… je me suis laissé emporté, on dirait, répondit Sirius avec un sourire penaud et un peu triste.
Remus sourit en retour.
- Ce n'est pas la première fois.
Le regard d'horreur qu'il reçut lui fit se mordre la lèvre. Il n'avait pas du tout voulu rappeler à son ami sa trahison de cinquième année. Il savait pourtant que Sirius ne se pardonnait toujours pas cet acte irréfléchi. Mais les situations étaient très différentes ! Il choisit d'en rire, espérant le rassurer.
- C'est toujours aussi spectaculaire ! tu m'as choisi comme victime chronique ?
Au lieu d'un rire, c'est un regard tendre et suppliant que Remus reçut, et ne comprit pas. Sirius se dégagea doucement de son étreinte, et, en riant cette fois, le poussa vers Gabriel.
- Désolé, Gabi, cette fois, c'est de bon cœur. Je suis toujours trop possessif avec Moony, et quelques fois, il faut tout simplement qu'on me le rappelle. Si je t'ai fait peur… c'était intentionnel, reprit-il avec une légère hésitation, mais passager !
Il embrassa chaleureusement le Français qui rougit de plaisir, aussi sensible que n'importe qui au magnétisme que dégageait Sirius et incapable de lui en vouloir, puis ébouriffa les cheveux d'un Remus abasourdi.
- Je vous laisse, mais on se retrouve bientôt pour boire un verre ! Laissez-moi juste le temps de trouver de la compagnie, histoire de ne pas vous embarrasser plus que je ne l'ai déjà fait. Laisse ton bipeur allumé, Moony, que je puisse savoir où vous êtes ! finit-il avec un clin d'œil
Son bipeur ? Quelle charmante façon de présenter la chose… Sirius, aussi sensible aux ultrasons sous forme humaine que sous forme animale, avait insisté pour que chacun de ses amis porte toujours sur lui un petit émetteur, « pour le prévenir en cas de danger » comme il disait. Encore une preuve de cette amitié merveilleuse qu'était celle de Padfoot, sa façon de montrer combien ils pouvaient compter sur lui.
Sirius avait disparu rapidement dans la foule. Cela lui ressemblait tellement peu ! Tout en s'approchant de nouveau de son compagnon, Remus réfléchissait au comportement foncièrement anormal de celui qui venait de s'envoler. S'il y avait un trait de caractère qu'on pouvait retenir de Sirius, c'était bien son entêtement, sa volonté de ne jamais abandonner lorsqu'il voulait quelque chose, en particulier quand il avait de la concurrence. Et aujourd'hui, Remus avait parfaitement conscience d'avoir été l'objet de convoitise de son meilleur ami. Il ne comprenait pas l'abandon soudain de Sirius. Ou plutôt, il avait trop peur de comprendre, et de se donner un espoir encore plus grand que celui auquel il avait commencé à croire. Il état sûr de plaire à Sirius à présent, et ce départ…
Ce départ lui donnait chaud. Padfoot avait respecté son choix. Sirius s'était toujours imposé à ses conquêtes, sans leur demander au préalable si elles étaient intéressées, puisqu'il savait que, finalement, elles seraient ensorcelées. Mais Sirius ne semblait pas vouloir ensorceler Remus. Non pas parce qu'il savait que c'était inutile, mais parce que Remus n'était pas une conquête. C'était la seule explication possible. Et Moony ne pouvait pas y croire. Comment Sirius aurait-il pu tomber amoureux sans que Remus s'en rende compte ? Il le regardait sans cesse, était attentif au moindre de ses mouvements, de ses regards, comment n'aurait-il pas immanquablement su ?
- Remus, tu es toujours là ? demanda une voix chaleureuse à son oreille.
Remus se rendit compte de la présence du Français tout autour de lui. Il sourit maladroitement à cette pâle copie de Sirius.
- Oui, excuse-moi, je… j'étais dans la lune ! finit-il par dire dans une petit rire.
Gabriel sourit, sans ajouter l'une des plaisanteries qu'appelait cette réplique « innocente », et resserra son bras autour de la taille de Remus, qui se laissa faire.
Sirius était parti à la recherche de quelqu'un qui puisse lui faire oublier les yeux dorés et la chaleur de son loup. Ce qui était par définition impossible. Mais se laisser griser par la fête, et séduire par l'un des jeunes gens qui le contemplaient avec envie ne serait pas très difficile. Il y avait longtemps qu'il ne s'était pas oublié dans une foule aussi joyeuse, aussi libre de toute angoisse. Tous riaient, rayonnaient, et toute cette joie débordait tellement qu'elle envahit Sirius, même s'il venait d'apprendre que Remus lui préférait un parfait inconnu. Il se mit à danser, se vidant de sa tristesse, s'emplissant d'insouciance et du plaisir de partager avec tous ces étrangers quelque chose d'aussi léger que la danse, et d'aussi profond que la compréhension, l'acceptation, et l'appartenance à un même groupe. Il rencontra un jeune homme au sourire franc, aussi brun que Remus était pâle, aux yeux noirs, et aux cheveux blonds. Il ne ressemblait pas à Moony. Cependant, s'il ne pouvait pas avoir Remus, pourquoi essayer de trouver quelqu'un qui lui ressemblât, mais qui n'était pas lui ? Le beau John était rieur, frivole, et très doux. Sirius se laissa charmer par ce « petit garçon » qui avait le même âge que lui. Il ne voulait pas penser, et John ne pensait pas. Il aimait, et c'était tout.
Lorsqu'ils rejoignirent Remus et Gabriel, Sirius était aussi calme et serein qu'il pouvait l'être en voyant son ami dans les bras d'un autre, mais la proximité de John l'apaisait. Il avait fait le bon choix. Remus le regardait avec des yeux brillants, toutefois il refusait de chercher à savoir pourquoi. Aujourd'hui, c'était la fête, et Remus avait choisi avec qui il voulait la passer. Et ce n'était pas avec lui. Il voulait que Remus le choisisse. Qu'il comprenne que pour lui, il n'y avait pas de « pauvre Moony », de « victime chronique », c'est-à-dire trop faible chose pour se défendre de ses frasques de Maraudeur, mais, au contraire, un jeune homme digne d'admiration, et de l'amour le plus inconditionnel qu'on pouvait porter à quelqu'un. Ou en tout cas, que lui, Sirius Black, pouvait porter à quelqu'un. Un autre jour, peut-être, il aurait cette chance incroyable d'enlacer le loup-garou, de plonger son nez dans son cou et ses cheveux. Mais ce serait seulement si Moony voulait. Et seulement s'il voulait pour toujours. Car Padfoot, une fois choisi, ne partagerait pas. Oh non. N'importe qui d'autre, peut-être. Il n'était pas tellement exclusif. Mais pas Moony. Si jamais Moony était à lui, la marque qu'il lui laisserait empêcherait quiconque de toucher ne serait-ce qu'un seul de ses cheveux bruns roux. Et Moony lui-même ne voudrait pas qu'on le touche. En attendant, la bonne humeur de John les entourait de chaleur et de bien-être.
Ils passaient tous un bon moment, surtout depuis que James et Lily les avaient rejoint : calme, joyeux, et léger comme un vin pétillant. Remus souriait de soulagement. Ce petit John, ou Bob, ou quoi que ce soit d'autre ressemblait à une espèce de calmant dont ils ressentaient tous les effets. Sirius en particulier. Sirius qui l'enveloppait d'un regard brûlant, mais qui continuait à sourire d'un air un peu absent, comme s'il pensait à un rêve trop beau dans lequel Remus jouait un rôle important. Et c'était vrai, Remus pouvait voir ce rêve à travers le sourire de son ami. Il avait juste tellement peur que ce ne soit qu'un rêve qu'on oublie après la nuit, ou qu'on n'a jamais souhaité voir réaliser. Il se rendait compte que tout ce qu'il s'était dit, tous ces « ne perds même pas la chance de ne passer qu'une nuit avec lui » n'étaient que des leurres. Ce qu'il éprouvait pour Sirius était irréductible à un désir luxurieux. Si féerique soit-il, Il ne voulait pas n'être qu'un fantasme.
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