Je poussais les lourdes portes, et jetais un coup d'œil circulaire. Le froid mordait ma peau, et je voyais à peine dans la pénombre de la fin de cette journée de novembre. Il était là, adossé nonchalamment aux grilles de fer, une cigarette fumante entre l'index et le majeur. Son regard accrocha le mien ; mon cœur sursauta, surpris de le voir ici. Son habituel foulard orange entourait chaudement son cou. Il ne semblait pas avoir conscience de la fine bruine qui glaçait la ville. L'échange ne dura qu'un instant, je brisais le lien visuel, et descendis l'escalier en feignant de ne pas l'avoir remarqué. Après tout, il ne m'attendait pas, et je n'étais même pas sûr qu'il m'ait réellement aperçu. Je poursuivi mon chemin, faiblement éclairé par les lumières provenant de la rue.

Je sentis sa présence avant d'entendre le bruit de ses pas, mêlé à celui de la pluie tombant goutte à goutte entre les dalles du pavé. Je ne me retournais pas, j'émis simplement ce "tch" méprisant dont il a l'habitude. Imbécile. Son aura chaleureuse le précéda une fois de plus lorsque ses doigts se posèrent sur ma joue ; je fermais brièvement les yeux, puis tâchais de concentrer mon attention sur la pierre beige rosée du manoir que je devinais derrière les grands arbres bordant l'allée, illuminés d'en bas par de petites ampoules en boîte. Leur halo doré nous suivit tandis que je me dirigeais vers l'imposante porte de bois ouvragée. Il posa se main sur mon épaule ; je me retournais en soupirant, et ses lèvres heurtèrent les miennes. Il n'en demandait pas plus ; il lâcha ma main – je n'avais pas conscience qu'il me l'avait prise – tout en abaissant la poignée, avant de se faufiler à l'intérieur. Une goutte tomba sur mon front, glissant le long de l'arrête de mon nez. Je frissonnai, et tâchai de reprendre mes esprits, avant de m'aventurer à sa suite.