Auteur : Dancelune
Email : karrakolnyahoo.fr
Disclaimer : les persos appartiennent à Yuki Shimizu et son superbe manga Love Mode. Seul l'élément perturbateur est ma propriété privée.
Genre : Angst, drame et romance (quand même )
Remarque : Il est rare que les fics de ce genre soit appréciée... Je ne m'attends donc pas spécialement à avoir beaucoup de lecteurs ;;;. En effet, j'ai osé introduire une fille chez les Aoe ! Malheur à moi qui ait osé imposer de la féminité dans ce monde tout à fait masculin ! Mais ce n'est pas pour autant que nos chers et tendres petits couples seront oubliés, bien au contraire. Cette fic est aussi sujet à réflexion sur l'homosexualité, sa vie au quotidien, et une vision extérieure parmi tant d'autres que pourrait avoir une jeune fille de 17 ans etc...
En tout cas, je me fais bien plaisir en l'écrivant
Prenez-moi avec vous
Chapitre 1 : Une arrivée fracassante
Reiji est son amant Naoya, ainsi que Kiichi, Haruomi et Kashima étaient réunis dans le salon du manoir des Aoe, dégustant un thé vert digne de ce nom. Les quatres hommes regardaient Kiichi avec incrédulité.
« Alors comme cela tu as accepté de prendre une fille chez toi ? demanda Reiji à Kiichi.
- Oui.
- ... Une fille va habiter dans le manoir familial ? redemanda le petit frère du médecin.
- Oui.
- ... T'es complètement malade ! »
Kiichi rit doucement.
« Qu'est-ce qu'elle a cette fille de si spécial pour que tu acceptes de la prendre sous ton toit ? persista Reiji.
- Elle ressemble à Naoya-kun dans le sens où elle a elle aussi perdu toute sa famille. »
Naoya fronça les sourcils.
« Elle a réagi plutôt brutalement face à l'adversité, continua Kiichi. Elle s'est perdue, elle ne sait plus qui elle est vraiment. Son look actuel est quelque peu... déconcertant.
- Elle a quel âge ? demanda Reiji.
- Dix-sept ans. »
Kiichi s'amusa de la grimace de Reiji. Ce dernier n'appréciait plus trop les femmes. Son « chaton » occupait toutes ses pensées. Mais en serait-il de même pour Naoya-kun ? Après tout, ce dernier n'avait pas eu l'occasion de tester l'amour féminin. Cela lui plairait peut-être.
Kiichi faillit éclater de rire en voyant la mine anxieuse du jeune garçon. Ce dernier était aussi pâle que Reiji. Il savait que Reiji avait déjà eu des aventures avec des femmes. Peut-être qu'il succomberait à nouveau à la tentation et le laisserait tomber ? C'était probablement ce qui traversait la tête de Naoya en ce moment.
Kashima lui ne semblait pas y voir d'inconvénient. Après tout, c'était le seul hétérosexuel de la bande. Avoir une fille dans la maison lui plairait sûrement beaucoup... Cela plairait sûrement moins à sa petite amie du moment...
Haruomi avait un visage impassible. Mais ce dernier n'avait pas à s'en faire et il le savait. Kiichi était un peu excentrique mais il était fidèle à ses sentiments.
« Quand est-ce qu'elle arrive ? demanda Kashima.
- Dans une semaine, répondit Kiichi.
- Elle va rester longtemps ?
- Le temps qu'on lui trouve une nouvelle famille d'accueil. »
Reiji soupira.
« Franchement, Kiichi. Tu penses vraiment qu'elle va se sentir chez elle ici ? On est gay, au cas où tu ne t'en
serais pas aperçu.
- Et alors ? Elle ne vient pas ici chercher l'âme sœur. Je ne vois pas en quoi nos penchants pourraient la déranger.
- Elle ne sera peut-être pas suffisamment ouverte d'esprit, contra Reiji en haussant les épaules.
- Oh de ce côté là je ne pense pas que l'on aura de problèmes. »
Reiji grogna quelque chose d'inintelligible.
« Tu as fini ton thé Naoya ? demanda Reiji.
- Oui.
- Dans ce cas allons-y. Kashima, mon manteau !
- Tout de suite », répondit ce dernier.
Reiji et Naoya s'habillèrent en silence. La mauvaise humeur de Reiji était palpable à des kilomètres à la ronde.
« Je persiste à penser que c'est une mauvaise idée, informa Reiji avant de partir.
- Mais non ! Naoya, fait-moi le plaisir de bien le détendre ce soir. J'ai l'impression qu'il a peur que son petit
chaton ne s'envole vers d'autres horizons avec l'arrivée de cette jeune fille, répliqua Kiichi en souriant.
- Kiichi... » fit Reiji en serrant le poing.
Naoya regarda son sensei avec surprise.
« Oui, répondit-il.
- Crétin, fit Reiji en l'attrapant par les épaules et en lui faisant faire volte-face. N'oublie pas notre réunion de demain soir Kiichi.
- Ne t'inquiète pas. A croire que c'est moi qui oublie mes rendez-vous. »
Reiji tiqua mais ne dit rien. Il se contenta de sortir, tenant toujours son Naoya fermement par les épaules. Kashima rassembla les soucoupes et les tasses puis se dirigea vers la cuisine. Kiichi soupira.
« Pourquoi faut-il qu'il exagère en tout ? » demanda-t-il à Haruomi sans attendre véritablement de réponse.
Ce dernier se contenta d'un haussement d'épaule.
« Je vais aller préparer la chambre d'amis et voir ce qu'il manque. Avec une miss dans la maison, il va falloir faire attention à ce que nous laissons trainer dans la salle de bain et autre. »
Kiichi acquiesça.
« Je te laisse t'occuper de tout, fit-il en se levant et en s'étirant. Viens ici. »
Haruomi s'approcha et se pencha légèrement en avant lorsque Kiichi leva la tête pour l'embrasser.
« Cette jeune fille va mettre un peu de piment dans nos vies, tu verras. Je suis sûr que ce sera bénéfique pour tout le monde, murmura Kiichi.
- Tu te trompes rarement » répondit Haruomi.
Kiichi l'embrassa à nouveau.
« Ne tarde pas à venir te coucher ce soir. Je suis d'humeur caline » lui sussurra Kiichi à l'oreille.
Haruomi sourit légèrement avant de prendre congés.
« Rena ? Je te présente le docteur Kiichi, c'est lui qui aura la charge de ta garde le temps que l'on te trouve une nouvelle famille d'accueil » fit Mme Sashitori de l'organisation d'aide à l'enfance.
Rena était une jeune fille de dix-sept ans aux longs cheveux noir de jai et aux yeux marron clair. Son teint était pâle et sa peau très lisse. Elle était assez grande pour une fille et menue. Ses vêtements noirs : un t-shirt moulant à col roulé sans manches et sa longue jupe accentuaient son allure filliforme. Elle avait les oreilles percées et se mettait du rouge à lèvre et du mascara noir autour des yeux. Elle portait un collier en cuir autout du cou. Sous sa jupe elle portait des collants déchirés et ses chaussures étaient énormes par rapport à ses pieds. Elle avait tout du punk gothique, jusqu'à l'attitude austère.
La jeune fille regarda Kiichi d'un air pincé.
« Bonjour, je m'appelle Kiichi Aoe. Je suis ravi de t'accueillir chez moi. J'espère que tout se passera bien. »
Rena le prit de haut.
Encore un pauvre mec qui veut faire sa bonne action ! Pathétique. Il doit franchement pas être aimable pour devoir se rabattre sur des orphelins pour avoir de la compagnie. Avec son look de premier de la classe il doit pas avoir des masses d'amis. En plus son sourire sonne faux. Je ne l'apprécie déjà pas.
Elle ne répondit pas au salut de Kiichi. Elle se contenta de tourner la tête vers la fenêtre, ignorant hostensiblement ses interlocuteurs.
« Rena, s'il te plaît, soupira Mme Sashitori.
- Ce n'est rien, ne vous en faites pas, fit Kiichi. Elle n'a qu'une seule valise ?
- Oui. Elle n'a jamais rien gardé de ce que lui ont offert ses précédentes familles d'accueil.
- Très bien » fit Kiichi en s'avançant vers la jeune fille et en attrapant la valise posée à ses pieds.
Cette dernière la lui enleva brutalement des mains.
« C'est à moi ! cria-t-elle en serrant sa valise contre elle.
- Désolé, je ne voulais pas t'offenser... On y va ? »
Rena le trucidais du regard. Kiichi se demanda un instant si c'était vraiment une si bonne idée que cela d'accueillir cette gamine chez eux. Peut-être que Reiji avait raison pour une fois. Il attendit patiemment à la porte que Rena daigne le suivre.
« N'oubliez pas de me faire un suivi régulier, Aoe-san, rappela Mme Sashitori.
- Ne vous en faites pas, vous aurez des nouvelles régulièrement. »
Sur ce, Kiichi laissa passer Rena qui s'était finalement décidée ainsi que l'assistante sociale puis il referma la porte. Ils se dirigèrent tous les trois vers le parking où les attendaient Haruomi. Ce dernier sortit de la voiture lorsqu'il les vit arriver et ouvrit la portière arrière.
Il a même un chauffeur ! s'offusqua Rena. Un gosse de riche, ou alors un super médecin qui gagne plein de fric. Et ça se dit charitable, laissez moi rire. Je les connais ces gens là. Ils font tout par intérêt.
Rena monta dans la voiture. Elle observa du coin de l'œil le chauffeur. Il était plus grand que le médecin a lunette. Il semblait plus fort aussi. Son visage impassible témoignait de son professionnalisme. Elle arriverait peut-être à s'en faire un ami. Elle avait toujours plus de facilité à communiquer avec les gens de conditions modestes plutôt qu'avec les riches qui comptaient acheter sa gratitude avec des cadeaux.
Kiichi s'installa à côté d'elle à l'arrière.
« Encore merci pour tout, fit Mme Sashitori.
- Ce n'est rien je vous assure. Et n'ayez crainte, malgré ce début un peu froid, je suis sûr que nous allons bien nous entendre » lui répondit Kiichi avant qu'Haruomi ne referme la portière.
La femme lui fit un petit signe de la main alors que la voiture démarrait.
« A la maison directement, fit Kiichi.
- Bien. »
Le trajet dans la voiture fut silencieux. Kiichi ouvrit la bouche plusieurs fois mais voyant Rena s'obstiner à regarder le paysage, il préfèra garder ses remarques pour plus tard.
Rena fronça les sourcils lorsqu'ils arrivèrent au manoir. Elle avait déjà eu une famille d'accueil riche. Cela s'était très mal passé. Elle aurait dû être reconnaissante pour les biens matériels et la qualité de vie qu'ils lui fournissaient. Elle n'avait pas voulu leur avoué qu'elle recherchait et avait besoin d'autre chose. Elle pressentait que cela allait être la même chose ici. Elle se demanda si son calvaire allait un jour prendre fin.
Lorsqu'ils arrivèrent sur le palier, Rena ayant refusé qu'Haruomi se charge de sa valise, Kashima vint leur ouvrir.
« Bonsoir, vous arrivez pile pour l'heure du dîner, fit-il en souriant.
- C'est parfait je meurs de faim, annonça Kiichi. Au fait, je ne t'ai pas présenté. Kashima, voici miss Rena. Elle va rester avec nous un petit moment.
- Je suis ravi de faire votre connaissance mademoiselle. Je m'appelle Kashima. »
Devant le sourire du domestique, Rena ne put garder son masque de froideur. Elle s'autorisa un minuscule sourire et inclina légèrement la tête en avant.
« Haruomi, montre lui sa chambre, s'il te plaît.
- Bien. Mademoiselle, si vous voulez bien me suivre. »
Rena était écoeurée par tant de politesse. Elle-même n'avait aucune notion de savoir vivre. Personne ne s'était donné la peine de lui apprendre. Les gens se contentaient généralement de se moquer d'elle lorsqu'elle faisait une gaffe ou ne se tenait pas correctement. Cela mettait les familles d'accueil en avant. Ils profitaient toujours de l'occasion pour se plaindre d'elle et faire remarquer à leurs amis combien leur tâche était difficile. Alors qu'ils leur auraient suffit de lui montrer une fois comment faire.
La chambre qui lui avait été attribué lui plû d'office, ce qui agaça fortement Rena. Elle était suffisamment grande, bien éclairée avec des fenêtres qui donnaient sur le jardin. Il y avait un lit, un bureau, deux chaises, un fauteuil et une penderie. Le tout avait été meublé avec goût et de façon neutre : cela ne faisait ni chambre de fille ni chambre de garçon. Les couleurs étaient pastel, sans aucune agressivité.
« Le dîner sera servi dans une petite demi-heure. Prenez le temps de vous installer. Je viendrais vous chercher. » fit Haruomi avant de la saluer et de partir en fermant doucement la porte derrière lui.
Rena resta un instant sans bouger, puis elle posa sa valise sur le lit et se dirigea vers la fenêtre. Elle admira le jardin et observa les oiseaux qui dansaient dans le ciel, autour des arbres. Elle était déprimée.
Sa vie n'était qu'une suite de maisons et familles sans âmes, probablement pleines de bonnes volontés, mais qui devenaient vite égoistes lorsqu'elles se rendaient compte que Rena ne correspondait pas à leurs critères. Un couple peu scrupuleux l'avait aussi accueillit dans le but de la soumettre à la prostitution, alors qu'elle n'avait que treize ans. Il s'en était fallu de peu pour qu'elle n'y passe avec l'un de leur voisin. Heureusement on l'avait miraculeusement crû lorsqu'elle était allé se plaindre à l'assistance pour enfant en danger. Elle savait maintenant exactement à qui demander de l'aide lorsqu'elle était en danger.
La prostitution... Plus elle prenait de l'âge moins cette issue lui déplaisait, du moment qu'elle ne travaillait que pour elle-même, sans mac ni rien. Elle ne voulait être redevable à personne. Et puis, un corps n'est qu'un corps. Le sien pouvait à priori servir d'outil de travail. Elle n'y voyait pas d'inconvénient. De toute façon, l'amour et la tendresse l'avaient abandonné en même temps que sa famille. Cela faisait longtemps qu'elle n'y croyait plus. Elle ne savait pas pourquoi elle restait en vie. Qu'est-ce qui pouvait bien la pousser en avant ?
Perdue dans la contemplation de son misérable passé, Rena ne vit pas défiler les minutes.
On frappa à la porte.
« Mademoiselle Rena, le dîner va être servi. » annonça Haruomi.
La jeune fille soupira. Elle n'était pas d'humeur à afficher un sourire de convenance. Elle prit sur elle et descendit dans le salon. Elle s'arrêta en bas des escaliers.
« La voilà. » s'exclama Kiichi en souriant.
Rena ne s'attendait pas à ce qu'il y ait d'autres invités ce soir. Elle dévisagea les nouveaux venus. Deux hommes et deux jeunes garçons d'à peu près son âge. Ils étaient tous beaux, à croire que c'était un critère de sélection chez eux. Ils étaient tous bien habillés à part l'un des adolescent qui portait simplement un sweat-shirt, un jeans et des baskets.
« Voici Rena. » fit Kiichi en s'approchant d'elle et en lui posant une main sur l'épaule. « Approche je vais te présenter tout le monde. »
Rena avança vers le salon.
« Le grand brun qui boude c'est mon petit frère Reiji... » commença Kiichi.
Rena fixa un instant l'homme en question. Il était grand, élégant et raffiné. Son attitude bougonne déparaillait avec le reste. Son regard était inhospitalier. Pour lui, Rena n'était pas la bienvenue, c'était clair.
« ... et le jeune garçon qui l'accompagne est son amant, Naoya-kun. »
Rena ouvrit des yeux ronds. Son amant ? Mais alors, tous les deux ils étaient... Et la différence d'âge... Et...
« Kiichi... grogna l'homme visiblement agaçé.
- En face ce trouve Takamiya, l'un des meilleurs amis de mon frère...
- Enchanté, fit ce dernier à Rena avec un grand sourire.
- ... et son petit protégé s'appelle Izumi, termina Kiichi.
- C'est mon amoureux à moi ! » fit Takamiya en prenant affectueusement le jeune garçon dans ses bras.
Ce dernier rougit furieusement mais ne dit rien.
« Oh, et si tu te poses des questions à mon sujet, je suis gay aussi. Mon partenaire est Haruomi. » conclut Kiichi sur un grand sourire.
Rena resta bouche bée une bonne minute. Des homosexuels... Elle était tombée dans une famille d'homosexuels... Elle n'en revenait pas... Tous ces hommes... Ensemble... Elle ne réalisait pas très bien. C'était irréel. Elle connaissait l'homosexualité, bien sûr. Elle en avait entendu parlé comme beaucoup de gens. Mais elle n'avait jamais rencontré d'hommes ou de femmes gay... Elle avait devant elle tout un troupeau...
« Mais alors vous vous embrassez... murmura-t-elle pour elle-même, inconsciente d'avoir parlé tout haut.
- Bien sûr ! s'exclama Takamiya en enlaçant promptement Izumi et en l'embrassant à pleine bouche.
Les yeux de Rena s'agrandirent encore plus dans la mesure du possible. Ce fut un véritable choc de voir deux hommes s'embrasser. Elle-même n'avait jamais embrassé personne... Et cela ne lui arriverait probablement jamais, mais elle s'était faite à l'idée. Voir des couples s'embrasser la déstabilisait déjà. Mais deux hommes ensemble... Cela remettait pas mal de principes en question. Personnellement, elle ne se sentait pas du tout attirée par les femmes. Voir deux hommes ensemble la choquait mais elle comprenait, étant elle-même attirée par eux.
On lui tapota l'épaule. Rena sursauta et laissa échapper un petit cri suraigu. Elle se retourna pour voir Kashima lui sourire.
« Pour vous rassurer, je suis hétérosexuel, et il ne m'est jamais rien arrivé dans ce manoir. Malgré les apparences, ils savent se tenir. »
Rena eut un petit sourire bancal et un haussement de sourcils. Elle était complètement dépassée par la situation.
« Si je te dis tout cela aussi directement, Rena, c'est pour que tu ne te fasses pas de fausses idées, reprit Kiichi beaucoup plus sérieusement. J'ose espérer que tu as suffisamment d'ouverture d'esprit pour accepter la situation et nos différences. Tu n'es pas dans une maison ordinaire pour la plupart des gens. J'aimerais aussi que tu comprennes bien que nous ne sommes pas là pour te harceler ou te traumatiser. Nous t'accueillons juste chez nous afin de te rendre service. A toi de décider si tu nous donnes une chance ou non. Si jamais tu ne souhaites pas rester ici, connaissant désormais nos penchants sexuels, n'hésite pas à le dire. L'assistante te trouvera sûrement quelqu'un d'autre. Je sais que ce n'est pas facile d'être baladé entre différentes familles d'accueil. Naoya-kun en sait long sur la question, il est passé par là lui aussi. Autre chose : ce n'est pas parce que nous sommes homosexuels que nous n'acceptons pas les femmes. Bien au contraire. Nous avons des amies féminines, au risque de te surprendre. Nous refusons simplement leurs avances. Enfin, il n'y a que Kashima, Haruomi et moi-même qui habitons ici. Reiji, Naoya-kun, Izumi et Takamiya habitent chacun en ville dans leurs appartements respectifs ou chez leurs parents. Tu n'auras pas toute la smala sur le dos toute la journée. Dernier point : tu iras à l'école. Je ne sais pas comment cela se passait dans tes anciens foyers, mais ici l'éducation est primordiale. Tu iras au même lycée que Naoya-kun. Il a une bonne réputation et il n'y a pas beaucoup de délinquance. Nous irons t'acheter un uniforme dès demain, ainsi que le matériel nécessaire pour travailler. Si tu as à redire sur ce que je viens d'exposer, n'hésite pas à le faire savoir. Il y a toujours possibilité de discuter. »
Rena se contenta de hocher la tête. Elle venait de recevoir beaucoup trop d'informations d'un coup. Plutôt que de répondre des bêtises sous le coup de l'impulsion et de l'émotion, elle préféra se taire. Elle prendrait le temps ce soir d'y réfléchir posément.
Devant l'immobilité de la jeune fille, Kashima décida de réagir.
« Et si vous passiez à table ? proposa-t-il.
- Bonne idée. » répliqua Takamiya qui sentait l'atmosphère s'alourdir.
Les cinq hommes se déplacèrent vers la table. Rena arriva à noter qu'il y avait huit couverts à table. Haruomi et Kashima, les domestiques de la maison, mangeaient donc à la même table que les propriétaires des lieux. Pas surprenant lorsque l'on savait les liens qui existaient entre les maîtres de maison et les domestiques.
Rena fut installée entre Kiichi et Kashima, en face d'Izumi. Ce dernier était entouré par Haruomi et Takamiya. Ce dernier se tenait à côté de Reiji, qui avait en face de lui Naoya. Rena se sentait un peu mal à l'aise, entourée de tous ces hommes. Elle n'osa pas bouger jusqu'à ce que tout le monde ait pris ses baguettes en main.
Le regard du dénommé Reiji la stressait. L'homme ne s'était pas déridé depuis qu'elle était arrivée. Il lui lançait quelques regards durs et c'est tout. Aucune chaleur ne se dégageait de lui. Elle n'avait pas bien vu son ami Naoya. Elle n'osa pas pencher la tête en avant pour l'étudier un peu mieux. Takamiya semblait être l'opposé de Reiji. Il était souriant et semblait surtout plein d'attention pour son petit protégé, comme l'avait appelé Kiichi. Ce dernier ressemblait à un jeune garçon banal. A le croiser dans la rue elle n'aurait jamais pu deviner qu'il était gay. Il ne semblait pas d'ailleurs pas assumer entièrement son penchant, vu qu'il se débattait régulièrement lorsque son amant plus âgé venait le chatouiller. Kashima n'avait rien de bien extraordinaire, à part d'être normal... Enfin comme elle. Haruomi restait impassible et Kiichi affichait son éternel sourire.
Rena se sentait oppressée. La conversation démarra mais elle n'entendit qu'un léger bourdonnement. Elle était à nouveau perdue dans ses pensées, ce qui était l'un de ses gros défauts. Elle avait une facilité déconcertante à se déconnecter de la réalité.
Elle n'arrivait pas à mettre en phrases cohérentes ses pensées. C'était pour l'instant un amas d'émotions contradictoires. Elle n'avait aucunement soupçonné une telle réalité lorsqu'elle avait été présentée la première fois à ce médecin sommes toutes banal. La pilule était assez dure à digérer. Ce n'était déjà pas facile d'arriver dans une nouvelle famille d'accueil. Là, ils avaient gagné le pompon. Ils dépassaient tout ce qui était imaginable. L'idée de passer sa vie entourée d'homosexuels lui valut un frisson. Elle n'avait aucun préjugé à leur égard, mais tout de même. Pour une jeune fille de dix-sept ans qui n'y connaissait rien en amour et encore moins en sexe, c'était sacrément traumatisant, malgré tout ce qu'ils pouvaient dire.
« ...na. Rena ? RENA !?
- Hm ? fit la jeune fille en sortant de sa rêverie.
- Heu... fit Izumi, je disais juste que j'aimais bien tes fringues. Elles sont classes. »
Un moyen comme un autre d'engager la conversation, se dit Rena.
« Merci, répondit-elle.
- Tu allais dans quelle école ? continua Izumi.
- Izumi... répliqua Kiichi.
- Quoi ? »
Le jeune homme venait d'aborder le sujet qui fâche. Kiichi était au courant que la jeune fille n'avait pas été à l'école depuis deux ans et qu'elle avait donc accumulé un énorme retard scolaire. L'assistante sociale ne s'était pas trop attardée sur le sujet, elle lui avait juste dis que cela ne s'était pas très bien passé avec son ancienne famille d'accueil. Il comptait en parler demain avec la jeune fille lorsqu'ils iraient acheter son nouvel uniforme. Ce soir c'était un peu trop tôt, et surtout cela mettrait Rena en porte à faux. Elle se retrouvait face à des hommes et jeunes gens plutôt brillants. Son ego allait en prendre un coup et elle se sentirait rabaissée, c'était certain. Kiichi regarda Rena et compris que le mal était déjà fait. Il posa une main sur son épaule pour la rassurer. La jeune fille se leva brusquement, les lèvres serrées et les poings fermés. Elle recula sa chaise, sortit de table et se dirigea vers l'escalier.
Reiji se leva rapidement de table, rattrapa la jeune fille avant qu'elle n'atteigne les escaliers et l'attrapa brusquement par le bras.
Rena se retourna vers lui, au bord des larmes mais gardant un regard provocateur de défiance.
« Ce n'est pas une conduite acceptable, lui dit-il d'un ton ferme.
- Vous êtes qui pour me parler de cette façon ? répliqua-t-elle en aboyant.
- J'ai horreur des gamines effrontées.
- C'est pour ça que vous êtes avec un mec, non ? Remarque, je me demande bien quelle fille voudrait de vous.
- Toutes.
- Tu parles. Et maintenant lâchez moi, vous me faites mal.
- Reiji, s'il te plaît, intervint Kiichi pour calmer le jeu.
- Izumi a fait l'effort de te parler, il n'a pas mérité une telle réaction. C'est d'une impolitesse intolérable, continua Reiji énervé.
- Pourquoi vous allez pas vous plaindre à l'assistante sociale ? C'est de sa faute si je n'ai aucune notion d'étiquette. Et je n'ai jamais demandé à venir chez vous. Alors maintenant vous allez me lâcher. Je ne vois pas en quoi un gars qui fait du détournement de mineur aurait le droit de me sermonner. »
Reiji ne prit pas le temps de réfléchir avant de balancer une gifle retentissante à la jeune fille.
« Reiji ! » s'exclamèrent en cœur Kiichi et Kashima.
Rena sentit les larmes monter mais elle les ravala. Elle se tourna à nouveau vers Reiji, sa joue rougie la lançant furieusement.
« Mes parents n'ont jamais levé la main sur moi. Que ce soit un pauvre mec comme vous qui ose me frapper, ça me dégoûte. Allez au diable. Les sexistes devraient toujours rester entre eux !
- T'en veux une autre ? demanda Reiji.
- Reiji ça suffit ! » cria Kiichi furieux.
Son petit frère dépassait les bornes. Il ne le reconnaissait pas. Pourquoi réagissait-il aussi brutalement. Il avait un sale caractère mais il n'avait quasiment jamais recours à la violence. Pourquoi est-ce que cette jeune fille l'énervait autant ?
« Reiji, fit Naoya en se levant et en s'approchant de lui. Elle ne pense pas ce qu'elle dit. Elle est juste bouleversée. C'est pas facile de ne pas avoir de famille. »
Reiji desserra légèrement sa prise en entendant la voix de son amant. Rena retira brusquement son bras. Elle recula de quelques pas en se massant son biceps qui lui faisait mal.
« Allez tous vous faire foutre. » déclara-t-elle avant de monter les escaliers quatre à quatre et de s'enfermer dans sa chambre.
Les sept hommes restèrent silencieux un moment. Kiichi soupira.
« Reiji qu'est-ce qu'il t'a pris ? »
Son frère soupira à son tour.
« Elle m'a rappelé une ex qui était franchement insupportable et puérile. Elle a peut-être des problèmes, mais j'ai l'impression qu'elle est un peu trop sûre d'elle dans le même temps. Et elle manque de respect, je ne supporte pas ça.
- Mais est-ce que les autres la respectent, eux ? demanda Takamiya. Cette gamine est perturbée. Kiichi, pourquoi s'est-elle fâchée à ce point lorsque mon chéri a parlé d'école ?
- Takamiya, grogna Izumi devant la désinvolture de son amant.
- Cela fait deux ans qu'elle n'a pas mis les pieds à l'école. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans son ancienne famille d'accueil, toujours est-il qu'ils s'en souciaient peu et qu'ils ne se sont pas comportés en tuteurs responsables.
- J'imagine qu'elle doit mal supporter son manque d'éducation, reprit Takamyia. Si elle ne sait rien faire, comment fera-t-elle pour gagner sa vie plus tard ? »
Une réponse évidente leur vint tous à l'esprit.
« Elle ne mérite pas cela, décréta Naoya.
- Hey, fit Reiji en lui donnant un léger coup de coude.
- J'ai passé quatre années très pénibles mais j'ai eu relativement de la chance, continua Naoya. Je n'ai jamais été baladé de foyer en foyer. Quand la situation est devenu insupportable vous êtes arrivés. J'ai aussi découvert que j'avais une famille et maintenant je n'ai plus à m'en faire pour subvenir à mes besoins. Ce n'est pas son cas. Elle n'a rien, elle n'a jamais connu la stabilité d'un foyer et en plus elle est en marge de la société à cause de son manque d'éducation. »
Naoya regarda Reiji avec reproche. Son amant fit la moue, sentit la colère monter contre cette fille qui était la cause du regard accusateur de son protégé envers lui. Il faillit répliquer puis se contenta de soupirer.
« Très bien, j'irai lui faire des excuses. Mais pas ce soir, elle nous a gâché notre dîner.
- Haruomi, tu lui porteras un plateau dans sa chambre lorsque nous aurons fini de dîner. Je ne souhaite pas la voir mourir de faim dès son premier soir chez nous. Reiji, je pense qu'il sera préférable que tu ne montres pas le bout de ton nez ici pendant un petit moment. Il va lui falloir un certain temps pour t'accepter à nouveau.
- Et voilà. C'est encore de ma faute ! »
Naoya se colla discrètement à lui. Reiji le regarda de haut, puis il abandonna la partie. Il ne pouvait pas lutter contre le jeune homme qui avait fait revivre son cœur. Il lui tapota maladroitement la tête.
« Bon les enfants, il faudrait arrêter cette conduite indécente, fit Kiichi à l'adresse de Takamiya qui était en train d'essayer de voler des bisous dans le cou à un Izumi rouge tomate indigné de la conduite indécente de son partenaire.
- Le dîner est froid, décréta tristement Kashima.
- Ce n'est pas grave, cela restera succulent » répondit Kiichi en souriant.
Rena claqua la porte derrière elle et se jeta sur le lit. Enfouissant la tête dans l'un des gros coussins, elle laissa finalement libre cours à ses larmes. De quel droit l'avait-il frappé ? Pourquoi est-ce que le dénommé Izumi avait posé une question aussi indiscrète dès le premier soir ? Savait-il qu'elle était stupide ? Qu'elle ne savait même pas faire une division sans la poser ? Qu'elle savait à peine lire ... ?
# Flash-back #
« Rena ? Il est temps d'aller à l'école, réveille-toi vite ! »
Rena ouvrit les yeux, sortant difficilement du sommeil. Elle regarda le réveil : 5h30. Pourquoi devait-elle se lever si tôt pour aller à l'école ? Hier pour la rentrée ils n'avaient pas mis plus de vingt minutes en voiture pour faire le trajet. N'osant cependant pas faire de chichis alors que cela ne faisait qu'une semaine qu'elle était dans sa nouvelle famille d'accueil, Rena se leva et s'habilla. Elle descendit à la cuisine.
« Je t'ai fais des pan cakes. Tu aimes les pan cakes ? demanda Mme Matsushita.
- Oui beaucoup.
- C'est bien. Tiens. »
Rena s'avança et s'installa à table.
« Nous ne pourrons pas t'amener à l'école tous les matins, ni venir te rechercher le soir, annonça la femme après quelques minutes de silence. Nous n'avons pas non plus de quoi te payer le bus ou le train. Cela fait beaucoup de dépenses. De plus, tu es un peu trop chétive, il serait bien que tu fasses un peu de sport. »
Rena regarda Mme Matsuhita avec incrédulité. Cette dernière alla prendre un dépliant sur la petite table du vestibule. Elle revint et l'étala sur la table. C'était une carte de la ville.
« Nous avons surligné en rouge le trajet que tu dois prendre pour aller à l'école. En marchant bien cela devrait te prendre à peine une heure. Tu as déjà 15 ans, cela ne devrait pas te poser de problèmes, tu dois savoir t'orienter en ville, non ? »
Rena secoua positivement la tête, complètement abasourdie.
« Bien. Je te réveillerai désormais tous les matins à 5h30. Normalement, tu devrais rentrer le soir vers 18h30 après tes cours, je serais revenue du travail. Comme cela tu auras ta soirée pour faire tes devoirs. »
Rena resta bouche bée à regarder la femme.
« Bon, dépêche-toi de manger sinon tu vas être en retard à ton premier jour de classe. »
# Fin du flash-back #
Bien évidemment, malgré toute sa bonne volonté, Rena avait fini par devenir de plus en plus laxiste, arrivant en retard aux cours, flânant dans les parcs, se laissant tenter par des invitations de jeunes qui traînaient dans la rue. Elle avait eu une chance inouïe de ne pas tomber sur des sadiques ou des pervers. Mais elle choisissait généralement des groupes ayant des filles parmi eux, ce qui limitait les risques, du moins le croyait-elle.
Après trois mois elle n'allait plus en cours. Elle passait son temps à ne rien faire, à sortir avec des « amis » qui lui payait à boire et autre. Lorsqu'elle fut renvoyée de l'école sa famille d'accueil fit un scandale et l'assistante sociale proposa de la changer de foyer. Juste à cause du regard des autres, les Matsushita décidèrent de la garder. Ils ne voulaient pas passer pour de mauvais parents. Entendant cela, Rena décida d'avoir recours au chantage pour obtenir une somme d'argent de poche décente. Ses tuteurs ne payaient plus l'école, ils pouvaient bien lui payer ses sorties.
Elle découvrit alors le monde des boites de nuit, des punks, des gothiques et autres jeunes mal à l'aise au sein de la société. Elle finit par squatter un appartement avec des « amis » rencontrés lors d'une soirée métal à laquelle elle n'aurait pas dû assister vu son âge. Mais le maquillage et les relations aidant, elle était entrée dans cet univers glauque qui l'avait charmé par la pensée omniprésente de la mort et du suicide. Elle avait commencé à changer de look et à se vêtir de noir.
Elle passait ses heures chez un jeune créateur de mode dont le créneau était les vêtements gothiques et sado-masochiste. Elle ne touchait pas à l'alcool ni aux drogues qu'ils lui proposaient. Elle se contentait de dessiner, passion qu'elle avait découvert par hasard un jour qu'elle s'ennuyait dans un parc. Elle avait commencé à vivre tranquillement lorsque l'assistante sociale accompagnée de trois flics avait débarqué pour la remettre au centre d'accueil pour orphelins.
Elle avait eu droit à deux semaines de sermons et leçons de moral. Dégoûtée d'être prise en faute alors que selon elle ses tuteurs avaient tous les torts, elle fut privée de sortie pendant deux mois, le temps qu'elle se calme et qu'elle retrouve la raison, d'après les médecins et assistantes. C'est alors qu'elle avait été présentée au docteur Aoe Kiichi. C'était sa dernière chance. Si cela ne marchait pas avec eux, alors elle n'aurait plus droit au soutien du centre ni de l'état pour l'aider dans la vie...
Pour ce qu'ils avaient fait, cela n'était pas une grande perte.
Quant à sa dernière chance, elle venait de la bousiller ce soir.
Epuisée mentalement et surtout désespérée, Rena finit par s'endormir tout habillée sur son lit, des larmes plein les yeux.
Elle n'entendit pas Haruomi frapper à la porte de sa chambre pour déposer le plateau repas. Elle ne le sentit pas lui enlever ses chaussures et ses vêtements, ni la soulever dans ses bras afin de la coucher dans le lit et de la recouvrir de couvertures. Elle ne sentit pas non plus sa main posée sur son front, pas plus qu'elle ne vit son regard attristé.
Lorsqu'il finit de la border, Rena murmura « papa » inconsciemment. Haruomi se raidit, ne croyant pas ses oreilles. Il n'avait jamais pensé avoir d'enfants, de part son passé, sa conditions et ses penchants sexuels. Ce mot le fit frissonner. Il eut alors une bouffée de tendresse pour la jeune fille. Il se pencha en avant et déposa un baiser sur son front.
Lorsqu'il se retourna, il aperçut Kiichi qui se tenait dans l'encadrement de la porte en souriant. Haruomi rougit et sortit discrètement de la chambre. Il referma doucement la porte derrière lui.
« Aurait-on la fibre paternelle ? » demanda Kiichi en croquant le lobe d'oreille de son amant.
Haruomi rougit de plus belle.
« Ne dis pas de bêtises, répondit-il.
- Je trouve cela absolument craquant. » murmura Kiichi en s'accrochant au cou de son partenaire afin de déposer plus facilement des baisers dans son cou.
Haruomi se baissa pour le prendre dans ses bras tel une mariée. Il l'amena sans un mot dans leur chambre, alors que Kiichi commençait déjà à déboutonner sa chemise et à promener ses doigts sur son torse puissant.
A suivre...
Dancelune, 11 octobre 2004.
