Le ciel était plus gris que bleu en ce matin de Novembre. Des nuages noirs s'amoncelaient même depuis peu au-dessus de leurs têtes.

Avec tristesse, la jeune femme blonde, habillée d'une longue robe noire, se leva. Tout en songeant que sans le sacrifice de son mari la pluie qui les menaçait serait une mortelle averse d'acide, elle déposa, en plus de ses larmes qu'elle ne pouvait plus retenir, la petite pelletée de terre sur le cercueil juste descendu dans les profondeurs du sol londonien.

Les yeux toujours embués de larmes, elle alla se rasseoir alors que le tour de son père arrivait. La jeune femme sentit une légère pression sur son épaule. Elle se retourna et vit le sourire triste et feint de sa mère.

Depuis deux semaines, tout le réconfort qu'elle avait reçu venait avant tout de sa mère. Rose se souvenait encore du mal que John Smith avait eu pour se faire accepter et apprécier de sa belle-mère. Elle le soupçonnait même de toujours la craindre malgré les années écoulées... Elle l'en avait soupçonné du moins.

Pete alla se rasseoir auprès de sa femme après avoir serré dans ses bras celle qu'il considérait toujours comme sa belle-fille. Le vieil ami de Mickey et ancien partenaire de John se leva ensuite et, après avoir fait ses derniers adieux au docteur Smith, il alla embrasser à son tour la jeune veuve: « Je suis désolé, Rose.» Ces mots, si doux dans la bouche de ses parents, sonnaient là différemment. Jake se sentait vraiment coupable de cette perte. Et ça allait sûrement le ronger...

Rose savait que ce n'était pas sa faute : John avait fait un choix, terrible mais malheureusement juste, et il n'avait jamais imaginé pouvoir s'en sortir vivant. Il lui avait dit adieu. Rose aurait dû pouvoir faire son deuil, elle aurait dû pouvoir dire à Jake qu'il n'y était pour rien et qu'il ne devait pas s'en vouloir... Elle sentait pourtant que ses mots restaient coincés dans sa gorge. Et ils étaient aussi bloqués dans ses sanglots. Rose hocha seulement la tête. C'était le seul geste qu'elle pouvait faire. Sa douleur était encore trop vive, quinze jours après celui où son mari avait perdu la vie...

La cérémonie funèbre reprit mornement son cours. C'était un bel hommage que lui délivraient ses amis et collègues. Mais Rose, sa femme, savait que ça ne l'aurait pas touché de son vivant et encore moins dans la mort. Et tous ces pleurs et marques d'affection ne le consolaient aucunement. Pour beaucoup, John était une victime, la victime d'un accident pour certains comme le petit Tony, et d'une invasion extraterrestre pour d'autres. Rose, elle, le voyait et légitimement comme un héros. Mais elle ne pouvait en parler à personne, pas même à ses parents. Seule elle pouvait le comprendre. Et seul John pouvait la comprendre, elle. Et il n'était plus là... Sa mort laissait un tel vide dans son cœur qu'elle se fermait depuis au reste du monde. Et cet enterrement, au lieu de l'aider, la brisait plus encore que leur dernier baiser ne l'avait déjà fait.

« Rose? Demanda la voix calme et familière de sa mère. Tu viens, ma chérie ?» Elle aurait voulu répondre non : elle ne voulait aller nulle part. Mais John lui avait appris à lutter, quand ils voyageaient encore ensemble. Et cela faisait très longtemps... Pour sa mémoire, elle devait continuer de lutter. Pour lui, et pour sa propre vie...

« J'arrive, répondit-elle. »

Elle devait aller de l'avant comme il l'avait fait lui-même durant toute sa vie avant de la rencontrer. Pendant plus de neuf cent ans... Au moins, elle, elle n'aurait pas à surmonter ce deuil et ce chagrin aussi longtemps. Seulement quelques décennies. Jusqu'à sa propre mort. Mais elle ne devait pas y penser. Pas maintenant, jamais même...

Rose se leva enfin et, après un dernier regard noyé de larmes sur le cercueil où reposait désormais John Smith, elle commença à marcher pour rejoindre ses parents et son petit frère qui l'attendaient un peu plus loin... La vie devait continuer.

Une quinzaine de jours plus tard :

Les regards tristes que lui lançaient ses collègues la gênait plus encore que ceux de sa mère et son père.

Rose n'était pas retournée à son travail depuis l'enterrement. Elle essaya de ne pas les voir et de continuer de marcher la tête haute et d'un pas assez rapide mais peu assuré. Dans ses mains, elle serrait la clé du bureau de son défunt mari comme si elle s'accrochait à celle-ci autant qu'à celle qu'elle avait gardée de lui durant les trois ans où ils avaient été séparés.

Rose arriva enfin devant la porte blindée ce qui s'apparentait plus à un laboratoire qu'à un simple bureau. Elle entra puis referma ensuite très vite la porte derrière elle. Elle avait besoin de solitude. Son arrivée dans l'immeuble avait titillé la curiosité des autres agents et elle n'aimait pas ça. Elle voulait du calme et surtout rester seule. Rose sentit affluer des images dans sa tête : tant de souvenirs qui défilaient... John et elle avaient vécu tant de choses dans cette grande pièce où il n'avait plus à rien cacher de son passé.

La jeune femme commença à inspecter les différents artefacts extraterrestres que son mari collectionnait, étudiait ou le plus souvent voulait simplement garder en lieu sûr. Leur appartement en était aussi rempli et Rose savait qu'elle n'allait pas pouvoir les garder car certains pouvaient être dangereux et d'autres juste trop précieux. Même ici, les objets pourraient leur faire courir des risques... Elle devait donc les trier et les mettre en sûreté. Parmi les étalages, Rose reconnut certaines armes sontariennes que John avait confisquées aux généraux qu'ils avaient vaincus. Elle avait bien compris que ces armes ne pouvaient pas rester accessibles au reste de l'humanité. Elle songea que son appartement allait très vite être transformé en musée d'armes extraterrestres - si elle n'arrivait pas à les détruire très vite...

Rose déposa l'arme la plus proche dans une boite en apparence en cartons mais en vérité aussi solide qu'un coffre-fort. Le "carton" posé sur le bureau, la jeune femme inspecta ensuite les tiroirs dudit bureau. Dans le premier, elle trouva différentes pièces de métal et des puces de données éparpillées sur des photos papier qu'elle gardait tout comme lui dans son propre bureau. Elle ignorait le rôle de la plupart des puces mais se décida à les récupère quand même. Elle reprit aussi les photos mais elle les glissa dans sa poche plutôt que dans le carton. Elle remarqua ensuite un petit cristal qui brillait sous les photos qu'elle ramassait.

« Qu'est-ce que c'est ce que ça ? Se demanda-t-elle à voix haute. »

L'ancienne compagne du Docteur prit la pierre entre ses doigts et remarqua que la lumière du cristal ou diamant s'intensifiait à son contact. Ce n'était de toute évidence pas d'origine terrestre. Comme la plupart des objets de ce bureau d'ailleurs... Mais si elle était dans un tiroir sans protection, ce ne devait pas non plus être dangereux. Sauf pour les yeux peut-être... L'éclat du cristal l'éblouissait de plus en plus. Rose voulut le lâcher car il commençait aussi à chauffer mais elle n'en eut ni la force ni le temps : elle s'évanouit.

Et elle commença à entendre raisonner dans sa tête une musique qui lui sembla étrangement familière.

Une musique qu'elle n'avait entendu jusque-là qu'une seule fois dans sa vie et qui lui rappela vaguement un baiser oublié et un pouvoir meurtrier.