Mars 1912, Londres.
Un mois avant le départ du Titanic
Blair Waldorf soupira devant sa tasse de thé, écoutant à peine les bavardages incessants de sa mère et de Lily Van Der Woodsen, qui parlaient encore une fois du mariage prochain de sa fille avec le très fortuné Jack Bass. À côté d'elle, sa meilleure amie, Serena Van Der Woodsen, n'en menait pas large. Quand leurs mères ne parlaient pas du mariage de Blair et de Jack, elles parlaient de celui de Serena et de Carter Baizen.
Seulement, Blair en avait marre de n'entendre parler que de ça. Elle n'avait même pas choisi Jack elle-même. Comment s'étaient-ils retrouvés fiancés, déjà ? Ah oui. Blair et sa mère s'étaient rendues à une réception donnée par Charles Bass («Chuck» pour les intimes), un ami proche de Blair. Et Eleanor Waldorf y avait rencontré l'oncle de Chuck, et avait tout de suite décidé qu'il serait le fiancé parfait pour sa fille (à cause de sa fortune colossale, évidemment). En effet, depuis le décès d'Harold Waldorf, le père de Blair, la société d'Eleanor était au bord de la faillite, et en plus de ça, elle devait régler les dettes de son défunt mari. Donc bien entendu, pour elle, faire marier sa fille à un homme fortuné, c'était la solution à tous leurs problèmes, et peu lui importait s'il avait 15 ans de plus qu'elle et qu'elle n'en était pas amoureuse.
Car oui, Blair n'était pas amoureuse de Jack Bass. Certes, ils étaient du même milieu social, et Jack avait toutes les qualités du parfait futur époux : riche, élégant, gentil, bien élevé... mais ça ne suffisait pas. Et puis, il avait 32 ans, pour l'amour de Dieu ! Blair n'en avait que 17. Mais elle avait docilement accepté, car elle savait que dans leur milieu, les mariages arrangés étaient fréquents, et qu'il fallait accepter sans se poser de questions, qu'on le veuille ou non.
Serena était elle aussi prisonnière d'un mariage arrangé. Il y a un mois, sa mère avait organisé une réception et avait invité tous les fils de bonne famille, afin de lui trouver un époux. Et Carter Baizen avait finalement été retenu. Enfin, Lily l'avait retenu. Elle n'avait évidemment pas jugé nécessaire de demander l'avis de sa fille, insistant sur le fait que «Carter était vraiment parfait, poli, bien élevé, en plus ses parents sont très hauts placés socialement...» et tout un tas de bêtises que Serena n'avait pas écoutées, mais acquiescé tout de même. Après tout, c'était le devoir d'une jeune fille d'accepter l'homme que ses parents avaient choisi pour elle. Ce qui la rassurait, c'est qu'elle pouvait au moins se libérer, en parlant de tout ça à Blair, qui vivait exactement la même chose avec Jack. Parfois, elles étouffaient tellement qu'elles rêvaient de s'enfuir loin d'ici, et de ne jamais revenir, de ne jamais donner de nouvelles à personne.
Et les voilà attablées, côte à côte, et entourées de leur «cercle» : du côté de Blair, Eleanor, Jack, et Chuck, Bart Bass (le père de Chuck et le frère de Jack), et du côté de Serena, Lily, William Van Der Woodsen (son père), Eric Van Der Woodsen (son frère) et Carter. Elles avaient l'impression d'être des bêtes de foire au zoo.
_ Je disais donc que j'étais im-pa-tiente d'assister à l'union de ma fille et de Jack ! Ce sera vraiment un grand mariage, toute la bonne société y est invitée, ce sera absolument grandiose ! Tout comme le mariage de votre fille et de Carter le sera sans doute, n'est-ce pas, Lilian ? minauda Eleanor.
_ Bien évidemment ! Le mariage aura lieu en mai prochain, un mois après que le Titanic nous aura déposés à New York, mais tout est déjà prêt, ou presque ! minauda à son tour Lily.
_ Ah ! Le Titanic ! Oui, ce paquebot qui promet d'être grandiose aussi ! D'après ce qu'on m'a dit, c'est le plus grand et le plus luxueux paquebot jamais construit, eh bien j'ai hâte de le voir de mes propres yeux !
Puis les deux femmes repartirent dans un de leurs habituels éclats de rire – alors qu'il n'y avait rien de drôle dans ce qu'Eleanor venait de dire – et Blair leva discrètement les yeux au ciel. C'était simple, elle n'en pouvait plus. Elle n'avait plus l'impression de suffoquer, à présent, elle suffoquait réellement.
_ Veuillez m'excuser un instant, je reviens. Je vais prendre l'air. dit-elle en se levant brusquement, se fichant bien d'être impolie en partant comme ça.
Elle sortit, et sa mère la regarda d'un air outré. Elle trouvait que ces derniers temps, Blair faisait preuve d'une grande impolitesse et d'une grande insolence, elle ne la reconnaissait plus.
_ Je vais m'en occuper. intervint Chuck en souriant aux autres.
_ Merci, Charles. Essayez de la raisonner, je vous prie. soupira Eleanor.
Il se leva et sortit à son tour, cherchant Blair du regard. Il la trouva enfin, dans un coin de la cour, assise seule sur un banc près de la roseraie. Il s'avança et s'installa à côté d'elle.
_ Ma mère vous envoie ? questionna-t-elle sèchement, en l'apercevant.
_ Non, je suis venu de moi même. Que se passe-t-il ?
_ Je ne pense pas que ça vous regarde, monsieur Bass.
_ Allons, Blair... nous sommes amis, il me semble. Ce qui veux dire que vous... enfin tu peux me tutoyer, me dire ce qu'il se passe, et m'appeler Chuck, et non «monsieur Bass». Ça me donne l'impression d'être mon père.
_ Pour commencer, la seule amie que je considère assez proche de moi pour pouvoir la tutoyer est Serena. Je suis désolée, mais je trouverais ça beaucoup trop familier de vous tutoyer, vous appeler par votre surnom c'est déjà beaucoup. Je ne tutoie même pas ma propre mère. Mais vous avez raison sur un point : nous sommes amis, je consens donc à vous dire ce qui ne va pas.
_ Bien. Dans ce cas, je vous écoute. Quelque chose me dit... que ça a un rapport avec votre mariage prochain avec mon oncle, je me trompe ?
_ Pourquoi dites-vous ça ?
_ Sans doute parce-que chaque fois que quelqu'un en parle, vous n'avez absolument pas l'air heureuse.
Elle soupira. Enfin quelqu'un s'en rendait compte. La seule qui ai réussi à s'en rendre compte avant lui était Serena.
_ Je... je ne sais pas pourquoi je réagis comme ça. Je sais que je devrais être la plus heureuse du monde, mais...
_ Vous n'êtes pas amoureuse de lui, n'est-ce pas ?
Elle se tourna vers lui, bouche-bée. Mais comment diable pouvait-il deviner les choses aussi facilement ? Elle n'était pas si transparente, tout de même ! Mais... elle devait tenter de nier. Si cette conversation devait revenir aux oreilles de sa mère... elle en entendrait parler pendant des années et des années.
_ Je... ne vous permet pas d'insinuer ça ! J'aime votre oncle. Du moins... je l'apprécie réellement. Et... je vais l'épouser, en juin ! Et... je serais heureuse, je doit juste stresser, il n'y a rien de plus normal.
Chuck haussa les sourcils, nullement convaincu. Blair pouvait faire avaler n'importe quoi à n'importe qui, elle était assez bonne comédienne. Mais il y avait deux personnes à qui elle ne pouvait pas mentir : Serena et... lui. Pour une raison inexpliquée, il arrivait toujours à sentir quand elle mentait. Elle le savait mais essayait toujours de lui mentir quand même.
_ Vous savez très bien que je ne vous crois pas, Blair. Mais tant pis. Croyez ce qui vous aide à mieux dormir la nuit.
_ Je sais ce que vous essayez de faire, Chuck. Vous essayez de me séduire comme vous séduisez toutes ces prostituées, et toutes ces femmes en général qui défilent une par une dans votre lit. Mais avec moi, ça ne marchera pas.
_ Vous vous trompez sur mes intentions, jeune fille, croyez-moi.
_ Si vous le dites. Et si nous allions rejoindre les autres ?
_ Je vous accompagne ?
_ Volontiers.
Elle prit le bras qu'il lui tendait et ils rejoignirent leur groupe.
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