Disclaimer : Ce one-shot ne m'appartient en aucun cas, je l'ai seulement traduit avec la permission de l'auteur Asuka Kureru. La version originale s'appelle également Technicolor et vous êtes invités à la lire!
Titre : Technicolor
Genres : Angst, amitié, horreur
Rating: T
Personnage principal : Sasuke
Technicolor, nom masculin : Procédé cinématographique de transfert ou d'imbibition de couleurs, apparu en 1928 en version bichrome, puis en 1934 en version trichrome et qui après avoir cessé d'être exploité au début des années 1970 l'est aujourd'hui à nouveau dans une version très perfectionnée.
Technicolor
Quelques fois, lorsque Sasuke arrive à s'endormir suffisamment profondément, il rêve.
Être porteur du Sharingan signifie bien plus que le simple fait de posséder ce don héréditaire – c'est l'une des raisons pour laquelle Kakashi ne pourra jamais développer sa pupille à son plein potentiel. Naître avec le Sharingan signifie que le corps en entier – muscles, nerfs, système circulatoire du chakra – est subitement altéré. Cela signifie que le cortex visuel est trois fois plus développé que celui d'une personne normale, et ce, pour donner aux Uchiha une meilleure compréhension des détails les plus subtils, du plus rapide des mouvements, de la moindre nuance de couleur. De la probabilité la plus improbable.
Lorsque Sasuke rêve, il rêve entièrement en Technicolor. C'est pour cette raison qu'il se souvient encore à la moindre fibre textile près du tablier que sa mère avait l'habitude de porter, des motifs délavés du papier peint qui couvrait les murs de son ancienne chambre et de l'exacte apparence et de la couleur du sang commençant peu à peu à sécher.
Il sait que ce ne sont que des rêves, car ils n'ont tout simplement aucun sens ou alors les gens sont associés à la mauvaise voix ou ils savent des choses qu'ils n'ont aucun moyen de savoir.
Mais quand les rêves sont précis et assez réalistes pour qu'il n'arrive pas à se rappeler qu'il ne devrait pas être là… Eh bien, il y a plusieurs raisons qui expliquent pourquoi il ne se permet habituellement pas de dormir trop profondément et l'une d'entre elles est que la vie dans le Pays du Son est plutôt courte lorsque vous n'êtes pas sur vos gardes à chaque instant de la journée.
Quelques fois, il rêvera qu'il est de nouveau enfant et qu'il est en train de faire quelque chose de stupide et d'inimportant – chasser des grenouilles dans l'étang; tirer sur la robe de sa mère; espionner son père, les yeux brillants comme des étoiles; voler les élastiques à cheveux d'Itachi pour le faire chanter pour qu'il joue enfin avec lui… Et tout lui semblera normal. Tout ira bien. Cela le fait souffrir parce que ces rêveries paraissent presque réelles à ses yeux, même en dépit de l'écart important entre ses agissements enfantins du passé et ses pensées beaucoup plus matures. Et alors, il doit se réveiller.
Quelques fois, il rêvera d'être de nouveau âgé de quatorze ans, se plaignant à son frère que son sensei leur fait toujours effectuer de désagréables missions de rang C et qu'il préférerait être enseigné par n'importe qui d'autre, sauf Ebisu-sensei, bien sûr. Et même par ce pervers avec le masque de chien faisant partie de l'équipe Anbu d'Itachi, puis, celui-ci s'esclaffera en lui disant de se montrer patient. Il rougira lorsque Sakura et Ino se battront pour lui et il s'agitera pendant que Tenten se décide à savoir si elle accepte son invitation à sortir avec lui ou non. Ces rêves sont agréables, reposants… quoiqu'il leur manque un petit quelque chose. Ils lui font tout drôle – il se sent quelque peu vide, ordinaire.
Quelques fois, il rêvera au Pays du Son et à Orochimaru, mais il ne s'embête pas trop à songer à propos de ceux-ci; il a leur version réelle auprès de lui dès le moment où il ouvre les yeux. Les rêves où il poignarde Kabuto à travers ses tripes et le regarde se vider de son sang sont toutefois plaisants. Il pourrait se passer de ceux où il ne peut pas bouger, parler ou même respirer par lui-même – il peut seulement regarder et écouter parce que quelque chose de froid et visqueux à l'intérieur de sa tête a pris le contrôle de son être et ne réalise même pas qu'il est encore en vie.
Au final, ce ne sont que des rêves, mêmes ceux qu'il sait qui se réaliseront tôt ou tard.
Ces derniers sont des rêves qu'il oublie à la seconde même où il s'éveille. Sa famille est morte, il n'a jamais eu et n'aura jamais une vie normale. Il savait dès le début qu'un jour – bientôt, si tôt – il sera enterré vivant dans l'esprit d'Orochimaru, inhumé dans son propre corps. C'est la voie qu'il a choisie. Il ne s'en plaindra pas.
Il y a seulement un rêve qui arrive encore à l'affecter et il se dégoûte pour une telle faiblesse de sa part. Il résiste et nie, il ne peut pas se montrer faible, pas lui, jusqu'à ce qu'il arrive presque à se convaincre que c'est vrai – et alors, ce rêve survient de nouveau avec certaines variations au niveau du thème.
Certaines fois, cela commence contre un arbre, ligoté avec des liens métalliques par Kakashi pendant que l'homme l'éduque sur la vengeance et les gens importants dans l'histoire du monde ninja. Il peut distinguer chaque nuance de l'expression de Kakashi sous son masque – il arrive à se remémorer plus de détails qu'il pensait avoir remarqué cette nuit-là. Il lutte lorsqu'il voit son enseignant arborer un air déterminé et lutte à nouveau quand le Jōnin décide que son élève a besoin d'un endroit plus sécuritaire pour se calmer. Il le transporte sur son épaule, lui, encore enveloppé dans les liens, et Sasuke voit Konoha voler sous eux, la tête en bas et son corps se balançant. Il ignore si le fait de sauver sa fierté est plus important que celui d'obtenir sa vengeance en vomissant sur les jambes de Kakashi parce qu'il devient nauséeux à une vitesse folle.
Certaines fois, cela commence lorsqu'il quitte le village et que Sakura le rattrape, il n'est pas suffisamment rapide et elle crie, fort en plus de ça. Quand il tente de la faire taire, elle le fusille du regard, les yeux pleins de larmes, et crie : « Au viol! » et il n'a pas assez de temps pour éviter le Jōnin patrouillant les rues qui arrive à toute allure pour venir en aide à la Genin. Kakashi est appelé et roule les yeux pendant qu'il le traîne jusque chez lui, lui demandant s'il n'a pas oublié leur précédente discussion.
Sasuke prétend y réfléchir et tente de s'échapper par la fenêtre de la salle de bain. Kakashi l'attend nonchalamment sur le toit et l'entraîne à nouveau à l'intérieur. Il fait s'asseoir son énorme mastiff sur lui quand l'adolescent essaie de sortir de force.
Quelques fois, cela commence plus tôt que ça – il est sur le point d'utiliser son Chidori sur Naruto puisque l'un de ses clones s'en est pris à lui. L'Uzumaki finit par se cogner la tête sur le béton. Naruto est allongé dans le lit juste à côté du sien parce que Sakura a réussi à lui donner une commotion cérébrale. Le blond passe la soirée à papoter et lorsque Sasuke ferme le rideau séparant leur lit respectif, il commence à chuchoter – ne sachant pas que son coéquipier est encore éveillé. Sasuke regarde les ombres se dessinant sur le plafond et sur les rideaux pendant que Naruto tente de lui expliquer ce que ça fait d'avoir finalement une famille. Ce que ça fait d'avoir Iruka et Jiraiya qui lui prêtent attention, qui sont fiers de lui; ce que ça fait d'avoir Kakashi comme une sorte d'oncle supposé garder un œil sur lui, mais qui l'oublie à chaque fois; Sakura comme une magnifique cousine, bien qu'autoritaire, et Sasuke comme son frère – tout le contraire de lui, son miroir, son presque double.
Sasuke ne peut le supporter. Alors il s'en va – il ne court pas, mais il pourrait assez bien le faire. Il ne peut supporter le fait de faire partie de la famille de quelqu'un. Ainsi, il part, courant et ne sachant même pas où il s'en va exactement, seulement à l'extérieur, là où Sakon et les autres l'attendent pour l'amener à Orochimaru. Le vent fait danser les feuilles autour de leur visage, projetant des ombres qui ne seront jamais aussi sombres que le sceau de la malédiction. Ils utilisent des mots qui produisent un écho à l'intérieur de lui-même avec le désir brûlant de devenir plus fort, plus froid.
Ensuite, Naruto arrive, et il est furieux étant donné que le Jōnin de garde le surveille avec bien plus d'attention que Sasuke. Kakashi le traîne à la maison et ainsi de suite.
Sasuke est gardé à l'intérieur durant une semaine. Vers la fin de son enfermement, il sait que les Quartets du Son sont repartis d'où ils viennent. Vers la fin de son enfermement, il a déniché une boîte sous l'évier de Kakashi. Il y trouve des lunettes protectrices à l'intérieur avec un petit éventail, symbole du clan Uchiha, dessiné sur l'une de ses branches et une longue mèche de cheveux, de la même couleur que celle des cheveux de la jeune fille posant avec lui sur sa photo d'équipe Genin, attachée avec un morceau de tissu sanglant et rigide. Sasuke se demande ce qu'il garderait en souvenir de Naruto – un emballage vide de ramens, sans doute. Il n'a aucune difficulté à imaginer la mèche de cheveux rose vif à ses côtés.
Il continue à ressentir de l'amertume à leur égard pendant quelques mois, puis la vie reprend graduellement son cours normal. Sa haine est encore là, brûlant au fond de lui, mais elle ne réussit pas à l'atteindre en entier, tenue à distance par une tonne de distractions, tandis que la vie continue. Il est presque – oui, presque - heureux… D'ailleurs, il se sent presque coupable de s'interroger à savoir si ses parents l'envieraient pour cela, pour ces petits instants de bonheur dont il jouit. Ils lui manquent et il s'entraîne toujours afin de venger leur mort, mais il y a ces moments où Kakashi lui apprend un nouveau jutsu, où Sakura fait quelque chose d'actuellement utile – elle a commencé à s'entraîner en tant que medic-nin – et où Naruto agit encore plus stupidement qu'à l'ordinaire. Le pire c'est que ça fonctionne et alors il oublie. Sasuke continue à dissimuler ses sourires, car ses équipiers en feraient tout un plat ou se moqueraient de lui. Il n'est pas toujours heureux, mais ça lui arrive de l'être et à chaque fois, c'est comme un petit présent inattendu à ses yeux.
Il les ressent encore, ces mois passés à effectuer des missions ensemble, à déguster des ramens ensemble, à attendre ensemble sur le pont l'arrivée tardive de Kakashi, à secourir des chats ensemble et à protéger ensemble de gros hommes d'affaires. Quelques fois à affronter ensemble de puissants ennemis qui finissent toujours par échouer. Ensemble. Il se souvient des callosités sur les doigts de Sakura après des jours et des jours de formation au tir à l'arc. Il se souvient du jaune intense des cheveux de Naruto, décolorés par le Soleil et de la teinte presque identique du blé dans le champ qu'ils étaient en train de couper. Il se souvient du motif que formaient les cicatrices de Kakashi sur son dos et des taches sur le pelage de l'un de ses chiens, celui qui passait son temps à lécher le visage de Sasuke – il lui assénait un coup de pied à chaque fois, mais ça ne semblait pas avoir d'importance.
Toutefois, ses rêves se terminent toujours de la même manière, peu importe comment ils ont commencé. Son équipe et lui reviennent d'une mission réussie – la forêt est fraîche, les feuilles des arbres sont colorées de ce vert particulier qu'elles arborent quand elles ont tout juste fini de pousser à la fin de l'hiver et le Soleil est encore haut dans le ciel. Naruto fait des pitreries, Sakura roule les yeux et Kakashi lit tout en marchant, comme n'importe quel jour.
Et alors, Sakura tombe par-derrière. Sa brosse à cheveux tombe de son sac – il peut le voir, cet objet de plastique d'un bleu vif dans la poussière du petit chemin – et elle retourne sur ses pas pour la récupérer pendant qu'ils continuent leur chemin, indifférents.
Elle ne revient pas.
Immédiatement, Kakashi se crispe et leur fait signe de se cacher – mais Naruto n'obéit pas, son cœur prenant le dessus sur sa tête, et court vers le virage de la route. Puis il crie, tel un animal en cage, telle une mère apprenant que son enfant ne reviendra jamais. Sasuke ne peut s'empêcher de regarder en sa direction. Car, après tout, cela ne peut pas être vrai. Il ne peut pas voir le visage de son coéquipier – il peut voir la réflexion de la lumière sur son bandeau, la manière dont ses pupilles rongent ses iris et le sang se vidant de son visage, jaillissant dans les entailles que ses griffes ont laissées au creux de ses paumes. Sasuke se dit alors que cette journée est trop belle pour une telle tragédie.
Naruto tombe à genoux, produisant un étrange gémissement qui ne semble pas appartenir à la gorge d'un être humain. Sasuke fait un pas vers lui.
La tête de Kakashi ne provoque aucun bruit lorsqu'elle heurte le sol. Elle roule à quelques pas de ses pieds. Son œil volé est encore recouvert de son bandeau.
Son frère se tient derrière lui, des ombres vertes dansant gaiement sur son sombre manteau. Son teint pâle, ses yeux rouge sang et le noir de ses habits ne s'accordent définitivement pas avec l'atmosphère printanière régnant dans la forêt.
« Ta haine est encore bien trop faible, petit frère. »
Sasuke oublie tout, absolument tout, incluant le fait qu'il peut bouger.
« Nous allons arranger cela. »
Puis il disparaît. Sasuke réalise soudain qu'il a perdu Naruto de vue – de la même manière qu'il a perdu de vue Sakura, qu'il a perdu de vue Kakashi.
Il serait bien si ce serait généralement le moment où il se réveillerait en hurlant.
Mais il ne crie pas. Il ne crie jamais. Alors il continue de rêver.
Technicolor.
Sasuke est anormalement familier avec les innombrables nuances de rouge qu'un corps humain peut produire à lui seul.
Je suis une passionnée de langues et depuis un long moment, l'envie de traduire des textes me chicote. Étant en vacances, j'ai donc un peu plus de temps à m'adonner corps et âme à mes loisirs, mes passions. En lisant ce texte, j'ai eu une sorte de petit coup de cœur et j'ai immédiatement demandé à l'auteur la permission de le traduire, donc voilà.
J'espère que le résultat est satisfaisant et que vous appréciez ce texte comme je l'ai moi-même aimé.
Bisous, Schwindt.
