Je n'avais jamais bu. Je n'en avais jamais su l'utilité. Il s'agissait d'un fléau, d'une substance illicite provoquant malheur et désolation. Mais j'avais toujours su que malheur et désolation trouvaient leur perdition dans l'alcool. Et j'étais malheureuse et désolée. J'étais perdue, déboussolée. Et pour une fois, peu m'importait d'être responsable, peu m'importait d'être droite et sage. Je souhaitais qu'on me foute la paix. Je souhaitais guérir de cette plaie béante qui abîmait mon cœur. Ce fut alors comme un cercle vicieux. Un cercle sans fin. Eternel comme l'instigateur de cette folie.

Un verre, deux verres, trois verres. Pour oublier. Oublier que tout cela était du passé. Qu'il m'avait oublié. Qu'il m'avait omis. Que je n'étais plus rien pour lui. Oublier qu'il n'y avait jamais eu d'amour. Que tout avait été mensonge.

Quatre verres, cinq verres, six verres. Pour ne plus se souvenir de la douceur de ses baisers, de la tendresse émanant de ses caresses. Pour ne plus se souvenir du mielleux de sa voix. De ses belles paroles. Et tout devenait flou. Les personnes de ce bar miteux, dans ce Forks raté. Non je n'avais pas le droit d'être là. Non je n'avais pas le droit d'agir comme cela. Et cela je n'en tenais rigueur. Mentir m'avait paru si aisé. Me faire passer pour une autre, charmer. Je pouvais être bonne comédienne. Et c'était grâce à cela que je pouvais le voir chaque matin au lycée sans avoir à hurler malgré toute la douleur que je contenais. C'était grâce à cela que je pouvais lui sourire acceptant son amitié à défaut de son amour. Je détestais ce clivage entre amour et amitié. Pourquoi ne pouvait-il se confondre ? Au moins pour cette fois.

Sept verres…Je commençais peu à peu à m'oublier. Qui étais-je ? D'où venais-je ? Peu importait. C'était si salvateur de ne plus savoir qui j'étais. De pouvoir arpenter mes pensées tout en ne comprenant nullement leur sens.

« Te penses-tu mature en réagissant ainsi ? »

Il me semble ne t'avoir rien demandé Edward. Ce sera comme si tu n'avais jamais existé.

Huit verres…Tout tournait. Tout…mouvait. Une musique s'éleva au loin. Une douce mélodie. J'ignorai si cela était un souvenir où si ce bar avait vraiment compris ce qui m'arrivait.

Tied to the testing of wills, where my heart breaks and spills
Left to the sight of the sky, in your arms I'm defined

J'étais définie dans ses bras. J'étais quelqu'un. Je me sentais complète. A present, qu'étais-je? Vide, inconsistence.
Thrown to the wolves in the minds of your enemies,
in the minds of your enemies
And I'm stone in the eyes of your foolishness.

C'était moi qui avait été stupide. C'était moi qui avait été assez naïve pour croire qu'il pouvait m'aimer. Si seulement j'avais su, si seulement je m'étais entendue. Il était parfait. Qu'aurait-il pu trouver à une banale humaine comme moi ?

« Bella, comment oses-tu remettre en cause mes sentiments à ton égard ? »

Je l'ignorai encore une fois. Cette voix avait pour seul but de me torturer davantage. Edward souhaitait me retirer toute once de raison. Pourquoi m'infligeait-il cela ?

Neuf verres…J'avais du mal à porter l'objet à mes lèvres. Ma main tremblait…Avais-je atteint ma limite ?

If this is what I'm meant for, no longer interesting
Fall forward to even the score
Just a thought to you

Etais-je même une pensée pour toi? J'avais tant cru en nous. En toi surtout. J'étais pathétique. Pathétique et stupide. Me mettre dans cet état pour un homme ? Pour un vampire ? J'aurais aimé être plus forte. J'aurais aimé être plus stable. Charlie devait se faire un sang d'encre. Quel genre de fille étais-je pour lui infliger cela ? Il avait déjà souffert de ma déprime. Et même après le retour des Cullen, il en souffrait encore. J'étais horrible. Espérant pouvoir rentrer, je me levai. De suite la pièce tourna et je me rattrapai fortement au comptoir. C'était mal partit.

_Ma belle, besoin d'aide ?

« Bella fuis »

Une voix gutturale s'éleva à mes côtés, plissant mes yeux je vis un jeune homme d'une vingtaine d'année, un sourire étrange sur les lèvres.

_Non merci…

Avançant vers la porte en titubant, je ne compris que plus tard qu'un groupe d'hommes en bloquer l'accès. Zut ! Je n'avais vraiment pas la tête à supporter les frasques de ma poisse. Ne pouvait-elle pas me foutre la paix ce soir. Je me stoppai net, réfléchissant à ce que je pouvais faire. L'un d'eux me sourit, s'approchant vivement vers moi. Bon sang, je me haïssais. Comment Charlie gérera-t-il l'annonce de ma mort ? Et Jake ? Je sentis une main s'abattre sur mon épaule, je grimaçai. Aucune délicatesse.

_Alors chérie, que dirais-tu d'un verre ?

« Pour la dernière fois Bella, cesse de jouer les écervelées, sors de cet endroit ».

_J'ai assez bu répliquai-je, d'un calme olympien.

Peu m'importait ce qu'il me ferait. Je n'avais pas peur de mourir, la vie ne m'offrait rien. J'avais ardemment souhaité quitter ce monde. Peut-être ces hommes étaient-ils mes sauveurs ? Un autre vint se poster près de moi, caressant mes cheveux.

_En es-tu sûre ? Nous sommes de très bonne compagnie.

_Je n'en doute pas.

Soudain, la porte du bar s'ouvrit avec fracas. Ne discernant toujours rien, je ne sus pas tout de suite qui était les nouveaux arrivants. Ce ne fut que lorsque son odeur titilla mes narines que je le reconnus. Edward ? Mais que faisait-il en ces lieux ? Venait-elle me sauver ? Pourquoi le ferait-il d'ailleurs ? Je n'étais plus rien pour lui. Une puissante poigne m'extirpa des bras de mes « nouveaux amis » et je percutai le torse d'Emmett. Tiens ! Les Cullen avaient envoyé la grosse artillerie.

_Hey ! S'exclama un de mes futurs tortionnaires.

_Navré de cette interruption. Veuillez poursuivre s'exclama une dernière voix que je reconnus comme étant celle d'Alice.

_Attention Humains, les…

Avant que je ne puisse terminer ma phrase, je me sentis soulevée du sol. Nul doute c'était bien lui. C'était bien son odeur, son corps. Je me débattis en sentant l'air fouetter mon visage. Où m'emmenait-il ? Je souhaitais rentrer chez moi. Je ne souhaitais pas le voir. Mais ma force semblait annihilée par l'alcool.

_Lâches moi.

Il ne répondit pas, allant de plus en plus vite. Je me faisais enlever par celui que j'avais toujours aimé. Comment fuir celui qu'on aimerait ne jamais voir partir ?

_Edward Anthony Masen Cullen, reposes moi immédiatement.

_Le nom complet, bonne chance Eddie s'exclama Emmett.

Je sentis une nausée m'étreindre. Oh non ! Cette course n'arrangeait en rien les choses.

_Je dois descendre. Fais moi descendre.

Il s'exécuta alors que je déversais mon excès éthylique plus loin. Ecœurant. Fortement écœurant. Je détestais cette odeur, cette substance. C'était dégoûtant. En me redressant, je vis que nous étions dans le jardin des Cullen. Esmé n'allait pas apprécier. J'eus soudainement envie de rire. Rien pourtant ne me semblait amusant. Ils venaient de me sauver. Encore une fois. Alors que j'aurais souhaité me tirer une balle plutôt que de vivre cette situation. Et pourtant je riais. Emmett se joignit à moi.

_Alors Bella, bourrée ?

_Non, juste totalement dans les vappes.

Alice passa une main autour de ma taille, tentant de me faire avancer mais j'ébouriffai ses cheveux en épi.

_Tu es un lutin-hérisson m'exclamai-je, redoublant d'hilarité.

C'était totalement stupide. J'étais si pathétique. Le perron me parut si haut que j'en eus le vertige. Alice me souleva, et me déposa sur le pas de la porte. Lorsqu'Esmé apparut, je me jetais dans ses bras.

_Je t'aime bien Esmé le sais-tu ?

_Moi aussi ma chérie. Dis-moi, combien de verres as-tu avalé ?

Je pouffai stupidement avant de placer une main sur mes lèvres comme un enfant pris en faute. Elle me caressa la joue, doucement. Elle était si compréhensive.

_Deux…Et encore deux…Et…Trois…Et encore deux…

_Une sacrée cuite dis donc s'exclama Emmett en me faisant entrer.

La forte luminosité des lieux me fit plisser les yeux. C'était douloureux. Trop de lumière. Trop de voix, de bruits. Je souhaitais le calme, j'avais sommeil. Baillant, je me sentis de nouveau soulever.

_Je sais marcher.

_Pas dans cet état rétorqua-t-il.

Sa voix était si tendue, si forte et grave. Il contenait une sacrée colère. Je trouvais cela sacrément culotté de sa part. Il n'avait aucun droit sur moi.

_Oh ! Monsieur est en colère ! Monsieur le méchant Vampire est un rabat-joie.

_J'adore cette Bella, qu'en pensez-vous ? Tonna la voix d'Emmett.

Je n'entendis pas la réponse vu que nous étions arrivés à l'étage. Mais je me permis de hurler de toutes mes forces.

_Moi je l'adore. Moi !

Je partis d'un grand rire avant que les ténèbres ne me happent vers leur inconnu. Promptement, suavement, me faisant quitter les lieux, me faisant omettre ses bras.