Auteur : Yami Flo

Genre : Drama ; spoilers de l'épisode 25 / volume 4.

Disclaimer : Fullmetal Alchemist et tous ses personnages appartiennent à Hiromu Arakawa.

L'Etranger

On lui a souvent dit que, petite fille, elle avait une très bonne relation avec lui. Ils s'adoraient. Il prenait constamment des photos d'elle, qu'il venait montrer avec fierté à tous les hommes de la caserne. Tous ceux à qui elle parle et qui l'ont connu autrefois, même vaguement, en ont un souvenir précis, et elle sent dans leurs voix, elle voit dans le fond de leurs yeux une étincelle d'amusement, qui disparaît bien vite sous le regret.

Cela fait mal. Un peu. Pas vraiment. Elle ne sait pas ce qu'elle doit en penser.

Surtout lorsqu'ils évoquent des souvenirs de lui devant elle. Dans ces moments là, elle sourit poliment, tâche d'écouter, tout en baissant la tête pour que la tristesse et la rancœur au fond de son regard ne soient pas visibles.

Elle était si jeune lorsqu'il est mort qu'elle n'a plus de véritables souvenirs de lui. Pourtant, elle sait, elle sent que sa disparition brutale de son existence a fait mal. La preuve ? Elle a un souvenir presque intact de cette journée au cimetière, de cet enterrement qui lui prenait l'un des piliers de sa vie. Mais le reste est noyé dans une brume compacte dans laquelle elle ne peut retrouver son chemin.

Son père reste l'un des points d'interrogation de son existence.

Ce qu'elle connaît de lui, ce sont les photographies sur les meubles, qu'il a pris ou qui ont été prises de lui, ce sont ce qu'en disent ses anciens subordonnés, quelques fois ses supérieurs, parfois ses proches amis. C'est aussi ce qu'en dit sa mère, lorsqu'elle veut bien lui en parler.

Ce sont les lettres qu'il a écrites à sa mère, avant ou après leur mariage, lorsqu'il était stationné ailleurs qu'à Central et ne pouvait utiliser le téléphone. Ce sont les petits objets qui lui appartenaient, et qui ont été conservé comme des reliques par sa mère. C'est une bouteille d'eau de Cologne, à peine entamée, dont elle ouvre parfois le bouchon pour en respirer les effluves et tenter, vainement, de se rappeler de quelque chose qu'elle n'a plus en mémoire.

Et c'est un nom, un grade et une épitaphe sur une tombe, auxquels sont ajoutés des dates de naissance et de décès. Voilà tout ce qu'elle connaît de son père.

C'est peu. Trop peu pour qu'elle puisse prétendre le connaître vraiment.

Parfois, elle s'agenouille devant la cheminée, et tranquillement, méthodiquement, elle met quelques clichés les uns à côtés des autres. Il est toujours dessus, toujours souriant, parfois en civil, parfois en uniforme. Elle le voit vieillir légèrement au fil des années, son visage se modifiant petit à petit, passant de celui d'adolescent à celui d'homme mature, tenant son unique enfant entre les bras, sa femme à ses côtés, souriante.

C'est drôle d'imaginer qu'il n'a jamais dépassé ce stade, même quinze ans après. C'est drôle de toujours l'imaginer avec ses éternels cheveux noirs, qui ne blanchiront jamais.

Elle scrute toujours son visage avec la même attention, malgré le nombre de fois où elle a vu ces vieux clichés.

Il a l'air heureux. Elles aussi. Ils ont tous l'air joyeux et insouciants. Ils ont l'air de se connaître, d'être ravis de la présence des uns des autres. Elle pourrait presque s'imaginer à nouveau dans la peau de cette petite fille au grand sourire radieux. Elle pourrait…

Si elle avait conservé suffisamment de souvenirs de cette époque.

Tranquillement, Elysia range les photographies dans leurs étuis ou leurs albums. Elle se contente de regarder la dernière avec attention. Finalement, elle la range à son tour, son visage exprimant son amertume et son chagrin.

Maes Hugues était peut-être son père, mais pour elle, il restait avant tout un étranger dans sa vie.