Chapitre 1 Retrouvailles douloureuses

Il y eut une énorme explosion faisant vibrer les murs. La fenêtre de sa chambre se fendit.

Leonard arriva précipitamment dans sa chambre. Sans même prendre la peine de frapper, ce qui n'était pas dans ses habitudes.

Il était arrogant et insupportable, mais au moins, on ne pouvait pas lui reprocher d'être impoli ou grossier.

« Fais tes valises, ma chérie. » dit-il en lui attrapant le bras et en la levant de force.

Kaname lisait tranquillement sur le vaste sofa de sa chambre quand l'attaque avait commencé.

Elle espérait ce moment depuis si longtemps, qu'elle resta blottie sous sa couverture, sans bouger un léger sourire aux lèvres, jusqu'à son arrivée brutale.

« Lâche-moi ! » lui cria-t-elle.

Le seul contact avec sa main la rendait malade. Elle le détestait. Ses quelques mois passés en sa compagnie n'avait en rien atténuer le dégoût qu'il lui inspirait. Bien sûr il était très prévenant et attentif à ses moindres désirs. Ce qui l'exaspérait encore plus. Comment pouvait-il croire qu'il pourrait la séduire de façon aussi vulgaire ? Elle n'était pas le genre de fille à se laisser acheter. Comment pouvait-il s'imaginer le remplacer ? Pire qu'il valait mieux que lui !

« Nous sommes attaqués, et je ne suis pas sûr de pouvoir garantir ta sécurité. Prends tes affaires, nous partons ! »

Cette réflexion la fit sourire. Un certain otaku de sa connaissance n'était peut-être pas aussi raffiné, mais lui, au moins, pouvait garantir sa sécurité…

« Bien donne-moi 10 minutes pour prendre ce dont j'ai besoin, je te retrouve en bas. » et surtout dégage de là pauvre type…pensa-t-elle. Décidément, tout ça la mettait de très bonne humeur.

Il n'avait pas envie de la quitter dans un moment pareil, mais elle était disposée à faire ce qu'il disait sans discuter, ce qui était assez rare, et il avait certaines dispositions à prendre pour assurer leur fuite. En la voyant s'activer pour ranger ses affaires, il se décida à sortir.

Avant de refermer la porte, il lui dit une dernière fois : « Dépêche-toi, je t'attends dans 5 minutes. »

Forcément, elle lui en avait demandé 10. Il l'avait fait exprès. Mais en fait, elle n'avait pas besoin de tant. Tout était près depuis longtemps tellement elle espérait que ce jour arrive.

Elle attrapa le sac de voyage glissé derrière un horrible manteau long qu'il lui avait offert. En fait, le manteau était magnifique, mais elle le détestait comme tout ce qu'il avait choisi pour elle. Elle détestait surtout l'idée qu'il connaisse ses goûts.

Dans le sac était déjà rangé l'essentiel de ce dont elle avait besoin. Les vêtements qu'elle avait le jour de son arrivée, son uniforme de Jindai, sa trousse de toilette, et le précieux bracelet de lapis lazuli offert pour son anniversaire.

Elle enfila ses baskets et un pull et courut à la fenêtre. Elle voulait voir l'AS. Peut-être le pilote la remarquerait-elle. Elle se pencha sur le balcon, manquant de tomber pour se faire voir. Mais l'arastol chargé de sa surveillance la fit rentrer de force, à peine avait-elle commencé à lever le bras vers l'AS.

Après cela, elle attendit quelques minutes pour descendre. Elle n'était pas pressée de retrouver Leonard. Et plus elle attendait, plus les chances de fuir avec lui diminuaient. Peut-être même qu'il partirait sans elle. Il n'était pas très courageux, et il préférerait sûrement sauver sa peau, plutôt que de risquer quoi que ce soit pour elle.

D'un autre coté, elle n'avait pas très envie qu'il vienne la chercher, il serait alors désagréable, et après tout, elle était sa prisonnière. Elle avait été bien traitée jusque là, mais ça pouvait toujours changer.

C'est donc à regret qu'elle quitta sa jolie chambre, et descendit lentement vers les sous-terrains. Elle pensa tout de même avant de sortir à laisser un mot bien en évidence sur la table pour dire où elle pensait être emmenée et pour où ils allaient passer. Et surtout donner les codes d'accès aux sous-sols.

Leonard, accompagné de deux arastols l'attendait aux pieds des escaliers. Il portait toujours son habituel costume noir, mais cette fois, il avait mis son manteau de protection. Celui qu'il avait créé pour arrêter les tirs ennemis. Celui qu'il avait quand il était venu à Tokyo chez Kaname la vieille du jour où il avait faillit tuer… Autant ne pas remuer de mauvais souvenirs.

Il avait aussi plusieurs valises autour de lui. Portées par les arastols.

Il lui sourit en la voyant approcher.

« Tu as fait vite, mon amour. Tu vois c'est que j'aime chez toi. Contrairement aux autres jeunes filles qui paniqueraient dans ce genre de situation, tu sais aller à l'essentiel et garder ton calme. »

Mon amour ! De quel droit l'appelait-il comme ça ! Elle était sur le point de le lui faire remarquer quand il lui prit la main pour la faire passer devant lui.

« Allons-y maintenant. Un hélicoptère nous attend à la sortie des laboratoires sud. »

Elle sourit et s'enfonça avec lui dans le couloir mal éclairé. Coté sud, elle avait deviné juste. Il voulait essayer de rejoindre la base en Argentine au plus vite. Il n'avait jamais eu vraiment confiance dans ces collègues du nord. Les Américains et les Canadiens n'étaient pas assez ambitieux à son goût. Trop de pression diplomatique.

Le trajet n'était pas très long, le couloir devait à peine faire 800m. Il fallait qu'elle gagne du temps. Elle arrêta de courir, mais il la tira, en la regardant avec surprise.

« Quelque chose ne va pas ? »

« Je… je crois que j'ai oublié… » commença-t-elle. Elle ne savait pas trop quoi inventer, mais il ne lui laissa pas le temps de réfléchir.

« Ne t'inquiète pas ma chérie, tout ce dont tu as besoin, nous le trouverons là-bas. J'y pourvoirai personnellement. »

Merde !

Il la tira de plus belle. Il semblait avoir peur. Elle ne l'avait jamais vu comme ça. Lui toujours si sûr de lui.

D'un coup, perdue dans ses pensées, elle ne vit pas les marches devant elle, et s'effondra par terre. Il n'eut pas un geste pour la retenir ou la rattraper. Il fut même surpris par le bruit de sa chute.

Elle eut du mal à se relever. Visiblement, elle s'était bien amochée les coudes dans sa chute. Il lui tendit une main secourable alors même qu'elle était presque debout. Elle lui jeta un regard noir.

« Et bien, ma chérie, je te croyais plus vigilante », lui dit-il avec un sourire narquois. Elle s'était fait mal, et n'avait plus aucune envie de courir. Elle se frotta légèrement le bras et vit qu'elle avait troué son pull. Son coude était râpé sur toute la longueur, et la douleur lui cuisait le bras. De même sur les jambes, qui étaient mieux protégées sous son jean.

Il était sur le point de repartir mais s'aperçut qu'elle ne le suivait pas.

« Ca ne va pas ma chérie ? Tu ne peux plus marcher ? »

« … »

Il fit un signe à l'arastol qui l'attrapa sans ménagement et la mit sur son épaule.

Elle cria et se débattit, mais il la tenait fermement.

Au bout de quelques mètres, elle n'en pouvait plus.

« Dis-lui de me lâcher, je vais être malade ! » dit-elle sur un ton qui se voulait aimable.

« Tu vas pouvoir marcher ? »

« Oui, ça va aller. » mais c'est pas grâce à toi.

Arrivés au bout du tunnel, ils virent l'hélicoptère prêt à partir sur le pont d'envol.

Plus que quelques mètres.

Zut, on va réussir !

D'un coup, un sifflement strident suivi d'une explosion vint briser le calme relatif du paysage.

L'hélicoptère était caché sous une épaisse fumée noire.

Leonard s'arrêta, stupéfait et terrifié. Il attrapa Kaname et la serra contre lui.

« Ne t'inquiète pas, mon amour, je ne partirai pas sans toi. »

C'est bien ma chance, il faut qu'il se décide maintenant à être courageux…

La fumée se dispersant, l'hélicoptère était toujours là, mais il n'y avait plus qu'un seul arastol en piteux état, l'autre avait du se prendre la roquette de plein fouet.

Un AS s'approchait d'eux. Kaname souriait, sentant enfin sa délivrance approchée.

Pourtant l'AS ne semblait pas s'intéresser à eux, il semblait les regarder sans trop savoir quoi faire et partit dans une autre direction. La bataille semblait se dérouler plus loin.

Il ne restait que Leonard, Kaname et l'hélicoptère.

Leonard rassembla ses affaires éparpillées dans l'explosion de l'arastol et continua d'avancer vers l'appareil.

« Attends, nous sommes encerclés, ce n'est pas la peine. Dès que nous aurons décollé, ils vont nous descendre comme des lapins ! » Kaname était folle de rage. Si près du but…

« Ne t'inquiète, ma chérie, fais-moi un peu confiance. J'ai conçu moi-même cet appareil, et ce n'est pas avec leurs jouets de cow-boys qu'ils vont pouvoir nous atteindre. »

Il plaça ses affaires sur le siège arrière et revint la chercher.

Il lui tendait la main pour l'inviter à le suivre.

Elle allait pleurer. Ce n'était pas juste. Pourquoi faillit-il toujours qu'il s'en sorte ? Elle restait tétanisée, incapable de bouger de parler ou même de penser.

Il commença à la tirer doucement vers lui, quand une rafale vint interrompre son mouvement.

Son manteau arrêta les balles juste avant de l'atteindre, encore un fois.

« Lâche-là ! » hurla Sosuke, sa mitraillette à la main. Il avait couru aussi vite que possible après avoir le message de Kaname. Il avait attendu ce moment depuis des mois. Enfin il la revoyait. Elle était encore plus belle, ses cheveux en bataille. Il remarqua tout de suite les petites traces de sang sur son bras. Il serra les dents. Il lui avait fait du mal.

Plusieurs émotions se mélangeaient en lui. La joie de la retrouver, mais aussi la culpabilité de l'avoir laissé partir, la colère de la voir blessée et la haine de revoir celui qui la lui avait volé.

« Chidori éloigne toi de lui. » lui dit-il.

Elle ne bougeait pas.

Elle entendit le rire de Leonard résonner dans sa tête. Tout ceci ne pouvait être réel.

« Tu vois Sagara, elle préfère rester avec moi. »

En effet, Kaname se rapprocha de lui. Elle était devant lui. Elle faisait bouclier. Elle le protégeait.

Sosuke ne comprenait rien. Pourquoi avoir laisser un message disant où la trouver si elle voulait rester avec lui ? Un piège ?

Il vit l'arastol bouger vers lui. Il tira. Cette fois, il avait choisit des balles perforantes, et l'arastol déjà bien amoché ne résista pas à une rafale. Il s'effondra bruyamment.

« Chidori, viens avec moi » demanda-t-il, paniqué.

Elle ne bougea pas. Mais il vit ses lèvres trembler. Non, ce n'était pas un tremblement, elle lui parlait.

Elle se décala légèrement sur le coté, toujours devant le corps de Leonard qui ne voyait rien de son dialogue muet.

Il riait toujours devant l'air déconfit de son adversaire. Il n'aurait pas le plaisir de le tuer aujourd'hui, mais il pouvait s'enfuir avec sa belle, ce n'était donc que partie remise.

« Tu ne peux pas l'atteindre avec ce manteau. Je peux bloquer son effet, mais je dois être à coté. Tir à travers moi. »

« Non ! » Sosuke hurla. Il ne pouvait lui tirer dessus. Il visait toujours la tête de Leonard et son sourire sournois.

« C'est le seul moyen. »

D'un coup Leonard sentit une présence dans sa tête comme Kaname se rapprochait de lui.

Son sourire s'affaissa aussitôt. Elle pouvait contrôler le Lambda Driver de son manteau par Résonance. Mais pour cela, elle devait être en contact avec le manteau et se substituer à l'esprit de Leonard.

« C'est donc ça, petite garce ! » Il essaya de la pousser, mais elle restait fermement accrochée à lui.

« Très bien voyons si notre assassin a du cœur. Grand dilemme Sergent Sagara. Pour tuer ton ennemi tu dois tuer ta bien aimée. Et si tu ne le fais pas, je l'emmène avec moi. Et cette fois, je peux t'assurer que je ne serai pas aussi compréhensif ! »

Sosuke regarda Kaname. Elle avait les larmes aux yeux, mais semblait décidée.

« Tires ! » Cette fois elle avait parlé.

« Mais je… »

« Y pas de mais, abruti, tires ! Je préfère mourir que de passer une minute de plus avec cet individu ! » Elle le regardait fixement. Elle avait dans le regard cette intensité qu'il connaissait si bien. La même qu'elle avait avant une compétition. Celle qui voulait dire qu'elle allait gagner quoi qu'il arrive.

Leonard commença à aller vers l'hélicoptère, cette fois tenant son bouclier par le col. Elle voulait se faire tirer dessus, grand bien lui fasse.

Elle l'arrêta. Elle avait du mal à utiliser la Résonance sur lui, mais elle parvint à le bloquer quelques secondes.

Elle s'appuya sur son épaule, bascula légèrement la tête en arrière, et ferma les yeux. Elle murmura quelque chose à l'intention de Sosuke, qui tira.

La balle transperça son épaule gauche puis continua sa course et atteignit Leonard à la poitrine. Il regarda la balle arriver les yeux vides. Elle commandait son esprit, il ne pouvait pas bouger et son Lambda Driver était bloqué. Jamais il ne l'aurait cru capable d'une telle chose. Il savait que c'était un mercenaire et qu'il avait tué des centaines de personnes, il s'en était même moqué souvent devant Kaname, mais de là à tirer sur elle pour l'atteindre…

Pourtant, il put bouger une fraction de seconde avant que la balle ne l'atteigne, réduisant de beaucoup les dégâts de l'impact. Au lieu de l'atteindre en plein cœur, la balle vint se loger sur le coté entre deux cotes.

Kaname, elle n'avait pas bougé et avait reçu le coup de plein fouet. Elle sourit un instant avant de s'effondrer.

Leonard lui aussi gravement blessé, ne tenta pas de s'enfuir. Son poumon était sûrement touché. Il se baissa pour contempler une dernière fois celle qu'il aimait, à sa manière, puis regarda Sagara s'approcher pour le menotter. Il ne jeta même pas un regard à celle qu'il venait tout juste d'abattre.

« Alors, ça y est, tu as gagné. Si tu ne l'as pas, personne ne l'aura. Et tu as préféré la tuer. »

Sosuke ne répondit pas. Il appela les renforts pour qu'ils viennent chercher son prisonnier. Après un coup sec derrière la nuque, Leonard s'effondra à son tour.

Sosuke se baissa alors sur le corps inerte de Kaname. La balle n'aurait pas du toucher son cœur. Pourtant, elle ne bougeait plus. Une marre de sang se formait autour d'elle. Il la retourna et la prit dans ses bras, en essayant en vain d'arrêter l'hémorragie.

Elle ouvrit une dernière fois les yeux et sourit en voyant son sergent préféré si près d'elle. Elle en avait tellement rêvé ! Elle tendit sa main droite vers lui et lui caressa faiblement la joue.

« T'en as mis du temps, imbécile ! »dit-elle dans un souffle.

Elle ferma les yeux en souriant. Sa main retomba à coté d'elle.

Après tout fut noir autour d'elle.