Disclaimer : Les personnages appartiennent à leur créateurs de chez Marvel Comics, mais plus particulièrement à ceux qui les ont adaptés pour le grand écran, chez Marvel Studio's, qui appartient à Disney. Les citations et les références sont à leurs auteurs. Je ne tire aucun bénéfice financier de ce texte.

Rating : T, parce que pas très drôle cette fois. Surtout dans la suite.

Pairing : Sam Wilson/Bucky Barnes, on ne se cache plus. Toujours Steve Rogers/Tony Stark en soutien.

Notes et blabla : Pour le titre, je vous renvoie à la chanson "Fly Me to The Moon", de Sinatra si je ne m'abuse, mais repris par nombre d'artistes notamment Stephanie Schneiderman qui a donné la version la plus douce qui soit.

Finalement, je n'arrive pas à m'arrêter. J'étais tellement triste d'avoir fini Help, I'm Alive que je n'ai pas réussi à m'arrêter là. Je suis définitivement accro au couple. Et les personnages sont très attachants, et leurs facettes ont de multiples personnalités qu'il est très plaisant de creuser. Donc du coup, nous voilà. Avec non pas un OS mais une petite fic, en trois ou quatre chapitres, je ne sais pas encore. Je voulais attendre un peu mais finalement je commence maintenant. Pourquoi ? Parce que c'est le mois d'octobre, et que vu les thèmes explorés, je voulais le publier pour Halloween. Mais vu que c'est un OS, on commence maintenant, et je vais essayer de maintenir la cadence pour qu'on atteigne le point d'orgue, justement, pour Halloween. Sur ce, je vous laisse et vous souhaite une agréable lecture !


Partie I – Guess What ?
I'm Not a Robot

A une seconde près, Lucky heurtait Clint, et le pauvre archer dégringolait dans les escaliers. Heureusement pour lui, le hasard était de son côté et son chien passa juste devant ses jambes alors qu'il posait sa main sur la rampe d'escaliers. D'autant plus que Clint était encore beaucoup trop ensommeillé pour avoir de bons réflexes. Pieds nus, il descendit les marches une par une. En bas, le bruit de la machine à café se faisait entendre. Lucky se mit à aboyer joyeusement en entrant dans la cuisine, et avant même que Clint ne passe la porte, il eut la confirmation que Kate Bishop était de retour, dans son petit appartement de Brooklyn. Elle tourna la tête vers lui et leva ses lunettes de soleil, dardant sur son mentor, s'il était permis de l'appeler ainsi, un regard amusé.

« Incroyable, tu es intact.

- Je suis pas un pot, répondit Clint en se dirigeant avec automatisme vers la tasse de café la plus proche. Je ne me casse pas si je tombe.

- L'espoir fait vivre, répliqua Kate en détournant le regard. Enfin, je suppose que Barnes t'aide à traverser les jours sans te blesser. »

Clint se contenta de rire jaune alors que Lucky venait au niveau de ses genoux pour réclamer des caresses, manifestement excité comme une puce. Une puce. Ironique, pour un chien. Notant dans un coin de sa tête de sortir cette blague à voix haute la prochaine fois qu'il verrait Bucky au bureau, l'archer fit passer ses doigts dans les poils blonds de son chien borgne.

« Plutôt que médire, sache que ça fait plusieurs jours qu'il est parti en mission. A Cuba en plus. Quel veinard.

- Veinard, répéta Kate en fronçant les sourcils. Une mission reste une mission, et je crois pas que le SHIELD le fasse sortir de son bureau pour rien.

- Katie, soupira Clint en s'attirant un regard désapprobateur de sa protégée. Il est à Cuba, avec l'amour de sa vie, son meilleur ami et Natasha ! Dis-moi qu'est-ce qui pourrait mal tourner, hein ?

- Eh bien, dit Kate en serrant le poing, Cuba ?! »


« Buck. Donne ta main. »

Sam tendait la sienne aussi loin qu'il le pouvait. Les jambes coincées sous les gravats, le crâne recouvert de poussière et la gorge aussi brûlante que les flammes qui crépitaient en contrebas, il écarta les doigts pour tenter, encore, de se rapprocher de Bucky. Celui-ci s'accrochait au rebord de la gouttière avec l'énergie du désespoir, les yeux fous, la respiration laborieuse, ses prunelles ne parvenant à s'accrocher à aucun point fixe, que ce soit Sam, le sol, ou quoi que ce soit d'autre.

« Buck, insista Sam, il faut que tu lâches, je ne peux pas t'attraper si tu ne bouges pas. »

Bucky lui jeta un regard empli de détresse. Ses cheveux se collaient à sa peau où se mêlaient sang et sueur, et il se mordit la lèvre, avant de clore ses paupières et de secouer la tête.

« Je peux pas, insista-t-il, je peux pas.

- Si, persista toutefois le Faucon. Ça va aller bébé, je vais pas te laisser tomber. Lâche et attrape ma main, d'accord ? »

Mais Bucky était loin d'approuver. Ce n'était pas comme s'il n'avait jamais pris de risque, comme s'il n'avait jamais dégusté quelques hauteurs, ou comme s'il ne s'était jamais retrouvé aux prises avec la gravité en chutant d'un immeuble. Mais là, c'était différent. Parce que le seul moment où Bucky s'était senti aussi mal, c'était sur ce train, dans les Alpes. Le seul moment où il s'était senti aussi impuissant, c'était avant de sombrer dans cet enfer de glace, et d'être ramassé par le docteur Zola. C'était la seule fois où il s'était vraiment dit que c'était la fin.

Son bras en métal avait déjà sombré. Tout son flanc s'imbibait de sang. Il se sentait à la fois faible et lourd. Il glissait, sentait l'air brûlant venir le caresser, mortellement et fatalement.

Et Sam, au-dessus, avait l'air complètement impuissant. Il tendait la main, tentait de se rapprocher, encore et encore, malgré tout ce qui lui était tombé dessus, parce que ce décor aux couleurs chaudes, pour ne pas dire enflammé, lui rappelait trop ce dont il ne voulait pas se souvenir.

« Buck, s'il te plait. Accroche-toi. Concentre-toi. Donne-moi la main mon amour. »

La gouttière finit par céder sous son poids dans un grincement assourdissant. Bucky fut incapable de savoir s'il avait hurlé ou non. Il avait tendu la main vers Sam, comme il l'avait fait autrefois, comme pour capturer cette image, cette dernière image avant de sombrer en enfer.

Mais la main de Sam se referma autour de son poignet, quand bien même celui-ci ne retint pas un cri non plus. Bucky resta suspendu dans le vide. Sam ne le lâcha pas. Il l'aida à remonter, alors que le son de l'hélicoptère piloté par Natasha se faisait enfin entendre.


Steve fit passer une couverture sur les épaules de Sam, mais sur le coup, il ne sut même pas si son ami la sentit. Assis sur un siège, celui-ci avait le regard vide, rivé vers le sol, tandis que l'immeuble en flamme s'éloignait au fur et à mesure. Ou plutôt, qu'ils le fuyaient aussi vite que pouvaient les porter les hélices. Bucky était allongé sur le sol de la machine volante, et pourtant, malgré son bras manquant, il se comportait comme d'habitude. Avec un sourire en coin, comme s'il n'avait pas eu la peur de sa vie quelques instants plus tôt.

Natasha pilotait calmement et sereinement mais ses mains tremblaient encore. Elle annonçait au SHIELD que tout s'était bien passé mais que l'équipe était hors-service pour le moment. Ce sur quoi elle préféra couper la communication. Elle n'en avait pas l'air, mais en fin de compte, elle était passablement agacée. Parce que le SHIELD ne les avaient envoyé que tous les quatre. Non pas en tant qu'Avengers, mais en tant que « simples » agents. Et maintenant, ils se retrouvaient là, avec sur les bras des problèmes qu'elle aurait bien aimé résoudre avec les Avengers. Bon sang, quelques coups de marteau magique ou une ou deux super armures n'auraient vraiment pas été de trop. Alors oui, tout le monde était sauf, mais –et elle était certainement la seule à s'en rendre compte pour le moment-, ils avaient dû en payer le prix.


« Hey… Fit Bucky. Est-ce que ça va ? »

Sam sursauta à peine et tourna la tête vers Barnes. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il s'était endormi. Assis sur la chaise à la gauche du lit d'hôpital où était cloué Bucky, il lui offrit un faible sourire et hocha la tête.

« Toi ? Se contenta-t-il de dire.

- Oui Sam, soupira Bucky, je vais bien… Merci. »

L'autre sourit une seconde de plus puis sa mine s'assombrit en avisant la silhouette allongée. Tout le côté gauche de Bucky était enveloppé dans des bandages, avec un masque à oxygène qui couvrait la moitié de son visage. Alors certes, si on lui demandait comment se portaient ses blessures, Sam répondrait qu'il allait très bien et qu'il se rétablissait correctement. Si on lui demandait comment il se sentait, la réponse serait certainement plus opaque.

« Ne me remercie pas, se contenta-t-il de dire. Sauver les gens… C'est ce que je fais, non ? »

Bucky fronça les sourcils à cette phrase, plutôt interloqué. Ce n'était pas comme si c'était la première fois qu'il se retrouvait dans un lit d'hôpital après une mission assez ardue, qu'elle vienne du SHIELD ou des Avengers. Mais il avait très rarement vu Sam avec une si petite mine. Rectification, c'était la première fois qu'il le voyait ainsi. Il ne saurait l'expliquer mais l'ancien parachutiste semblait distant, nerveux. Voire même agacé. Après avoir grimacé, le Soldat détourna le regard.

« J'ai eu peur, tout de même, » avoua-t-il.

Sam, qui se rendormait, sursauta presque et posa de nouveau les yeux sur Bucky, qui fixait le plafond.

C'était le milieu de la journée. La chambre était passablement éclairée, et quelques bruits de pas accompagnés de chuchotements leur parvenait de l'autre côté du mur. De son unique main, Bucky se frotta les yeux et soupira.

« Pas peur de tomber… Tenta-t-il. Enfin, si, naturellement, mais ce n'est pas le… J'ai surtout eu peur de ne pas pouvoir te dire… (Il déglutit et osa enfin regarder Sam de nouveau). J'ai eu peur pour toi. »

Il tenta un sourire rassurant mais celui-ci ne réussit qu'à paraître triste, voire foncièrement désolé. Sam le scruta avec incrédulité, risqua un froncement de sourcil, mais son expression finit par se décomposer quand Bucky acheva :

« Tu as déjà perdu quelqu'un sans pouvoir lui dire au revoir. Et pendant que j'étais suspendu dans le vide, la seule chose qui m'obsédait… C'était que ça allait se reproduire. »

Wilson ne répondit pas. Il resta là, totalement incrédule, à regarder Bucky comme si c'était la première fois qu'il le voyait. Mais l'ancien assassin d'HYDRA put voir son poing se refermer, avant qu'il ne dise d'une voix qu'il voulait calme :

« Je vais chercher à boire.

- Sam. »

Alors qu'il avait déjà ouvert la porte, l'interpellé se tourna vers l'alité, légèrement hagard. Morphine obligeait. Bucky lui offrit de nouveau un sourire, faible, mais aussi tendre et chaleureux.

« Je t'aime. »

La mine de Sam s'adoucit soudainement, et ses yeux s'ouvrirent un peu plus, alors qu'il souriait à son tour, cette fois plus sincèrement.

« Moi aussi. Ne tombe pas d'une fenêtre en mon absence.

- Je le fais quand je sais que tu es là pour me rattraper. »

Sam secoua la tête, et sortit de la chambre en riant doucement.


« Sur ta gauche ! »

C'était sa tournée, c'était pas possible. D'abord Steve, et maintenant elle ? Pourtant, même s'il avait reconnu la voix, en tournant la tête, Sam ne put que s'étonner de voir arriver Natasha, petite et bondissante, à toutes jambes, vers lui. Plus que surpris, le Faucon ralentit quelque peu sa foulée, le temps qu'elle arrive à son niveau. A la vue de son sourire, il comprit que ce n'était jamais qu'un moyen d'attirer son attention. Le seul véritable boulet de canon humain restait Steve. Bucky n'était pas en reste, mais il était assez sympathique pour s'accommoder au rythme de Sam quand ils couraient ensemble. Quand il n'y avait que Steve et lui, ça devenait une course de vitesse. Quand ils étaient tous les trois, lui et Sam s'amusaient à anticiper les « sur votre gauche », et parfois, discutaient de manière parfaitement normale. La seule fois où Bucky avait voulu jouer au « sur ta droite », il avait dormi sur le canapé. Aujourd'hui, pour le jogging matinal, il n'y avait ni Bucky, ni Steve.

Mais tout de même. La présence de Natasha était totalement inédite. L'espionne n'était pas adepte de ce genre d'entrainement d'endurance. En fait, elle n'appelait même pas ça un entrainement, et encore moins un divertissement. « On court assez en mission, lui avait-elle dit une fois. Pourquoi s'infliger ça dès le réveil, avant ton super-petit déjeuner, en plus ? » Après tout, hormis les véhicules que fournissaient Stark, l'espionne n'avait jamais que ses jambes. Sam lui, avait ses ailes. Alors il lui avait répondu que parfois, il avait besoin de courir pour savoir ce que cela faisait d'être toujours au sol. Pour être conscient qu'il était toujours mobile, même s'il ne volait pas.

De toutes les manières, son jet pack était actuellement complètement hors-service. Tony avait certainement pleuré toutes les larmes de son corps en l'apprenant parce qu'il s'était échiné à le faire, mais bon. Steve détruisait volontairement ses motos en les jetant sur ses adversaires, alors ce n'était pas à Sam qu'on allait en vouloir. Surtout qu'il n'avait pas demandé à ce que cet imbécile de robot détruise ses ailes. Parce que s'il les avait eu, secourir Bucky aurait été beaucoup plus simple et…

Prisonnier de ses pensées et des souvenirs de cette affreuse nuit dont il tentait de se débarrasser en même temps que ses calories, Sam ne s'était même pas rendu compte que Natasha lui parlait. Il fallut que la rousse écrase son poing sur son visage pour qu'il se reconnecte avec le monde réel. Violent, le calibrage. S'occuper trop souvent de Clint lui avait manifestement donné de sales habitudes.

« Sam, grogna la russe, tu es avec moi ? »

La vache, ça faisait mal. Elle devait lui dire quelque chose de sacrément important pour qu'il la mérite, celle-là. Toutefois, Sam se contenta de secouer la tête.

« A cent pour cent, » répondit-il dans un grognement avant d'accélérer le rythme.

Bizarrement, Natasha en doutait.


« Aussi, continua Steve, tu vas devoir t'occuper du bras de Bucky, puisque…

- C'est formidable ! »

Steve écarquilla les yeux et fit brusquement volte-face, avant de couvrir Tony d'un regard complètement atterré. Tasse de café en main, ce ne fut qu'à ce moment que l'ingénieur sembla comprendre qu'il avait fait une gaffe. Même Dummy se permit de lui donner une petite tape sur l'épaule. Tournevis en main, Stark sourit de toutes ses dents mais compris qu'il ne faisait qu'aggraver sa situation, étant donné qu'il eut droit au regard « Captain America est Très Déçu ». Steve Rogers le savait sans doute, mais il était au moins niveau 15 en culpabilisation. Et malheureusement, Tony n'était que niveau 14 en insensibilité. Il tenta de ravaler son euphorie et d'arborer une expression neutre en disant :

« Oui, bien sûr… Je devrais pouvoir faire… quelque chose… Pour le jet pack de Sam et ton bouclier aussi… C'est terrible ce qui leur est arrivé, vraiment… Terrible. »

Toutefois, dès que Steve détourna le regard, Tony leva la main et asséna un « tape m'en cinq ! » à Dummy.


La main de Bucky se balada dans les draps. Rien du tout. Il grogna et détacha sa tête de son coussin. Pas de piège. A sa gauche, le lit était bel et bien vide, et froid avec ça. Interloqué, il roula jusqu'à la table de chevet, et jeta un coup d'œil à l'horloge numérique. 12 : 47. Sérieusement ? Le pire, c'était qu'il n'avait pas vraiment l'impression d'avoir récupéré. C'était sa première nuit à la maison depuis le début de la convalescence et les matelas du SHIELD étaient tellement inconfortables qu'il avait envie de se rallonger et de se laisser couler par le fond. Toutefois, il se dit que Sam devait être réveillé, avait peut-être préparé quelque chose à manger, et mince, il lui manquait, tout simplement.

Mais une fois arrivé dans la pièce à vivre, Bucky se rendit compte que la place était vide. Plutôt confus, il fronça les sourcils et fit le tour du salon, pour aller dans la cuisine, et revenir encore, mais non, pas l'ombre d'un Sam à l'horizon. Un bruit le fit tressaillir et l'ancien soldat se tourna vers la télévision. A sa droite, juste devant la bibliothèque, un petit durbec des sapins s'agitait sur son perchoir, l'ayant manifestement reconnu. Bucky siffla, puis sourit en s'approchant.

« Salut Redwing, dit-il en faisant passer son doigt sur le crâne de l'animal. Eh bien ? »

Sam et lui avaient trouvé Redwing en Alaska, avec une aile cassée, au pied d'un arbre. Et Avengers ou pas, ils s'étaient pris de tendresse pour la créature, qu'ils avaient soignée, en pleine mission d'infiltration contre l'AIM. Le temps de se rétablir le petit animal à plume avait eu le temps de développer de l'affection pour eux. Alors ils l'avaient ramené chez eux, à DC. Pas de cage. Ils étaient rapidement tombé d'accord là-dessus. Bien entendu les commentaires de l'équipe allaient bon train. Entre la couleur de l'oiseau, dont le plumage allait du noir au rouge en passant par quelques nuances rosées, et ses habitudes, étaient donnés que les durbec des sapins étaient connus pour être très confiants en hiver. Mais bon, Redwing était un oiseau facile à vivre, et de bonne compagnie. Pour un oiseau.

Le bec épais du rapace se referma autour du doigt de Bucky, qu'il se mit à mordiller. D'ordinaire, c'était le doigt en métal qu'il s'amusait à malmener, pour lui faire comprendre qu'il avait faim.

« Sam t'as pas nourri avant d'aller courir, hein. Quel goujat. Même moi, il m'a abandonné sans me donner ma friandise, je suis déçu. »

A ces mots, Redwing pencha la tête sur le côté et Bucky soupira.

« Bien sûr, tu n'as pas compris, soupira-t-il. J'en attendais un peu trop de toi. »

Sur ce, il se détourna et fila dans la cuisine. Il remplit un petit bol de graine avant de revenir le poser au pied du perchoir. L'oiseau s'en alla se nourrir. Bucky sourit et retourna dans la cuisine, faire chauffer les restes de la veille. Tant pis pour le petit déjeuner. Toutefois, quand il entendit le bruit de la clé dans la serrure de la porte d'entrée, il eut le réflexe de sortir la bouteille de jus d'orange du frigo et d'en verser dans un grand verre. Le four à micro-ondes sonna au moment où la porte de la cuisine s'ouvrait sur un Sam encore essoufflé.

« Hey, s'amusa Bucky. Où tu étais ?

- Jogging, répondit Sam en haussant un sourcil, comme s'il imposait l'évidence.

- Jusqu'à treize heures ? Siffla un Barnes pas vraiment dupe.

- Puis salle de sport avec Natasha, rebondit le sauveteur en haussant les épaules, se saisissant de son verre de jus d'orange. Taper quelques sacs.

- Oh. Et tu as oublié de me prévenir ? »

A ces mots, Sam sembla électrocuté, si bien que le rebord du verre de jus d'orange n'atteint pas ses lèvres. Il se tourna vers Bucky et il le fixa longuement. Comme s'il venait simplement de se rendre compte qu'il était là. De son côté, l'ancien soldat faisait la tragédienne affligée, une main sur la gorge, lui disant à quel point il s'était inquiété, et bon sang, « il y a un homme chez toi qui t'aime et tu le délaisses pour des sacs de sport ! ».

« La vie est trop dure, paracheva Bucky en collant le dos de sa main sur son front et en relevant le menton. Tout n'est que haine et souffrance. L'amour est un mensonge ! Dieu est mort !

- J'ai compris, fit Sam en pouffant, pour reposer son verre sur le plan de travail. Désolé, j'aurais dû te prévenir. »

Le Faucon s'en alla prendre le poignet du Soldat pour l'attirer à lui et l'embrassa sur le nez, ce qui arracha cette fois un véritable rire à Bucky.

« Okay, okay, tu es désolé mais mon amour tu empeste et tu es en nage. »

Sam rit de nouveau, puis finit son verre avant de sortir de la cuisine. Le sourire de Bucky s'éteint dès que la silhouette de Sam disparut derrière le seuil de la porte. Quelque chose clochait. Il aurait pu passer outre le fait que son compagnon ait oublié de le prévenir, après tout, c'était des choses qui arrivaient. Mais l'attitude de Sam, ses rires qui semblaient forcés, et son détachement apparent, c'était autre chose. Redwing s'agita dans le salon, ce qui poussa Bucky à quitter la cuisine en laissant sa pizza dans le four à micro-ondes. Le téléphone du Soldat vibrait sur la table basse. Chose qui avait tendance à faire baliser la boule de plumes. Mais bon, c'était des choses qui arrivaient. Il s'y ferait. Bucky tendit la main et se saisit de sa machine, procurée par Stark. Comme pour tout. A ce rythme, même ses sous-vêtements allaient finir avec un imprimé « Stark Industries ». Une photo de Steve, à l'époque où il était encore maigre, parut à écran. Du pouce, Bucky appuya dessus.

« Stark va s'occuper de ton bras. Essaye d'être là demain après-midi, je vais le forcer à dormir. »

Bucky pouffa et secoua la tête, mais alors qu'il allait reposer le téléphone sur la table, il vibra de nouveau dans sa main. Cette fois, ce fut une photographie de Natasha, en pleine filature, sous une capuche rayée, qui apparut.

« J'ai trouvé Sam bizarre ce matin. Il va bien ? »

« Si je savais, » répondit Bucky à voix haute.


Sam éclata sincèrement de rire quand les premières notes de « Let's Get It On » se firent entendre dans le salon. D'une part parce qu'il avait été surpris, et ensuite, parce que « Let's Get It On ». Cette chanson, ou tout du moins les premières notes,il n'y arrivait plus. C'était tellement connoté qu'il avait du mal à l'écouter sérieusement. Mais si en plus, Bucky Barnes dansait dessus, ça valait de l'or. Mince, voilà qu'il se déhanchait au point d'en oublier qu'il lui manquait un bras. Que quelqu'un arrête cet homme. Les bras sur les côtes, Sam n'arrivait pas à calmer son fou rire. De son index, Bucky, en tentant d'avoir l'air sérieux, lui fit signe d'approcher.

« Allez viens bébé, fit-il d'un ton parodique. Je vais te faire jouir comme un train de marchandises. »

Oh non. Pas ça. Pas E.L James. Pas dans sa maison ! Pas devant son oiseau ! Le pauvre Sam rit tellement fort qu'il heurta le mur le plus proche et s'écroula pour ne plus se relever.


« L'Épouvantail. Ce n'est pas brillant d'originalité mais c'est ainsi qu'il se fait appeler, énonça Maria en tendant sa tablette au Capitaine Rogers. D'autres l'appellent le Croque-Mitaine.

- D'autres ? Répéta un Steve passablement intrigué. »

Inutile de dire qu'il trouvait ces noms particulièrement stupides et se demandait s'il y en avait encore d'autres en réserve. Mais il ne faisait pas les règles.

« Des enfants, répondit Maria. La plupart des témoignages que nous avons sur lui sont surtout des témoignages d'enfants. Des orphelins ou des enfants des rues.

- Quelles sont ses capacités ? » Embraya immédiatement Rogers en faisant passer l'objet à Natasha.

La russe haussa un sourcil en avisant l'écran et Maria tour à tour. Cette dernière commençait à faire les cent pas dans la pièce, suivie du regard par tous les autres Avengers.

« Télépathie, maîtrise de nombreux arts martiaux, certainement la téléportation.

- Certainement ? Lui fit encore une fois écho Steve.

- Nos informations sur l'Épouvantail sont très limitées, » soupira Hill en passant une mèche de cheveux derrière son oreille.

Si le Capitaine pouvait arrêter de la regarder comme si elle était responsable, la directrice du SHIELD apprécierait énormément. Fury lui avait passé la main et bien entendu, elle refusait de se montrer ingrate mais si c'était pour se manger les mêmes reproches que son prédécesseur, elle aurait pu se passer de cette promotion. Cependant Captain America était expert en culpabilisation et de surcroît, tous les Avengers la fixaient avec une telle intensité qu'elle ne pouvait pas savoir s'ils étaient attentifs ou accusateurs.

« Pourquoi le SHIELD ne nous as pas dit que c'était un adversaire de cette trempe, rebondit Natasha en donnant la tablette à Bucky. Un autre psychique n'aurait pas été de trop dans cette affaire. »

Elle coula un regard discret à Wanda mais celle-ci ne lui en tint pas rigueur. Maria posa ses mains sur ses hanches.

« Nous ignorions qu'il serait sur les lieux. En fait, nous étions même sceptiques quant à son existence, avoua-t-elle en croisant les bras. Ce que vous deviez trouver à Cuba n'était rien d'autre qu'une base de l'AIM. Ce qui est arrivé à votre équipe n'aurait pas dû arriver. »

Ses yeux filèrent à Barnes mais hormis le poing et la mâchoire serrée, il ne semblait pas en passe de faire une bêtise. Maria déglutit, puis ferma les yeux quelques secondes en voyant son bras manquant. Elle prit une courte inspiration, le temps de se refaire un masque d'impassibilité, et affronta de nouveau le regard de Rogers. Celui-ci, les mains à sa ceinture, ne dit rien de plus et tourna la tête vers ses coéquipiers.

« Il y aurait donc de bonnes raisons de penser que l'AIM et l'Épouvantail travaillent ensemble ? Demanda alors placidement Rhodey, assis sur la table, une main sur la hanche.

- Ça semble logique, rebondit Scott.

- Reste à savoir pourquoi, ajouta Pietro.

- Mais nous avons perdu la trace de l'Épouvantail et de l'AIM à Cuba, déplora Steve. Tout ce qu'on peut faire pour le moment c'est le chercher, ou attendre une manifestation, et se préparer à l'affronter.

- Et comment tu comptes t'y prendre, demanda Tony en levant les mains, pour se préparer à affronter un adversaire dont on ne sait que peu de choses, et encore moins la localisation ou les plans ? »

Le regard que lui lança Steve lui fit clairement comprendre que lui-même n'était pas sûr de la marche à suivre. Un silence pesant s'installa dans la pièce et les Avengers se jetèrent des regards incertains ou alors baissèrent la tête.

« Vous dites que c'est un psychique, amorça alors la Vision. Mais… Quelle est l'entendue de ses pouvoirs ? Qu'est-il réellement capable de faire ? »

Ce disant, il regarda leur Capitaine, mais celui-ci ne put lui apporter de réponse précise. Hill quant à elle, récupéra la tablette qui avait fait le tour de l'équipe, tout en regardant le Faucon et le Soldat, assis l'un à côté de l'autre, derrière une table.

« Barnes, Wilson ? Vous avez affronté l'Épouvantail. Qu'est-ce que vous pouvez nous en dire ? »

Bucky arbora alors l'air le plus déplorable au monde, tandis que la mine de Sam s'assombrissait, et qu'il baissait les yeux. Les mains croisés sur la table, le Faucon ne dit rien et Steve comprit au regard de Bucky que les choses allaient être assez complexes. Clint reconnut immédiatement ces symptômes. Le regard vague, absent. L'esprit encore embrumé par une seule minute de terreur qui semblait aussi longue qu'une vie. Il l'avait expérimenté après les jeux d'esprit de Wanda sur l'équipe. Il se souvenait comment ils avaient voulu le gérer. Steve était resté assis au fond du quinjet, les yeux fermés, tentant d'avoir l'air le plus impassible possible, alors que Natasha était complètement perdue, en détresse, à peine connectée à la réalité. C'était deux manières différentes de gérer les choses. Sam choisissait d'affronter ça comme l'avait fait Captain America. Bucky quant à lui, était aussi éreinté que la Veuve Noire.

« Peut-être que, commença un Barton mal assuré en faisant taper ses mains l'une sur l'autre, qu'il serait mieux de leur laisser un peu de temps pour faire un rapport écrit et détaillé. »

Presque immédiatement, Bucky hocha la tête et le reste de l'équipe ne semblait avoir rien à redire. Au contraire, ils hochèrent la tête, relativement compréhensifs.

« Bien, dit Maria, passons maintenant à… »

La chaise grinça à côté de Bucky. Celui-ci tourna brusquement la tête, arraché à sa rêverie, pour voir Sam se lever si promptement qu'il manqua de peu de renverser sa chaise. Interloqué, Barnes écarquilla les yeux pour voir son compagnon traverser la pièce sans piper mot, et claquer la porte derrière lui.


Natasha attendait Sam à la sortie de la salle de sport. Comme presque tous les jours depuis leur retour de Cuba. Excepté les fois où elle était avec lui à l'intérieur. Et elle avait remarqué que chaque jour, il en sortait un peu plus tard. Là, il était quinze heures, et il n'était toujours pas en vue. L'espionne s'en étonnait assez et si cela n'avait tenu qu'à elle, elle serait certainement partie. Toutefois elle sentait que quelque chose clochait chez le Faucon, depuis la mission. La communication entre Bucky et lui semblait difficile. Wilson était plus renfermé, plus maussade. Fait étonnant venant de lui. Natasha savait que l'ancien sauveteur avait ses défauts et ses secrets, comme tout le monde après tout. Elle savait qu'il souffrait encore de stress post-traumatique, elle savait que parfois, il n'était pas aussi lumineux que les gens le voulaient. Mais la première fois qu'elle avait rencontré Sam, il était rayonnant, souriant. Et elle n'avait même pas protesté quand Steve avait voulu se cacher chez lui au moment où les choses s'étaient corsées avec le SHIELD. L'espionne avait toujours fait confiance à son instinct et avec Sam, il ne l'avait pas trahie. Maintenant, elle s'en voulait. Peut-être qu'ils n'auraient pas dû faire tremper le sauveteur dedans. Sa vie aurait été si différente s'il était parti courir ne serait-ce qu'une heure plus tard. Il avait rempilé pour aider Captain America, et leur confiance mutuelle l'avait poussé à s'engager même en temps qu'Avenger. Alors quelque part, peut-être que ce qui lui était arrivé, qu'importe ce que c'était, était de leur faute. La rousse se libéra de ces pensées quand Sam parut, relativement détendu, casque sur les oreilles. Il eut l'air passablement surpris en la voyant.

« Incroyable, est-ce qu'un autre assassin russe repenti aurait un faible pour moi ? » Dit-il en abaissant son casque pour lui sourire.

Dieu, que son sourire était sombre. La rousse leva un sourcil et lui offrit une jolie frimousse, incapable de dire si elle le dériderait.

« James est américain, ricana-t-elle.

- Il parle russe quand il est énervé, pouffa Sam en retour. C'est juste une visite de courtoisie ou tu viens me voir pour quelque chose de particulier ?

- Un peu des deux, » avoua Natasha.

D'un mouvement de tête, elle lui indiqua la route. Jetant son sac sur son épaule, l'homme volant la suivit, une main dans la poche de son short. Natasha avait l'air décontracté et confiant, comme toujours, le regard un peu vague et les yeux plissés, comme si elle avait la lumière du soleil dans les yeux. C'était l'expression qu'elle arborait quand elle cherchait désespérément à obtenir un rendez-vous pour Steve. Le bon vieux temps.

« Wanda prend l'affaire de l'Épouvantail plutôt au sérieux, annonça-t-elle. Tu sais qu'elle n'est pas en reste en ce qui concerne la manipulation mentale mais elle aimerait savoir à quoi s'attendre. »

Les lèvres de Sam furent soumises à une sorte de spasme alors qu'il gardait les yeux rivés sur le bitume qu'ils piétinaient en avançant. Il se doutait que la suite n'allait pas lui plaire, malgré les efforts de l'espionne pour lui faire croire que ce n'était pas aussi grave que ça en avait l'air. Que ce n'était que de la routine.

Cuba aussi, c'était censé être de la routine. Mais rétrospectivement, il pouvait dire que chaque mission qui partait en vrille était censée être une mission de routine.

« Elle voudrait regarder dans votre esprit, continua la rousse, d'une voix plus froide. Voir ce qu'il vous a fait.

- Wanda ne peut pas venir faire ses demandes elle-même, » grogna Sam de manière assez abrupte.

Une simple œillade suffit à Natasha pour voir que son ami était tendu comme un arc. Même s'il faisait tout pour le cacher.

« Je suis venu de mon propre chef, continua-t-elle. Wanda en touchera un mot à Bucky même si elle craint sa réaction parce que… Eh bien, tu sais. »

Elle n'avait pas besoin de s'étendre là-dessus, tous deux savaient parfaitement de quoi il retournait.

« Et si c'était moi qui disait non, argua alors Sam.

- Je crois que James est assez grand pour… Commença alors une Natasha un tantinet incrédule.

- Oui, Buck fera ce qu'il voudra, cracha le parachutiste. Là, je parle de moi. Wanda est très gentille et prévenante mais elle semblerait avoir oublié qu'on est deux dans cette histoire ! »

Les derniers mots avaient été prononcé plus fort que ce qu'il aurait cru, si bien qu'il ravala immédiatement son humeur et tenta de se calmer. Natasha cilla à peine, se contentant de hausser un sourcil pour le fixer mais il détourna le regard, honteux.

« Je sais, dit alors la russe. C'est pour ça que je suis là, moi. »

Sam déglutit, et passa ses mains sur son visage, avant de le garder derrière la barrière de ses paumes, le cachant à la lumière du soleil quelques instants. Quand ses mains tombèrent de nouveau le long de son corps, son expression était totalement différente. Il plissa les lèvres et regarda de nouveau le sol.

« Nat est-ce que tu… Dit-il à mi-voix. Tu as déjà été hors de toi… Au point d'avoir conscience que tu es en train de faire quelque chose d'horrible. Tu te vois agir mais tu es complètement impuissant, et ce peu importe à quel point tu voudrais arrêter. Tu sais que tu es soumis à une illusion mais tu es incapable de la rompre, et tu ne peux rien faire d'autre que te noyer et voir autre chose prendre le contrôle. »

Natasha déglutit. Elle se doutait bien que Sam n'avait pas choisi ces mots par hasard. En particulier alors que Wanda était au cœur de la conversation. Alors qu'elle battait des paupières parurent quelques flash lumineux, une salle de danse, des ballerines à bout de souffle, une femme au regard froid, des doigts crochus, une table couverte d'outillages, un lit d'hôpital, un immense couloir, oh…

« Tu sais très bien que oui, souffla-t-elle alors qu'un battement de cil plus tard, les images s'effaçaient, absorbées par un trou noir. Et tu sais aussi que je fais ce qu'il faut pour me pardonner. C'est toi qui me l'as appris. »

Un sourire sincère fleuri sur les lèvres pulpeuses de la Veuve Noire et elle parcourut la rue du regard. C'était une des nombreuses choses avec lesquelles Sam était arrivé. Tous avaient leur propre passé et leurs propres démons, et ils avaient appris à vivre avec, comme des épaves qui s'efforçaient de ne pas couler. Sam leur avait appris à se réparer, à se restaurer, pour mieux prendre la mer.

« Te pardonner d'avoir fait tout ça, oui. Mais est-ce que tu as déjà réussi à te pardonner de ne pas avoir été assez forte pour empêcher tout ça d'arriver ? »

Cette fois, l'espionne fit brusquement volte-face. Et elle n'empêcha pas une expression interdite d'envahir son visage. Parce que Wilson venait réellement de lui couper l'herbe sous le pied. Si elle était sûre que quelque chose clochait, cette simple phrase en fut la confirmation, brutale comme une douche glacée.

« Sam, dit-elle. Je ne voulais pas te le demander comme ça mais… Qu'est-ce qui s'est passé ? »


Tony généra l'hologramme du bras métallique de Bucky, fait lorsqu'il avait examiné la première fois la prothèse. On avait beau dire ce qu'on voulait, HYDRA avait fait du bon boulot, au moins pour ça. C'était un véritable miracle technologique. Mais Tony savait qu'il pouvait faire mieux. Beaucoup mieux. Après tout, il était Tony Stark. Et il ne pouvait s'empêcher d'être excité comme une puce rien qu'à l'idée qu'il allait enfin pouvoir le faire. Il reporta son regard à Barnes, assis sur une banquette, pensif, en train de scruter son téléphone. Le soldat avait l'air passablement angoissé, peut-être aussi agacé. Il remit son appareil dans sa poche en voyant arriver l'ingénieur. Steve était là aussi, debout dans le fond du laboratoire. Il aimait être là quand Tony travaillait mais il ne voulait pas le déranger, si bien qu'il observa l'ingénieur discuter avec son meilleur ami sans intervenir. Mais vint le moment où Tony demanda à Bucky, avec la subtilité inexistante qui était la sienne, comment l'accident était arrivé. Bucky se renfrogna et décida de ne pas répondre, et ce fut le moment où Steve comprit que quelque chose clochait. Cependant, il se résigna à attendre. Il discuta avec son ami d'enfance tandis que celui-ci allait prendre un café dans le bureau qu'il partageait avec Barton. Rogers se proposa ensuite de le raccompagner chez Sam en voiture, ce que l'autre ne refusa pas. Ce ne fut que lorsqu'ils furent loin du quartier général du SHIELD que Steve osa réellement poser la question.

« Qu'est-ce qui s'est passé, à Cuba ? Avec ton bras ? »

Il ne pouvait pas cacher qu'il était légèrement contrarié. Depuis leur retour de mission, ni Bucky ni Sam n'avaient parlé ouvertement de ce qui s'était passé, sur la manière dont ils s'étaient retrouvé suspendus au bord d'un immeuble à moitié détruit, sur ce qui avait bousillé le jet-pack de Sam, ou comment le bras de Bucky avait été arraché.

Le soldat baissa la tête et repassa une mèche de cheveux derrière son oreille. Il les avait laissé repousser et maintenant, pouvait les attacher en un petit chignon qui dégageait son visage. Steve sentait que son ami était tout sauf décontracté ces temps-ci. Et qu'il était impuissant.

« C'est Sam, » finit par avouer Bucky.

Sa voix se déchira sur ce seul nom, et il inspira par le nez, reniflant du même coup. Steve faillit dévier de la route, mais il garda les mains accrochées au volant tout en dardant sur son ami un regard des plus ahuris. Le coin des yeux de Bucky avait rougi mais il tentait de garder un visage digne.

Depuis la fin de son traitement, c'était la première fois que le super-soldat voyait son ami aussi proche d'une crise. Plus de crise de rage ou de larmes, et pourtant, là, devant lui, il sentait que Bucky faisait tout pour ne pas craquer dans la voiture.

« L'Épouvantail a… Repris le Soldat. Il nous a fait respirer une sorte de gaz. On… On a été forcé de se battre. J'ai réussi à m'en sortir parce que… Eh bien disons que ces conneries, ça me connait. Et Sam, eh bien… Quand il a repris conscience, mon bras gauche n'était plus qu'un souvenir. »

Les yeux gris de Bucky avaient accrochés la boite à gants, et il semblait incapable de bouger, la bouche entrouverte, respirant lentement, tentant de se calmer et d'évacuer les mauvaises sensations suscitées par ces souvenirs, encore beaucoup trop frais.

« C'était affreux Steve. Pas pour moi. Mais pour lui. Il s'est arrêté et… J'ai vu ses yeux. Le moment où il est redevenu maître de lui-même, où il s'est rendu compte de ce qui était en train de se passer, de ce qu'il était en train de faire. Il a eu l'air choqué, puis complètement horrifié. Je n'ai rien pu faire pour l'aider. Pas de phrase magique, pas de mots… Je n'avais rien, aucune arme, aucun remède pour le sortir de cette léthargie. Je n'ai même pas été capable de sauver l'homme que j'aime… Et tout s'est écroulé autour de nous… »

Impossible, sur le moment, pour Steve, de dire si cette dernière phrase était littérale ou métaphorique. Le super-soldat n'aurait certainement été aussi horrifié que s'il avait assisté à la scène de ses propres yeux. Parce qu'il avait une idée terriblement précise de à quoi avait assisté Bucky. Le moment où le Soldat de l'Hiver l'avait reconnu, après l'avoir battu à mort, sur l'héliporteur, s'imposa à sa vue.

Bucky passa sa main sur son visage et se pinça le nez, tête basse.

« Après tout ce qui s'est passé avec HYDRA… Je ne voulais pas qu'une telle chose arrive, et surtout pas à Sam…

- Comment il va, s'enquit Steve en risquant un coup d'œil vers son ami.

- On en parle pas… Soupira Bucky. En fait on… On ne parle presque plus. »

Sur ces mots, Steve Rogers préféra laisser le silence reprendre possession des lieux. Il se concentra de nouveau sur la route, tout en tentant de cacher à quel point il était secoué par ce qu'il venait d'apprendre. A quel point cela expliquait le comportement étrange de Sam, qu'il avait remarqué et qui avait même alerté Natasha. Il ferma les yeux, juste un instant.

« T'aurais pu essayer « sur ta gauche », » tenta-t-il.

Lui comme Bucky rirent, mais le cœur n'y était pas.


« Et la putain de sa mère… ! » Jura Bucky.

Clint tourna la tête pour voir son collègue et ami complètement atterré devant sa tasse de café renversée. Le liquide brun et brûlant se répandait sur le clavier immaculé de son ordinateur, qui s'éteignit sans protester plus que cela. Bucky soupira profondément. Depuis son entrée dans le service, ça devait bien être le douzième ordinateur qu'il assassinait. Hill n'allait pas apprécier. Pas du tout. Parce qu'il avait presque fini son rapport et que maintenant l'ordinateur se faisait la malle. Toutefois, à mi-chemin entre l'ennui profond et la constante résignation quand il s'agissait de ce genre de choses, Bucky se contenta d'écraser sa tête sur son poing et de regarder dans une direction aléatoire d'un air complètement désabusé. Il rappela à Clint les acteurs de The Office qui regardaient la caméra lorsque la situation les dépassait, si bien que l'archer éclata de rire.

« Attends c'était quoi que tu disais y a deux jours ? « J'assure » ?

- J'assure tout le temps Barton, répliqua Bucky qui souriait sarcastiquement. Mais j'ai quelques petits moments d'inattention. Tu as l'intention de te moquer de ton ami manchot ?

- Tu as dit manchot, je n'ai rien dit, siffla Clint en levant l'index. Avant que les médias ne m'attentent un procès pour atteinte à la dignité humaine. »

Bucky pouffa et secoua la tête tandis que Clint riait à son tour. Le soldat avait l'air de parfaitement s'adapter à son absence de bras gauche, et il insistait constamment auprès de ses amis et collègues pour ne pas se faire traiter comme un assisté. Un seul bras, ce n'était pas la mort. Et d'ordinaire, il s'y faisait très bien.

« J'étais juste… Foutu rapport, commença-t-il. J'avais la tête ailleurs.

- Wilson ? » Rebondit immédiatement Clint en prenant la tasse de café sur le bureau.

Barnes hocha la tête. Clint grimaça en se souvenant de ce moment où il pensait qu'une mission à Cuba aurait des allures de lune de miel. Il s'en alla remplir la tasse de son ami. Noire, avec des ailes blanches stylisées dessus. Barnes l'emportait constamment au bureau. Sam, de son côté, avait eu le droit à un mug gris orné d'une étoile rouge, qui l'accompagnait partout à l'Amicale des Vétérans. L'étoile avait été effacée du bras de Bucky mais il avait apprécié le concept. De toute façon, à l'heure actuelle, il n'y avait même plus de bras autour duquel faire germer une polémique.

« Quand j'ai fait tomber le sac de grain de Redwing j'ai cru que sa vie s'était arrêtée, confia-t-il en posant sa main devant ses yeux.

- Parce que ça fait un sac de grain de gâché pour votre précieux bébé ? Fit un Clint autrement incertain.

- Parce qu'il estime que ce qui s'est passé sur Cuba est de sa faute ! Jasa Bucky en sortant une boite de mouchoir de son tiroir. Il a beau dire le contraire, il a beau le nier de toutes ses forces… Il se sent tellement coupable qu'il ne s'en rend même pas compte ! Et ça me tue de le voir comme ça parce que… »

Il cessa de parler quelques instants et, de rage, posa une dizaine de mouchoirs sur le clavier imbibé de café tout en sachant que c'était un acte complètement vain. Il prit ensuite une grande inspiration. Clint posa sa tasse sur son bureau.

« Et s'il jetait l'éponge ? Et s'il estimait que frayer ensemble en tant qu'Avengers était trop dangereux ?

- Sam est pas du genre à jeter l'éponge, tenta Clint en fronçant les sourcils tout en s'écrasant sur son siège.

- Je sais mais… Mais Sam est… Comment t'expliquer. Il a perdu son pilote, qui était aussi son ami. Depuis, il essayait de faire une distinction entre le travail et la vie personnelle. Même à l'Amicale, il essaye de ne pas s'impliquer personnellement avec les personnes qu'il suit. Ici avec les Avengers, c'est différent, nous sommes amis. Mais lui et moi, on est ensemble.

- Barnes, où est-ce que tu veux en venir ? Poussa Barton qui n'avait pas eu le droit à une telle séance de confession depuis que Bucky avait arrêté son traitement. Sam t'aime, tu…

- J'ai peur qu'il me quitte Clint, finit par avouer Bucky presque brutalement. J'ai peur qu'il se dise que l'implication est trop forte et rend nos missions ensemble encore plus dangereuses. J'ai peur qu'il veuille réinstaurer cette limite, justement parce qu'il m'aime et veut me protéger. »

Il ne se sentit pas d'en dire plus mais il savait que Clint l'avait compris. Il l'avait aidé à rédiger son rapport, aussi avait-il une petite idée de la nature des événements, et il savait que Sam et Bucky n'arrivaient même plus à se regarder dans les yeux depuis leur retour de mission. Il ne pouvait que tenter d'imaginer que ce qui se passait dans leur tête, ce qui s'était passé là-bas et ce qui se passait maintenant, comment ils avaient vécu la chose, et comment ils tentaient de s'en sortir maintenant.

« Prend ton arme, dit-il alors en bondissant de sa chaise. Concours de tir dans le gymnase dans cinq minutes !

- Même avec un seul bras, tu vas chialer Barton ! Répondit l'autre sur un ton complice. »


Un mouvement sur la gauche de Bucky le fit tressaillir. Il ouvrit immédiatement les yeux, et son bras droit fila immédiatement jusqu'à la table de chevet, où il planquait son calibre 22. Sam avait frôlé la crise cardiaque quand il avait découvert que Barnes dormait avec une arme sous son oreiller. Du coup, la table de chevet avait été le compromis qu'ils avaient trouvé. Sauf qu'il n'y avait rien de menaçant qui nécessitait qu'il prenne ce qu'il y avait dans le tiroir. C'était juste Sam. Sam qui s'agitait dans son sommeil. Bucky posa sa main sur l'épaule de l'autre homme pour se rendre compte qu'il tremblait de tout son corps. Lui parvinrent ensuite des gémissements étouffés, suivi de ce qui semblait être des sanglots. Le soldat secoua doucement l'endormi, tout en lui parlant, tentant de le ramener ici, là où il était, avec lui. Sam ne s'éveilla, mais fini par se calmer, au fur et à mesure que Bucky lui parlait. Celui finit par soupirer de soulagement, et passa son bras unique autour de la taille de Sam, se pressant contre lui. Il veilla sur son sommeil jusqu'au lever du jour.

Bucky grogna une première fois au moment où Stark commença la greffe. L'ingénieur, caché derrière ses lunettes, leva les yeux vers lui, mais le soldat secoua la tête avec véhémence en lui faisant signe de reprendre. Levant tout de même un sourcil, Tony alla chercher une autorisation oculaire auprès de Steve, qui hocha la tête à son tour. La nouvelle prothèse métallique, tenue par quelques bras mécaniques, s'approcha de nouveau du trou béant au niveau de l'épaule de Barnes. Elle entra rapidement en contact avec la chair. Bucky serra les dents et sa main normale se referma sur celle de Sam, qui l'assistait en silence. Derrière un écran, un peu plus loin, Bruce vérifiait les constantes du soldat.

« Adamantium, » demanda Sam en regardant Steve.

Il aurait bien posé la question à Stark en personne, mais il préférait que l'ingénieur reste concentré sur sa tâche. Même s'il prétendait être capable de faire plusieurs choses à la fois. Et puis, aucun doute que Steve savait ce que son mari allait accrocher au corps de son meilleur ami.

« Un alliage, répondit le Captain. L'adamantium seul lui ferait trop absorber les chocs. J'ai eu un accrochage avec Logan. Quand il a frappé le bouclier, la douleur a parcouru tout son squelette.

- Bien fait, » grommela Bucky entre ses dents serrées.

Il fut secoué d'un spasme quand une sorte de décharge électrique traversa son corps. Tony tressauta, mais resta concentré. Bruce lui leva son pouce. Bucky ferma les yeux, tous les muscles exagérément tendus, comme si cela allait étouffer la douleur. La deuxième main de Sam se posa sur la sienne. Un seul cri échappa à l'ancien sergent, au moment où le bras s'accrocha définitivement à son corps. Il sursauta, avant de lâcher un immense soupir de soulagement, une fine pellicule de sueur sur le front. Tony releva ses lunettes, manifestement fier de son travail, tandis que Dummy lui tendait un fer à souder.

« Non, grogna le fils Stark, pas celui-là, débile ! Va me chercher celui que j'ai mis au point pour Barnes ! »

Dépité, le robot s'affaissa tout en faisant demi-tour, et Tony secoua la tête.

« N'empêche, dit-il en se tournant vers Bucky, j'arrive pas à croire que t'ai refusé toutes les updates que je t'ai proposé.

- Qu'est-ce que tu veux que je fasses d'un inverseur de gravité, soupira l'intéressé en secouant la tête.

- L'idée était géniale, s'extasia Tony. T'appuie sur un bouton et pouf, tous les ennemis se retrouvent loin du sol.

- Je peux me débrouiller sans, insista Bucky, je veux juste un bras, d'accord ? »

En toile de fond, Dummy n'avait de cesse de percuter Banner, qui s'éloignait prudemment du robot mal calibré qui semblait souffrir d'un manque affectif.

« Pas même une petite mitrailleuse, continua Tony.

- Non, répéta Bucky, les yeux collés au plafond. Si tu veux des super modifications, fais les sur ton armure.

- Mais ça pourrait être tellement mi…

- Bon sang, s'exclama alors Barnes, J'AI DIT NON ! »

Le bruit d'un choc violent retentit alors. Tony s'envola, avant de s'écraser sur le sol du laboratoire et de rouler sur les dalles blanches, alors que Bucky hurlait de douleur et que son bras s'affaissait soudain, toujours mal accroché. Les câbles qui reliaient la prothèse à son corps retinrent le bras, s'étirant toujours davantage. Bruce sursauta et Dummy cessa de bouger, comme figé dans le temps. Sam poussa un hoquet de stupeur alors que Steve bondissait sur ses pieds.

« Tony ! »

Il fila directement vers l'ingénieur, qui, face contre terre, semblait complètement sonné. Cependant, il se redressa avant que le super-soldat n'arrive à son niveau.

« Ça va Cap, ça va… Dit-il, secoué d'un petit rire. Faut bien prendre quelques risques pour la science. »

Bucky, toujours assis, le bras ballant, n'avait pas l'air de prendre la chose autant à la légère. Il regardait le fils Stark d'un air terriblement désolé, le visage incrédule, comme si lui-même ne comprenait pas ce qui s'était passé.

« Oh non, murmura-t-il. Stark, je…

- Eh, eh, l'arrêta Tony en levant les deux mains, ça va, d'accord ? J'ai exagéré. »

Barnes allait insister en se tournant vers Sam, mais celui-ci secoua la tête, lui interdisant de s'en faire.

« Sam, balbutia le soldat, j'ai… Je voulais pas.

- Je sais, murmura le parachutiste. Je sais. C'est pas grave. C'est fini. Tout va bien. »

Il posa ses mains sur ses joues. Bucky semblait au bord des larmes. Alors Sam l'attira contre lui, lui embrassa le front, avant de poser son menton sur le sommet de sa tête, ses bras autour de ses épaules.


« Donc maintenant c'est juste comme ça qu'on vous appelle ? Le Soldat ? »

Manifestement, la journaliste n'avait pas l'air de trouver ça particulièrement transcendant. Bucky fit claquer sa langue contre son palais en reposant son verre de champagne sur le bar derrière lui. Il coula une œillade à Sam, qui dut lui rappeler l'identité de son interlocutrice. Christine Everhart, de Vanity Fair Magazine. Barnes hocha la tête. Ça lui revenait clairement, maintenant. C'était une des figures qui revenait incessamment. La jeune dame avait, il fallait le dire, réussi un coup en or en se mettant plus ou moins Tony Stark dans la poche avant même que celui-ci ne devienne Iron Man. Sa relation avec les Avengers était plutôt mitigée, mais elle était moins agressive ou acerbe que d'autres. Et sa douche froide avec le fils Stark lui avait suffi à ne pas vouloir franchir une barrière trop personnelle avec ceux que tout le monde appelait affectueusement « les plus grands héros du monde ». Sam n'était pas fan d'elle, mais il ne pouvait pas dire qu'il la détestait non plus. Voyant cependant que Bucky était en train de nager dans le brouillard, il vint à son secours.

« C'est pour le côté pratique, plaisanta-t-il. On aurait été obligé de changer à toutes les saisons, sinon. »

Parce que naturellement, Everhart savait pour Bucky. Tout le monde savait, depuis qu'il avait été officiellement incorporé à l'équipe. De la même manière que tout le monde savait pour le passé de la Veuve Noire, celui d'Œil-de-Faucon, là où celui d'Iron Man était déjà étalé depuis bien longtemps. Il y avait eu le procès, puis les conférences de presse. C'était à présent un fait, l'ancien bras armé d'HYDRA faisait partie des Avengers. Cela ne faisait qu'ajouter un élément problématique à l'affaire. Beaucoup de choses restaient en suspens, et les partis étaient encore très divisés à ce sujet. Pourtant, de nombreuses voix s'élevaient en faveur de Barnes à présent. Et c'était pour choisir son camp que l'envoyée spéciale de Vanity Fair était là. A la réponse de Sam, Bucky ne put s'empêcher de rire.

« Le Soldat des Quatre Saisons, continua le brun. Inspiré par Vivaldi, créé par Bucky. »

Sam éclata violemment de rire, rejetant la tête en arrière, toutes dents dehors, et le voir de si bonne humeur finit par détendre Bucky à son tour, qui rit en baissant la tête. A côté, Christa croquait leur alchimie. Tous deux n'avaient pas révélé leur relation au public, contrairement à Steve et Tony qui avaient fait grande annonce de leur mariage pendant la parade du quatre juillet. Non pas qu'ils avaient honte mais ils avaient déjà quatre-vingt-dix-neuf problèmes et ils n'avaient pas envie que Fox News devienne le centième. On ne pouvait qu'imaginer les gros titres. Un couple gay composé d'un noir et d'un ancien soldat ennemi de la nation : la pire menace pour les Etats-Unis. Mais le moment n'était pas aux polémiques. Leurs problèmes personnels étaient encore trop importants.

« Mais vous n'avez pas peur d'être uniquement catalogué comme étant un soldat, demanda alors la journaliste en dirigeant de nouveau son dictaphone vers eux. De vous mettre une étiquette sur le front ?

- C'est là tout le rôle d'un nom de code, rétorqua Bucky. Mettre une étiquette. Nous sommes tous catalogues. Sam et Clint ne sont que des oiseaux (il rit quand Sam lui donna un léger coup de coude dans les côtes), Natasha une Veuve, Rhodey une « machine de guerre ».

- Je croyais que c'était Iron Patriot, rebondit Christina.

- War Machie Rox ! » S'exclama Rhodey à l'autre bout de la salle.

C'était certainement le « petit fumier supersonique » qui était venu lui dire de quoi on parlait par ici. Nouveau fou rire éclatant pour Sam et Bucky. Certains invités tournèrent la tête, interloqués, mais évoquer Iron Patriot était le meilleur moyen de provoquer Rhodey. Il fallait dire que depuis Tony, sa patience était aussi polie qu'une pierre précieuse et très peu de choses étaient capables de le faire sortir de ses gonds ou de le surprendre. Sam dut tourner le dos pour recouvrer son sérieux pendant que Bucky, se mordant la lèvre inférieure, continuait.

« Nous choisissons tous ce qui est prépondérant, ce qui compte pour nous, ce qui est important. C'est terrible, parce que d'une certaine manière, nous choisissons la manière dont nous voulons être perçus.

- En quoi est-ce un mal, s'étonna Christina.

- Il faut constamment se tenir à cette image, répondit Bucky en passant ses doigts dans ses cheveux. Mais c'est un choix. Ce n'est pas toujours le nôtre à proprement parler, mais dans tous les cas, on l'accepte. On accepte ce qui est important, ce que nous voulons représenter. « Le Soldat », c'est très anonyme. Un peu comme cette histoire de Soldat Inconnu, en France.

- On devrait vraiment aller en France, marmotta Sam dans sa barbe, un petit sourire aux lèvres.

- Tu veux parler à ma place peut-être, » fit mine de s'impatienter Bucky.

Sam lui fit signe de continuer, à moitié hilare. Bucky secoua la tête et repris. Autour d'eux, la fête battait son plein. Thor, au milieu de vieux vétérans de guerre, contait ses exploits sur Asgard. Steve et Tony se débattaient avec d'autres journalistes, plus nombreux et ne cessant de diriger des flashs vers eux. Natasha observait de près, déambulant avec Kate, qui avait invité America Chavez. Wanda et la Vision, comme des enfants candides, participaient à tout et à rien. Rhodey, Scott, Clint et Pietro, lorsqu'il n'était pas en train de parcourir toute la salle pour un oui ou pour un non, étaient rassemblés autour d'une table de billard. Cette vision arracha un sourire à Bucky qui se rapprocha inconsciemment de Sam.

« Ce que je veux dire, acheva-t-il, c'est que je ne suis pas le seul soldat au monde. Au contraire, je ne suis qu'un soldat comme un autre, je pourrais être n'importe quel soldat. N'importe lequel de ces soldats qui risquent leur vie pour leur pays. Ces gens forcés de s'éloigner de leur foyer et de leurs familles, tous ces gens qui sont parti pour revenir anéantis, totalement différents de la personne qu'ils ont été ou auraient voulu être. Ce qui importe, c'est que je me bats, pour les gens que j'aime et ce que en quoi je crois. »

A côté de lui, Sam déglutit, et même si Bucky avait gardé une expression neutre, sa gorge s'était nouée sur les derniers mots. Christina Everhart ne dit rien, son dictaphone en main, contemplant son interlocuteur avec de grands yeux. Il haussa un sourcil, semblant attendre la prochaine question.

« Eh bien, c'est, balbutia-t-elle. Travaillé. Merci infiniment, monsieur Barnes. »

Et elle prit congé d'eux. Bucky poussa un long soupir de soulagement en se reposant sur le bar, tâtant nerveusement son nouveau bras en métal. Sam lui sourit. Ça lui faisait du bien, de voir Sam aussi léger, après tout ce qu'il s'était passé.

« Tu voulais qu'elle te la pose, la question, avoue, se moqua le Faucon en finissant son champagne.

- Quoi encore, ricana Bucky, faut se préparer à toutes les éventualités. Tu crois que Tony est le seul à pouvoir éblouir les journalistes ? D'abord Vanity Fair, ensuite le monde ! »

Et se disant, il fit décrire à son bras un arc de cercle, comme porteur d'une glorieuse providence. Sam, ne cessant de rire, attrapa sa main de chair, avant de lui embrasser brièvement les doigts.

« Je suis fier de toi, dit-il. Après tout ce qu'il s'est passé, tu aspire toujours à être… Tu es quelqu'un de bien.

- C'est parce que j'ai une bonne raison de le faire, répondit le sergent en souriant à son tour.

- Tu t'en serais sorti, même sans moi. »

Alors qu'il disait cela, Sam s'était rembruni et avait baissé la tête. Bucky le regarda en chien de faïence quelques instants, sentant que ça revenait. Mais il n'en avait pas envie. Il n'avait pas envie de perdre ça de nouveau, ils n'avaient pas envie que tous deux sombrent encore dans l'abîme, il n'avait pas envie que Sam cesse de lui sourire. Pas ici, et pas maintenant. Après s'être assuré que personne ne s'intéressait à eux, il alla poser son front sur son épaule, et l'embrassa sur la joue.

« Peut-être, mais tu étais là. Et tu es toujours là. Ça ne sert à rien de penser à ce que j'aurais été sans toi et je ne veux pas y penser, parce que je t'aime et je refuse d'imaginer ma vie sans toi. »

Sam lui sourit. Et c'était tout ce dont il avait besoin.


Et voilà ! Comme vous pouvez le constater il y a eu un sensible changement d'ambiance depuis Triplice, mais j'en avais besoin. En fait, surtout pour Sam. Parce que Bucky est un personnage qui est assez bien exploité la plupart du temps. Mais. J'ai un peu de mal avec le fandom qui ne vois Sam que comme un thérapeute souriant là pour assumer les problèmes des autres. C'est un personnage en trois dimensions, comme les autres, et c'est une autre dimension de lui que j'ai voulu explorer. Je n'aime pas me justifier après un texte mais là, fallait que ça sorte.

Et avant une levée de bouclier, je tiens à préciser qu'il n'y a pas de blague, l'Epouvantail est bien le nom d'un méchant dans l'univers Marvel, que j'ai eu le "plaisir" de croiser dans les All-New Captain America Infinite Comic.

Sur ce merci à ceux/celles (qu'importe) qui ont lu jusqu'au bout, si vous avez une question, une remarque, quelque chose à dire sur ma petite remarque d'en haut, à vous plaindre de l'Epouvantail de Marvel, ou un commentaire à faire je vous invite à m'en faire part dans la case review juste en bas, pour avoir vos avis, peut-être des propositions pour la suite qui est toujours en travaux, etc, etc. J'ai plus les yeux en face des trous donc je m'excuse aussi pour les fautes qui ont pu traîner.

Merci beaucoup et à très bientôt pour la suite :D