Merci à Elma Orel pour sa participation active à mon histoire en me donnant des idées c'est grâce à elle qu'est né le personnage d'Uzokreen (elle m'a donné son accord pour l'utiliser), en me relisant, en me donnant son avis et en m'aidant à écrire.
Disclaimer : l'univers et les personnages appartiennent à Tolkien. Arasheben et les personnages que j'inventerai au fur et à mesure sont les miens.
N'hésitez pas à me donner vos avis : je suis ouverte à tous vos commentaires, négatifs ou positifs, du moment qu'ils sont expliqués et argumentés dans le plus grand respect.
En espérant que cela vaut vraiment l'attente que je vous ai imposée.
Paroles : les personnages discutent dans leur langue maternelle
Paroles : échange télépathique entre Zedd et son (ses) interlocuteur(s)
(Blabla) : définition d'un mot
Paroles : les pensées de Thorin
Paroles : les pensées d'Arasheben
[Blabla] : Intervention de la Déesse dans l'esprit d'Arasheben
1-La requête du Magicien Gris.
-Haute-Prêtresse ? M'interpella mon secrétaire particulier.
Je levais la tête de l'une des nombreuses missives que je rédigeais depuis maintenant deux heures.
-Oui, Ryga ?
-C'est bientôt l'heure.
-Za' ? Appelais-je, en me tournant vers elle. Il est temps d'y aller.
La jeune femme de dix-huit ans acquiesça et rangea activement ses affaires. De mon côté, je remis ma plume à sa place et refermais le récipient d'encre, laissant le soin à Ryga d'envoyer mes propres dépêches à qui de droit.
Prenant la théière posée non loin de moi, je me versais le breuvage chaud dans une tasse. Je fermais les yeux et en bus une gorgée, appréciant le goût des fruits rouges roulant sur ma langue. Je me levais de ma chaise et m'étirais en ronronnant de satisfaction, sentant tous mes muscles se détendre au fur et à mesure.
Ryga classa rapidement mes papiers. J'en profitais pour me lever et me dégourdir les jambes autour de la table ronde. Lorsque Ryga
eut fini, je lui fis part de quelques précisions importantes qu'il nota au fur et à mesure sur un parchemin.
-Concernant Dame Galadriel, un Messager Particulier devra lui délivrer la missive dans les plus brefs délais. Bien entendu, il attendra sa réponse. J'aimerai accompagner la lettre d'un peu de chocolat.
Je plissais les yeux et y réfléchis quelques secondes.
-Je crois me souvenir que c'est le noir pour elle et le praliné pour lui. Mais je n'en suis pas certaine. Je préfère me fier au Maître-Chocolatier : Tollen sait exactement lequel Dame Galadriel et son mari affectionnent tout particulièrement. Oh ! Zut ! J'ai oublié ! Je voulais rappeler au Maître-Forgeron Haldic d'envoyer à Daïn la liste des candidats au test d'admission du titre de Maître-Forgeron. Pas de chocolat, il ne faut pas que cela passe pour un pot-de-vin. Je ne suis pas certaine de le voir aujourd'hui. J'aimerai un mot lui rappelant que la date butoir de l'envoie est la fin de cette semaine.
Je m'arrêtais lorsque je vis Sanoré, l'un de mes Corbeau (Garde du corps), entrer dans l'Asba (tente ronde plus ou moins grande selon les besoins, certaines étant reliées entre elles).
-Un Messager Particulier du Rohan est arrivé. Nous informa-t-il.
J'acquiesçai et lui fis signe de le faire entrer. Briana, la collègue de Sanoré, finissait de le fouiller : avec son accord, le Messager pu enfin entrer. Il fit une révérence en guise de salut.
-Je suis Tagrim, fils de Docley. L'intendant du Gondor Turgon vous présente ses hommages.
Il me tendit une dépêche fermée par de la cire. Avec une moue offusquée, Ryga la prit, cassa le sceau et le déplia avant de me l'apporter. Il était très pointilleux : tous les messages, qui m'étaient adressés, devaient passer par lui, même ceux qu'il n'avait pas à lire. C'était l'une de ses prérogatives, point !
Zaelle et moi nous jetâmes un coup d'œil amusé.
Pendant que je lisais le courrier, Ryga écrivit le billet à l'intention d'Haldic et Zaelle proposa à Tagrim de quoi boire. C'était avec un plaisir évident qu'il accepta un peu de vin que nous gardions dans toutes les Asbas que Zaelle et moi occupions.
-Je suppose que le Haut-Prêtre a sa propre invitation pour le Solstice d'Été du Gondor ? Voulus-je savoir.
-Oui. Vous êtes la première que je suis venu voir.
-J'enverrais la confirmation de la présence de Zaelle et de moi-même par écrit le plus rapidement possible.
Alors que Tagrim sortit de l'Asba en direction de celle de Zedd, je rendis le papier à Ryga.
-La confirmation de la présence de Zaelle et de moi-même doit être envoyée avant le début de la Lune des Fleurs (mois de mai). Je préfère l'écrire de ma propre main demain matin.
-Très bien.
Ryga me fit signer son écrit pour le Maître-Forgeron du Clan.
-Anliam ! Appela-t-il.
Mon messager personnel apparut aussitôt.
-Pour Haldic. Informa-t-il en lui tendant le papier. Nous serons aux Doléances.
Le brun aux yeux marron acquiesça et partit faire son travail.
-Haute-Prêtresse, il est temps d'y aller. Me rappela mon secrétaire particulier.
Ryga, Zaelle, nos deux Corbeaux, et moi sortîmes de l'Asba.
-L'aube est à peine levée. Constatais-je. Allons rendre grâce à la Déesse pour tous les bienfaits qu'elle nous apporte.
Nous rencontrâmes de nombreuses personnes déjà levées. La plupart nous saluèrent d'un sourire mais plusieurs se rapprochèrent pour me parler.
-Adela ! M'exclamais je, lorsque celle-ci m'aborda la première. Je vois que le petit Kevrah est enfin rétabli de son infection respiratoire. Comme Géor et toi devaient être rassurés…
-Vous n'avez pas idée ! Nous allons fêter son rétablissement ce soir en famille.
Mon cœur se serra : aurais-je la chance d'avoir un jour des enfants ? Je l'espérais mais vu comme c'était parti, je risquais grandement de ne jamais connaître les joies de la maternité. Je me penchais vers le bébé et lui caressais ses joues rondes et rouges.
-Bonjour toi ! Bonjour ! Oh ! Ce que tu es mignon comme tout ! J'ai envie de croquer tes joues tellement elles sont mignonnes ! Ça lui fait quel âge ?
-Un an. Est-ce que vous pourriez le bénir ?
-Bien évidemment.
Je posais une paume sur la tête du bébé et psalmodiais une prière. Je posais mes lèvres sur son front durant quelques secondes.
Adela me remercia et reparti à ses occupations quotidiennes.
Quelques personnes se succédèrent pour me parler de leurs préoccupations et je les aider de mon mieux.
Zaelle ne pouvait s'empêcher d'admirer Arasheben dans cette situation précise : elle connaissait le prénom de chaque personne du Clan et parler avec elle de ses préoccupations comme si elle connaissait tout sur sa vie, le tout avec bienveillance et sans jamais juger. Zaelle espérait faire aussi bien qu'Arasheben sur ce terrain.
Lorsque Fortin apparut à son tour. Je sentis Ryga se raidir car le retard sur l'emploi du temps s'accumulait.
-Haute-Prêtresse ! J'ai besoin de me Confier !
-Haute-Prêtresse, il faut vraiment avancer. Sinon…Me murmura mon secrétaire particulier.
-Ryga, on se détend. On a besoin de moi. Les Doléances peuvent encore attendre un peu. Fortin, pouvons-nous avancer pendant que nous parlons ? Sinon, Ryga va me faire une crise cardiaque. Je ne peux me le permettre, car lui seul connait toutes les affaires en cours.
-Bien évidemment ! Je ne suis pas certain de pouvoir y arriver. Ce test d'admission est connu pour sa difficulté et…
Le reste du groupe s'était mit à quelques pas derrière nous pour nous laisser un peu d'intimité. Fortin continua à me parler de son stress. Lorsqu'il eut fini, il me remercia de mon attention. Avant de s'éloigner, il m'offrit un sourire éblouissant, ce qui eut le don de me réchauffer le cœur.
Je savais pour quelle raison primordiale je me battais tous les jours : mon Peuple. Etre une femme dans ma position n'était pas toujours chose facile, vu les contraintes qui m'étaient imposées. Mais c'était un "petit" mal nécessaire pour le bien-être du Clan. Ma personne importait peu. Seuls mes gens comptaient.
Au grand soulagement de Ryga nous pûmes enfin avancer.
-Le Rhovanion est une région si prospère et si riche. Nos montures et nos aurochs (bovidés) ont de la nourriture à profusion et nous aussi, par conséquent. Pensa à voix haute Zaelle, émerveillée par notre situation actuelle.
-Remercie nos accords commerciaux avec les Elfes et le Rohan. En parlant de ça, ce matin, j'ai lu un courrier de Dame Galadriel me demandant de les approfondir. Ce sera notre prochaine étape. Mais demain, nous irons d'abord rencontrer Fengel pour revoir nos échanges sur les chevaux. Soupirai-je à fendre l'âme.
Zaelle étouffa un fou rire.
-J'aime énormément ton soutien. Plaisantais-je, en lui coulant néanmoins un regard noir pour la pure forme. Fengel est un roi avide et querelleur, peu populaire au Rohan. Pour la peine, tu viendras avec Zedd et moi pour voir comment entretenir une relation avec ce genre de personnage. Etant Nomades, nous dépendons entièrement des autres pour nous fournir dans une grande majorité de domaine.
-Mais ! Je suis avec Sage Uzokreen à ce moment-là. S'exlama Zaelle, outrée d'être obligée de rater un cours de son professeur préféré.
-Ryga ?
-Oui, Haute-Prêtresse ?
-Déplace sa leçon à une autre heure.
-Ce sera fait.
-Problème réglé. Quel sujet approfondis-tu avec lui en ce moment ? M'enquis-je.
-La Divination par les Forces Naturelles. Enonça Zaelle, le regard brillant d'enthousiasme. Comme pour les Augures par les Étoiles, on se tourne vers le Nord. Les plus importants sont le tonnerre et les éclairs : s'ils viennent de l'Ouest, ils sont réputés heureux. S'ils passent du Nord à l'Est, c'est tout le contraire. Les vents sont aussi des signes de bons ou mauvais présages. Puis, j'étudierai les Présages par les Oiseaux, plus particulièrement leurs vols et leurs chants. Je sais déjà que, toujours face au Nord, si le vol passe à notre gauche, la Déesse est favorable. S'ils passent à notre droite, la Déesse est défavorable. C'est l'un des nombreux moyens qu'elle possède pour nous faire savoir qu'elle prendra toujours soin de nous.
-Sage Uzokreen est un très grand savant. Je suis ravie de savoir que tu adores t'instruire avec lui. Souriais-je, enchantée de sa curiosité insatiable.
Zaelle acquiesça vigoureusement, ses cheveux raides châtains clairs se balançaient sur ses épaules. Une lumière intérieure illuminait les traits de son visage et donnait à ses yeux marrons une chaleur humaine et une grande bonté, dans lesquels beaucoup puiseraient du réconfort ainsi que du courage, voire de l'inspiration lorsque le moment de me remplacer pour elle serait venu.
Sur cette dernière parole, nous priâmes la Déesse : nous lui demandions de bénir ce nouveau jour, qu'il soit plein de paix et d'harmonie comme les précédents. Ensuite, nous dûmes quitter l'autel pour nous occuper d'un autre de mes devoirs inhérent à mon statut : rendre justice. En tant qu'Arya-Vassala (Haute-Prêtresse) du Clan, mon impartialité me mettait au dessus des problèmes des autres et me permettais de juger avec toute mon objectivité.
Je m'installais confortablement à ma place garnie de plusieurs coussins, flanquée de Sanoré à ma droite.
Comme je le lui permettais habituellement, Zaelle prit place à ma gauche, Briana à ses côtés : étant celle qui me succéderait si jamais il m'arrivait quelque chose, j'exigeais que, malgré son jeune âge, Zaelle posséda de l'expérience dans toutes ses futures obligations. J'autorisais que son statut de Namya (Seconde traduit aussi par Petite Sœur) équivalait à mon rang dans de nombreuses occasions, notamment lors des Doléances. Sous mon contrôle et mon autorité, elle était donc libre de prendre des décisions. Lorsque la situation l'imposait, je prenais quelques instants pour lui conseiller une autre manière de considérer la situation avant de lui en expliquer les raisons.
Je jetais un coup d'œil discret en face de moi : l'espace réservé aux plaideurs et défendeurs était noir de monde. Nous en aurions pour la journée.
Je me penchais légèrement à ma gauche et fis signe à Ryga situé non loin de nous d'ouvrir la Séance.
La matinée passa doucement, chacune s'occupant à son tour d'une affaire.
Un cas de vol se présenta à nous. La victime fut rassurée par Zaelle qu'une enquête allait être diligentée et le coupable puni, s'il ne s'agissait pas simplement d'une banale perte.
Pendant ce temps, je me levais pour me dégourdir un peu les jambes. Après avoir passé pluSeigneurs heures assise, cela me fit un bien fou.
-Très bien, Ryga : le cas suivant, s'il-te-plait. Lui demandais-je, en m'approchant de son bureau rond d'un superbe châtaignier brun foncé.
Il était de coutume chez nous de tenir justice sous le ciel, afin de recevoir le regard bienveillant de la Déesse et du Dieu Cornu.
Ryga me tendit immédiatement un parchemin déjà déroulé. Tandis que la plaignante et le défenseur se levèrent de leur place et s'installèrent à un mètre de mon siège en noyer très sombre, je déchiffrais rapidement l'accusation inscrit sur le papier.
-Namara ! M'exclamais-je, en me tournant pour poser mon regard gris sur elle, laissant le manuscrit à Ryga. C'est la quatrième fois que je te vois aux Doléances cette décade (10 jours). Par la Déesse ! Sais-tu que tu prends la place d'autres personnes qui ont réellement besoin de mes conseils et de mes décisions ?
Pendant que je rejoignis mon fauteuil, l'interpellée se tenait bien droite, les épaules jetées en arrière, où cascadait une magnifique chevelure blonde, sa poitrine mise en avant de façon provocante, certaine de son fait. Elle me fixa effrontément dans le blanc des yeux.
Le visage impassible, je soutins ses prunelles d'un vert émeraude, mes yeux se voilant d'une menace terrible si elle continuait à se comporter de la sorte. Au bout de quelques instants, ses épaules s'affaissèrent et ses yeux plongèrent dans une contemplation parfaite de l'herbe se trouvant à ses pieds.
Par soucis de justice pour ce pauvre Réha, je donnais suite à la requête de la cancanière la plus fameuse et la plus connue du Clan.
-Namara, exprime-toi, je te prie. L'invitais-je, en croisant mes mains sur mes genoux.
-Et bien ... Hésita-t-elle, en dansant sur ses deux pieds.
Je ne quittais pas son visage : par respect pour ceux qui venait m'exposer leurs problèmes et à qui je rendais mes avis, je me devais de leur montrer mon intérêt de cette manière. Même si je comprenais parfaitement que cela mettait certains mal à l'aise.
Namara inspira profondément pour se donner du courage et se redressa fin prête à nous affronter, Réha et moi.
-Durant notre relation, Réha m'a offert une bague. Maintenant que nous ne sommes plus ensemble, il veut la récupérer. Mais il me la donnait et je refuse de la lui rendre : je considère qu'elle est à moi.
Constatant qu'elle avait fini d'exposer son point de vue, je me tournais vers l'immense brun musclé aux yeux noisettes.
-Réha, exprime-toi, je te prie.
-Ce bijou est dans ma famille depuis des générations : elle se transmet de la mère à l'aîné, lorsqu'il ou elle a décidé de demander en mariage sa moitié. Namara m'avait répondu oui mais s'est désistée quelques jours plus tard. Je veux tout simplement qu'elle me la rendre : la bague est destinée à celle qui sera réellement mon Autre.
Du coin de l'œil, je vis Namara trépignait sur place, manifestement désireuse d'apporter une précision. Mais c'était au tour de Réha de se défendre : elle pourrait lui répondre lorsqu'il aurait fini de parler.
Réha s'était aussi aperçu de son comportement. Il se tut, préférant la laisser s'exprimer.
-Il ne peut prouver que la bague se passe de parent à enfant. Il peut très bien l'avoir acheté et vouloir tout simplement la reprendre pour récupérer l'argent qu'il a investi dans ce bijou.
-Je peux prouver mes dires. Contra son ancien prétendant.
Namara pâlit dangereusement, sa poitrine se soulevant et s'abaissant à un rythme effréné : c'était bien la première fois qu'elle se faisait démasquer. Elle semblait avoir perdu toute assurance en même temps que le sang quittait son visage.
-Effectivement, Haute-Prêtresse. Confirma Ryga, en se levant, un papier à la main.
Il se rapprocha de moi et me tendit le document afin que je puisse l'apprécier.
-Réha m'a fourni l'attestation d'achat de la bague que sa famille garde précieusement pour pouvoir la montrer en cas de problème. Il y a, d'ailleurs, les signatures de toutes les mères et de leurs ainés qui se le sont transmis. Cela a été authentifié.
Je fis un signe de la tête à Ryga, dont la signification fut connue de lui seul : il retourna à son bureau avec le document, sa main se posant sur un petit sablier. Je reportais mon attention sur l'accusatrice.
-Comme me le permet notre Loi, Namara, je te propose de bénéficier d'une minute pour réfléchir si tu veux, oui ou non, maintenir la procédure à l'encontre de Réha. Médite avec sagesse. La minute commence...
J'acquiesçais en direction de Ryga, qui tourna l'objet à l'envers : le sable commença à tomber.
- ... maintenant.
Namara ne perdit pas de temps pour me donner sa réponse : persuadée d'avoir effacé toute preuve de son escroquerie, elle préféra retirer sa plainte.
-Namara, le soldat Ryiak t'accompagnera pour récupérer la bague et la rendra directement à Réha.
Reprenant son attestation, Réha se retira de son côté en soupirant de soulagement. Namara amorça un demi-tour en toute hâte dans l'intention évidente de disparaître aussi vite que possible.
-Un moment, Namara.
Ma phrase la stoppa net dans son mouvement et son corps se crispa immédiatement : elle espérait sans nul doute être exempt de toute condamnation.
-Je ne peux décemment pas laisser passer un tel agissement. Tes actes précédents n'ont jamais été prouvés au grand jour. Une sanction sans preuve n'était pas acceptable. Tu dois comprendre que ton comportement d'aujourd'hui est inadmissible. Et cela passe par te juger.
Elle me lança un regard indécis, confus et apeuré. Pour la première fois de sa vie, elle perdit toute contenance. Ne sachant pas à quoi s'attendre, elle semblait paniquer de plus en plus à chaque seconde qui passait.
Tout en la fixant, je m'adossais à mon siège. Je pris le temps de réfléchir. Je voulais que son châtiment lui serve de leçon tout en contribuant au bien-être de la communauté.
-Je t'afflige la peine suivante : dans le cadre du Bien Commun, tu feras de l'intérêt général en travaillant durant un an pour la Bandarie (Titre signifiante "Guérisseusse supérieure". Responsable de l'Ordre des Guérisseurs). Elle a justement besoin de personnel. Même si tu n'as aucune formation médicale, elle se chargera de t'inculquer les bases pour que tu puisses être opérationnelle le plus rapidement possible, plus ce qu'elle jugera utile selon ses besoins. Tu iras tous les soirs après ton travail, durant la moitié de tes jours de repos et de tes congés.
Honteuse, les épaules basses, Namara baissa la tête en guise de soumission : s'occuper des autres étaient une sacrée punition pour une égoïste comme elle.
Tandis qu'elle disparaissait de ma vue, j'aperçus le Magicien Gris, debout derrière les bancs, tout de gris vêtu, appuyé sur son fidèle bâton. Son regard rempli de sagesse et pourtant tellement malicieux me contemplait avec cette certitude que j'allais me comporter comme il le désirait.
Une alarme rugissante retentit dans mon esprit. Sa venue annonçait une requête d'importance. Je n'étais pas du tout certaine que j'aimerai l'entendre.
-La séance recommencera dans une heure. M'exclamais-je subitement, des murmures agacés et des soupirs d'aise parvenant à mes oreilles. Zaelle, vient avec moi. Ryga ? Appelle Zedd (1), s'il-te-plaît. J'ai le sentiment que cela nous concerne tous les trois.
Suivis de Zaelle, Sanoré et Briana, je me levais et confluais vers le Maïar.
-Je te salue, Haute-Prêtresse, resplendissante entre toutes. S'inclina le Magicien Gris, le poing gauche sur la poitrine.
-Je te salue, Harbarôr ("barbe blanche". Surnom donné à Gandalf par la Clan d'Arasheben). Que la Déesse guide tes pas par monts et par vaux. Dis-je, en le bénissant.
-Je te salue, Zaelle, lumineuse entre toutes.
-Je te salue, Harbarôr. Que la Déesse te porte conseils et paix. Lui répondit Zaelle, en le bénissant également.
Je le conviais à me suivre et nous nous retrouvâmes à l'Asba où je recevais les invités : elle était décorée avec goût par de nombreux tapis moelleux, fauteuils douillets, coussins rembourrés, couvertures douces, tables rondes, d'un coffre en bois rouge foncé et d'un foyer creusé à même le sol au milieu afin d'y allumer un feu si nécessaire.
L'Istar s'installa dans un siège à haut dossier, posa son chapeau pointu au sol et adossa habilement son bâton contre l'accoudoir. Dans ce cas particulier, j'aimais à recevoir moi-même les visiteurs et le servis donc en vin, produit que nous gardions toujours à disposition pour faire face à l'arrivée impromptue de n'importe quel visiteur. Zaelle lui présenta une assiette garnie de gâteaux à base de Xocoalt (Chocolat), savamment gardé dans des boîtes en métal pour en conserver toute la fraîcheur.
Je m'assis vis-à-vis d'Harbarôr. Zaelle se plaça derrière moi, en biais, montrant ainsi qu'elle était redevenue ma Namya. Lorsqu'une situation réclamait que l'on s'adresse exclusivement à moi, voire que je prenne une décision seule, ou avec l'aide de Zedd, elle n'était plus mon égale.
-As-tu fait bon voyage, Harbarôr ? M'enquis-je.
-Excellent, je te remercie, Haute-Prêtresse. Me répondit-il, en profitant avec gourmandise de sa douceur.
-Je suis persuadée que tu es venu avec un but précis en tête, Harbarôr. Alors, soyons directs : pourquoi es-tu ici ?
-La situation nécessite que tu redeviennes Azama (Littéralement : "Etoile du Nord" = Garde-fou).
Ma mâchoire se décrocha, mes prunelles s'agrandirent d'ébahissement, je m'assis sous la vague de douleur me submergeant entièrement.
Zaelle regarda son mentor d'un œil inquiet : elle ne l'avait jamais vue d'une telle manière. Tant de souffrance transperçait de ses traits harmonieux et aquilins. Zaelle savait qu'être une Azama signifiait être le garde-fou émotionnel et spirituel de quelqu'un d'autre et, comme une Etoile guide, l'Azama guide cette personne afin que cette dernière prenne les bonnes décisions. Zaelle avait entendu dire qu'Arasheben avait tenue un tel rôle auparavant, mais sa "Grande Sœur" ne lui avait jamais confié l'issue de cette tâche.
-Hors de question ! Claqua ma voix plus violemment que je ne l'aurai voulu.
Je sentis immédiatement une main sur mon épaule : Zaelle tentait de me calmer pour ne pas que je dérape auprès d'un allié de notre Peuple depuis des siècles.
Harbarôr me fixa avec énormément d'étonnement. Nous nous connaissions depuis des années, et malgré les quelques désaccords qui nous avaient opposés par le passé, je ne l'avais jamais habitué à une telle réaction. Je l'avais jusqu'alors toujours très bien accueilli et aidé très souvent, car nous nous retrouvions sur de nombreux points. Les rares fois où je ne pouvais réellement rien faire pour lui, je le lui avais dis de façon polie, calme et réfléchie.
Je me devais cependant d'être ferme et catégorique. Mon instinct m'assurait que rien de bon ne sortirait de ce qu'il attendait de moi cette fois-ci. Cela me suffisait à lui donner une réponse négative.
Je mis un moment à retrouver ma voix. Je fermais les yeux. J'inspirais profondément, retins ma respiration quelques secondes et expirais lentement. Je clignais des yeux et me raclais la gorge.
-J'ai un Clan à diriger : je suis dans l'incapacité de l'abandonner sur un simple claquement de doigt de ta part. De plus, tu ne peux pas me demander ÇA, Harbarôr. Surtout pas après ce que j'ai traversé. Frissonnais-je, en repensant notamment à la période noire que j'avais connu après la mort d'Arae.
-Ne pas te demander quoi ? Voulut savoir l'Arye-Vassale (Haut-Prêtre) de la Tribu-Sœur vénérant le Dieu Cornu.
Zedd apparut à mon plus grand soulagement, suivit de Zale, son bouclier-lige, et d'Helnyé, son Nimae (Second traduit aussi par Petit Frère). Par respect, Zaelle se leva. D'un geste de la main, il la fit rassoir. -Je te salue, Seigneur, resplendissant entre tous. S'inclina le Magicien Gris, le poing gauche sur la poitrine.
-Je te salue, Harbarôr. Que le Dieu guide tes pas par monts et par vaux. Dit Zedd, en le bénissant.
-Je te salue, Helnyé, lumineux entre tous.
-Je te salue, Harbarôr. Que la Déesse te porte conseils et paix. Lui répondit-il, en le bénissant aussi.
Helnyé vint s'asseoir auprès de Zaelle.
Le blond aux longs cheveux frisés sentit la tension et la colère qui m'habitait : quelle demande de la part d'Harbarôr pouvait en être l'origine ?
Depuis dix-sept ans que nous travaillons ensemble, nous nous pratiquions aisément. Je lui jetais un coup d'œil explicite : Zedd comprit immédiatement.
-Harbarôr, il en est hors de question. Confirma ce dernier d'une voix ferme. La seule et unique fois où elle était Azama, cela s'est très mal passé après la disparition d'Arae : Arasheben était à la limite de la folie et a failli se tuer de douleur et de chagrin. Tu ne peux exiger, en toute connaissance de cause, qu'elle recommence à tenir ce rôle.
Tandis que Zedd continuait son argumentation, je contemplais le Maïar droit dans les yeux et y lus de la compassion, de la compréhension et une lueur déterminée et fatidique. Il repartirait avec moi, quoiqu'il m'en coûte.
Au même moment, une tornade au crâne chauve et à la longue barbe tressée entra dans l'Asba. D'un mouvement de tête, il salua Harbarôr.
-Sage Uzokreen... Interpellais-je.
-Je suis au courant que c'est moi, gamine. Tu n'as pas besoin de me le dire, je le sais parfaitement. C'est une information superflue, que je relègue immédiatement dans mes fariboles. Je ne tolère pas de balivernes de ce genre en ma présence. Et je crois que le Dieu picole en ce moment car il ne t'aide pas beaucoup dans les avis que tu donnes, blondinet.
-Etre blond n'est pas une couleur mais un concept. Répliqua immédiatement Zedd, une lueur de malice dans les yeux.
-Depuis ce matin, je me sentais bête mais en t'écoutant, ça va mieux. Répondit Uzokreen, un sourire en coin.
Gandalf, Zaelle et moi tentions de cacher notre hilarité : le Magicien ne put se retenir et ria dans sa barbe, je portais une main sur ma bouche, Zaelle baissa la tête, Helnyé se mordit la lèvre inférieure.
-J'ai vu les Présages envoyés par la Déesse et le Dieu. Continua le Sage. Ils vont dans le sens de la requête d'Harbarôr. En conséquence, Ils apportent leurs soutiens à ce dernier.
Zedd tenta de répliquer mais son interlocuteur le coupa instantanément.
-J'aimerais bien être d'accord avec toi mais nous serions deux à avoir tort. Leurs volontés sont très claires bien que leurs raisons demeurent obscures pour l'instant : Arasheben doit accepter de suivre Harbarôr. Tu ne peux aller à l'encontre de la volonté de la Déesse et du Dieu, et lui conseiller de prendre le chemin inverse.
Zedd ne peut qu'acquiescer.
-Petite gamine. S'adressa Ukrozeen à Zaelle. Je vais te préparer à la Cérémonie de Remplacement. Tu viendras après les Doléances.
Zaelle hocha la tête.
-Vous me fatiguez. Tous. Et nous sommes à peine à la mi-journée. Marmonna Uzokreen en disparaissant rapidement.
Une chape de déprime s'abattit sur mon cœur. Incapable de rester immobile, je me levais brusquement. J'avais besoin d'un moment de solitude. Je fis demi-tour et allais à l'extrémité de l'Asba. Je posais mes paumes sur la table en bois qui se trouvait près du tissu de la yourte. Je soupirais en fermant à nouveau les yeux. Je fis la seule chose qui me calma lorsque j'étais désespérée.
-Déesse, je t'en prie aide-moi. Je ne me sens pas capable de recommencer à assumer le rôle d'Azama. Cela a été destructeur pour ma sœur et moi : je me suis retrouvée dévastée par la mort d'Arae avec les horribles sentiments d'être amputée d'une partie de moi-même et de ne pas avoir exercé correctement cette position particulière qui m'a été attribuée. J'ai effectivement une impression d'inachevé qui habite le cœur. Mais de là à recommencer !
Je sentis la caresse bienveillante caractéristique de la Déesse sur mon esprit et un souffle de soutien m'envahir la poitrine. Je ne serais pas seule à assumer ce statut à part.
Même si ma tête et mon cœur le refusaient catégoriquement, une évidence s'imposa à moi : je DEVAIS accepter cette mission. Ne serait-ce que pour me prouver que j'étais capable de sauver quelqu'un de cette manière-là.
-Harbarôr m'a choisi grâce à mon expérience, à ce que j'ai vécu après la mort d'Arae. Si je réussis, Erebor deviendra un allié de poids pour le Clan. Et ce serait un énorme avantage pour nous. Nous savons donc maintenant une partie du "pourquoi" de sa requête. Pensais-je, en permettant à Zedd de lire dans mon esprit.
Une vague de fatigue me submergea : j'allais m'affaisser inégalement dans mon fauteuil et me frottais les paupières.
-Resha... Me répondit mentalement Zedd, en utilisant le surnom qu'il m'avait donné voilà dix-sept ans, lorsque j'étais entrée en fonction. Je t'ai ramassé à la petite cuillère lorsqu'Arae est décédée. Je t'ai soutenu de toutes les manières, t'évitant de justesse de te suicider. Je ne sais pas si je vais être capable à nouveau de faire face si ce genre de situation se présentait à nouveau.
Il respira profondément, histoire de se calmer, montrant ainsi toute la souffrance qu'il avait ressentie à l'époque.
Je me levais, m'approchais de lui et encadrer, avec une tendresse fraternelle, son visage de mes mains, plongeant mes yeux gris dans les siens d'un bleu foncé.
-Je n'oublierai jamais ce que tu as fait pour moi : tu m'as sauvé de moi-même et je ne t'en remercierai jamais assez. Je ne veux pas revivre cette expérience. Néanmoins, la Déesse aimerait que je prenne le chemin qu'Harbarôr me demande d'emprunter. Je ne peux ignorer son avis. Je suis terrifiée par ce que je vais devoir revivre. Je vais être obligée de me Lier émotionnellement à ce Nain afin de juguler la partie la plus sombre de son Âme. Je vais devoir redevenir un Repère pour une personne qui a besoin de s'accrocher à moi pour ne pas sombrer dans la tourmente de son Esprit. Je ne suis pas certaine d'y arriver et, même si tel est le cas, d'avoir la force de mener à bien cette tâche extrêmement difficile tout au long de ma vie. Ou tu m'aides ou tu perds ton temps et ton énergie à me contrecarrer.
Je soupirais, tentant d'endiguer l'inquiétude prenant possession de mon cœur.
-Avoue que ce qui te terrifie le plus est de devoir travailler de concert avec Zaelle. Plaisantais-je.
-Tu me connais tellement bien ! J'étais déjà Haut-Prêtre depuis trois ans lorsque la Haute-Prêtresse Elysabet décéda et que tu la remplaces. J'ai mis des mois avant de m'habituer à toi. Je ne sais pas si j'arriverai à supporter Za' : je vais l'envoyer dans la fosse à purin à peine ton départ frais de quelques minutes. Ricana doucement Zedd.
Nous entendîmes distinctement un "Heeeeee" à l'apparence choquée, suivit de deux éclats de rire entremêlés.
-Au moins, la fosse à purin aura une quelconque utilité dans un futur proche. Lui répondis-je, en riant aussi.
Il passa ses mains sur ma tête et mon visage dans le mouvement caractéristique de la Bénédiction et posa ses lèvres sur mon front.
-Je ne suis absolument pas d'accord avec ce qui doit se passer mais je te soutiendrais quoique j'en pense. Je prierai chaque jour pour que le Dieu te prête force et aide.
-Cela me touche énormément. Je vais prévenir Harbarôr et prendre mes dispositions avant de partir. Za' ?
Tandis que Zedd et Helnyé s'en allèrent, elle se leva et s'approcha le moi. Je pris ses mains entre les miennes.
-Je suis désolée que tu prennes ces responsabilités aussi tôt. Mais ce ne sera que sur une période de quelques mois. Je te mettrais au courant de toutes nos affaires demain. Dans un premier temps, Zedd sera là pour t'aider à prendre tes marques. Appuies-toi aussi sur Sage Uzokreen. Un Haut-Prêtre et une Haute-Prêtresse ont des rôles complémentaires. Donc, n'oublies surtout pas : vous êtes deux à diriger le Clan. Si tu peux compter sur Zedd en cas d'hésitation ou de coup dur, l'inverse est également vrai : il doit pouvoir compter sur toi s'il en a besoin. D'accord ?
Zaelle déglutit péniblement et acquiesça.
-Tu ne m'as jamais rien dit sur cet épisode de ta vie. Questionna Zaelle, arborant une mine inquiète.
-Cette période fut marquée par le sceau de la noirceur et dans laquelle j'étais complètement perdue : j'avais tout simplement sombrée dans la folie. Soupirais-je profondément. Aujourd'hui, je n'ai pas envie d'en parler. Peut-être un autre jour serais-je prête à me Confier à toi.
Zaelle me souria, me montrant ainsi qu'elle me comprenait.
-Harbarôr. Interpellais-je. J'accepte de t'aider. Mais je serais présente pour notre entrevue avec Fengel demain : hors de question que je laisse Zaelle et Zedd seuls face à ce fou furieux. Je veux régler ce problème avec eux avant de partir. Nous sommes d'accord ?
-Bien évidemment.
-Je suis ravie de t'accueillir pour la nuit.
-C'est avec plaisir que j'accepte ton invitation.
-Ryga ? Appelais-je en direction de l'ouverture de l'Asba.
-Haute-Prêtresse ? S'enquit mon secrétaire particulier, en apparaissant dans l'encadrement de l'ouverture.
-Harbarôr est notre invité pour cette nuit.
-Très bien.
-Je suis ravi d'aller me reposer un peu. Le voyage fut long. Dit Harbarôr en se levant de son siège. Nous nous voyons ce soir pour discuter des détails ?
J'acquiesçai et contemplais Harbarôr suivre Ryga jusqu'à une des Asbas déjà préparées que nous réservions aux invités surprises.
-Oh ! Zaelle ! Dans quelle merde me suis-je mise ?
(1) Zedd : Zeddicus Zul'Zorander, Premier Sorcier de son Ordre, est un personnage fictif dans le cycle L'Epée de Vérité, dont je suis une grande fan, écrit par Terry Goodkind. "Zedd" est le diminutif de son patronyme, utilisé par ses amis.
